C.N.R.S.
 
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     ENVOYER     
FEW IV inviare
ENVOYER, verbe
[T-L : envoiier ; GD : envier1 ; GDC : enveier ; AND : enveier1 ; DÉCT : envoiier ; FEW IV, 796a : inviare ; TLF : VII, 1283a : envoyer]

Empl. trans.

A. -

[Idée de déplacement]

 

1.

[Déplacement demandé à une personne] Envoyer qqn. "Faire aller, faire partir qqn"

 

a)

Envoyer qqn (qq. part)/(à/(par) devers qqn)

 

-

"Demander à qqn d'aller (auprès de qqn)/(qq. part), adresser qqn à qqn" : L'ERMITE. Sire, sachiez en bonne foy La mére Dieu a vous m'envoie (Mir. femme roy Port., c.1342, 197). ...lequel chamberier lui respondi et dist : Alez-vous-en, et tantost après vous je envoyeray le tabellion de chapitre, lequel tabellion vint assez tost après en l'ostel dudit defunct. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 82). ...ledit Laisné (...) lui dist que une dame l'envoyoit devers lui pour ce qu'elle avoit perdu un coffre ouquel avoit huit frans (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 281). Monseigneur, madame m'envoie encores icy s'excuser devers vous (C.N.N., c.1456-1467, 270). ...et voulut fere translater et interpreter toute la loy et escripture sainte des Hebrieux en son langage grecq, et pour ce fere manda messages exprès à Eleazar, chief des Juifz, qu'il lui envoyast des meilleurs et les plus grans docteurs de toute Judée, ce qu'il fist et lui en envoya septante deux que l'on dit les 72 (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 59 r°).

 

-

"Ordonner à des gens d'armes de rejoindre (leur poste, leur affectation...)" : Ja s'estoient armez Hervy et Alain, et leur lignaige, et avoient envoiez leurs gens devant en embusche, a moins de demy lieue du recept. (ARRAS, c.1392-1393, 71). Cy vous leray de l'assault, et vous diray de Uriien et de ses gens, qui avoient envoié leurs espies en l'ost (ARRAS, c.1392-1393, 111). Et, chier sire, pour le grant honneur et la grant noblesce qu'ilz ont veue en vous, ilz desirent a estre voz bons amis et que vous les ayez pour recommandez, et vous envoient quatre cens hommes d'armes et cent arbalestriers d'estoffe (ARRAS, c.1392-1393, 177). Si prindrent lesdis chevaliers leur chemin tout droit par la Champaigne, et de la envoyarent ung chevaulceur jusqu'a Paris (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 31).

 

-

En partic. Envoyer un ambassadeur, un mandataire... : ...messires Hues (...) prist tantos deus chevaliers de son linage et les envoia en Avignon deviers ce pape Jehan. (FROISS., Chron. D., p.1400, 52). ...pour traictier de la matiere pour laquelle ledit duc avoit nagaires envoié par devers le Roy à Paris ses ambassadeurs. (FAUQ., II, 1421-1430, 79). ...il devoit avoir en mariage Madame Magdeleine, fille du roy de France. Et pour icelle fiancer furent envoyez par ledit roy de Hongrie plussieurs grans seigneurs de chacun d'iceulx royaulmes, comme barons et autres, et mesmement des gens d'église, comme l'arcevesque de Calonme, et l'evesque de Paramense. (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.3, c.1437-1464, 74). Pour la quelle cause le roy envoya Francon arcevesque de Rouen devers Raoul ou Rollo a sçavoir s'il se voulroit faire crestien (JUV. URS., T. crest., c.1446, 64).

 

