C.N.R.S.
 
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     EFFROI     
FEW XV-2 *exfridare
EFFROI, subst. masc.
[T-L : esfroi ; GD : esfroi ; GDC : esfrei ; AND : effrei ; DÉCT : esfroi ; FEW XV-2, 91b : *exfridare ; TLF : VII, 768b : effroi]

A. -

"Bruit plus ou moins fort ; tumulte, vacarme "

 

1.

"Bruit" : ...et, quant il ne virent devant les portes aucunez stacions ne aucuns qui feussent par dessus la cloison et par dedens n'oïrent nul effroy ne nul fremissement, il furent espoventé de la silence, et si se doubterent d'embuchez et de deception et s'arresterent (BERS., I, 9, c.1354-1359, 45.15, 86). [Junon] Dist a Yris, sa loial messagiere : "Enten a moy. Bien sai que moult yès aperte et legiere. Va t'en au dieu qui het noise et lumiere, Qui de dormir aimme toute maniere Et het effroy. Tu li diras que devers li t'envoy, Et le meschief d'Alchioine et l'anoy Di li, qu'il li moustre Ceys le roi Et la maniere Qu'il fu peris, et comment, et pourquoy." (MACH., F. am., c.1361, 163).

 

-

Faire effroi. "Faire du bruit" : Li Bèghes de Vellainnes (...) oy, ce li sambla, le son de passer sus le pavement ; si dist à chiaus qui dalés lui estoient : "Signeur, tout quoi et ne faites nul effroy. J'ay oy gens : tantost sarons qui ce sont, qui ceminent à ceste heure." (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 80). Et comme il fut venu leans, la dame monte en sa chambre sans faire effroy, et il la suyt tout doulcement. (C.N.N., c.1456-1467, 50). Ces bons cordeliers, oyans ce bruit de femmes, saillirent de leur chambre sans faire effroy ne bruit (C.N.N., c.1456-1467, 202). BEAUCOP. Mon amy, il fault que l'en voise Là derriere, sans faire effroy, Venez vous en avecque moy, Car il y a des draps assez Qui y sont plus fort entassez. (B. veoir, p.1480, 18).

 

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Faire un (grand) effroi. "Faire un scandale" : [Saintré, contraint de dire qui il aime, donne, au hasard, le nom d'une jeune fille de 10 ans] Et quant Madame oyt nommer Matheline de Courcy, pensa bien que amours d'enfance et ygnorance y ouvroit ; neantmoins, plus que par avant fist un grant effroy en son loigeis et lui dist: "Or voy je bien que vraiement vous estes un tres failly escuier de avoir choisie Matheline a servir. Je ne dy pas que Matheline ne soit une tres belle fille, et de bon lieu et meilleur, sire, que a vous n'appartient..." (LA SALE, J.S., 1456, 15). Ainxin est vaincu et se repent moult le bon home d'en avoir tant fait, et croit qu'il n'en fut oncques riens. Or fault il savoir le prouffit que le bon home avra d'avoir fait tel effroy [dire du mal de sa femme]. Il sera dorenavant plus subgit qu'il ne fut oncques, et a l'aventure devendra pouvre homme, quar sa famme qu'il a diffamee n'avra plus de honte, pour ce qu'elle scet bien que chacun le sceit, et ne fera plus compte de riens. (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 113).

 

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"Brouhaha" : Lors, comme deliberee et appareillee de mectre avant l'effect de ses parolles, se leva de sa chaire pour tirer oultre, par quoy ung moult grant effroy se commança a sourdre la dedens, pource que les oppinions de la plus grant partie d'iceulx estoient differantes les unes aux aultres. (LA VIGNE, Ress. chrest. B., 1494, 141).

 

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[À propos de chiens] "Aboiements" : Et, des qu'ilz orront l'effroy des chienz, ilz se cuideront bouter dedanz les terriers, et seront pris es pouches. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 246).

 

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En partic. "Nouvelle officiellement annoncée" : ...le propre XXVIIIe jour de novembre advint l'effroy et la criee que j'ay dite de la maladie du duc, menasces de mort si tresprés que nul onques plus sans venir au parfait. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 148).

