C.N.R.S.
 
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     EMPIRER     
FEW VIII pejor
EMPIRER, verbe
[T-L : empirier ; GD : empirer ; GDC : empirier ; AND : empeirer ; DÉCT : empirier ; FEW VIII, 155b, 156a : pejor ; TLF : VII, 970a : empirer]

[Traduit soit une aggravation d'un état antérieur déjà mauvais ou la dégradation d'un état antérieur positif ou neutre]

I. -

Empl. intrans. ou pronom.

A. -

[D'une pers.]

 

1.

"Se porter plus mal, voir sa santé, son état physique se dégrader" : La s'empire [var. soupire] Tire a tire ; La ne fait que fondre et frire ; La son dueil demeinne ; La, sans rire, Se martire (MACH., L. plour, 1349, 289). ...quant elle vouloit que sondit mary empirast, elle mettoit icelle paile sur le feu tant que elle faisoit frire laditte cire, icelle remuoit à une petite cuillier, et que par tant de fois comme l'en vouloit qu'il empirast à celui que l'en vouloit faire estre bien malade, l'en mettoit icelle paile sur le feu pour frire, et remuoit l'en icelle cire et poix à laditte cuillier (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 306). Sy lui envoya tel mal, que tous les jours engrega tellement, qu'il lui convint par terre venir a Romme et puis monter en ses gallees, tousjours empirant de sa personne (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 193). ...si tresfort la pouvre fille empire avecques l'ennuy qu'elle s'en donne que autant semble morte que vive. [Une malade désespérée de ne pouvoir guérir] (C.N.N., c.1456-1467, 33). Je vous envoye la lettre que vostre medecin m'a envoyée ; cela gist à vostre discretion ; si vous semble que vostre filz en amende, vous le pourrez essayer ; si vous semble aussi qu'il en empirast, vous le povez en envoyer. (Lettres Louis XI, V., t.7, 1479, 256).

 

-

"S'affaiblir" : La fu il sans mengier desy jusqu'o tierch jour, Dont forment s'enpira et perdi sa coulour (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 125).

 

-

Empirer du corps/de sa personne. "S'affaiblir" : Et ce n'estoit pas merveille se renommee en estoit, car il estoit si soupris de l'amour d'elle, que tousjours convenoit il qu'il fust en lieu ou il la peüst veoir, et pensoit et soupiroit en la regardant, tout ainsi que s'il ne la peüst avoir a sa volenté, et en perdi le repouser et le boire et le mengier, par quoy il commença moult a empirer du corps (Bérinus, I, c.1350-1370, 22). Sy lui envoya tel mal, que tous les jours engrega tellement, qu'il lui convint par terre venir a Romme et puis monter en ses gallees, tousjours empirant de sa personne: tant qu'il vint au Chastel Neuf de Napples. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 193).

 

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Estre empiré (du corps/de sa personne). "Être affaibli, mal en point" : Moult sera du corps empirée Quant revenra. (Mir. mère pape, c.1355, 375). PREMIER SERGENT. Empirié n'estes pas du corps ; Je ne scé que mengié avez. Avec nous tost vous en venez, Sanz plus cy estre. IGNACE. Si tost com je vous verray mettre A chemin, pas ne demourray, Mais avec vous touz jours seray (Mir. st Ign., 1366, 95). "Chils jones homs est moult, dist elle, Empirés, dont ce pose moi." (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 119). Car de visage est megre (...) et pale avec Et empiré. (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 288). ...quant il se ouy nommer oncle, il eut grant merveille qui le prisonnier estoit, car tant estoit empiriez de la prison qu'il ne le recongnossoit point (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 302). Des nouvelles de monseigneur de Guienne, il est tousjours empiré depuis mes autres lettres ; et l'ont porté en litiere à une ville qui s'appelle Jaune (Lettres Louis XI, V., t.4, 1471, 284). Que ce povre hommes est empiré Et a grefve doleur actrait ! Il est ladre le plus infaict Que jamais homme mortel vit. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 123).

 

-

Estre empiré de la/sa maladie. "Être dans un état (de santé) aggravé par la maladie" : Et d'autre part, Dame, jeo siu si enpirree et si enfiebli de la maladie qe j'ai en corps come devant est dit, qe trop grante mestier averoie d'estre medicinee. (HENRI LANC., Seyntz medicines A., 1354, 135). Requis se, depuis que il les trouva, il est empiré ou amendé de sa maladie, dit qu'il s'est tousjours trouvé en un estat. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 340).

