C.N.R.S.
 
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     ÉPÉE     
FEW XII spatha
ESPEE, subst. fém.
[T-L : espee ; GD : espee ; GDC : espee ; AND : espee1 ; DÉCT : espee ; FEW XII, 140,141a : spatha ; TLF : VII, 1308a : épée]

A. -

[Arme]

 

1.

"Arme offensive, longue et aiguë, qui se porte au côté" : Jamais n'en ira plus avant : Tranchez li le chief de s'espée. (Mir. femme roy Port., c.1342, 175). Car tuit Juïf furent destruit, Li uns pendus, li autres cuit, L'autre noié, l'autre ot copée La teste de hache ou d'espée. (MACH., J. R. Nav., 1349, 145). ...La desesperée, la fole, Qu'amours honnist, qu'amours afole, L'espée d'Eneas trouva Et en son corps si l'esprouva Qu'onques ne se pot espargnier Qu'en soy ne la feïst baingnier. (MACH., J. R. Nav., 1349, 209). Qu'est ce cy ? Ay je espée a fol ? Estre souloit la miex tranchant Qui fust de cy jusqu'a Larchant (Mir. st Panth., 1364, 367). Et se là ne le puet ataindre, Au roy de France s'ira pleindre, Et en sa court le metera S'il puet ; et si combatera De hache, de glaive ou d'espée. (MACH., P. Alex., p.1369, 227). ...si comme l'en diroit que une espee occist et si est ce chose senz ame, ou comme l'en diroit que la main occist ou le sergent de celui qui le commande. (ORESME, E.A., c.1370, 314). Lesquelx Beaubarbier et Caisin estoient garniz chascun d'une espée et d'une taloche, arc et sayetes, et ledit Caisin d'une cote de fer et d'un bracelez de fer, qu'il avoit vestus et miz (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 64). ...quant il vint emmi la rue, apperçut que deux hommes se entrebatoient de leurs espées ou badelaires, qu'il avoient sachez nus (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 83). ...en ferant (...) sur lui d'espées et d'autres bastons (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 223). Et estoit Remondin tousjours au plus prez de lui, sur un coursier, l'espee ceinte et l'espie au col. (ARRAS, c.1392-1393, 18). Et [le nepveu du roy] l'escria : A la mort ! Faulx traitre, me veulz tu tollir mon heritaige ? Et traist l'espee en ce disant, et cuida ferir vostre pere d'estoc parmy le corps, mais il tressailly, et en passant que le nepveu du roy fist, il lui osta l'espee des mains. (ARRAS, c.1392-1393, 50). Et [Remondin] retourne sur le chastellain, et le fiert de l'espee sur le bacinet si rudement, a ce que le bras fu fort et l'espee pesant, qu'il fu si estourdiz qu'il perdy les estriers ambedeux, et lui vola l'espee de la main. (ARRAS, c.1392-1393, 72). Et Uriien le fiert de la bonne espee entre le chief et les espaules. Le soudant estoit embrunchiez, et le heaume estoit court par derriere, l'espee trouva le col nu, excepté le gambison de la gorgerete, et trencha l'espee le ganbison tout oultre et les deux maistres vainnes et les tendans jusques au gorgeron. (ARRAS, c.1392-1393, 113). Il tourne la targe derrier le doz et empoingne l'espee a deux mains, et va ferir Uriien sur le coing du bacinet un grant coup de toute sa force, et la couppe du bacinet estoit grandement dure. L'espee glissa et vint descendre sur le col du destrier et lui entra si avant qu'il lui trencha les deux maistres nerfs qui soustenoient la teste du cheval. (ARRAS, c.1392-1393, 137). Anthoine estoit sur un hault coursier liart, vestu d'un jaque de veloux cramousi, tout broudé de perles et de pierrerie riche et chiere, l'espee ou costé, le chappel de perles ou chief, un gros baston ou poing (ARRAS, c.1392-1393, 165). Et vous meismes, Mere de Dieu glorieuse - mieulx ne vous scay je dire ! -, vous eustes le cuer si doloreux a l'eure de la benoitte passion comme s'il eust esté party d'un glaive ou d'une espee (GERS., Déf., 1400, 220). ...le roy plain de felonnie De s'espee le vint occire (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 307). ...et, qui pis est, les poursuirent et chacerent à espées, dagues, couteaux, ars et saiectes (BAYE, I, 1400-1410, 101). Et encores nagueres que quant on vouloyt faire chevalier, il prenoyt l'espee de dessus l'autel (JUV. URS., T. rever., 1433, 73). ...je suis assez armé pour en combatre ung aultre, mais que j'aye une espée en ma main (C.N.N., c.1456-1467, 437). Il le fit sevellir, et magnifiquement, et au hault de sa sepulture il fist mettre son espee Durandal, et prés de ses piés il fist mettre son cor, non obstant que, indignement, aprés celluy cor fut emporté en l'eglise de Saint Severin a Bourdeaulx. (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 214). Or tenez, vela ma salade Qui n'est froissee ne coupee : Je la vous rens, et mon espee. Et faictes prier Dieu pour moy. (Fr. arch. B., c.1468-1480, 40). Michel, va le temple [de Jérusalem] casser De ton espee sans faulser ! Mect en piesses une partie ! (Pass. Auv., 1477, 224). BEAUCOP. Et le paillart se raille Et tire son espee, aprés Il vous fourroit en ceste paille Comme ce c'estoit beurre fraiz. (B. veoir, p.1480, 20). ...et, au dessus dudit palais, constitua ung chevalier d'arain qui tenoit une espée vibrante, faisant contenance et semblant de menacer icelle partie. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 70 v°). Tendez le col, haulsez ung peu la gorge, En vous mectant a genoulx, mon amy ; De ceste espee tout venant de la forge, Des coups aurez plus de deux et demy. (LA VIGNE, S.M., 1496, 173). Iceluy prisonnier, qui estoit Suisse, cuida tirer l'espée dudit Gallant, mais il [l'] en garda bien et la tyra luy mesmes et en tua ledit prisonnier. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 141).