-

"Faire en sorte que qqn soit placé dans un lieu, pour une certaine durée (prison, école...)" : Et dist que, depuis ce qu'il ot eu ladite couronne, sesdiz amis le envoyerent à l'escolle par l'espace de deux ans ou environ (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 94). ...par mesdiz seigneurs il fu envoyé prisonnier ou chastel de Montlehery (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 390). ...fu demandé s'il estoit voir que, pour aucuns cas criminelz, il eust autrefois esté emprisonné oudit Chastellet, et contre lui procedé par voye de question, comme dit est dessus, et, en après, envoyé à l'Ostel-Dieu de Paris. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 149). Et s'il disoit qu'il ne se puet repentir, je luy conseilleroye faire toudis le bien qu'elle pourroit : mieulz vault envoyer une personne en purgatoire sans penitence que en enfer sans absolucion, ou a penitence qui ne se fera point. (GERS., Déf., 1400, 232). ...lequel Gautier la Court dès hier avoit envoié en prison ou Chastellet, information precedent faicte sur pluseurs injures qu'avoit dictes et faictes audit Charreton, son maistre, et lequel a rendu icelle Court audit tresorier pour le punir comme il apartendra, que ledit Gautier demeure plus en l'ostel dudit Charreton. (BAYE, II, 1411-1417, 63).

 

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Envoyer qqn en exil (qq. part) : Or eurent li traïtour la merite de leur traïson, car se il fussent envoié en essil, ne peüssent il mie avoir plus de honte, ennuy ne de meschief. (Bérinus, I, c.1350-1370, 202). En celui paÿs fu envoié Ovide en exil (ORESME, E.A.C., c.1370, 380). Ils seront remis en la voye Ou je mech ceulx que je ravoie, Car ceulx que Sathan desvoia Quant en exil les envoia, Si tres bien se ravoieront, Que plus ne se desvoieront. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 66).

 

-

[De Dieu] : Comme afferme le PSALME parlant a Dieu : "Tu es eternelement sans principe et jusques au siecle, qui est sans fin." Et ou livre apellé EXODE : "Cellui qui est m'a envoié a vous." (Somme abr., c.1477-1481, 100).

 

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Empl. pronom. SPIRITUALITÉ [De la nature divine] : Le Saint Esperit se envoie et envoie le Filz, le Filz envoie soy mesmes, se on ne l'entent selon ce qu'il est néz de la vierge, car le Filz comme Dieu se envoie comme homme. Et selon ce, elle est vraie, le Filz se envoie. La raison si est, car envoier signifie une maniere de auctorité a cause de la produicte ou production eternele. (Somme abr., c.1477-1481, 119).

 

-

Envoyer qqn. "Mettre qqn en route ; guider (Éd.)" : S'y n'y fust pas [d]oncques venu... Les diables l'ont bien envoyé. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 364).

 

Rem. Le passage corresp. ds GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 107, présente la leçon avoyé.

 

-

Envoyer pour qqn. "Faire chercher qqn" : A l'eure qu'il estoit de l'aage de XV ans, le conte Roal, qui moult avoit ouÿ parler de luy comme d'enfant bien apris, tant le desira a veoir qu'il fist que son pere envoya pour lui. (Guy Warwick, c.1400-1450. In : Chrestom. R., 93). Avint que un tres riche et puissant tyrant voult ediffier un riche et admirable pallais. Pour quoy il envoya pour cestui ouvrier, auquel il donna innumerable pecune pour cestui edifice construire (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 238).

 

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[Le compl. d'obj. (messager, ambassadeur...) n'est pas exprimé] Envoyer qq. part/(par) devers qqn : Mon tresdoulz cuer et ma tresdouce amour, j'envoie par devers vous pour savoir vostre bon estat... (MACH., Voir, 1364, 314). Toutesvoyes le conte d'Armignac et le conte daulphin envoierent par devers Perrot de Berne, en disant que faulsement et traiteusement il avoit pris et emblé la ville de Montferrant (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 226). Si envoia tantos a tous lés, sus la mer, pour oir nouvelles de son cousin messire Lois d'Espagne. (FROISS., Chron. D., p.1400, 568). ...laquelle chose ilz ne vouldrent pas fere sans le congié du Roy et de nosdis seigneurs de Berry et de Bourgoigne, devers lesquelz ilz envoyerent pour ceste cause. (BAYE, II, 1411-1417, 119). Et, en oultre, pour pourveoir plus avant à la conservacion de ce royaume et de la ville de Paris, ilz avoient envoyé en diverses contrées et païs pour requerir tous leurs subgiez, aliez et bien veullans (FAUQ., I, 1417-1420, 281). ...vous ne m'eschaperez si que vous auray monstré le bien que je vous veil et ce pourquoy j'envoiay par devers vous. (C.N.N., c.1456-1467, 156). Et pour ce, sire, monsieur de Bourgoingne ne scet au vray qu'il en est. Il envoie presentement devers vous a deux fins (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 179). Et aussi n'estoit besoing que le roy envoyast par dela pour faire alliance avec eulz, car tousjours les Liegeois ont eu le roy et la coronne de France en grant honneur, amour et reverence (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 201). Elle envoya vers son treschier amy, le jeune chevalier, et luy manda qu'il venist celeement le plus [tost] qu'il pourroit. (C.N.N., c.1456-1467, 546).

