C.N.R.S.
 
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     ESBANOYER     
FEW XV-1 47b *ban
ESBANOYER, verbe
[T-L : esbanoiier ; GD : esbanoier ; AND : esbanier ; DÉCT : esbanoiier ; FEW XV-1, 47b : *ban]

A. -

[Idée d'écart, d'éloignement]

 

-

Empl. intrans. ou pronom. "S'écarter de son lieu ordinaire, s'éloigner" : ...li chisne qui n'ot sa kaine pour cangier Mena en la riviere ung tel duel et plenier Que ses plumes a fait de sa char esragier. Elyas en a pris fourment a larmoiier Et ly a dit : "Mon frere, alés esbanoiier, Et je feray pour vous a Dieu tant depriier Qu'encore vous verrons en corps de chevalier." (Chev. cygne P., c.1356, 97). Il en a juré Dieu, le pere droiturier, Que tant [éd. Lab., 78 : tout] hors du roiaume s'ira esbanoiier [éd. Lab., 78 : esbanoyiier] Se laira cez detteurs ung petit refroydier (Hugues Capet L., c.1358, 2).

 

-

"Se libérer de ce qui oppresse" : Dous amis, seur ton sarcueil Sont mi plaint Et mi complaint ; La m'esbanoy, Par pensée la te voy ; Plus que ne sueil La me vueil ; La sont mi vueil ; La mes cuers maint. La mort pri que la me maint, Car la m'ottroy. (MACH., L. plour, 1349, 288).

B. -

[Idée de divertissement, de bon temps]

 

1.

Empl. intrans. ou pronom. "Se divertir, prendre du bon temps, s'ébattre, s'amuser"

 

a)

[En pratiquent une activité physique valorisante (chasse, tournois...)] : Maint faucon fist porter et maint noble esprevier, As camps ala voler pour lui esbanoiier (Flor. Rome W., c.1330-1400, 142). Pere, s'ai dit Lion cui jonnesse maistroie, Je sus venus a vous car vollantier yroie Au tornoy a Sezille, la m'abaineroie, Car je croy qu'a tousjour plus vaillant j'an serroie. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 116). ...Nous sommes chevaliers de lointain tenement Qui pour adventurer au Dieu commandement Alons esbanoier par le païs souvent. (Tristan Nant. S., c.1350, 270). ...li frere Regnaut le nobile guerrier Furent a icelle heure alé esbannïer. (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 205). ...il ont a consseil qu'il yroient mengier Et puis, apriès lever, yront esbanoiier (Flor. Rome W., c.1330-1400, 154). Voirs est qu'es flaiches de Vedainne Une foiz ou deux la sepmaine Il s'en aloit esbanoier Avec Petre le fauconnier (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 289). Cilx roys estoit montés sur son destrier gascon, Esbanoier s'aloit o deduit d'ung faucon (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 143). Mon seul plaisir, ma douce joye Gist en lances et en escus ; Il vault mieux qu'on s'y esbanoie, Combien que a le foys on s'y noye (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 626).

 

b)

