C.N.R.S.
 
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FEW IV 635b inde
EN, pron. adv.
[T-L : en2 ; GD : ent ; AND : en2 ; FEW IV, 635b : inde ; TLF : VII, 1003a : en2]

I. -

[Syntaxiquement, en est un pron. non prédicatif (c'est-à-dire indissociable du verbe) ; il pronominalise un syntagme en de (il vient de là, il en vient) ; il est gén. de l'inanimé]

A. -

[En est non prédicatif (c'est-à-dire indissociable du verbe) ; il est antéposé au verbe (ou à l'auxiliaire), mais postposé à l'impératif]

 

-

[Antéposé au verbe conjugué ou à l'inf. (antéposé à l'auxiliaire de temps ou de mode)] : Mais se je fais ja vaillence n'emprise D'onneur qui vaille, De vous venra que chascuns loe et prise. Et se je muir en vostre dous servise, M'ame en sera en dous paradis mise D'Amours sans faille. (MACH., Compl., 1340-1377, 260). Vo cuer en doit estre seur, Car il vous aime d'amour fine (Mir. femme roy Port., c.1342, 166). Dont je di que si fais descors Sont propres causes des racors Qui font les larges De trés dous assouagemens Des quels amans est appaiez, Tant qu'il s'en tient pour bien paiez. Einsi Amours la dame acquite Vers l'amy, tant qu'elle est bien quitte Et li amans en est meürs Plus que devant et plus seürs. (MACH., D. Aler., a.1349, 253). C'est ung pechié que Dieu pugnit Sen en avoir remission (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 6).

 

-

[Postposé à l'impératif] : Alez en tout droit ce chemin (Mir. enf. diable, c.1339, 37). Faictes en ce que vous pourrez (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 5). Gardez vous en, car autrement, Vous mourriés infaliblement (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 17). COQUILLART. De congé prendrë, il est heure. Hau ! Desgouté, alons nous en. DESGOUTÉ. Comment [dea], il n'est pas heure (Est., p.1460, 27).

B. -

[En pronominalise un syntagme en de ; il correspond à toutes les constructions en de, parfois par redondance ; il peut s'accompagner d'une expansion]

 

1.

[En correspond à toutes les constructions en de]

 

-

[Correspond à subst. (ou pron.) + de + subst. (ou pron.)] : ...et toutes telles choses que vous trouverrez ainsi, comme dessus est dit, acquises, mettez ou faites mettre tantost et sanz delay en nostre main et en nostre dommaine, sanz en faire delivrance, ne recreance, ne laischance quele que elle soit [delivrance de] (Doc. Poitou G., t.2, 1345, 282). Ceulx qui estoient au pié du mur pour haver et pour piquier en abatirent ung grant pan. (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 186). "Et conment seroit ce, seneschaus ? Monstrés nous ent la maniere." [la maniere de cela] (FROISS., Chron. D., p.1400, 652). Et si le seigneur se conscent que lesdites gens d'Eglise treuvent lesdictes chouses en son fié, il en pourra avoir les fruiz de troys ans pour son imdempnité [les fruits de...] (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.4, 1426, 55). Maintes gens sont au jour d'huy qui alleguent et auctorisent leurs paroles et raisons par les Euvangiles des Queneules, qui gaires ne scevent de quele importance et auctorité elles sont ne qui en furent les sages doctoresses et premieres inventerresses [les inventeresses de...]. (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 77). LA FEMME. Certes, ung beau rien, C'est le payement qu'il [le juif] en aura [le payement de l'argent qu'on lui doit]. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 97).

 

.