 

-

Empirer de couleur. "Avoir le teint qui s'altère" : ...se lui advint .II. jours aprés une merveille sy grande qu'a paine est elle creable, car, comme j'ay entendu, la ou elle seoit entre les pucelles, elle s'endormy tellement que oncques puis ne s'esveilla. Sy ne menga ne beut puis et n'empire point de couleur (Percef. III, R., t.3, c.1450 [c.1340], 58).

 

-

"Devenr laid" : GLORIEULX. Vous n'empirez pour temps qui vienne, Pleuve, gresle ou face vent. Le sang bieu ! plus allez avant Et plus estes fricque et jolye. (P. Jouh. D.R., a.1488, 28).

 

2.

"Voir son état, sa situation s'aggraver" : Alors s'en va desesperé, et jour et nuit ne fait que pensser et a Dieu requerir aultre seigneur, disant que nullement porroit il empirer (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 13).

 

-

[D'une institution] : Remond dist au prieur toute sa devocion et comment le lieu lui plaisoit et qu'il s'i vouloit rendre hermite et que l'eglise n'empireroit pas de lui ["à cause de lui"]. Et le prieur, qui l'apperceut homme de belle part et qui sembloit bien estre homme de grant estat, lui accorda. (ARRAS, c.1392-1393, 273).

 

-

Estre empiré. "Avoir perdu sa valeur, sa qualité, connaître la décadence" : Item, saint Jerome met en une epistre comment orient est envielli et le pueple de la empiré, et que en occident est le soleil de justice, et dist ainsi (ORESME, C.M., c.1377, 350).

 

-

Estre empiré de qqc. "Être profondément affligé, ici d'un deuil" : ...dont il avint que pendant ce tamps la bonne rouine sa moullier trespassa, dont ce fut dueil et tres grant pitié. Car tout le royaume en fut empirié, meismes les dames du paÿs en menerent si merveilleux dueil que ce fut grant pitié a veoir. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 404).

 

3.

[Sur le plan moral]

 

a)

"Devenir mauvais, pire, s'avilir" : ...mére au roy des roys, Mains vous sert homs, plus empire (Mir. nonne, 1345, 328). Mais je vous pry, quant avenra Que vostre amour vouldrez donner, Vostre voulloir ne veulle ja Autre prendre sans amender, Car qui change pour s'empirer, Chetiveté son cueur alie Pour languir en merencolie. (LANNOY, WERCHIN, Ball. P., 1404, 360). Le jeune cuyde avoir sapience, Tant plus est fol et plus s'empire. C'est pour rire ; Car tant plus en conseil s'avance. (Pass. Auv., 1477, 118). TESTE VERTE. Et s'en voise Chascun chier Qui a voulenté de mesdire. FINE. Chacun de jour en jour enpire, Brief et court, vela son affaire. (Sots triumph., c.1475, 38). JESUS. ...Tant plus les instruis [mes ennemis], plus s'empirent, Tant sont pleins de grant mauvaistié. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 198).

 

-

Prov. Qui bien change n'empire pas : Saison de nostre mestïer De hocher le prunier Est elle passee Pour une passee ? Aussi gay comme ung espreuvier, Qui bien change n'empire pas. (Myst. jeune fille L., c.1413-1445 [c.1530], 7). CAYNAM. Et puis, Ada, que dictes vous ? Vous semblé je point trop estrange ? ADA. Il n'empire pas qui bien change. (Myst. Viel test. R., t.1, c.1450, 214).

 

-

Estre empiré. "Être avili" : Par foy, moult ay ores grant dueil de vous, quant une telle femme vous a ainsi deceü et tellement affolé et aveuglé que vous n'oserez faire chose qui fust contre sa volenté, et si est femme de telle condicion que nulle personne ne pourroit avoir honneur de elle ne de s'acointance et moult estes empiré de sa compaignie. (Bérinus, I, c.1350-1370, 28).