[En s'adonnant à des jeux de société, à la conversation, au badinage, aux jeux amoureux] : Les dames et leur compaignie S'en alerent, ci deus, ci trois, En elles tenant par les dois, Jusqu'en une chambre moult belle ; Et la n'ot il celui ne celle, Qui se vosist esbanier, Dancier, chanter ou festier De tables, d'eschaz, de parsons, Par gieus, par notes ou par sons, Qui la ne trouvast sans arrest A son vueil l'esbatement prest. (MACH., R. Fort., c.1341, 146). Mais souvent a li m'esbanoy Et y preng mon esbatement Sans doubte, aussi hardiement, Com se fust un petit chiennet. (MACH., D. Lyon, 1342, 227). Or le faites sanz delaier, Et nous irons esbanoier En mon jardin. (Mir. femme roy Port., c.1342, 170). Einsi m'aloie esbanoiant, Que point ne m'aloie anoiant En ce biau lieu de toutes pars Ou li clers jours estoit espars. (MACH., D. Aler., a.1349, 257). De tout ce estoit il si duis Que ce n'estoit c'uns drois deduis De li vëoir esbanier. (MACH., D. Aler., a.1349, 279). Tandis que la m'esbanioie Qui en moy oublié avoie Toutes autres merencolies, Tant les dolentes, com les lies, Une dame de grant noblesse, Bien acesmée de richesse, Venoit a belle compaingnie. (MACH., J. R. Nav., 1349, 155). Dont perdu a d'ente le nom, Et d'aubre a recouvré le nom, Sous qui on se puet ombroier Plaisanment et esbanoier. (MACH., J. R. Nav., 1349, 222). "...Ne peut nulz homs entrer si ne chante ou banie." Et Frigonde respont : "Je chante et esbanie. " (Hern. Beaul. D.B., c.1350-1400, 73). Le roy s'estoit levé a nonne de coucher, S'avoit fait aporter ung jolis eschiquier, Pour ce qui se voulloit ung pou esbanoyer. (Ren. Gennes D.B., c.1350-1400, 90). Quant li pueples partis s'estoit, Lors en son vergier s'esbatoit Susannë avec ces pucelles Qui estoient gentes et belles ; Si la vëoient ombroier Tous les jours et esbanoier Li vieillart plein d'iniquité... (MACH., C. ami, 1357, 5). Diray de le roïne qu'ou palais s'esbanoie Forment aime Huon et le prise et conjoie (Hugues Capet L., c.1358, 91). Et ce li souffist que la voie Et que delés li s'esbanoie. (MACH., Voir, 1364, 342). S'une heure m'anoie, L'autre m'esbanoie. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 175). Et atant se taist l'ystoire des autres qui s'en alerent les uns couchier, les autres dancierent et esbanoierent tant qu'il leur plot (ARRAS, c.1392-1393, 41). LE MARQUIS. (...) Jouer voiz en la galerie Avec ces autres chevaliers, Qu'a eulz devise voulentiers Et o mes amis m'esbanoye. (Gris., 1395, 58). Car il pria trop fort a ceulx qui le tenoient que ainçois que on le feist ainsy mourir, au moins qu'ilz le lessassent un petit esbanyer aussy comme pour Dieu regracier et pour lui faire aucune reverence et aucune loenge, laquelle chose ilz souffrirent. (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 93). Si s'aloient esbanoyant Sus le gravier (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 31). Monseigneur, s'en est levé du menger, En la chambre sa fille se va esbanoyer, Et y sont avec lui planté de chevalier. (Galien D.B., c.1400-1500, 25). Nagaires je m'esbanoyoye par le plaisant et fructifiant jardin de la sainte Escripture, tant pour mettre en oubly les miseres, cures et soussis du temps present, et chassier hors Oyseuse, la fole, comme pour ouyr la louenge des sains et sainctes (GERS., Concept., 1401, 388). En ce lieu fu souvent pour lui solasier ; Se venoit à Paris osi esbanoier. (Geste ducs Bourg. K., c.1410-1419, 286). La royne, qui entend ces parolles, pour celle foiz se teust et lui deffent que a quelconque personne n'en die riens, pour garder l'onneur de Madame, en disant que il se falloit aucunes fois puis aux ungs puis aux autres esbanoyer. (LA SALE, J.S., 1456, 262). Hellas, ma cousine, m'amye, Du mal ne se sentoit hÿer, Car je fus une heure et demye Avecques luy m'esbanoyer. (LA VIGNE, S.M., 1496, 489).

 

-

S'esbanoyer à qqc. : ...a fin que mains il m'anoie, Avoecques moi on s'esbanoie A des, as as tables (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 134).

 

c)

En partic. [À propos d'une relation amoureuse et/ou d'un rapport sexuel] S'esbanoyer l'un à l'autre : ...la bonne chrestienne couchoit par grant delit chacune nuyt son filz entre ses bras (...), car il n'estoit rien en ce monde qu'elle amast plus. Or advint ung jour qu'ilz gesirent tous deux ensamble en ung beau lit et par ung matin l'un s'esbanoya tant à l'autre que l'ennemi d'enfer si bouta et tant souffla le feu qu'il fut tout espris et que le valeton fu celluy qui engendra en sa mere son fil et son frere. (MIÉLOT, Mir. N.D. L., 1456, 113).

 

d)

[D'un animal] "S'amuser à lancer son cri" : ...Mais il a commandé a toute sa mesgnye Que droit a mÿenyt que le coq s'esbanye, Viengnent trestous armés en la chambre votie Et prengnent le danzel sans lui tollir la vie (Tristan Nant. S., c.1350, 379).

 

2.

Empl. trans.

 

a)

"Divertir, amuser qqn" : Enne m'appelle on un levrier Fait pour les gens esbanoiier ? (FROISS., Dits Débats F., 1363-1393, 171). Si ont veü les mieus faisans, Les plus preus et li plus vaillans, Et qui ont le mieus tournoiiet Et les dames esbanoiet. (FROISS., Méliad. L., t.1, 1373-1388, 200).

 

-

Esbanoyer son corps : Es festes et es parlemens Vont [les chanoines] pour lour corps esbaloier. [var. esbanoier] (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 53).

 

b)

"Divertir (détourner l'attention), d'où abuser, tromper" : Vecy enchanterie ! Maudit soit li faulx gloux qui si nous esbanie ! (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 59).

V. aussi esbaloyer
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Robert Martin / Pierre Cromer

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