[Correspond à moult de, peu de, un peu de, tant de, plusieurs de, aucuns de, un de, le plus de...] : Et s'elle en voit un qui se rende En amours de vray sentement Pour vivre et morir loiaument... (MACH., R. Fort., c.1341, 66). N'avoient pas tous leur aviaus ; De vin estoient si delivre Que po en y a qui s'enyvre, Eins buvoient de la fonteinne Et dou puis jusqu'a pense pleinne. (MACH., D. Lyon, 1342, 213). Et combien que il soit sec et senz branches, il ne porte neentmains pour ce de vertu ; car qui en porte vn pou sur li, il garist du caduque, et ses cheuaux ne peuent estre enfondus. (MANDEVILLE, Voy. L., p.1360, 265). Pour ce en Poli(cra)tique empres plusieurs improbacions teles choses conclut l'aucteur et dit qu'il a oy plusieurs de teles personnes, et moult en a congneu (ORESME, Divin. C., c.1366, 74). Pour bon et loial chevalier, Veritable, ferme et entier ; Au neant le gage metez, Et que forment vous repentez De ce que tant en avez fait, Et pardon querez dou meffait. (MACH., P. Alex., p.1369, 242). Se lor demora chils argens, et le departirent entre euls a grant joie. Il en i ot auquns qui bien le garderent (FROISS., Chron. D., p.1400, 99). Et y en eust ung qui son chapperon banlota en signe de paix et d'amistié. (Guill. Orange T.H.G., t.2, p.1450, 747). ...car ilz sont en icellui pays [l'Ecosse] moult ruddes, et d'estrange parage d'habillemens, au regard des parties de par deça ; et en y a le plus qui semble estre gens sauvaiges. (ESCOUCHY, Chron. B., t.1, c.1453-14, 178).

 

-

[Correspond à une constr. verbale en de] : Quant je l'en vi atalenté Et en si bonne volenté... [estre atalenté de] (FROISS., Méliad. L., t.3, 1373-1388, 138). ...et faisoient doubte que (...) il ne vosist venir a Cambrai et saisir la chité, pour faire ent frontiere et garnison sus le roiaulme de France [faire qqc. de qqc.]. (FROISS., Chron. D., p.1400, 290). ...je ne sçai nul si prochain dou duch de Bretagne, mon frere darrainnement mort, que moi ; et se jugiet et declaret estoit par droit que aultres i fust plus proismes de moi, je ne seroie pas honteus ne virgongneus de moi ent deporter [deporter qqn de qqc.]. (FROISS., Chron. D., p.1400, 485). Et en peut advenir inconveniens innumerables, car les delinquens ce pendant que on yra a juge se absenteront, et ainsi justice sera illudee [advenir de] (JUV. URS., Nescio, 1445, 497). ...abstenir nous en voulons infaliblement [s'abstenir de] (MOLINET, Chron. D.J., t.1, 1474-1506, 500). ...nous avons (...) donné à (...) maistre Allart de Thoars la prebende de l'esglise Nostre Dame de Tournay lors vaccant par regalle, au moyen duquel don (...) il en a prins possession [prendre possession de] (Lettres Louis XI, V., t.8, 1479-1480, 104).

 

.

[Correspond à valoir tant de] : ...et donnoient pour cent florins ce qui en valloit mille (FROISS., Chron. D., p.1400, 698).

 

-

[Correspond à une constr. adjective en de] : ...au moins tant en vous servant comme vous en estes tres digne [digne de], je auray ma part de paradis, car quelle chose est paradis fors vous amer et servir ? (GERS., Trin., 1402, 165).

 

2.

[En est parfois redondant] : La puissance qui m'a commis A estre Charité nommée Fait que par ouevre sui prouvée, Dont on en voit les apparans En tous mes plus prochains parans. Ce sont li gentil cuer loial Qui entrent en la court roial De Bonne Amour qui n'a nul per. (MACH., J. R. Nav., 1349, 220). Adonquez s'avisa d'une grant tricherie Dont mains hons en moru à duel et à hasquie. (Hugues Capet L., c.1358, 185).

 

3.

[En peut s'accompagner d'une expansion (il en vit d'autres (qui) ; il en y a de / qui...)] : De vin estoient si delivre Que po en y a qui s'enyvre (MACH., D. Lyon, 1342, 213). Par quoy je y en vi maint d'eulx Les poursuivre (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 47). LA FILLE Ha, doulce Vierge, en ce trespas Te plaise me donner conduicte. LE LARRON. Asseuree est en sa poursuitte : Elle en a fait d'aultres assez. PETIT BON. Sus, sus, garce, avant tost passez Sans user de telz parabolles. (Myst. jeune fille L., c.1413-1445 [c.1530], 42). Dieu scet s'il en y a qui donnent congié et licence de piller et rober (JUV. URS., Loquar, 1440, 367). ...non obstant il en y eult de prins .V. ou .VI. dez plus parans et richez de la ville de Barselonne (Comte Artois S., c.1453-1467, 45).

C. -

[En est un pronom de l'inanimé ; il correspond à de qqc., souvent à de cela, renvoyant alors à un contenu propositionnel (à ce qui vient d'être dit) ; parfois cependant il correspond à de qqn]

 

1.