 

b)

"Se faire du tort, du mal" : ...Mais garde bien qu'on n'en mesdie En ta presence, quoy qu'on die, Car c'est trop petite vengence, Ce m'est avis ; et sans doubtance, Qui en mesdit, ou fait mesdire, Plus que ses anemis s'empire. (MACH., C. ami, 1357, 138). Mais qui autre mercy desire Et qui dit qu'il pleure et soupire, Dont il le couvient a martyre Vivre et manoir, Il a tort et assés s'empire. (MACH., F. am., c.1361, 226). Trop s'empire Qui desire Chose dont il chiet en ire... (MACH., Les lays, 1377, 386).

 

-

"Se déshonorer" : Lors li respont [à un amoureux] doucement et adroit La Blanche Dame, qui volentiers vorroit Que tous li mondes ainssi de coer l'amast ; Mes que pour ce de riens n'en empirast. "Certes" dit el, "miex volroie morrir, Que je osaisse dedens mon coer nourrir Volenté nulle, que je n'osaisse dire..." (Dame Lycorne G., c.1349-1350, 133).

B. -

[D'une chose]

 

1.

[D'une chose concr.] "Se détériorer, s'abîmer, se dégrader" : Sire, je di que cil dui amant sont Moult engoisseus, quant einsi perdu ont Ce qu'il aimment, et que li cuers leur font, Si com la cire Devant le feu se degaste et empire. Mais qu'il soient tuit pareil de martire Et de meschief, ce ne vueil je pas dire. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 120). ...Largement de mon sor donna A celui qui les ordonna, Par quoy la nacelle fust faite Si que jamais ne fust deffaite, Ne qu'elle ne peüst perir, N'empirer, ne l'iaue tarir... (MACH., D. Lyon, 1342, 190). Item, en permanence, car le ciel dure et persevere des ce que il fu fait tel comme il est sanz empirer, sanz envillir, sanz crestre, sanz appeticier ne en tout ne en partie et sanz quelcunque alteracion qui tende ou dispose a corrupcion, si comme il appert par le sixte chappitre du premier. (ORESME, C.M., c.1377, 280). Item, ledit escuïer a en ladicte forest pastures pour toutes ses bestes en icelle forest, excepté chievres et hors deffens, pourveu toutesvoiez que le boiz n'en puisse empirer. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 161). ...l'en trouvoit que les sales et la Chambre de Parlement estoient estayés par dessoubz les vostes, et si empiroient les murs, et plouvoit presques par tout (BAYE, I, 1400-1410, 219). Pour ce que le chemin empire, De venir advisez comment, Car je vous ayme loyaulment. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 93). Et afin qu'ilz [les édifices] ne puissent empirer ne demolir, nous vous prions (...) que sur les tours, boulevars, escluses et autres edifices que verrez estre necessaires de couverture, vous les faites couvrir de tuille, en maniere qu'ils ne puissent tomber en ruine. (Lettres Louis XI, V.M., t.10, 1474, 361).

 

-

"Se corrompre, devenir vicié" : N'en parlons plus, car l'air empire De parler de si vil matire... (MACH., D. Lyon, 1342, 201). ...Et devint homs de tel affaire Que ne le vueil mie retraire, Car li airs corront et empire De parler de si vil matyre. (MACH., C. ami, 1357, 92).

 

-

[D'un corps, d'un cadavre] "S'altérer, s'anéantir, se corrompre" : Ainsi que le tirant dedens son cuer pensoit Qu'en l'eure que l'arain fort eschaufé seroit, Que leur cuir et leur char forment empireroit, Lors le dous saint Eustace forment Dieu reclamoit. (Vie st Eust. 1 P., c.1350-1400, 164). Alez la deffendre de fait, Que pour feu qu'entour li on face Son corps n'empire ne n'efface Ne ne malmette. (Mir. femme, 1368, 215). LE SECOND MEDECIN. Mierres y a pour odorer, Encens et aloys cicolin, De peur qu'il [le cadavre] ne puisse empirer. (Myst. Viel test. R., t.3, c.1450, 193).

 

-

[D'un organe] "Souffrir, s'affaiblir" : Mon cueur si seuffre grief martire Qui fort me tire A douleur, car le fait me touche, Je sens bien le cueur qui empire, Et si souspire Aussi sarté comme une souche (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 193). La chambriere, ou rien n'avoit a [ le ] courroucer, non pas mains doubtant l'esclandre de son fait que la mort, voyant aussi que le jour commence a paroir, avec tout le desplaisir et crainte que son ennuyeux cueur charge et empire, se hourde de l'escuier et a son col le charge. (C.N.N., c.1456-1467, 124).

