C.N.R.S.
 
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     EMBRASSER     
FEW I 487b brachium
EMBRASSER, verbe
[T-L : embracier ; GD : embracier ; GDC : embracier ; AND : embracer1 ; DÉCT : embracier ; FEW I, 487b : brachium ; TLF : VII, 905b : embrasser]

A. -

Au propre "Entourer de ses bras"

 

1.

"Prendre dans ses bras (pour marquer son affection, son amour, en partic. dans l'étreinte amoureuse...)" : Quant il la vit, il s'avansa Et un bien petit l'embrassa, Et elle lui moult humblement, En saluant courtoisement, Liement et a bonne chiere. (MACH., J. R. Nav., 1349, 187). Et quant de près le pot vëoir, Seur le corps se laissa chëoir Au pié de sa tour droitement ; Si l'embrassoit estroitement, Forcenée et criant : "Haro !" Einsi fina belle Hero, Qui de dueil fu noïe en mer Avec son ami, pour amer. (MACH., J. R. Nav., 1349, 250). Que ce fu jadis li demours De Cupido, le dieu d'amours, Et que Jupiter et Venus Y sont par maintes fois venus Pour eaus deduire et solacier, Pour acoler, pour embracier, Et pour le deduit ou nature Mist plus son entente et sa cure, Pour avoir plaisence et solas, Comment qu'on en soit de po las - Car aucune fois il anuie (MACH., F. am., c.1361, 192). ...Et puis elle le resgarda Et de son droit braz l'embrassa Et li dist : "Amis, trai te sa !" En sousriant. (MACH., F. am., c.1361, 232). [À propos d'une nuit de noces] ...j'ay pensée lasse Quant entre mes bras ne l'embrasse [la pucelle] (Mir. chan., c.1361, 174). Mais trop hai desdaing et pesance Que tu desprises moi, gaiant, Pour amer un chetif noiant, Accin, de cui tu te solaces, Si le baises et si l'embraces, Et moi ne daignes embracier Ne deduire ne solacier. (MACH., Voir, 1364, 642). ...il trouva elle depposant qui se esbatoit par l'ostel avec plusieurs autres jeunes filles, print icelle et l'embrassa, et en après, par maniere d'esbatement, la porta en une chambre qui estoit appareillée pour lui, et la coucha sur un lit (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 122). Mais quant de ma demouree [de moi, Mélusine], c'est pour neant, car il ne plaist pas au Hault Juge. Et a ce mot le lieve [Remond], et l'embrace et l'acole de ses bras, et s'entrebaisent, et orent entre eulx deux si tres grande douleur qu'ilz cheirent eulx deux pasmez sur l'aire de la chambre. (ARRAS, c.1392-1393, 257). Lors l'appella le chappellain, et Gieffroy entra dedens. Et tantost qu'il appercoit son pere, il se met a genoux, et le salue moult doulcement. Et Remond le court embracier, et le baise tout en lui drecant. Et s'assirent sur une basse forme devant l'autel. (ARRAS, c.1392-1393, 278). LE MARQUIS [à Griseldis]. (...) Pour ce, m'amour, t'embraceray je, Qui tant es bonne et vertüeuse, Comme ma seule et vraye espeuse, Car onques autre ne rouvay, Ne jamaiz autre n'ameray. (Gris., 1395, 95). Messire Amauris de Cliçon li dist : "Dame, vechi le capitainne et est nonmés ensi et uns chevaliers ou li rois d'Engleterre et li signeur de son consel ont grant fiance." Adont se traist la dame a mesire Gautier et l'enbraça moult doucement et le baisa, et puis apriés tous les aultres. Et qant elle ot alé tout autour et fait celle requelloite, elle les enmena amont ou chastiel, pour euls aisier et rafresqir (FROISS., Chron. D., p.1400, 526). ...il print congé d'elle. Si l'embrassa bien doulcement et la voulut baiser (C.N.N., c.1456-1467, 316). Magdaleine, vien sans enuy, Embrasse moy, ma doulce amie, Et baise la pouvre marrie ! (Pass. Auv., 1477, 265). ...et le VIIe des ydues du mois de juing sequent, vint à Mont Robert une nuée de pluye si vehemente que toute la cité en fut oppressée et plusieurs personnes, c'est assavoir VIII hommes et une femme, tenant ses deux enfans embrassés, et à l'eure de vespres l'eaue de certain lieu, convertie en sang. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 114 r°).

 

-

P. métaph. : ...et comme Joab ilz occient et fierent en baisant ; et a l'exemple d'un laron et d'un poisson qui se nomme polipus ilz occient en embrassant, et soubz la cotte de beau semblant ont cachié traïson, rapine, fraude (GERS., Concept., 1401, 409). Si convient que quant on chasse hors justice, que paix avec s'en aille : paix ne pourroit demourer sans justice et sans la baisier et embrassier chastement : Justicia et pax osculate sunt. (GERS., Noël, p.1404, 302).

 

-

Prov. Qui trop embrasse mal/peu estreint : "Monsigneur, vous avés oy dire et recorder par pluiseurs fois : Qui trop embrace, mal estraint." (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 201). Qui trop embrace, pou estraint. (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 198). Et, par ce, on peult bien dire : qui troup ambrace mal estrainct, et qui tout veult avoir tout pert (AUBRION, Journal L., 1490, 246). L'anguillon pesant boeuf constraint : Qui trop embrasse mal estraint (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 60).

 

-

Inf. subst. : ...il desire amer Et beaulx embrachiers et baisiers, Avecques les autres aysiers, Lesquelz je n'oz pour honte faire (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 10).

 

2.