 

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"Bruit qui court, rumeur" : ...chevaliers et escuiers de ce pays de Bourbonnois et de Forois se resvilleront et se trairont celle part, et tout le pays aussy ; ilz n'y demouront point quatre jours que ilz seront enclos et assiegé. Entreus que telz effrois et telz murmurations courroient parmy la ville et chité de Clermont, il y ot environ LX. compaignons (...) qui s'ordonnerent au partir (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 221). Entrues que ces coses se demenoient enssi, couroit une voix et uns effrois parmi Londres en dissant enssi : "On tue le roi ! on tue le maire !" (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 121).

 

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[À propos de nouvelles] À petit effroi. "Discrètement" : Et ainsi et à celle heure que l'on pendoit ledit Aloguet, et ainsi que le dernier de tous, à mon advis bien quarante hommes, vindrent nouvelles, à petit effroy, que les Gantois estoient yssus de Gand pour venir combatre leur seigneur. (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 317).

 

2.

"Tumulte, vacarme, état de confusion qui l'accompagne" : ...la fu grans li effrois Et li ochisions et vaillans li tournois. (Flor. Rome W., c.1330-1400, 167). Adont recommença en l'estour ly effrois : Mil cors d'olifant y sonnent à une fois. (God. Bouillon R., t.2, c.1356, 220). Et ly enfant Huon, qui moult furent courtois, Faisoient en le tente grant noise et grans effrois (Hugues Capet L., c.1358, 116). ...quant ilz oyrent l'effroy et le buschier et gens parler et chevaulx hannir, cogneurent tantost qu'ilz estoient deceus et souspris. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 216). Ly ost se desloge et se met a chemin. La peussiez oïr grant effroy. L'avant garde chevauche a exploit, laquelle conduisoit le roy d'Ausay et Regnault de Lusignen, montez sur un hault destrier lyart, armez de toutes pieces, excepté le bacinet (ARRAS, c.1392-1393, 174). Lors les crestiens se mirent en bonne ordonnance. La commenca grant effroy de canons et d'arbalestres, d'archiers, de gect de pierres et de coups de canons. Et quant vint a l'aborder, la veissiez gett de lances et de dardes d'archigayes. (ARRAS, c.1392-1393, 217). Celle nuit, avoient fait le gait doi grant baron de France (...) et estoient encores sus lor garde a l'eure que li Alemant et li Hainnuier vinrent. Qant il oirent la noise et l'esfroi, si tournerent celle part et fissent cevauchier lors banieres et lors gens. (FROISS., Chron. D., p.1400, 441). ...les seaulz de la Chancelerie avoient esté perduz le XXIXe jour de ce mois par l'effray et tumulte qui avoit esté à Paris à l'entrée des gens du duc de Bourgongne. (FAUQ., I, 1417-1420, 130).

 

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L'effroi leve : Et fisent Andrieus Hausdrac et Pières Mascles, navarois, saillir oultre leurs coursiers, et vinrent jusques as barrières. Adonc commencha li effrois grans et fors à lever en la ville, et sonnèrent leur trompettes les gens d'armes qui dedens estoient. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 114).

 

3.

En partic.

 

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"Alarme, branle-bas (avant le combat)" : Lors apperceut l'une navire l'autre, et quant ilz s'entre aprouchierent, lors quant noz gens congneurent que c'estoient Sarrasins, et les Sarrasins apperceurent que les autres estoient crestiens, lors commenca ly effroiz grans et de l'un costé et de l'autre. La commencierent a traire de canons et d'arbalestres, et a l'approuchier, a lancier dars si fort et si dru que ce sembloit gresil des viretons qui vouloient ; et fu la bataille dure et forte. (ARRAS, c.1392-1393, 129). Et n'orent pas erré plus de demy journee qu'ils apperceurent le roy Guion et le navire de Rodes, et les crestiens les apperceurent aussi. La veissiez grant effroy quant ilz orent l'un l'autre avisé au cler et qu'ilz s'entrecongnurent. (ARRAS, c.1392-1393, 217). [Le camp des Gascons est attaqué] Si se conmenchierent a estourmir et euls armer et mettre en arroi, qant la noise et li effrois conmenchierent (FROISS., Chron. D., p.1400, 619).

 

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Effroi d'armes : Et [la Pucelle] parloit aussy preudanment de la guerre comme ung cappitaine eust sceu faire. Et quant le cas advenoit qu'il avoit en ost aucun cry ou effray d'armes, elle venoit, fust à pié ou à cheval, aussy vaillanment comme cappitaine de la compaignie eust sçeu faire, en donnant cuer et hardement à tous les autres (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.1, c.1437-1464, 88).