 

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[Dans un contexte métaph.] : Et se Desirs m'assaut ou me travaille, Douce Pité veinquera la bataille Et Franchise, par s'espée qui taille Com vens de bise. (MACH., Compl., 1340-1377, 260). Car ce qu'estre soloit tout vert Estoit mué en autre teint, Car bise l'avoit tout desteint Qui mainte fleur a decopée Par la froidure de s'espée. (MACH., J. R. Nav., 1349, 138). L'armeure dont saint Pol fait mention est le chaint de chasteté, le haubert de justice, la chaucheure de bon exemple, l'escu de foy, le heaume d'esperance et l'espee d'oroison spirituele qui est la parole de Dieu. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 286). Et quant vient vers la Saint Martin, Fueille et flour et toute verdure Couvient tourner en pourreture Pour le froit et les temps divers Qui s'approuchent, pour les yvers Qui trenchent d'arbres et de prée Tout le vert a leur froide espée, Et se boute l'umeur en terre: On ne scet lors la flour ou querre, Tant est sec, perdu et desmis. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 191).

 

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Prov.

 

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À l'espee taille on le droit : Il a dit que ses gens assemble Vostre maistre quant il vourra Et fache ce que bon lui semble Et il fera ce qu'il pourra. Qui fera mieulx lors y parra, Vainque qui poeut en son endroit : A l'espee taille on le droit (TAILLEV., Prise Luxemb. D., 1443, 167).

 

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Il n'est si dure espee que de faim : ...comme on dit communément, il n'est si dure ne si tranchant espée que de fain (WAUQUELIN, Gir. Ross. M., 1447, 48).

 

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Paix gagne l'espee. "La paix est plus forte que la guerre" : Paix vaint toute malice et toute yre. Sans paix nul ne peut avoir victoire. Saint Pol dit que avec paix toutes autres vertus coeurent ; mais paix court le mieulx, car elle gaigne l'espee. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 41).