 

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Empiré. "Dont l'état s'est détérioré" : Monstrez les moy ces povres yeulx, Tous batuz et deffigurez, Certes ilz sont fort empirez Depuis hier qu'ilz valloient mieulx. (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 478).

 

-

[D'une denrée] "Se gâter" : Fist à Naples que nulle chair pour challeur qui peust fere, ne se povoit empirer en la boucherie du lieu. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 70 v°).

 

-

[Du temps] "Devenir mauvais, se gâter" : Et Jourdain, ou il n'ot onques nul jour que dire, Et Tibaut et Renier qu'i tenoient a sire Sont au siege remés tant que li tans empire Et que li saison passe. (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 89).

 

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[D'un état physique] "S'épuiser, s'affaiblir" : Adont desirs d'estre de li amez En mon cuer fu si trés fort enflamez Que puis m'en suis cent fois chetis clamez En souspirant ; Car tel doleur sentoie en desirant Que ma vigour en aloit empirant Et meint penser avoie, en remirant Son dous viaire (MACH., J. R. Beh., c.1340, 74).

 

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[D'une couleur] "Perdre de son éclat, se ternir" : Et quant ma voix eut entendue, Je vis sa couleur empirer, Mot ne dit ne que beste mue, Tres fort se print a souspirer. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 187).

 

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[D'une maladie, d'un mal] "S'aggraver" : Pour ce mes dolens cuers souspire, Quant il sent que son mal empire Et qu'adès ha de mal en pire Sans aligence Et sans confort dou grief martire Qui le tourmente et le martire (MACH., Compl., 1340-1377, 241). Trop me dueil, Certes le celer n'en est preuz, De ce qu'ainsi me voy lepreuz Et que mon mal adès empire. (Mir. st Sev., 1362, 191). De plus en plus ma grief dolour empire, Dont moult souvent mes cuers souspire et pleure, Puis que desir mue mon mal en pire. (MACH., L. dames, 1377, 145). Mon mal de jour en jour empire (Mir. st Panth., 1364, 334). C'est le mal qui, plus va tirant A santé, plus est empirant. (CHART., L. Dames, 1416, 268). De moy repentir est trop tart, Par quoy mon mal tousjours empire. (Narcissus, p.1426, 314). Mais que mon mal si ne m'empire, Je suis en bon point, Dieu mercy, Ne n'ay douleur, ne soucy De chose que on me puisse dire. (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 345). [Le texte est du seigneur de Torsy]

 

2.

[D'une chose abstr.] "Perdre ses qualités" : Le vin esmeut a soy irier, Et fait les vertus empirier. (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 99). Et, pour que leur vertu n'empire [des pommes aromatiques], Soint mises en vaissel de voirre, Nompas de boiz, n'aussi de terre, Et soit le vaissel tout appoint Souventes foiz par dehors oint D'eaue rose comme est sonné (LA HAYE, P. peste, 1426, 152). Laisse desormez ceste question et te suffise de demourer en ceste sainte et humble pensee, que celle verité infinie, qui de noz biensfaitz ne peult mieulx valoir, ne par noz faultes empirer, tient sur tous egalle et droicturiere justice, non pas par nous ne pour vous, maiz par l'essencial perfection de sa naturelle bonté. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 53).

 

-

Estre empiré en qqc. "Connaître une dégradation, une déperdition dans tel ou tel domaine" : Mez, par laps de temps, nature humaine, si est enpyree en muers et en puissance et en vertu corporele, et, pour tant, lez loys et lez constitucions furent neccessaires et furent donees par Moÿse au pueple. Et aprés, pour ce que nature humaine va tousjours en enpirant et en declinant, furent trouvees lez loys civiles et lez aultres constitucions positives. (Songe verg. S., t.1, 1378, 210).