 

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En envoyer pour + inf. "Envoyer qqn au sujet de qqc. (ce qui vient d'être dit) pour" : LA PREMIERE DAME. (...) Mon seigneur le marquis oublie Vostre bonté [de Griseldis] et vuelt avoir Femme plus noble et plus d'avoir : Si en a envoié a Romme Pour empetrer du pape comme Il puist prendre autre et vous laissier (Gris., 1395, 75).

 

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Envoyer à qqn que + subj.. "Faire demander instamment à qqn que" : Dont, aprez ceste mutacion, ledit Tarquin, voyant bonnement recouvrer Romme, envoya au poeuple que ses bagues et moeubles au mains lui fussent rendues qui en son palais estoient. (LA SALE, Sale D., 1451, 115).

 

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Empl. pronom. réfl. S'envoyer envers qqn par qqn. "Envoyer un message à qqn par l'intermédiaire de qqn" : ...le Duc de B[retaigne] s'envoie envers nostre tresredoubté seignur le Roy par son escuier, A[ntoine] R[icz], pur traiter de la liance faire par entre le filz du dit Duc et nostre joene fille (Lettres agn. L., p.1412, 328).

 

Rem. Pour l'empl. réfl. T-L et GD n'enregistrent que le sens de "se mettre en voie, en route" d'où FEW XIV, 376b : "Afr. enveier v.r. "se mettre en route" (selten, 13. jh., Gdf ; TL)" "mfr. envier (Froissart ; Goub 1549), envoyer (1544)", s'agit-il d'un sens propre à l'anglo-norm ? cf. AND, s.v. enveier1 qui cite cet ex. sans en donner d'autre.

 

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Envoyer qqn pour + inf. : Lors vindrent deux hommes vestus de gros burel, qui dirent : Nous sommes cy envoiez pour vous aidier. (ARRAS, c.1392-1393, 33). Et envoia li contes de Qent .I. varlet a cheval au village, pour savoir conment li moustiers, que il veoient, se nonmoit. (FROISS., Chron. D., p.1400, 77). ...[il] mist son chariot en la cour du dit amy, qui savoit toute la traynnée, et lequel il envoya pour faire le guet et escouter a l'entour de sa maison (C.N.N., c.1456-1467, 442). Pareillement ledit grant maistre manda à Mons. le connestable, estant à Creil, qu'il envoyast des charpentiers, manouvriers et artillerie pour fortifier et deffendre ladite ville. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 289).

 

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[Proche d'un semi-auxiliaire] Envoyer (qqn) + inf. "Faire aller + inf." : Et se j'envoy devers ma chiere dame Dire qu'elle mon cuer mine et entame, Et que s'amours l'art sans feu et sans flamme Et le martyre, Et que desirs de plus en plus l'enflame, Elle dira que je ten a son blame... (MACH., F. am., c.1361, 161). Entrementiers que la murmure estoit, ly roy des Bretons, qui fu saiges et soubtilz, pour doubte que les parties estoient de grant lignaige et que par ce aucun inconvenient n'en peust encourir, envoya soubdainement fermer les portes, que nulz n'en peust yssir, et garder par gens bien armez (ARRAS, c.1392-1393, 60). Et envoya commencier l'escarmouche devant la barriere, et y ot foison de mors et de navrez d'une partie et d'autre, et firent reculer les Sarrasins par force, et y ot moult d'occiz et de mehaigniez. (ARRAS, c.1392-1393, 96). Monseigneur, dist l'escuier, c'est bon de envoier savoir quelz gens ce sont, ne se ilz vous veullent se bien non. Damp escuier, dit le duc Oste, aler vous y convient, puis que vous les avez veuz, car c'est droit. (ARRAS, c.1392-1393, 178). Car, li estans en la marce de Rains, tantos apriés son couronnement, il mist clers en oevre pour escrire lettres, et messagiers, et envoia semonre ses honmes. (FROISS., Chron. D., p.1400, 176). ...l'arcevesque de Reins qui lors estoit envoya admonnester le roy sur paine d'excommeniement (JUV. URS., Nescio, 1445, 487). Il les fist tantost conduire en une tresbelle chambre, et envoya couvrir la table et faire beau feu (C.N.N., c.1456-1467, 173).