 

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Le coup de langue est pire que le coup d'une espee d'acier : «...Pis vault le coup de langue que d'espee d'assier !» (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 219).

 

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[Même idée] : Car oncques morsure de serpent, cop d'espee ou autre pointure ne fut tant venimeuse comme langue de personne envieuse, car elle frappe et tue souvent soy et aultre, et aucunes fois en ame et en corps. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 148).

 

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[Sentence] Il est plus seur et plus aisé de combattre par conseil que par l'espee : Et, par telz moiens, tres souvent et sans peril, il surmonte sa maladie et rent l'omme sain et guary, par quoy conclut Cesar qu'il est plus seur et plus aisié combattre par conseil que par l'espee. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 141).

 

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Demie espee. "Épée courte" : ...et ceulz sont garniz de grans et bonnes armeures comme de hyaumes, plates, escuz et grans glaives que on appelle espees et autres qu’on appelle demies espees, ou fauchons, et ont plommees actachees aux escuz sicomme dessus est dit. ["demies espees ou faucons" trad. lat. semispatha] (VEGECE, 1380, II.15). Aprés tous les ostz ou toutes les batailles de l’ost li tiercenier armez d’escuz et d’armeures pour corps, de heaumes, de trumelieres, de glaives, de demies espees, de plommees et de doubles dars doivent avoir leur lieu ["demies espees" trad. lat. semispatha] (VEGECE, 1380, II.16).

 

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Espee à deux mains : ...il n'oblya pas sa grande, forte et bonne espée a deux mains. (C.N.N., c.1456-1467, 50).

 

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Espee d'armes. "Épée destinee au combat" : ...au François une bonne espée d'armes fist en la main livrer (C.N.N., c.1456-1467, 57). ...en combatant Saintré perdit sa haiche (...) mais tost il print sa grant espee d'armes qui a son destre costé a un croichet pendoit, et de celle se combatoit et se couvroit tresvaillanment. (LA SALE, J.S., 1456, 186).

 

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Espee de chasse : ...une espée de chace (Comptes roi René A., t.3, 1452, 267).

 

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Espee de guerre : Lors s'avancièrent aucun homme d'armes à tout espées de guerre, fortes, dures et estroites, et li enfillèrent par desous ou corps, et le tuèrent là sus le place. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 78).

 

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Espee de jet. "Épée destinée à être lancée" : ...et lors on lui baille en sa destre main sa lance ou son espee de giet pour offendre et soy deffendre au mieulz qu'il puet. (LA SALE, J.S., 1456, 33).

 

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Espee de tournoi : [Funérailles du comte de Flandres] Item s'ensieuwent chil qui offrirent les glaives de la gherre (...) Item s'ensieuwent les noms de ceux qui offrirent les espées dou tournoi. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 161).

 

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[Épées réputées] Espee de Bordeaux/espee lyonnaise : Pour avoir fourbi netoié et mis en bonne ordonnance 7 grans espees de Bordeaux prinses au Louvre en l'armoierie dudit seigneur (Comptes écurie Ch. VI, B., t.2, 1401,,, 116). Item, ne vueil plus que Chollet Dolle, trenche douve ne boise, Relie broc ne tonnelet, Mais tous ses houstiz changer voise A une espee lïonnoise, Et retiengne le hutinet : Combien qu'il n'ayme bruyt ne noise, Sy lui plaist il ung tantinet. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 93).

 

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Espee de parement : ...pour faire fourbir II paire de plates, un heaume à jouster de fer de glaive et une espée de parement pour Monseigneur (Compte Navarre I.P., 1367-1371, 391). ...pour avoir fait pour MdS pour l'espée de parement pour avoir souldé dessus trois fermoirs des tuyaulx tout de neuf (Comptes Lille L., t.1, 1416, 110). ...la grant espee de parement du Roy, dont le pommeau et la croix estoient d'or, la seinture et la guayne d'icelle couvertes de veloux asur semé de fleurs de lis d'or, la boucle et le mordent et la bouterolle de meismes. (LE BOUVIER, Chron. Ch. VII, C.C.J., c.1451-1455, 324).