 

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[D'un état moral] "Devenir pire, s'aggraver" : Pour ce mes dolens cuers souspire, Quant il sent que son mal empire Et qu'adès ha de mal en pire Sans aligence Et sans confort dou grief martire Qui le tourmente et le martire (MACH., Compl., 1340-1377, 241). ...Mais garde bien qu'on n'en mesdie En ta presence, quoy qu'on die, Car c'est trop petite vengence, Ce m'est avis ; et sans doubtance, Qui en mesdit, ou fait mesdire, Plus que ses anemis s'empire. (MACH., C. ami, 1357, 138). Et en mon cuer estoit l'espine De sa complainte feminine, Qui faisoit mon grief empirer Et mon cuer souvent souspirer (MACH., Voir, 1364, 164). De plus en plus ma grief dolour empire, Dont moult souvent mes cuers souspire et pleure, Puis que desir mue mon mal en pire. (MACH., L. dames, 1377, 145). Einsi, pour moi desconfire, Fait mon cuer defrire Et en dueil confire Qui toudis empire (MACH., Les lays, 1377, 317).

 

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[D'une situation, d'un état de choses] "Tourner mal" : ...vous et voz gens ont esté advertis que ilz faisoient mal, mais rien n'y vault, et va tout en empirant. (JUV. URS., Loquar, 1440, 413). NOSTRE DAME. Mon filz, la feste fort s'empire Et tourne à honte et a escande Sur l'espoux, qui luy sera grande, Si vous mesme n'y pourvoyés, Car le vin fault (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 69).

 

3.

Empl. impers. Il empire à qqn. "Cela va plus mal pour qqn" : ...quant elle vouloit que sondit mary empirast, elle mettoit icelle paile sur le feu tant que elle faisoit frire laditte cire, icelle remuoit à une petite cuillier, et que par tant de fois comme l'en vouloit qu'il empirast à celui que l'en vouloit faire estre bien malade, l'en mettoit icelle paile sur le feu pour frire, et remuoit l'en icelle cire et poix à laditte cuillier (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 306). Et laquelle Gilete, avec ce, nourrissoit deux grans botereaux aus piez de son lit, et que quant elle vouloit qu'il empirast à icellui de Ruilly, que elle les piquoit d'aguilles. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 318). Sus, affin qu'il ne nous empire De la sourvenue, cheminon Et tous ensemble nous tenon Pour estre plus honnestement. (Myst. Incarn. Nat. L., t.2, c.1454-1474, 32). Et vous, mon corps, ou vil estes et pire Qu'ours ne pourcel qui fait son nic es fanges, Louez la Court devant qu'il vous empire, Mere des bons et seur des benoistz anges. (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 77). JESUS. ...Pense en ton cueur secretement [Simon le lépreux] Et puis va tout premierement Monstrer au prestre ton desroy, Puis offre a Dieu selon la loy Ton don comme Moyse l'ordonne, Et a peché ne t'abandonne Desormais, que plus ne t'empire. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 123). Aprés la chace et la grant tuerie, A son enseigne chascun se retira, Et mesmement toute la seigneurie Auprés du roy incontinent tira ; Et les Lombars, a qui trop empira, Semblablement entre eulx se retirerent, Ne plus avant celuy jour ne tirerent. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 280).

II. -

Empl. trans.

A. -

Empirer qqn

 

1.

"Blesser, mutiler qqn" : ...li persone arrestée seroit mise em prison ù Castel en telle maniere que li justice ne le puet mettre à question ne empirier son corps. (Hist. dr. munic. E., t.2, 1334, 85). Et cil qui estoit grant et fort, trait l'espee et fiert Gieffroy sur le bacinet de toute sa force. Mais le bacinet fut dur, et l'espee glissa aval de grant randon. Mais oncques ne empira Gieffroy ne son harnoiz de la vaillissance d'un denier. Et Gieffroy empoingne l'espee a deux mains et le fiert sur la coiffe d'acier si grant coup qu'elle ne le pot garantir, mais lui embat l'espee jusques a la cervelle et le rue mort. (ARRAS, c.1392-1393, 200). ...Richars les coutiaux fist et faire et ouvrer Et les mist en vo lit pour vo cors empirer. (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 770).

 

-

"Tourmenter qqn" : Amis, t'amour me contreint Si qu'il me convient descrire Le martyre Qui empire Mon corps et mon cuer esteint Et de grietés si m'enseint Que je ne saroie eslire Le meins pire (MACH., Les lays, 1377, 352). Ne say dire Le martyre Qui mon dolent cuer martyre Jour et nuit : Trop m'empire ; S'en souspire, Qu'amours à moy descondire Trop le duit, Qui desire Moy occire... (MACH., Les lays, 1377, 446).