 

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S'envoyer excuser (= envoyer s'excuser.) "S'excuser par l'intermédiaire d'un messager" : ...si regarderent que generaument il s'envoieroient escuser, ensi que il fissent. (FROISS., Chron. D., p.1400, 640).

 

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En partic. Envoyer (qqn) querre/querir qqn/qqc. : Nous vous querons, biau sire doulz. Le roy si vous envoie querre (Mir. st J. Cris., c.1344, 281). Au pueple dirent li faus prestre A droit faire esclanche et senestre : "Envoyez nous Susanne querre, La femme Joachin !" (MACH., C. ami, 1357, 8). Li sains peres l'envoia querre Et il vint à li sans enquerre Qu'il li voloit, que oubeissance Li faisoit et grant reverence. (MACH., P. Alex., p.1369, 236). Or heurent conseil chil de l'oost pour leur besoingne approchier et pour plus grever leurs anemis, que il envoiieroient à le Riole querre un grant engien que on appielle une truie. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 7). Le marquis (...) envoie querre son filz par son sergent (Gris., 1395, 65). Un jour de celle feste avint Si comme au roy voulenté vint, Pour les barons mieulx festoyer, La royne querre envoyer (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 261). Ves cy les prisoniers, mon sire, Que m'advés envoyé querir. (Pass. Auv., 1477, 172). Eugene pappe, premier de ce nom, très notable clerc, eut en si grande recommandacion la science de astrologie, qu'il envoya querir les plus expers qu'il peut trouver (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 103 v°). Son pareil n'est point sur la terre. Ou est il ? Envoyez le querre ; Touteffois velle cy venir. (LA VIGNE, S.M., 1496, 161). Et fut ledit conte adverty de l'alée du duc de Berry en Bretaigne ; par quoy il envoya querir Guinot Vigier, son nepveu, qui estoit à Dampmartin avec la contesse sa femme. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 166).

 

-

Loc.

 

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Envoyer paistre qqn. "Se défaire de qqn" : ...d'ung homme marié qui sa femme trouva avec ung autre, et puis trouva maniere d'avoir d'elle son argent, ses bagues, ses joyaux, et tout jusques a la chemise ; et puis l'envoya paistre en ce point (C.N.N., c.1456-1467, 14). Et Katherine la Bourciere, N'envoyez plus les hommes paistre, Car qui belle n'est ne perpestre Leur male grace mais leur rie, Laide viellesse amour n'impestre Ne que monnoye c'on descrye. (VILLON, Test. M., 1461-1462, 58).

 

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[Avec un sens proche] Envoyer qqn fouler le foin : LE PRINCIPAL. Mais, dit il vray ou s'il se raille ? S'il se mocque que l'en l'asaille Et l'envoyez fouller le fain. (Sots gard., a.1488, 102).

 

2.

[Déplacement pour transporter qqc.] Envoyer qqc. "Faire parvenir, remettre, livrer qqc."

 

a)

[Le compl. d'obj. désigne une chose concr.]

 

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Envoyer qqc. à qqn : Et lors fist chargier pain et vin, poulaille, foings, avoines, et envoier a Gieffroy, qui oncques n'en retint rien, mais bien souffry que qui en voult avoir pour son argent, en eust. (ARRAS, c.1392-1393, 210). Et fissent moult de mauls (...) et n'osoient li Englois envoiier lors marceandisses ne lors lainnes en Anwiers, ne passer par la (FROISS., Chron. D., p.1400, 271). ...après son trespas Herispeus son filz, fait roy de Bretaigne et alyé par amittié au roy Charles, luy envoya dons et presens (JUV. URS., T. crest., c.1446, 69). Et quant je fus pour monter a cheval, il m'envoia quarante florins d'Arragon. (LA SALE, J.S., 1456, 105). ...[il] achatta une belle et grosse lemproye, et l'envoya a son hostel (C.N.N., c.1456-1467, 261). Madame Alienor lui envoia une tresbelle chaynne de quatre mars d'or (LA SALE, J.S., 1456, 136). Il n'est homme de nous quil nye Que leur male condicion Est digne de pugnicion, Et que ceulx qui l'ont voulu nuyre Fera exiller et destruire, Et que sa vigne baillera A laboureux qu'i trouvera Plus doulx et de meilleur façon Pour luy envoyer sa moisson (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 603). [Réf. à la parabole des vignerons homicides, Matth. 21, 41]