 

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Faire effroi. "Donner l'alarme" : Et si tost que les premiers furent descenduz de la muraille, ilz occirent le guect avant qu'il eust loisir de crier ne de faire effroy, et puis prestement les archiers coururent à la poterne, et du groing de chien, par aspreté et par puissance, rompirent les gons et les verroux de la poterne (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 38).

 

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Sonner (à) l'effroi. "Sonner l'alarme, le tocsin" : ...et tandis les cloches des villaiges gantois sonnerent l'effroy, et les Gantois fugitifz coururent ès aultres gros villaiges et se rassemblerent plus de trois mille hommes, et vindrent marcher en deux compaignies, les uns droit au villaige et les aultres sur costiere, à la couverte des hayes et des plessis (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 248). ...et a Saint Loup sonnera une cloiche a l'effroy, et cryeront a l'arme, et vient la Pucelle en grant devoir, faisant grant admiracion, une espee nue en sa main, et plusieurs eschellent leur fortresse a force d'armes, et a force entreront dedans et tueront tout ce qui rencontreront des Anglois (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 439). ...et fut baillé audit grant maistre une lance par ung de ses paiges, nommé Anthoine de Carnazet, qui pour lors estoit assés aagé pour soy deffendre : ce qu'il sceut bien faire pour ce qu'il avoit oÿ le bruyt et veu sonner l'effroy. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 270).

 

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Venir à l'effroi. "Venir dès qu'on entend l'alarme" : ...et à l'effroy vint le seigneur de Saveuses tout desarmé, ainsi qu'il se trouva (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 43).

 

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"Mouvement populaire tumultueux, soulèvement" : ...en recompensacion de la somme de deux cens frans que le dit Hervieu perdi en la ville de l'Escluse en Flandres ou mois d'aoust l'an mil trois cens quatre vins et cinq, des deniers que il avoit de nous lors pour cause de l'office des garnisons de nostre seconde armee de la mer dont il fut maistre, lesquiex furent perduz par un effroy et commocion qui lors survint et fu en ladite ville par les gens et habitans d'icelle a l'encontre de noz gens (Clos galées Rouen M.-C., t.1, 1387, 314). Il y ot pour occasion de ce grant effray et commocion des gens estans à Paris, pour ce que on disoit que lesdictes gens d'armes, qui s'estoient efforciez et efforçoient de entrer à Paris, vouloient grever et destruire les gens du duc de Bourgongne et bourgois de Paris. (FAUQ., I, 1417-1420, 131). Et y ot grant effray à Paris pour occasion dudit arrest et emprisonnement, soubz umbre de ce que aucuns contre verité avoient publié en la ville de Paris que les Anglois avoient tué ledit mareschal et vouloient emmener le Roy hors de Paris, dont il n'estoit riens. (FAUQ., II, 1421-1430, 18).

 

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"Attaque soudaine et bruyante, assaut" : Li François, qui estoient derrière et qui nulle garde ne s'en donnoient de celle sourvenue, sentirent la friente ; si se reboutèrent tantost tous ensamble et s'en vinrent contre les Navarois, en escriant : "Retournés ! (...) Veci les ennemis !" De cel effroi furent li pluiseur moult effraé. (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 131). ...les compaignons estoient tous prestz ; et au son d'une trompette saillirent du bois, et se vindrent fourrer sur le bailly et sur tout le mesnage qui devant le gibet estoit. Et a cest effroy, le bourreau fut tant esperdu et esbahy... (C.N.N., c.1456-1467, 452). ...et les Lucembourgeois, surprins et espouventez, s'enfuirent nudz et deschaulx, hommes et femmes, contre le marchié en la basse ville, à l'opposite dont venoit l'effroy (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 38). ROUGE GORGE. Villain, si ne vuydez la place, Vous aurez tantost bel effroy Sus le logis. JAUNE BEC. Tramblés, beffray, Tramblez ! vermine vous menasse. (Pipée R., c.1470-1480, 178). Et fut present en personne le roy, Tant que dura ce merveilleux effroy, Ce dangeureux et tres cruel assault, Qui fut le plus soudain, estrange et chault Qu'on vit jamais (LA VIGNE, V.N., p.1495, 244).