Embrasser qqc. (ou qqn comme on le ferait d'un objet). "Saisir à bras-le-corps, saisir" : Mès vinrent jusques au captal et l'environnèrent, et s'arrestèrent dou tout sur lui, et le prisent et embracièrent de fait entre yaus par force. (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 127). "Et voult venir sur le varlet et le cuida ferir de sa hache en la teste, mais le varlet se mucha dessoubz le cop et ne fu pas consieuvy, et embracha l'escuier, qui estoit foullé de longuement combatre, et le tourna dessoubz luy à la luite." (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 53). Uriien (...) laisse l'espee aler et embrace le roy Braidimont par le faulx du corps et le tire a terre du cheval mal gré qu'il en ait. (ARRAS, c.1392-1393, 138). ...tout desrompt sa faulse brace Quanque bastis et quanque embrace (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 79). Est ce doulceur ? Est-ce saveur ? Est ce chose que on puisse toucher, taster ou embrasser ? (GERS., Trin., 1402, 157). ...et le frappa d'un coup de poing et ledit Larmet lors embrassa ledit Didier et le rua par terre (Lettres rémission René II P.D.H., 1491, 215).

 

-

Prov. Folie est de tant embrasser, On n'emporte que le bien fait : LA MORT (venant chercher la duchesse) Auiourdhuy vous fault trespasse¨Pourquoy de vostre vie est fait Folie est de tant embrasser On nemporte que le bien fait (Danse macabre femmes H., p.1480, 25).

 

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Tant embrasse on que choit la prise : Tant embrasse on que chiet la prise (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 52).

 

3.

"Mettre qqc. à son bras" : ...Chascuns ala vestir le bon haubert doublier (...) Et monter ou cheval et l'escu enbracier. (Brun de la Mont. M., c.1350-1400, 71). Messires Eustasses d'Aubrecicourt, qui estoit à cheval, baissa son glave et embraça sa targe, et feri cheval des esporons, et vint entre les batailles. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 35). ...puis trait l'espee et embrache son escu. Si cuide courir sus au chevallier... (Percef. Compl. R., c.1450 [c.1340], 260).

B. -

P. anal.

 

1.

Embrasser qqn. "Accueillir qqn" : Povre je suis de ma jeunesse, De povre et de peticte extrasse ; Mon pere n'eust oncq grant richesse, Ne son ayeul nommé Orrace ; Povreté tous nous suit et trace. Sur les tumbeaux de mes ancestres, Les ames desquelz Dieu embrasse, On n'y voit couronnes ne ceptres. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 40).

 

2.

Embrasser qqc. "Comprendre, contenir qqc. en soi" : Et tu, creature, qui veulz si avant enchercher, monte ou firmament et descens en abysme, rappelle le preterit et avance le futur, desveloppe la mixtion dez destineez, embrasse l'ordre dez causes, le nombre des effectz, la mesure dez temps, et la dependence de leurs finz, et puis dispute contre le Createur qui leur ordonnance a enregistree ou livre de ses secretz. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 35). Dieu est, par tout regne, par tout commande, par tout est sa majesté, il remplist toutes choses. Il comprend et embrache l'université des choses. (Somme abr., c.1477-1481, 139).

 

3.

Estre embrassé de qqc. "Être entouré, cerné par qqc." : LE CHRESTIEN commence. Consideré le cours du temps passé Que j'ay passé, de bon cueur trespassé, Mal compassé, d'honneur pou amassé, Tout bien pensé, ne sçay que doye faire. De Povreté me voy tout embrassé, Si enlassé que suis tout lassé, Si entassé, de honte et dueil cassé, Mocqué, farcé que plus ne me peux taire. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 73).

C. -

Au fig.

 

1.

"Chercher à saisir (des biens, des avantages...)" : ...ce bon chevalier, pour mieulx valoir et honneur acquerre et embrasser, se partit de sa marche (C.N.N., c.1456-1467, 246). ...il [le chancelier de Bourgogne] estoit vindicatif oultre mesure et sans espargne. Par sa convoitise, il ravissoit tout (...). Se riens d'acquest ou pratique pooit cheoir ou pays, il convenoit que tout tournast a ly. Tout embrassoit, tout estraignoit. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 110). ...la fraulde et dampnable deception du sire de Croy et des siens qui, par ambicion, extreme convoitise et pour leur singulier prouffit, veulent embraser [l. embrasser, var. ambrasser, embrasser, ambracier, embrachier] et avoir tout le gouvernement des pays et seignouries de mond. seigneur et pere (Doc. 1465. In : Bessey-Paravicini, Guerre des manifestes, 2017, 114).

 

2.

"Choisir, adopter, accepter qqc. sans réserve" : Pour chastier les filz desroys [l. des roys] A venir, que plus telx des roys [l. desroys] Contre pére et mére ne facent, Ne tel orgueil en eulx n'embracent... (Mir. ste Bauth., c.1376, 145). Sipio, le premier Affricquant, aussy qui embrassa l'ayde de subtillité, callidité. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 25). ...j'ayme mieulx a la mort voluntairement tendre les mains, soubmettre mon col et honorablement l'embrasser, que par la fuyr je vive deshonorée. (C.N.N., c.1456-1467, 143).

 

-

Embrasser (une cause). "Défendre qqc." : Si allerent le procureur du Roy et ledit de Pouppincourt celle part, et furent bien recuilliz des Gantois de prime face, pour ce qu'ilz cuydoyent que le Roy les envoyoit devers eulx pour embrasser le faict des Gantois contre le duc. (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 275).

 

-

[À propos de la dévotion à Marie] : Toute douleur en doulceur passe Qui de bon cuer s'amour embrasse (Mir. ev. N.D., c.1348, 62).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Robert Martin

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