 

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[D'une abstraction] : La raison est car nature, qui est sage, envoie les esperilz et les humeurs as membres qui sont desoléz et desconfortéz. (ORESME, E.A.C., c.1370, 273).

 

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En partic. Envoyer une lettre à qqn : A vous m'a cy endroit tramis Un hermite (...) Il vous envoie ceste lettre (Mir. parr., 1356, 52). Mon tresdoulz cuer et mon tresdoulz amy ! Vous m'avez envoié vos lettres, qui m'ont plus donné a faire et a estudier que lettres que vous m'envoyssiés onques mais. (MACH., Voir, 1364, 414). ...il avoit perdu ses bouges esquelles estoient les lettres que le roy lui envoyoit, et celles que il envoïoit à son chancellier (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 518). Cy-après ensuit la teneur de certaines lettres closes envoyées par noble homme mons. Le Begue de Villaines, chevalier et conseillier du roy nostre sire, à mons. le prevost de Paris (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 523). LE MESSAGIER. (...) Vers vous vieng de par le marquis De Saluce, qui vous envoye Ces lettres et chierement proye Qu'acomplissiez le contenu. (Gris., 1395, 77). Et envoia ses lettres en Hainnau deviers le signeur de Biaumont (FROISS., Chron. D., p.1400, 188). Recite Tulle, in De officiis, secundo, partie d'une epistre laquelle envoya Philipe, pere d'Alixandre, a luy en le reprenant de ses dons excessis : "Quelle fole raison, dit il, te amaine en ceste esperance a ce que tu cuidasses ceulz estre feaulz a toy, lesquelz tu auroyes corrumpuz par argent ?..." (GERS., Noël, p.1404, 311). Ce jour, monseigneur le duc de Berry a envoié lettres à la Court closes (BAYE, II, 1411-1417, 25). ...il luy envoya unes lettres missives faisans responce à celles que le roy luy avoit envoyées, desquelles la teneur s'ensuit: ... (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 388).

 

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Envoyer par escrit qqc. à qqn : Je vous envoie par escript ce qu'[il] m'a dit, qui se contrarye l'un à l'autre, et est langage tout forgé. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 279).

 

b)

Envoyer une chose abstr. "Faire savoir par un message(r) (telle chose)" : Janus, va t'en a la cité ; Dy a Pilate de par nous Qu'il envoye par son plaisir La cause pour quoy doit morir Jhesus, et qu'en escript la mecte. (Pass. Auv., 1477, 214).

B. -

[Idée de mouvement violent imprimé à qqn ou à qqc.]

 

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"Projeter qqn (sous l'effet d'un coup)" : En l'escu Durendal tellement le plaqua Que plus de .XV. piés arriere l'envoia (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 523). ...le chevalier aux armes vermeilles s'approca de son homme l'espee haulcee, laquelle il fist condescendre tellement sur l'escu d'icelluy conte, qu'il le party en deux et envoia le conte tomber sur l'erbage, les jambes contremont. (Jehan d'Avennes F., c.1465-1468, 83).

 

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Envoyer qqn/qqc. jus/par bas/par terre. "Renverser, jeter à terre, abattre" : Et quant Gieffroy entent ceste parole, si trait l'espee sans plus dire, et fiert le premier sur le chief que il l'envoye tout estourdy par terre. (ARRAS, c.1392-1393, 200). Le roy entoise l'espee et fiert le soudant de si grant force qu'il lui envoye le bras jus, tant qu'il ne tenoit qu'a deux tendans dessoubz l'aisselle. (ARRAS, c.1392-1393, 236). ...[il] luy fist hurter si rudement a son atour qu'il l'envoya par terre, dont elle fut bien honteuse et malcontente (C.N.N., c.1456-1467, 238). Mais, s'ilz ne viennent plus de six Contre nous trois, c'est deux contre ung ; Je croy tant de nostre commun Que nous les envoyrons par bas. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 369).