 

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Faire (un) grand effroi sur une troupe. "Jeter la panique dans (une troupe) par une attaque soudaine" : ...le sire d'Auffemont, acompaignié de certain nombre de gens d'armes, fist faire grant effroy sur l'ost dudit roy d'Angleterre, estant en siege devant la ville et cité de Meaulz (FAUQ., II, 1421-1430, 39). ...se sentant batu et estonné de toutes pars, si s'appensa d'adventurer son cas et prit avecques luy six ou sept hommes, ses feables et gens de faict, et fit une saillie par le plus obscur de la nuict, et frappa hardiment sur les premiers qu'il trouva ès tranchées et ès approches, qui furent en petit nombre et qui ne se doubtoient de rien, et finablement mit iceulx en fuite et desroy et feit un grand effroy sur l'artillerie. (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 314).

B. -

Au fig.

 

1.

"État d'agitation intérieure, trouble, émotion" : Quant j'ay ouy le tabourin Sonner pour s'en aler au may, En mon lit fait n'en ay effray Ne levé mon chef du coissin. (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 311). De vostre passion le calice M'est tresamer en bonne foy, Et plus maintenant quant je voy Qu'aprés la mort on vous injure. Ce n'[l. m'] est ung trespiteux effroy. Adieu, adieu, ma norriture ! (Pass. Auv., 1477, 232).

 

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"Affliction, chagrin" : ...et crioient qu'ilz avoient couru en Hainnault et pris iceulx enffans, et, s'il estoit pere, qu'il le monstrast, car si prestement il ne rendoit ou delivroit la ville à leur voulenté, ilz occiroient lesditz enffans ; et cuidoyent que la dame, qui estoit femme, mere et de piteux couraige, deust mener tel dueil et monstrer tel effroy, qu'il deust faire pour elle ainsi qu'ilz avoient proposé. (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 233). Messire Charles de Hongrie sceut le mal de la royne ; si eut grant effroy en lui, car il l'amoit plus que soy mesmes ; si vint tost et hastivement, et traina Tissure a la chambre et lui demanda que la royne avoit (Charles de Hongrie C., c.1495-1498, 149).

 

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Estre en (grant) effroi : Et quant a moy fui revenus, Certes, je fui tous esperdus Et si fui en moult grant effroy, Car je regarday entour moy Et de tout cela riens ne vi Que veü avoie et oy. (MACH., D. verg., a.1340, 54). Et Milie s'estoit bien matin levee, pour ce que Amours l'avoit celle nuit moult traveillee de penser et de souspirer, car elle estoit en grant effroy de penser et du souvenir de Aigres son ami, pour ce qu'il estoit banniz du royaume, du congié de l'empereur. (Bérinus, II, c.1350-1370, 64). Si en ploura parfondement Et souspira moult durement Le tres gentil et noble roy, Et en fu en moult grant effroy, Quant tout ce estoit empeschié, Qu'à grant peinne avoit pourchacié. (MACH., P. Alex., p.1369, 23). Et ainsi s'en tourna Jason Moult joyeux, atout la toison, Qui vault de tresor moult grant masse. Si est rentrez dedens sa nasse. Dessus tours et dessus clochiers Le gaiterent ses amis chiers, Qui pour lui sont en grant effroy. Adont sonnerent le beuffroy, Quant ilz le virent retourner ; Grant joye pristrent a mener (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 44).

 

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Estre en effroi + interr. indir. "Etre perplexe, se demander avec perplexité + interr. indir." : ...fut en grand effroy ou il les pourroit sauver [Un homme voudrait cacher les objets qu'il a volés]. (C.N.N., c.1456-1467, 398).

 

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À/en grands effrois : Or varrey je piteux desroys En grans esfroiz, Quant ceste injustice et oultracge J'adnunciarey en mort visacge A celle saige Doulce virge, piteuse mere. (Pass. Auv., 1477, 180). Oués de tous pecheurs la voix, Qui demandent misericorde ! Nous te [l. t'en] prïons a grans effrois, Tire nous par ta doulce corde ! (Pass. Auv., 1477, 217).

 

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Mettre en effroi qqn/ (un aspect de la personne) : Avec ces paroles diverses, En leurs diversetez perverses, Me moustra elle une maniere Aspre, crueuse, male et fiere, En signe de grant mautalent, Pour moy faire le cuer dolent Et mettre ma pensée toute En effroy, en soing et en doubte. (MACH., J. R. Nav., 1349, 165).