 

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Espee (toute) nue. "Épée dégainée" : Et cil se party d'eulx, esprins de mal talent, et s'en vint, l'espee toute nue tenant d'une main par la poignie, et de l'autre main par l'alemelle, en lui escriant : A mort, a mort, faulx traitre ! Et cuida ferir mon pere d'estot par my le corps (ARRAS, c.1392-1393, 58). ...l'espee toute nue en sa main, il salli de sa nef en la nef espagnolle et vint coper les mestres cordes (FROISS., Chron. D., p.1400, 889). La n'a droit civil, ne canons, Ne foy, n'amour, ne loy tenue, Fors a l'espee toute nue, Ou de hache, ou de besagüe, Ou de lance aceree agüe S'entre pourfendent les cerveles Et se respendent les bouelles. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 250). Et ces choses faictes, ledit conte de Warwyk print ledit Henry et l'amena tout droit en la ville de Londres, et portoit l'espée nue devant ledit Henry comme son connestable. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 8). Et ainsi le fist crier et publier par tous ses pays ; et ceulx qui faisoient lesdictes publicacions, en icelles publiant, tenoient en une main une espée toute nue et en l'autre une torche alumée, qui signifioit guerre de feu et de sang. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 184). Il prent une espee nue et fait semblant de vouloir tuer en le serchant. (LA VIGNE, S.M., 1496, 293).

 

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À force d'espee. "Avec acharnement" : Et Gieffroy est au pertuiz ou il combat a force d'espee ses ennemis. (ARRAS, c.1392-1393, 204).

 

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Au tranchant de l'espee. "En se battant (à l'épée), par la force des armes" : Or ne porrons issir de cy jour ne vespree Et deffendre la ville au trensant de l'espee. (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 366). «...Se Bernard a besoing ne riens qu'i desagree, Se lui voeullés aidier au trenchant de l'espee...» (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 428). ...jadis il le conquesterent [ce pays] (...) Par force au tranchant de l'espee (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 110).

 

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HIST. ROMAINE Joueur de l'espee. "Homme qui combat à l'épée devant des spectateurs, gladiateur" : ...car .xx.m hommes y avoient esté tuéz pour le tresbuchement du theatre comme ilz s'i tenoient pour veoir les jeux des joueurs d'espees ["joueurs d'espees" trad. lat. gladiator] (MAMEROT, Romuleon D., 1466, 308).

 

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Estre à l'espee. "Être tué au moyen d'une épée" : Or, ay ge veu depuis X ans Qu'i ne furent que XX Anglois Qui deroquerent de tous sans La quantité de cent François ; N'en rechappa ne II ne trois Que tous ne fussent a l'espee, Fort aucuns qui furent de pris (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 598).

 

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Faire sentir son espee à qqn. "Transpercer quelqu'un d'une épée" : Cil seroit bien outrecuidier Quil le roy deffïer vouldroit. Certes, mou'chier le conparroit, M'espee luy feroie santir. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 105).

 

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Mettre l'espee au fourreau. "Cesser le combat, faire la paix" : Et de tout a apris a forgier ledit Blanc Faucon ["le roi d'Angleterre"] couronne a ma precieuse forge, que il a determine par sentence inrevocable de faire mectre l'espee au fourreau de chevalerie, en convertisant les saiectes des ars d'Angleterre a cerfs et a bestes mues et avoir bonne paix au Blanc Faucon, au bec et piex dorez ["le roi de France"] (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 399). ...se nostre espee temporelle, trenchant et bien ague, par le jugement de Dieu ne sera refrenee, il n'aura roy ne prince en la Crestiente catholique qui n'ait aucune occasion de mectre s'espee ou fourreau s'il vouldra vivre en paix avec l'eglise a consoulacion. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 301).

