C.N.R.S.
 
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     ÉTONNER     
FEW III *extonare
ESTONNER, verbe
[T-L : estoner ; GD : estoner ; GDC : estoner ; AND : estoner1 ; DÉCT : estoner ; FEW III, 329b : *extonare ; TLF : VIII, 264a : étonner]

A. -

"Ébranler qqn ou qqc."

 

1.

Estonner qqn. "Ébranler qqn (physiquement), lui faire subir une violente commotion (par des coups, des violences, du tapage...)" : Et pour ce ce maillet (je) porte, A fin que (point) ne le deporte, Ains que le fiere et estonne Et (que) le tuë et (que l')assomme. C'est quant le pot est bien contrit Et bien froissie, si com j'ai dit ; Quar se contrit avant n'estoit, Ja mon maillet ne le pourroit Ne adeser ne li ferir (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. S., c.1330-1331, 68). Quant Girarz l'ot parler, tel cop dou poing li donne A tout le gantelet qu'a bien pou ne l'estonne (Gir. Ross. H., c.1334, 255). ...et descendi le coup par dessus l'espaulle du roy si merveilleusement qu'il cheÿ a terre tous estonnez (Bérinus, II, c.1350-1370, 178). ...il le va tellement estonnant Qu'Olivier chancela, a terre va clinant (Gir. Vienne D.B., c.1350-1400, 200). Messires Oudars se destourna contre le cop et ne falli pas au chevalier consievir, mès le feri telement de sen espée, en passant sus son bacinet, que il l'estonna tout et l'abati jus à terre de son cheval. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 49). Tant par estoit de pitié vuiz Qu'avant d'un baston l'estonnast [povre homme] Qu'aumosne nulle li donnast. (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 245). Lors broche le cheval des esperons par grant fierté et tourne vers le roy, l'espee ou poing, et le fiert sur le bacinet par tel air et de telle force que il le fait embroncher sur le col du destrier, si estonnez que il ne scet se il est jour ou nuit, ne il n'a de force ne povoir de lui soustenir ne aidier. (ARRAS, c.1392-1393, 162). Moult fu le jayant doulent quant il voit son levier ainsi et par telle maniere froez, et gesir sur la place, car il ne se ose abaissier pour le prendre. Lors sault a Gieffroy et lui donna si grant coup du poing sur le bacinet qu'il l'estonna tout. Mais il ot le poing tout enflé et estourmy du grant coup. Et Gieffroy le fiert de l'espee sur la cuisse tellement qu'il lui embat demy pié ou braon. (ARRAS, c.1392-1393, 264). ...[les Ecossais] fissent tantos tant de feus que mervelles estoit a regarder. Et fissent entre nuit et jour si grant bruit de corner et de buissener, tout a une fois, et de juper apriés, tout hault et de diverses vois, que li Englois en furent tout estonné. Et sambloit que tous les diables d'infier fuissent la entre euls. (FROISS., Chron. D., p.1400, 144). Si garde si bien le trespas Que nul n'ose passer le pas Contre lui, pour les coups qu'il donne, Dont tous les pourfent et estonne (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 307). ...estourdi, estonné, et comme en litargie. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 4). Le jayant, come foursené, sailly sur piés. Il vint vers Gerart, sy luy donna ung cop de poing sy grant que tout l'a estonné. (Gérard de Nevers L., c.1451-1464, 111). ...sy luy donna tel cop au plus hault de son healme que tout estonné le porta ou milieu dez siens (Comte Artois S., c.1453-1467, 77). Et la y avoit si grant hu que on en estoit tout estonné (Charles de Hongrie C., c.1495-1498, 146).

 

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Estonner qqn mort. "Assommer qqn" : Avant, avant ! t'espée sache, Brise Godet, et si l'en donnes Si grant cop que tu le m'estonnes Tout mort icy. (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 11).

 

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Estonner une partie du corps, un sens... "Ébranler (au propre ou au fig.)" : Colée m'a donné trop male : J'ay la teste toute estonnée. (DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 191). Il furent tout doi si dur rencontré de deux pières jettées d'amont qu'il en eurent leurs bachinés effondrés et les tiestes toutes estonnées. (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 67). Et celle yave qui est la oie Tant grieve et estonne l'oie Que de leur nature essourdis Sont la gent cy, pour voir te dis (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 67). Si arraisonne Son compaignon a qui sa foy s'adonne, Et toute nuit la teste lui estonne De lui compter comme elle est belle et bonne, Et du semblant Qu'el lui a fait, comme il cuide, en emblant, Et qu'el müa sa couleur en tremblant (CHART., D. Fort., 1412-1413, 169). ...noz oreillez seroient estonneez et noz cueurs espoentés de ouir la doloureuse affliction et les piteuses plaintes dez bons Franchoys (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 11). Sonnés trompilles et trompetes Pour mieulx leur estonner leurs testes. (Pac. Job M., c.1448-1478, 272).