 

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Tenir en effroi qqn/ (un aspect de la personne) : Riens ne me puet annuier ne desplaire Que je puisse pour ma dame sentir, Quar la douçour de son tres dous viaire Fait doucement mes doulz maus adoucir ; Son cuer joieus fait le mien esjoïr. Mais s'un petit tient mon cuer en effroy, Que sur tout l'aim et pou souvent la voy. (MACH., L. dames, 1377, 233).

 

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Sans effroi

 

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Loc. adv.

 

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"Avec calme, tranquillement" : Mais en la fin, Com fins loiaus amoureus, de cuer fin Espris d'amer, sans penser mal engin, Moult humblement li dis, le chief enclin, Et sans effroy : "Dame que j'aim plus qu'autre, ne que moy, En qui sens, temps, cuer, vie, amour employ, Tant com je puis, nom pas tant com je doy, Vous remerci Dou noble don de vo douce merci..." (MACH., J. R. Beh., c.1340, 81). Mais quant je voy Le trés bel arroy Simple et coy, Sans desroy, De son corps, le gai, Et que je l'oy Parler sans effroy, Par ma foy, Si m'esjoy Que toute joie ay. (MACH., R. Fort., c.1341, 19). Et li princes qui par raison Devoit estre li plus privez Dou roy et tous li mieus amez, Tout bellement et sans effroy, Yroit hurter à l'uis dou roy ; Car on li ouvroit sans demeure S'il y hurtoit, et à toute heure. (MACH., P. Alex., p.1369, 266). Les Englois, qui ordonné estoient en trois batailles, et qui seoient jus a terre tout bellement, sitos que il veirent les François aprochier, ils se leverent sus, moult ordonneement sans nul esfroi, et se rengierent en lors batailles. (FROISS., Chron. D., p.1400, 726). ...et qu'elle ait contenance asseuree, coye et rassise, et en ses esbatemens attrempee et sans effroy (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 111). ...ne lui apertient dancer, baler ne rire folement, mais se elle est joyeuse de sa condicion, si que les unes personnes sont plus que les autres - qui n'est pas mauvaise condicion -, doit toutevoyes regarder que elle prengne ses joyeusetéz par apoint, non mie de la maniere des joennes, mais plus rassisement face ses esbatemens et sans nul effroy. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 198). Car, nonobstant que Dieu d'en hault, En qui ne peut avoir défault Et qui de riens n'est indigent, Maiz tout actif et diligent, Peust seulement faire par soy Toutes les choses sans effroy (LA HAYE, P. peste, 1426, 30). Sire Zachee, sens effroy, Ne doubtez pas, il sera fait. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 477).

 

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"Sans manifester d'émotion violente" : LE SERGENT. (...) L'enfant [Griseldis] a a Dieu commandé Et fait le signe de la croix Sur elle, et sanz nulz effrois, Et sanz moustrer nul signe d'ire, M'a voulu commander et dire Que j'en face tout ton commant (Gris., 1395, 55).

 

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"Sans trouble, sans gêne, sans façons" : ...Car aussi tost qu'elle nous aperçut, Nous salua, et puis biau nous reçut. Si fist Honneur, si com faire le dut. Adont andoy Courtoisement, en riant, sans effroy, Prirent chascun l'un des deus par le doy. Mais Courtoisie, einsi com dire doy, Le chevalier Acompaingna liement, sans dangier, Et Honneur volt la dame acompaingnier (MACH., J. R. Beh., c.1340, 112).

 

b)

Loc. adj. "Tranquille, paisible" : Quant je remir vostre arroy Sans desroy, Où raisons maint et repaire, Et vo regart sans effroy, Si m'esjoy Que tous li cuers m'en esclaire. (MACH., Ch. bal., 1377, 601). Vostre dous maintieng simple et coy Vo bel aroy, Cointe et plaisant, Vo maniere sans effroy... (MACH., Ch. bal., 1377, 623).

 

2.