[Correspond à de qqc.] : ...que tous avoirs de lanage, quels k'il soit, amenés dedens le banliuwe de Valenchiennes et deskierkiés en le halle de le lainne u ailleurs, hormis lainne à sun, que tout chou u il ara 60 lb. u plus, a qui que che soit, soit fais rewarder par l'assent dou prevost u dou mayeur de le halle, a le requeste de celui qui li avoirs sera u de personne de par lui souffissant, anscois qu'il en soit faitte nulle moustre ne nulle sarpilliere descousue (Drap. Valenc. E., 1344, 268).

 

2.

[Correspond à de cela, renvoyant ainsi à un contenu propositionnel (à ce qui vient d'être dit)] : Et se je muir en vostre dous servise, M'ame en sera en dous paradis mise D'Amours sans faille. (MACH., Compl., 1340-1377, 260). Tel cop ly a donné parmy le hanepier, Que la ciervelle en fait à le tierre samier. (God. Bouillon R.B., t.3, c.1356, 231). L'en doit sçavoir a qui on trecte, Car qui le fait impourveument On en pert mainte foiz sa debte (DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 212).

 

-

[Explétif dans des loc. figées]

 

.

En bailler de belles à qqn : ...et si el lui en baille de belles, de vertes et de meures (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 91).

 

.

En faire des hautaines à qqn. V. hautaine

 

3.

[Correspond à de qqn (rare)] : ...et en out [de sa femme] dois filhes, assavoir Ysabeal et Marie, qui furent à mon temps mariéez à dois bannerés de nostre paiis de Liege (HEMRICOURT, Miroir Hesb. B.B., 1353-1398, 158).

 

-

[Gén. dans des conditions qui rapprochent en de l'inanimé, p. ex. dans le collectif, dans l'évocation du corps ou de l'image que laisse qqn, ou encore de la fonction que qqn occupe...] : Chescun de nous baron y fiert comme ennemis ; Quaitre cent en abaitent per desus le lairy (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 527). Ainsi fait ma dame de mi, Car, foi que je doi saint Remi, Sa grant biauté me rajonist ; Car de mon cuer nulle fois n'ist, Car par ymagination En voi tousdis l'impression ; Dont j'en fais euvre de jonesce Et s'ai tousdis en moi leesce Et l'esperit jone et legier (MACH., Voir, 1364, 468). Au retour sont li messagier, Qui ne finerent de nagier, Tant qu'à Nimesson sont venu. Terre ont pris, si sont descendu, Et monterent haut ou palais De la ville, qui n'est pas lais. Quant li bons roys sceut leur venue, Moult en desire la vehüe, Pour l'amour de ceaus de Venise, Qu'il ainme de bon cuer et prise. (MACH., P. Alex., p.1369, 118). Du temps que je vous parolle, dist le chevalier, estoit ce païs yci si raemplis d'Anglois et de larrons Gascons, Bretons, Alemans et gens aventurés de toutes nacions, que tout le païs deça Loire et delà Loire en estoit raemplis, car la guerre de Françe et d'Angleterre estoit renouvellée ; et si entroient toutes manieres de pillars en ce païs et aussi amassoient et fortefioient par maniere de conqueste. Les chastiaulx de Biaufort-en-Valée que vous avez veu en estoit tenus (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 6). En icelui temps aussi le vray pape monseigneur saint Benoit huitieme en celui nom fut jeté hors de sa papalité par les mauvais et desleaulx Rommains qui en y mirent ung autre, pourquoy il sourdist scisme et grande division au papat (BOUVET, Arbre bat. N., c.1386-1389, 22). Mais je pry a Dieu qu'on me pende Par la gorge de ce licol Que, se je tien le paillart fol, Je ly estaindray de si pres Que le sang en sauldra aprés, Par tout les joinctures des mains Et des poings. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 680).

II. -

[Sémantiquement, en manifeste les mêmes effets de sens que de]

A. -

[Marque l'éloignement spatial] "De là" : Lors fui je sans nulle doubtance Que ce qu'il avoit dit tenoit De ma dame, et qu'il en venoit (MACH., Voir, 1364, 746). ...donques li devroit il estre pardonné se il ne demeure pas en tel opinion doubteus et se il en ist hors par tres fortes concupiscences. (ORESME, E.A., c.1370, 366). Le parfont de l'eaue est en latin appelle gurges (...) car la se voit l'eaue courant et puis en yst aussi comme en bouillant et pour sa perfondeur l'eaue se muet en tournoyant (CORBECHON, Propriétés, 1372, XIII, 16, 210 r°).