 

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"Jeter, précipiter qqc. qq. part" : Tout arbre qui ne fait bon fruit sera trenchee et ou feu envoiee. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 352).

 

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En partic. Envoyer un projectile : Et, le lundi ensuivant, de nuit, apparut à ceulx qui faisoient le guet et arriere guet en ladicte ville une comete, qui vint des parties dudit host cheoir dedens les fossez d'icelle ville à l'environ de l'ostel d'Ardoise, dont plusieurs furent espoventez, non sachans que c'estoit, mais cuidans que ce eust esté une fusée ardant ilec gectée et envoiée par lesdiz Bourguignons. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 110).

C. -

[Idée de mouvement vers le point départ] En envoyer qqn. "Renvoyer, chasser" : Sy lui commença à dire ledit prieur : "Sire, doubtans qu'il ne vous desplust, nous n'avons pas voulu dire devant messieurs de vostre grant conseil la desplaisance que monseigneur a eue de ce que messire Guillaume de Coursillon, cy-présent, en avoit esté envoié à si crue response et encore sans escrit, et plus pour ce que n'avez riens demandé de lui, ne fait savoir aucunes choses, ainsi que de vostre grâce aviez accoustumé aux autres fois..." (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 61). Dit que, eulx estans en ladicte prison, lesdiz Hallays et de Layer vindrent à eulx et leur distrent que s'ilz vouloient gaiger l'amende ou taux de Monsr de Vaugrix et dudit Blancfossé, ilz seroient eslargis de ladicte prison, ce qu'ilz firent et gaigerent l'amende pour yssir d'icelle prison, et pleigerent l'un l'autre, par quoy ilz furent en envoyez. (Lettres Louis XI, V., t.9, 1482, 332).

D. -

[Idée de mouvement figuré]

 

1.

[D'un être surnaturel, d'une abstraction, d'un élément naturel]

 

a)

Envoyer une chose abstr./concr. (à/sur qqn/qqc.)

 

-

[...une chose positive ou neutre] "Offrir, octroyer qqc. (qqn)" : Et pour ce je ne te sçay quel conseil donner, si prie a Dieu qu'il le te envoye selon ce qu'il scet qu'il t'est bien. (Bérinus, I, c.1350-1370, 154). Et se il est ainsi que felicité ne soit pas envoiee de Dieu senz ce que homme en soit cause par vertu ou par discipline ou par excercitacion, toutesvoies convient il que ce soit aucune des choses tres divines (ORESME, E.A., c.1370, 129). ...la journée d'armes me fut donnée [l. donnee] et envoié [l.envoie] par l'aventure de fortune (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 170). Tiercement le Saint Esperit vient à l'uis de nostre hostel en semblance de la columbe quant il nous envoie prosperité pour nous adoucir et amolir a son amour. (GERS., Pent., p.1389, 80). Et pour ce je vous prie que, s'il a en ceste place homme qui ne sente son cuer ferme pour actendre l'adventure qu'il plaira a Jhesucrist de nous envoier, qu'il se traye a part, car par un seul couart failly est aucunesfoiz une besoingne perdue. (ARRAS, c.1392-1393, 108). LA NOURRICE. (...) ce que Dieux envoye Doit chascun en gré recevoir (Gris., 1395, 50). "...Aussi puet bien Dieus envoiier sa grace sus un povre baceler de bonne volenté que il fait sus un grant signeur." (FROISS., Chron. D., p.1400, 790). Si estoit en orissons a Dieu que il lor vosist donner et envoiier victore. (FROISS., Chron. D., p.1400, 890). S'il [Dieu] nous a donné ung enfant par miracle (...), il ne nous a pas oblié d'envoier chevance pour l'entretenir. (C.N.N., c.1456-1467, 128). Quiconques salue la lune lors qu'elle est nouvelle et quant elle est pleine, et quant elle est en decours, pour vray elle envoie santé et bon eur. (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 131).