"Frayeur, peur violente" : Et quant il la vit en si grant effroy, si la commença doulcement a emparler et lui dist : "Gentilz damoiselle, n'aiez paour, car je vous asseüre en bonne foy que ja ne vous feray honte ne ennuy..." (Bérinus, I, c.1350-1370, 270). Nous vous venrons veïr a si riche conrrois Que nous abaterons vos tours et vos befrois, Car en la fin sera tout vostre li effrois ! (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 317). Adont durement me doubtay Et dedens mon lit me boutay. Il sambloit que j'eüsse fievres, Car je sui plus couars qu'uns lievres, Et si trambloie, et goute a goute Suoie d'effroy et de doubte. (MACH., F. am., c.1361, 146). Sa femme, l'oyant en ce point, saillit avant, monstrant plus de semblant d'effroy qu'elle ne sentoit [Un mari prend l'amant de sa femme pour un diable] (C.N.N., c.1456-1467, 438).

 

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"Horreur" : "Sire, c'est de deux choses l'une, comme on advis est : qu'ilz hayent tant voz ennemys qu'ilz ne les povoient veoir, ou peult estre aussi que c'est de l'effroy d'avoir veu tuer voz frans archiers." (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 394).

 

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Effroi + compl. de nom objectif "Peur de qqc." : L'effroy du feu fut tantost elevé par toute la rue ; si venoient les voisins pour l'estaindre. (C.N.N., c.1456-1467, 495).

 

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Effroi de coeur : ...a chacun bruit cuideras estre surprins, ou par armez d'ennemis, ou par inconstances de privés courages dont les despourveuz advenemens sont au jour d'uy moult doubteux. Des champs ne puet on en ces jours sans effroy de cueur ouir parler, puis que le fer et la force y regnent par auctorité de violence et que homme n'y a la maistrise sur sa chevance ne seurté de sa vie. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 13).

 

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[À propos d'un animal] "Peur" : Aucuns [ours] se lievent sus les piez darriere comme un homme, et ce est signe de couardise et d'effroy. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 86).

 

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À l'effroi. "Sous le coup de la peur" : Et après vindrent audit Balue, qui estoit monté dessus une bonne mule qui le saulva et gaigna au fouir, car tous ses gens à l'effroy l'abandonnerent pour paour des horions. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 112).

 

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À grand effroi. "De façon à faire naître la peur" : Verité fut que des plus ligiers du pied ou des mieux montés, fugitifz de la bataille, vindrent à Gand en petit nombre les premiers, et dirent, à grant effroy et à grant peur, les nouvelles de leur desconfiture. (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 327).

 

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Sans effroi : Devant le lit estoit le jeune enfant, Beau a merveilles, sans pleur et sans effroy, D'acoustremens qu'on billebarre et fend, Le plus gorrier et le plus triumphant Qu'on vit jamais, fusse le filz du roy. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 168).

 

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Avoir effroi (de qqc.) : Car paour ay et grant effroy (Mir. st J. Paulu, c.1372, 107). Et cils [le pape] pour le tamps se tenoit en la citté de Romme, ne point ne s'effreoit de la venue dou duc, et quant on l'en parloit et que on li remonstroit que li dus d'Ango venoit celle part (...) et ne savoit on encores de verité se il venroit de fait à Romme pour li oster de son siège (...) il respondoit en dissant : "Crux Cristi, protege nos." C'estoit tous li effrois que il en avoit. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 172). Il eut effroy de prime face de ceste bataille, cuydant que l'on ne luy en deïst la verité et qu'elle fust de tous pointz perdue ; car il sçavoit bien que, si elle estoit perdue, qu'il avoit perdu tout ce qu'il avoit conquis sur ceste maison de Bourgongne et en ces marches là, et le demourant en grand hazard. (COMM., II, 1489-1491, 277). ...après trouvasmes une belle grand playne, où jà estoit nostre avant-garde, l'artillerie et bagage, qui estoit fort grand, qui de loing sembloit une grosse bande ; et en eusmes effroy de prime face, à cause de l'enseigne blanche et carré de messire Jehan Jacques de Trevolse, parreille que l'avoit porté à la bataille le marquis de Mante. (COMM., III, 1495-1498, 203).

 

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Donner effroi. "Susciter un mouvement de panique" : Et, s'il y a lieux convenables, on doit assaillir en trois lieux et donner effroy en plusieurs. (BUEIL, II, 1461-1466, 42).