 

-

[Proche du statut préfixal]

 

.

(S')en aller : ...Et toutes trois nous en alames Vers Paris, le pastour de Troie, Qui gardoit s'aumaille et sa proie, Bues, vaches, moutons et brebis, Qui vont paissant par ces herbis. (MACH., F. am., c.1361, 209). "Nous en yrons ; la vie y court. Nous ne volons mie morir Seans de fain, sans cop ferir..." (MACH., P. Alex., p.1369, 107). Dame, de ci nous en irons Droit a maistre Pierre le Page (Mir. roy Thierry, c.1374, 320).

 

.

(S')en entrer : Cy me tairay de lui et vous diray de Remond, qui s'en entre dans sa chambre et se couche en son lit (ARRAS, c.1392-1393, 243).

 

.

(S')en venir : A Marcel par derriere en vint Qui de coeur lui tint En charité et feaulment (Renart contref. R.L., t.2, 1328-1342, 37). ...venez-ent aveuques nous, car vous n'avez que faire à Carlac (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 210).

B. -

[Marque les idées de provenance ou d'origine, de cause ou de source, de moyen ou de manière, de propos ou de point de vue] "De cela"

 

1.

[Idée de provenance, d'origine] : Cellui vi je de haulte attrace, Du roy Frigia en vint la trace. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 24).

 

2.

[Idée de cause, de source (particulièrement fréquent)] "À cause de cela" : Plusours en sunt mors a haschee. (Tomb. Chartr. Souvain S., c.1337-1339, 39). Les dames bien en vangeroie. (MACH., D. Lyon, 1342, 201). ...li hanepier en est en son hanap vollér (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 381). ...oncques jour de sa vie Il ne dengnia plourer, tant eüst de hachie, Ains en moquoit les autres et tenchoit a la fie (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 203). Et Salomon, auquel Dieu avoit tant donné de sapience et aymé, se bouta en folle amour de femme, par quoy il ydolatra et mal luy en print (JUV. URS., Verba, 1452, 200). Euvre, Cerberus ! Que maugré En ait d'enfer tout le quaalin (Myst. Résurr. Angers S., 1456, 109).

 

3.

[Idée de moyen ou de manière] : Mon amy, vous commenciez moult bien a celer noz secrez, et se vous parsuivez ainsi, grant bien vous en venra et temprement le verrez. (ARRAS, c.1392-1393, 35).

 

4.

[Idée de propos] : Or en face a sa guise (MACH., D. Lyon, 1342, 168). Ailleurs que ci en parlerons, Mais nous avant parconclurons De la queste qui est emprise, Sur qui ceste matere est prise. (FROISS., Méliad. L., t.3, 1373-1388, 204). ...tant si employerent qu'ilz en vindrent au bout, et fut tout pardonné d'un costé et d'aultre. (C.N.N., c.1456-1467, 326).

C. -

[Correspond à de partitif]

 

1.

[En s'adjoint à des verbes impliquant une partition (p. ex. il en mange, il en prend...)] : Et s'on t'aportoit a cautelle Ceste viande bonne et belle Et puis tu en mengasses trop, Tu t'ociroies a un cop, Qu'on te donroit a la traverse Après d'une autre si diverse Et si anuieuse a mengier Que tu n'en porroies mengier. Einsi seroies deceüs, Mal gouvernez et mal peüs. (MACH., C. ami, 1357, 61). La les menez sanz deporter, Puis y faictes du fruict porter Qu'aval la chambre on jettera, Et, s'il est femme, il y courra Et se penera d'en avoir [avoir du fruit, de ce fruit]. (Mir. fille roy, c.1379, 95). ...mes lesdiz religieux en pevent prendre [du merrain] et faire les plommas, paleis et pagnons en l'absence du verdier (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 133). ...quant elle entend qu'il y est, doibt illec mander du vin et en boire (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 121).

 

2.

[En reprend un partitif] : ...ceulx qui sont a ce meschief enclins ne entendent nuit ne jour a autre chose que a amasser avoir, et con plus en amaissent [amasser qqc., amasser de l'avoir], et plus oultre en desirent a amasser encore insaciablement, en la maniere que on voit le ydropique qui com plus boit et plus désire a boire. (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 283).

REM. Forme contracte ou = en + le.

V. aussi y
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Robert Martin

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