 

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[...une chose négative] "Destiner, réserver qqc. à qqn/qqc." : Si pri a Dieu qu'il lui envoie grant mescheance prouchainement, car certainement il l'a moult bien desservy pour ce fait. (Bérinus, I, c.1350-1370, 329). Mais, quant il trebuchent en fraudes, baras et decepcions et vont par diverses voies de mauvaistié et detrenchent leur cuer par mauvaises pensees, tantost nostre Seigneur leur envoie sur eulz l'orgueil des Romains ou l'outrage des Alemans ou aucun autre tourment, et demeure la main de nostre Seigneur estendue sur eulz jusques a tant qu'il retournent a Dieu par aucune penitence. (FOUL., Policrat., IV, 1372, 80). ...pour ce que cellui roy [Pharaon] tenoit le peuple en sa servitude trop subgiet Dieu envoia dix plaies sur Egipte : la premiere fu des eaues muées en sang (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 126). ...le roy Anthiocus, pour ce que il n'avoit nulle compassion d'effusion de sang, Dieu lui envoia telle pugnicion que tout son corps fu plain de plaies plaines de vers (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 144). Et puis que l'adversité est commune a tout le royaume, il est force que chascun en sueffre ce que Dieu lui en envoie. (CHART., Q. inv., 1422, 33). ...par noz pechiés et ceulx de nos predecesseurs il [Dieu] nous envoye ceste pugnicion (JUV. URS., Loquar, 1440, 303). ...et de ce cop et douloureuse atteinte n'oublia pas Fortune sa diverse nature, qui est telle qu'elle ne peult souffrir les fleurs ne les fruictz sur la terre souvent venir à meurison ou prouffict, sans leur envoyer vents, gelées, vermines ou temps impetueulx, tendant tousjours à ses fins très mauldictes, qui est de prendre la fleur sans fruict ou le fruict sans meurison, et finablement de tout arruiner et destruire ce qui naist et croist entre le ciel et la terre. (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 310).

 

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[Dans un tour optatif] : ...mais aus doleurs retraire, J'ay .C. tant pis qu'on ne me porroit faire, Car nuls ne puet penser si grief damage Com le refus que ses durs cuers m'envoie ; Et si l'aim plus, se Diex m'en envoit joie, Que riens qui soit. (MACH., Motés, 1377, 491). PATHELIN. Male feste M'envoise la saincte Magdalene Se vous en prenez ja la paine ! C'est tresbien dit : dessoubz l'esselle ! Cecy m'y fera une belle Bosse. Ha ! c'est tresbien alé. (Path. D., c.1456-1469, 76). [Male feste est, selon H. Lewicka, Études sur l'ancienne farce française, 1974, p. 90, un juron normand. Envoise : cette forme, que nous trouvons dans les Imprimés de Le Roy et de Levet, est sans doute un doublet d'envoie. (Note de l'éd.).] BEAUCOP. Bonne sepmaine Vous envoye Dieu. (B. veoir, p.1480, 14). ...Honneur et puissance, Jesus vous envoye. (Sots, c.1480-1500, 277). Dieu leur envoie mal estraine ! (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 456).

 

b)

Envoyer qqn à qqn. "Permettre que qqn puisse jouir de la présence de qqn" : Or say bien que li doulx Jhesus M'aime, qui compaignon m'envoie. (Mir. enf. diable, c.1339, 35). LE MARI. (...) vierge Marie ? J'ay desiré toute ma vie Que ta grace a ce m'avoyast Que Diex un enfant m'envoyast. (Mir. enf. ress., 1353, 59).

 

2.

[D'une pers.]

 

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Envoyer qqn à qqc. "Demander à qqn de se reporter à (une chose qui peut le renseigner)" : ...sy alerent en toutez les citéz que j'ay dessus nommeez et les ont conquisez, ainsy qu'il contient en la nouvelle gieste d'Ogier que j'ay faite, a laquelle je vous envoie, qui plainement le veult savoir. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 97).

 

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Envoyer son regart à. "Poser son regard sur" : Mais je le sçay par l'exemplaire De ce lion que j'ai norri : Qu'aussi tost com je li sourri Ou que mon regart li envoy, Tantost a moy venir le voy (MACH., D. Lyon, 1342, 225).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

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