 

2.

"Faire aller qqn de plus en plus mal" : Einsi morrai dou mal qui me martyre Malgré la Mort qui me het et m'empire, Quant pieça n'ay passé par mi ses las. (MACH., Les lays, 1377, 303). ...ou aultrement vostre dueil et voz tristesses vous porroient l'ame et le corps trop empirer. (LA SALE, Reconf. De Fresne H., 1457, 3).

 

-

"Affaiblir qqn" : Dame, la clarté plus m'empire... (Mir. Berthe, c.1373, 214).

 

3.

"Blesser moralement, outrager qqn" : Mal an et male journée Puist avoir cilz qui meffait, Tant qu'il bée Qu'empirée Soit dame et deshonnourée Ou blasmée par son fait. (MACH., Les lays, 1377, 454).

 

-

"Rabaisser qqn" : Or me punist Fortune, sans mesprendre, Pour celle amer, ou n'avoit que reprendre Et ou Nature et Dieu vouldrent comprendre Ce qu'on savroit a souhait desirer, Qui tous les biens vouldroit en un tirer ; En elle estoit, sans autres empirer, Le droit mirouer pour les autres mirer, Ou chascun puet sans riens mectre tout prendre. (CHART., Compl., 1424, 324).

 

4.

"Faire du tort, porter préjudice à qqn" : ...saiches que tout mal dit si generaument des femmes empire les diseurs et non pas elles meismes. (CHR. PIZ., Cité dames C., c.1404-1407, 625). - En verité, sire chevallier, dist elle, je voy bien que vous estes villain et que vous n'estes point venu de si bon lieu comme vous avez depuis nagaires dit. - Damoyselle, dist il, ma villonnie ne le lieu dont je suis venu ne vous peut empirer, au moins s'il ne vous plaist. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 17). Se vous me faittes la demande Comment j'entretiens ce mesnage, Nesungs je n'empire n'amende, Tousjours entre deux eaux je nage. (VAILLANT, Oeuvres D., c.1445-1470, 132).

 

-

"Importuner qqn" : MAXIMINUS (à l'empereur Maximien). Sans que j'empire Vostre magesté impolue, Cesar auguste et bruit d'empire, Tres humblement je vous salue. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 9).

 

5.

"Accabler qqn" : Amour dure plus que fer a macher, Nommer que puis, de ma deffaçon ["destruction, ruine" (éd.)] seur, Cherme felon, la mort d'un povre cueur, Orgueil mussé qui gens met au mourir, Yeulx sans pitié, ne veult droit de rigueur ["justice rigoureuse" (éd.)], Sans empirer, ung povre secourir ? Mieulx m'eust valu avoir esté serchier Ailleurs [chez une autre femme] secours, ç'eust esté mon honneur. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 83). [Cf. n.948-949]

 

6.

"Corrompre qqn" : A che propos saint Augustin ou livre des Confessions, ramembrant l'estat de sa jennesse, se complaint avoir eu mauvais compaignons par les paroles desquelz il estoit empirié, en ceste maniere : "Par mauvaisse compaignie, dist il, je aloie en trebuschant..." (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 263). Rien ne pourroit un bon cuer empirer S'il ayme Honneur, ne jamais n'ara honte, Car c'est le bien qui les autres seurmonte. (CHART., B. Nobles, c.1424, 398). Maismes Betidés son filz estoit empirié des meurs de celle mauvaise femme (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 483).

 

-

[D'un animal] Empirer un autre animal. "Contaminer" : Le .VIe. enseignement de Prudence est que la sage princepce, tout ainsi que le pastour se prent garde que ses berbis soient maintenues en santé et se aucune en devient roingneuse il la separe du troupel de paour qu'elle peust empirer les autres, elle se prendra garde sur le gouvernement de ses femmes, lesquelles aura triees a son pouoir toutes bonnes et honnestes, car autres ne vouldra avoir entour elle. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 72).

B. -

Empirer qqc.

 

1.

[...une chose concr.]