 

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Mettre main à l'espee : Et Remondin [fremist] tout ainsi comme uns homs qui s'esveille en seursault, et met main a l'espee, comme cil qui cuidoit que les gens du conte lui venissent courir sus. (ARRAS, c.1392-1393, 24).

 

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Mettre qqn à l'espee (fourbie). "Passer qqn au fil de l'épée, tuer qqn" : Une cité (...) Grande et puissant, et ferme, et forte ; Mais il n'i ot ne mur, ne porte, Ne gens qui la peüst deffendre Que li bons rois ne l'alast prendre, Et destruire, et mettre à l'espée ; Et si l'a toute arse et bruslée. (MACH., P. Alex., p.1369, 20). Mais leur follie redoublerent, Car Scipïo, qui fu moult sages, Le feu fist mectre en leur hebarges, Si qu'ilz ne sçorent qui ce ot fait, Et ainssy les surprist de fait Et tres tous les mist a l'espee (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 229). ...et misrent les Anglois tout a l'espee les François. (JUV. URS., T. crest., c.1446, 110). ...comme ils disent, [ilz ont] deliberé de piller la ville de Bruges et mettre à l'epée tous ceux qui y contrediroient. (Lettres Ch. VIII, P., t.2, 1488, 253). ...et y fut tué XL mille hommes et plus et prins mille et deux cens prisonniers et la cité mise en feu, et femmes et enfans tout à l'espée, le premier des kalendes de juillet, l'an XIIIe du resne de Neron (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 74 v°). ...lequel, après plusieurs durs et merveilleux assaulx, la print [la cité de Jaffa] et mist à mort à une foiz XIIm hommes, et XVm captifs, femmes et enfans, jeunes et vielx, mis à l'espée. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 75 r°). LE FILZ DE L'EMPEREUR. Mettez tout a l'espee fourbie, Quant vous serez en la partie De Gaule, je le vous command. TARQUIN. Treshault prince, je vous affie Que ja pie n'en lairron en vie, Tant que tout vous soit obeissant. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 153).

 

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Mettre sa cause sur la pointe de l'espee. "Soutenir sa cause par la force armée" : ...qu'il mette sa cause aussy sur la pointe de l'espee, là où force luy fait foule. (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 438).

 

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Prier l'espee à la main. "Accompagner ses prières de menaces" : Et prioit li dus de Braibant, l'espée en le main ; car il leur faisoit dire, se il le marioient ailleurs que à sa fille, il leur feroit guerre. (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 86).

 

-

S'occire de l'espee. "Se tuer d'un coup d'épée" : ...quant il [Geoffroy] vint aux champs, si se retourne vers l'abbaie, et voit le meschief et le dommage qu'il avoit fait. Lors se plaint et se guermente et se nomme faulx et mauvais, et se dit tant de laidure qu'il n'est homs qui le peust penser s'il ne le veoit ou ouoit. Et croy que de fin ennuy il se feust occiz de l'espee, se ne feust que les X. chevaliers y vindrent, qui bien l'avoient ouy dementer et plaindre. (ARRAS, c.1392-1393, 252). Adont, quant ceste chose sceurent, Oncques ..II.. gens plus grant dueil n'eurent, Mais tant fu Edipus dolent Que de plus vivre n'ot talent, Ains se cuida de son espee Occire, mais, des mains happee Lui a la royne dolente, Qui piteusement se guermente De sa doulereuse aventure, Et trop est ceste chose dure A Edipus, qui entechié Se sent de si villain pechié. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 294).