 

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Estre en (grand) effroi : Je ne say, dame, par ma foy, Fors que je sui en grant effroy, Et en doubte m'estuet manoir, Pour ce qu'ay veü le manoir Ou mes cuers et ma dame meint. (MACH., R. Fort., c.1341, 113). Sy en fu en moult grant effroy et lui fremy toute la char, puis dist : "Par foy, maistre, il me semble que je apparçoy les ondes dont vous avez parlé, et les voy cy devant nous ou elles tressaillent en montant et en descendant". (Bérinus, I, c.1350-1370, 210). Longuement se combattirent les Griffons contre les Rommains et moult en y ot d'occiz d'une part et d'autre, mais Orchas, Aigres et Gallopin abatoient tant de ces Griffons que je n'en sçay le nombre, par quoy Griffons furent en grant effroy, tant qu'il escheut que Aigres perçut Gramdomes le roy, qui s'en vouloit aler fuyant. (Bérinus, II, c.1350-1370, 178). Li Turc furent en grant effroy Quant il veïrent le conroy De nos gens, et se mervilloient Qu'engins ne garros ne doubtoient, Pierres, sajettes, n'autres trais, Dont on leur a Cm. trais. (MACH., P. Alex., p.1369, 164). ...pour c'en suis en grant effroy. (Mir. Berthe, c.1373, 238). ...il regarderent sus les camps et veirent gens fuians, et monstroient que il estoient en grant esfroi. (FROISS., Chron. D., p.1400, 430). Monseigneur, quant une puissance desmarche et elle sent que elle a une autre puissance au doz, croiez seurement que elle est tousjours en effroy. (BUEIL, I, 1461-1466, 199).

 

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"Être sur le qui-vive (parce qu'on a peur d'être attaqué)" : Monseigneur, quant une puissance desmarche et elle sent que elle a une autre puissance au doz, croiez seurement que elle est tousjours en effroy. (BUEIL, I, 1461-1466, 199).

 

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Estre en grand effroi de soi-mesme. "Craindre pour sa vie" : [Pendant une épidémie] ...il n'y avoit si preu, si riche, ne si joly, qu'il ne fust en grant effroy de luy-meismes et qui n'attendesist aultre chose tous les jours que la mort. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 113).

 

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Au plur.

 

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Faire des effrois à qqn. : Et telz effrois leur firent les gens du roy qu'ilz prindrent composicion, qui estoit telle qu'ilz s'en alerent tous et rendirent ladicte ville. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 285). Et lui fist le roy de grans paours et esfroiz, dont ledit de Roussy cuida avoir froide joye de sa peau. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 354).

 

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Faire effroi à un animal. "Effrayer (un animal)" : Puis doivent les deux a cheval environner les bestes petit a petit, en chantant, en flajolant et prenant leurs tours touz jours plus pres de elles, et en les aproichant sanz leur fere effroy, mes petit a petit les doivent amener vers les archiers. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 274).

 

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Mettre qqn en effroi : ...li dis evesques parla tant et moustra tant de raisons à ces signeurs de Bretagne qu'il les mist en grant effroi celle nuit. (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 149). ...mais adrois Estoit [Achille], merveilles preux et fort, Et tant estoit de grant effort Que les Troyens faisoit trembler, Quant se venoit a l'assembler, Et tous en effroy les mettoit, Quant le preux Hector n'y estoit. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 76). Ce grant orgueil et ce bueffroy Mist Rommains en moult grant effroy, Qui ceste chose moult noterent, Et sachiez mains ne les doubterent Que Hanibal firent jadiz, Par qui ilz furent moult laydiz, Et merveilles n'yert s'ilz doubtoyent, Car ..V.. roys assemblez s'estoyent Contr' eulx, jurez de les destruire Et a leur pouoir du tout nuire. (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 2). Et mist tous les voisins et mesmes les Frisons en tel effroy et doubte, que, s'il eust marché contre Daventer, Kamp et Zole, ilz luy eussent fait obeyssance, et eust de celuy [jour] esté subjughé le royaume de Frize, ce qu'il laissa pour le desir qu'il avoit de voir l'Empereur, aussy vostre grant pere, pour certaines haultes et courageuses fins à quoy il beyoit (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 135).

 

3.

P. méton. [D'une pers.] Estre l'effroi de qqc. (une collectivité). "Être celui qui inspire la peur à (une collectivité)" : Et ainsi fut la fin de ce fameux et renommé chef anglois, qui depuis si longtemps passoit pour l'un des fléaux le plus reformidable et l'ung des plus jurez ennemis de la France, dont il avoit paru estre l'effroy et la terreur. (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.3, c.1437-1464, 7).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

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