 

-

Empl. pronom. : ...Grans coups se vont entredonner Siques tous se vont estonner. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 188). Et les puissens qui rien ne donnent, Qui sont vaillant et qui s'estonnent, N'aront pas louange d'eulx : Au soir diront qu'ilz sont breneux, Chetis, recreans et faillis (DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 286). Si s'entrelaçoient li un dedens l'autre, et s'esprouvoient au bien combatre de telz armeures qu'il portoient ; et par especial de ces haces donnoient il si grans horions que tout s'estonnoient. (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 128). Adont escoute et si oreille Le martelis, dont s'esmerveille, De ceulx, qui tieulx coups s'entredonnent Qu'ilz s'entre affolent et estonnent (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 299).

 

.

S'estonner la teste : ...duquel perier il chut à terre et se estonna la teste telement qu'il fut par long temps sans parler, et des lors il devint sourt et perdi son sens et sa memoire (Doc. Poitou G., t.7, 1405, 80). Et le Chevalier Bleu le assist sur l'autre chevalier de si grant puissance que, au briser de la lance, il abatit chevalier et cheval tout en ung mont ; et au cheoir que le chevalier fist, il se estonna toute la teste tellement qu'il se pasma tant qu'il sembloit qu'il fust tout mort ; le sang lui sailloit par la bouche et par le nes a grant randon (Charles de Hongrie C., c.1495-1498, 82).

 

2.

Estonner qqc. "Ébranler qqc." : De cel encontre fu la nef dou dit roy si estonnée que elle fu crokie, et faisoit aigue tant que li chevalier dou roy s'en perçurent. (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 93). Car posé que le ciel fust de nature de aer ou de feu et que les estoilles courussent ou volassent parmi et le divisassent et que par ce elles feissent violence et tres grande sonnerie, noientmoins tel son seroit imperceptible a nous et ne pourroit estre ouÿ de cibas pour ce que il seroit trop loing de nous, et par consequent, il ne estonneroit pas et ne corromproit pas les corps de cibas. (ORESME, C.M., c.1377, 474). Et fu ladicte tour tout estonnée, perchiée en pluiseurs lieux et presque toute gastée. (Chron. anon. Ch. VI, D.-A., c.1431, 241). ...faire voix estonne la montaigne et faict cheoir en bas la neige en grande impetuosité (LA BROQUIÈRE, Voy. Outr. S., c.1455-1457, 3). Celluy tref on tire à chaisnes et est fait en manière que on le puisse bouter et retirer, tellement que ceulx qui sont dedans l'engin, pevent par ce tref ferir grans coups contre le mur, si que tout l'estonnent (BUEIL, II, 1461-1466, 50). ...tu es venue droit cy faire tes clamaces, estonner le ciel de tes regrés (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 189). Du long, du large, du carré tant yssoient Que tous les murs du cas retentissoient Suffisamment pour la terre estonner (LA VIGNE, Compl. roy Bazoche M.R., 1501, 404).

 

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"Affecter qqc." : ...Et sa maturité complie Le vin se recueille et entonne S'aultre influence ne l'estonne : C'est manne en l'air de chault confite Ou riens n'y a qui ne profite. (CHAST., Temps rec. D., 1451, 96).

 

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Empl. intrans. [D'une chose] "Être ébranlé" : Crient tant que tout en estonne (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 150).

B. -

Au fig. "Ébranler, frapper moralement, frapper de stupeur" : Après ce Cruautez respont, Qui son parler point ne repont, Einsois se debat et raisonne Si que tous les autres estonne... (MACH., D. verg., a.1340, 41). Si tost comme l'ostesse, (...) Ouÿ celee parole, ausi bien fut celee, Que ce que prestre dit en hault a la volee, En l'eure la maison fut toutë estonnee. (Hern. Beaul. D.B., c.1350-1400, 6). Et aussi il sembloit bien à son visaige qu'il en fust estonné et esbahy. (COMM., I, 1489-1491, 248). Et, incontinent après ledit sacre, furent faiz au roy plusieurs faulx et mauvais rappors dudit conte de Dampmartin par aucuns ses ennemys et malveillans, disans que, se le roy le povoit tenir, qu'il feroit menger le cueur de son ventre à ses chiens. Desquelz faulx rappors ledit conte fut fort estonné et courroucé en son cueur, et pourpensa dès lors soy evader et s'en aller hors du royaulme, pour eviter la fureur du roy, laquelle n'avoit justement deservie. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 143). Et pareillement se rendit au service du roy, soubz la charge dudit grant maistre, Anthoine de la Howarderie, bon et vaillant homme d'armes, et amena avec luy dix hommes d'armes et XX archers, tous gentilz compaignons. La venue duquel esbaÿst fort ceulx de Valenciennes et du pays, lesquelz furent fort estonnez et marris de l'avoir perdu. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 378).

 

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[P. affaiblissement] "Surprendre" : Le roy d'Angleterre estoit tout estonné de veoir ce qu'il veoit, et ouyoit tous les rappors que l'on faisoit par la cité de cest homme, car de luy ne tenoit on plus d'extime (Jehan de Paris W., 1494-1495, 57). Le pape fut quelque peu estonné D'ouyr parler si tres humainement En ung latin si parfait et orné (LA VIGNE, V.N., p.1495, 231).
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin / Pierre Cromer

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