 

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En partic. [Dans la cérémonie d'adoubement] Faire qqn chevalier d'une espee : Et après le service vint Uriien devant le roy, et trait l'espee du feurre, et s'agenoilla devant le lit ou le roy gesoit, et lui dist : Sire roy, je vous requier, pour tout le salaire du service que je vous pourroye jamais faire, que vous me faciez chevalier de ceste espee, et vous me aurez bien remuneré tout ce que vous dictes que je et mon frere avons fait pour vous, car de main de plus vaillant homme je ne puis recevoir l'ordre de chevalerie que de la vostre. (...) Lors ot le roy grant joye, et se dreca en son seant, et print l'espee par la poingnie que Uriiens lui tendoit et lui donna la collee en disant : Ou nom de Dieu, chevalier soiez, qui vous ottroit amendement. Et puis lui baille l'espee. (ARRAS, c.1392-1393, 118-119).

 

2.

JEUX

 

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Jeu de l'espee à deux mains : ...a ung lieu près de Bayeux, ouquel avoit grant nombre de gens assemblez pour ung jeu publique qui y estoit, c'est assavoir de l'espée a deux mains. Et après ce que aucuns eurent joué audit jeu, ledit suppliant et ung autre appellé Jehan Cocquet, qui estoient bien amis, jouerent l'un contre l'autre. Et avant qu'ilz encommençassent leur jeu, toucherent des mains l'un a l'autre par bonne amour, comme a acoustumé de fere audit jeu. Et en jouant advint que ledit Jehan Coquet (...), en voulant frapper ledit Adam et obtenir victoire contre lui audit jeu, s'aproucha d'icellui Adam, et de l'espée dudit Adam, qui se tenoit sur sa garde, fut frappé en l'ueil dextre (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1426, 376).

 

-

Jouer d'une espee à deux mains : ...ledit suppliant et ung nommé Jehan Duboys, varlet de ladicte vefve, s'esbatoient et jouoient d'une espée à deux mains, et en eulx esbatant rompirent les cordes des courtines du ciel du lit de la chambre de ladicte vefve (Doc. Poitou G., t.9, 1453, 346).

 

Rem. Cf. J.-M. Mehl, Les Jeux au royaume de Fr. du XIIIe au déb. du XVIe s., 1990, 63-64.

 

3.

P. anal.

 

-

"Couteau à usage domestique" : ...II espées de fer (...) pour couper chandelles et torches en Fruicterie (Comptes hôtel rois Fr. D.-A., 1380-1381, 81). ...II espées neuves, pour ouvrer en Fruicterie la Royne (...) pour tranchier l'ouvraige dudit office (Comptes hôtel rois Fr. D.-A., 1401, 154).

 

-

"Échelon du volant, chacune des lattes parallèles fixées en travers de la vergue et destinées à supporter la voile (du moulin)" : ...pour une saulx pour en faire soijer espees dit en flamenc "sceedes", pour reparer les volans (Doc. 1410. In : Y. Coutant, Terminol. du moulin médiév. dans le comté de Flandre, 1994, 640).

 

-

"Traverse de bois de consolidation" : ...avoir refait ung espondiz contre la rive et au devant de le fosse du dit mollin (...) et y assiz pluiseurs pillos de quesne (...), iceulz clos d'aisselles et garni de clefz, ventrieres, espees et autres choses a ce servans (Doc. 1420. In : Y. Coutant, Terminol. du moulin médiév. dans le comté de Flandre, 1994, 640).

B. -

[Comme symbole]

 

1.

[De la violence guerrière]

 

-

A l'espe/par l'espee. "Par la force, militairement" : ...Rollo si conquesta Normendie a l'espee (JUV. URS., T. crest., c.1446, 69). ...Et si signefie conqueste, Qui est chose belle et honneste. Car quant uns haus princes conquiert Par l'espée, gloire en acquiert, Honneur et profit tout ensamble, Et bon memoire, ce me samble. (MACH., P. Alex., p.1369, 15). ...et pour ce s'en allerent conquerant païs et terres par leur vaillances et aprés recouvrerent leur terre de France noblement a l'espee, laquelle ilz ont tenue franche jusques a cy quant au regart de leur prouffit singuler. (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 2). Dont depuis, com je puis entendre, De lui descendi Alixandre, Le grant empereur qui conquist Le monde et a l'espee acquist. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 152). ...pourquoy le duc congneut evidemment qu'il falloit, par l'espée et par le sang, abaisser cest orgueil desreiglé. (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 304).