 

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"Endommager, détériorer qqc." : ...Ains li fers de la lance Bauduin le poissant N'empira armeüres ne le corps du soudant (Bât. Bouillon C., c.1350, 61). Mais li feus qui tout art et robe N'empira le corps ne la robe Des Juïs qui furent emmi L'ardant feu et de Dieu ami, Nes un seul cheveu de leur teste... (MACH., C. ami, 1357, 22). Li enfant qui de cuer et d'ame Loërent Dieu dedens la flame Et menoient revel et feste, Qu'onques un cheveu de leur teste N'i fu malmis ne empirez, Mieus vorrent estre martirez Que faire ou penser tel foloy Comme d'errer contre leur loy... (MACH., C. ami, 1357, 56). Et y fist traire toutes ses gens et environner le chastiel et drechier par devant tous ses engiens, qui nuit et jour jettoient contre les murs dou dist chastiel ; mès trop petit l'empiroient. (FROISS., Chron. L., III, c.1375-1400, 84). ...la lance du soudent vola en pieces. Ce ne fist pas celle de Gieffroy, car elle estoit d'un gros plancon de chesne fort, et il emploia toute sa force a bien ferir, et oncques ne pot empirer la piece d'acier. (ARRAS, c.1392-1393, 231). ...et feussent mis ces X. solz en la bourse de cuir de cerf dessus la piece de bois qui soustient l'esguille du pommel, et sur quoy il est assiz, et ce feist continuer tous les ans, et le pommel demourroit entier. Et depuis a esté ainsi fait, ne oncques puis le pommel ne se bouga, ne ne fu empirez, et n'y treuve on rien le landemain. (ARRAS, c.1392-1393, 296). Et moult se merveille le Chevalier du Papegaux que il ne scet tant ferir son ennemy sur le haubert que il le puisse empirer ne tant ne quant (Chev. papegau H., c.1400-1500, 49). ...les galleries d'emprès la chapelle qui avaient esté empirées quant la dicte maison chut (Comptes Archev. Rouen J., 1432-1433, 119). ...il convient que ainsi soit [que la porte du temple soit ouverte], et l'oeuvre ains que j'empire l'huis. - Je ne sçay, dist la voix, se tu empireras l'huis, mais tu n'y entreras point par force ne autrement (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 754). La onziesme, Bonniface faillit, et messire Jaques l'atteindit assez près des aultres deux cops, et luy empira moult son harnois, et aggrava sa lance. (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 159).

 

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Estre empiré. "Être endommagé, en mauvais état" : LE SERGENT. Foy que doy a mes rentiers, Je m'en voys sus Gaultier La Haire Luy porter mes soulliers reffaire. Sang bieu, et qu'ilz sont dessirez ! Saint Jehan, ilz sont fort empirez D'avoir esté en mon service. (Sav. serg. D.L., c.1480-1490, 30). Enssi par toutes terres estoit en che tamps li mondes entriboullés et empiriés (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 202).

 

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"Nuire à qqc." : ...Une chose qui moult empire Tout vostre royaulme et empire, C'est que les Juifz qui se y tiennent Une autre loy que vous maintiennent. (ALECIS, Passe temps P.P., 1480, 242).

 

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"Faire aller plus mal (un organe)" : ...Je prens en gré le douloureux annoy Qui mon las cueur de plus en plus empire (LANNOY, WERCHIN, Ball. P., 1404, 344).

 

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"Altérer (des monnaies)" : Si fut appellé le roy Jehan de France, et empira tantost les monnoyes par convoitise (LE BEL, Chron. V.D., t.2, 1358-1360, 186).

 

2.

[...une chose plus abstr.]

 

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"Attenter à qqc." : Lesquelz eulx concordamment, par la maniere dessus dite, ont volu que dorenavant ainsy sont levés et paiés par protestacion, et retenu de non voloir empirer le droit de monseigneur ne de l'autruy (Trés. Reth. S.L., t.2, 1355, 150).

 

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"Ternir qqc., porter atteinte à qqc." : LE CHEVALIER AU ROI. Si ai, puis que je ving, trouve [l. trouvé] Que tresbien estes gouverne [l. gouverné] En justice et en jugement, (...) La quel chose est bien a mon gre [l. gré] Et dont vous estes moult loue [l. loué] ; Mes autre chose ai a dire Qui moult ce grant los empire. (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 278). Et quant a vostre honneur, (...) j'ameroie mieulz mort premiere et seconde que faire ne dire chose dont elle fu[st] empiree ne amenrie. (MACH., Voir, 1364, 292). Mais miex vorroie estre outre mer Sans retourner Qu'entroublier Son dous vis cler Ne que penser Chose qui peüst empirer Sa bonne renommée. (MACH., Les lays, 1377, 429). Ainsi me doint Amours de li joïr, Qu'onques vers lui n'oi cuer fait ne desir Ne pensée pour s'onnour empirier. (MACH., Les lays, 1377, 471). ...Car j'aim miex einsi languir Et morir, s'il vous agrée, Que par moy fust empirée Vostre honnour, que tant desir, Ne de fait ne de pensée. (MACH., Motés, 1377, 484). Il ne doit faire ne dire Chose dont on le mesprise, Ne qui l'autry bien empire Ne dont son los amenuyse. (CHART., B. Nobles, c.1424, 404). - Or me dittes, sire chevallier, de quel paÿs estes vous ? - Par ma foy, sire, respondy le jenne chevalier, je suis du royaume d'Escoce, et veez la ce que je vous puis dire de mon estat, se je ne veul empirer ma conscience. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 90).

 

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"Gâter qqc." : Et pour c'iés tu einsi peris De scens et de force amenris Et perdus de maniere toute, Quant tu la vois, car tu as doubte Que tu ne doies faire ou dire Chose qui ta besoingne empire. (MACH., D. verg., a.1340, 52). Et pour ce que j'ai par oultrage Mal usé de franc arbitrage, Et qu'ai par fole induction Empirié ma condicion, Et qu'ai besoing pour mon meschief D'estre dispensé derechief, Quant j'ai pensé tout environ, Je retourneray ou giron De Sainte Eglise nostre mere. (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 116). Par semblable le vice qui du prince redonde sur ses subgietz pervertit l'ordre, trouble l'office et empire la condition de tous les estatz de son peuple (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 45). Autres disoient que la Royne ne print pas bien en grée aucunes assemblées de dames, par maniere de festiemens que journellement faisoit le Roy, dont elle conseut aucunes jalousies qui moult empira le repos des couraiges de chacune partie. (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 191).

 

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"Aggraver, rendre pire (une douleur, un mal)" : Mais ce qui plus va mon mal empirant, C'est ce que bien à mon borgne oueil parçoy Qu'à court de roy chascuns y est pour soy, Car il n'est homs qui tant à moy aconte Que de mes maus face samblant ne conte. (MACH., Compl., 1340-1377, 252). Pour ce à vous plus que je ne seuil Me plaing et dueil, Quant je recueil De vostre accueil Semblant qui ma dolour empire. (MACH., Les lays, 1377, 284). Las ! c'est ce qui me desvoie Et qui durement empire Ma dolour et mon martyre. (MACH., L. dames, 1377, 105). Si qu'il ne porroit nullement Riens faire si joliement De sa matiere dolereuse Com li joieus de sa joieuse, Pour ce qu'il n'a riens qui l'esgaie Ne matiere lie ne gaie, Et s'a desir et povre espoir Qui sa doleur empire, espoir. (MACH., Prol., c.1377, 9).

 

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"Diminuer qqc." : Si me doit plus que souffire, Quant je n'ay tristece n'ire Ne douleur, Dont je me doie defrire, Ne riens qui ma joie empire Ne m'onneur ; Einsois ay sans contredire Tout ce que mes cuers desire Sans labeur (MACH., Les lays, 1377, 348).

 

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"Aggraver (une situation, un état de choses)" : A ce respondy le duc : Beaulx seigneurs, cecy n'empire pas nostre affaire, et je n'y renonce pas quant il sera temps. (ARRAS, c.1392-1393, 177). Qui que mon fait empiré Eust, par desloyal langaige, Et que m'eussiez adiré, Or vous tiens je, belle et sage. (CHR. PIZ., Cent ball. amant dame C., c.1409-1410, 96).

 

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"Déformer (des propos)" : Et comme dist saint Jerome a Paulin : "C'est une tres vicieuse maniere de parler quant on empire les sentences d'autruy, et traire a sa volenté escripture qui est a che repugnant ou contredisant". (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 131).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

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