 

-

À la pointe de l'espee : ...ilz ne auroient ne chemin n'entree dedens la chambre se ilz ne le avoient premierement a son propre corps et a la pointe de l'espee. (RASSE BRUNH., Flor. Elvide B.N. C., a.1456, 16).

 

2.

[De qqc. de dangereux] : A che s'acorde la parole de saint Cyprian dessus alleguee disant : qui est cilz qui ne doie avoir en horreur la fenme laquelle embrasse es jovenceaulx le nourrissement de pechier, laquelle se exposse a cheulx qui le voient comme espee et comme venin : «Qui est cilz qui ne doie fuir che qui est a aultrui cause de mort ?" (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 384).

 

3.

[D'un pouvoir]

 

a)

[de la justice] : Dont anciennement, quant aucun officier, par le quel le roy faisoit son jugement et punissoit les pecheurs, se disposoit et prenoit l'espee pour faire justice, on li disoit : "prens, obeïs a la franchise de la loy" (FOUL., Policrat., IV, 1372, 53). ...le roy, qui est juge publique et de Dieu tient l'espee pour faire justice des maufaicteurs, n'osera faire justice des dessusdiz tonsurez (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 301). Pieça, dit nostre mere saincte Eglise, regna Justice la glorieuse seant sur son throne espouentable de verité, et tenant l'espee tranchant de vengence et de exterminacion. (GERS., Purif., 1396-1397, 61).

 

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Espee de justice royale : Monsieur le grant escuier d'escuyrie Devant le roy d'affection loyalle, Moult bien en point, chargé d'orphaverye, Portoit l'espee de justice royalle. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 216).

 

b)

[du pouvoir séculier ou spirituel]

 

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Espee temporelle/espee seculiere. "Puissance qu'a la justice laïque de condamner à mort" : Mais depuis que nous eusmes les grans richesses, les grans seigneuries, les citez, les chasteaulx et les forteresses, et presismes l'office de l'espee seculiere, nous, qui par nostre profession evangelique devions estre mors au monde, enpresismes a juger et condempner et faire mourir les vifz. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 300). ...et par noz decretales et nouveaux droiz positiz en laissant derriere et comme chose oubliee la code des anciens canons et des huyt conciles generaulx, nous avons dilacte nostre puissance aussi sus toutes personnes seculieres, ouvrans souvent rigoreusement de l'espee temporelle, voire sus forme apparant debonnayre de nostre espee espirituelle. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 301).

 

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Espee spirituelle. "Pouvoir juridique de l'Église" : ...nous avons dilacte nostre puissance aussi sus toutes personnes seculieres, ouvrans souvent rigoreusement de l'espee temporelle, voire sus forme apparant debonnayre de nostre espee espirituelle. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 301).

 

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[Symbole de la puissance de Dieu] : Tu mens, voir ! Pour ç'apparillier Voy l'angle de Dieu sans doubtance Qui tient l'espee de vengence Dont en deus pars te partira, Ne jamais ne se partira, Se soiez vous mors et peris En biens, en corps, en esperis. (MACH., C. ami, 1357, 15).

 

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[Symbole du chef suprême des armées] Espee de France : Cestui [André de Sully] fut baillé audit messire Berthrand le IIe jour d'octobre mil IIIcLXIX, quant l'espée de France lui fut baillée et qu'il fut fait conestable de France (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 143 v°).

C. -

P. méton. "Personne qui prend la défense de qqc." : Dieu et l'eglise Et loyauté aimme, et si bien justise Qu'on le claimme l'Espée de justise. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 106). Vous estes les eschaquez pour France rennoyer Et le vray estandart pour France ralier Les espéez de foy pour la loy efforcer, Le blason de prouesce pour les François targer (Galien D.B., c.1400-1500, 35).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

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