C.N.R.S.
 
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     DEMEURER     
FEW III 38-39 demorari
DEMEURER, verbe
[T-L : demorer ; GD : demorer ; GDC : demeurer ; AND : demurer ; DÉCT : demorer ; FEW III, 38-39 : demorari ; TLF : VI, 1071a : demeurer]

A. -

[Dans l'espace]

 

1.

Empl. intrans.

 

a)

[D'un animé] "Rester, séjourner (dans un lieu)" : ...il ot jadiz en la Brute Bretaigne un noble homme, lequel ot riote au nepveu du roy des Bretons, et l'occist. Si n'osa demourer ou pays, mais print toute sa finance et s'en vint sur haultes montaignes marchissans aux reffuges du Rosne et de pluseurs autres gros fleuves, et estoit le pays non habitez. (ARRAS, c.1392-1393, 15). ...tant furent et demourerent les deux amans ou lit que ly soulaux fu levez. (ARRAS, c.1392-1393, 42). ...Hanibal a plourer Prist, quant ne peut plus demourer En Ytalie (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 231). Et n'y a prestre, curé qui puisse bonnement demourer en leurs esglises (JUV. URS., Aud. celi, 1435, 257). "...Et, se la faulce vieille qui demeure dessoubz le tertre de la montaigne, vous apperçoit venir, incontinent elle yra le dire à Thommesson et serons encusez." (BUEIL, I, 1461-1466, 64). Et, pour ce qu'il y a des estrangiers, qui bien et loyalment ont servy, ceulx qui sont mariez ou heritez ou veullent faire leur demourance en ce royaulme, je les y tiens pour apatriez et demourans ou royaume. (BUEIL, II, 1461-1466, 166). Lequel Malaël, pour plus facillement speculler le discours des estoilles, demoura plusieurs ans dedans les caves, et tant y veilla et tant y prouffita, que il fut estimé le plus expert qui fust lors (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 12 v°). Et, durant que cecy se demenoit, avoys sans cesse adverti le roy du tout, le pressant de conclure ou de demeurer au royaulme et se pourveoir de plus de gens de pied et d'argent (COMM., III, 1495-1498, 125).

 

-

[D'une pers.] "Ne pas bouger de la place où l'on se trouve, s'y tenir" : Les chiefz n'ont pas à faire à ung homme seul ; ilz ont à faire à toute la compaignie [en cas de retraite]. Et sont les ungs parmy les autres ; chacun se muce et boit sa part de la honte et dit : Ce n'est pas moy. Et s'efforcent de dire trestous : Demourez, demourez ; tenez ordonnance ; tenez. Mais il n'y a cellui qui ne voulsist estre à l'ostel. (BUEIL, I, 1461-1466, 199). ...et tant chevaucherent qu'ilz vindrent à trouver le premier de leurs escouttes, qui leur dist : "Mes compaignons m'ont dit que je demeure icy et vont eulx deux plus avant." (BUEIL, I, 1461-1466, 206). Pareillement, au loger, le chief doit demourer aux champs avecques ung nombre de gens, tant que tous soyent logiez et que le bruit soit passé et tout bien rapaisé et que les escoutes et guetz soient aux champs (BUEIL, II, 1461-1466, 34). Vous estes bienseant avecques nous ; aussi seriez-vous à demourer. (BUEIL, II, 1461-1466, 127).

 

-

Empl. pronom. : La ou cestez chosez furent reporteez au consul romain, il tramist avant soy, des le point du jour, les sommages et commanda aus legions que ellez suissent aprés et luy se demora illecquez a toute sa chevauchiee (BERS., I, 9, c.1354-1359, 36.9, 66). ...la ou li est anuittié Il convient qu'elle se demeure Celle nuittie jusqu'a l'eure Qu'elle revoie le jour cler (Mir. mère pape, c.1355, 396). Enssi se demorèrent à Calais li bourgois de Gand et messires Guillaume de Fierniton. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 37). "Seigneurs, demourez-vous ; ne vous avez que faire d'ensonnier de la guerre de Castille et de Portingal." (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 236). Et le furon doit estre enmuselé, quar autrement il occiroit le connin dedanz, et n'istroit de deux ou de trois jours des fosses, mes se demourroit dedanz et l'i mengeroit (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 228). Aprés mangeir s'en veult le roy alleir, maiz Geneilhon luy dist : "Passereiz telz forest sans chassier, qui est tant beau ? Demourons huy nous ycy pour nous sollacier..." (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 232). Si n'est-il pas vers le moustier, Où qu'il se demeure et sejourne. [Comm. d'Éd. : Si est explétif, bien qu'entraînant l'inversion du sujet ; et la proposition est énonciative.] (Colin loue dép. Dieu T., c.1485, 142).

 

-

Demeurer à / pour + inf. "Rester (qq. part) pour faire qqc." : Frére, pour le vray roy poissant, Je cuidoie cy demourer Pour ma penitence achever (Mir. enf. diable, c.1339, 40). Partez vous demain sans demeure, Car il convient que je demeure Pour parfaire tout le traitié Que nous avons yci traitié (MACH., P. Alex., p.1369, 136). Et si ne passasmes oncques haye, qu'il ne demourast derrière pour la relever, s'elle estoit foulée, de doubte que on congneust que nous eussions passé par là. (BUEIL, I, 1461-1466, 34). Mettez Connin devant, qui scet bien le payz, et lui baillez quelque XXX chevaulx, qui ira tousjours trois ou quatre lieues devant vous. Et qu'il demeure à repaistre quelque deux lieues oultre là où vous repaistrez (BUEIL, I, 1461-1466, 185). ...et s'en alla le maire de Londres mectre au hourt pour luy ordonné, et là demoura pour veoir faire les armes, et tousjours l'espée devant luy (LA MARCHE, Mém., III, c.1470, 51). Il ordonna messire Jehan Le Verrier et messire Pierre Boutier qu'ilz demouroient, pour tousjours monstrer et enseigner la foy catolique, (BÉTHENCOURT, Canarien C., c.1490, 293).

 

-

Demeurer + adv. de lieu : Il fault que je demeure ci Jusques au jour. (Mir. mère pape, c.1355, 394). La dame le prist [Remondin] par la main et l'emmena dedans le paveillon, et s'assistrent sur une riche couche, et tuit les autres demeurerent dehors. (ARRAS, c.1392-1393, 30). Qui peut entrer dedens son hostel, il i entra. Et qui ne pot entrer, il demora dehors en grant peril (FROISS., Chron. D., p.1400, 117). Lequel de Loheac s'en party deux jours après [de Paris] pour aler à Rouen et autres villes de Normandie, pour y mettre gardes et ordre de par le roy ; et ilec y demoura par certain temps. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 197). Plus ne pouroye cy demeurer. Grand tristesse abbat grant joye. (Pass. Auv., 1477, 108). LE .II. SERGENT. Icy s'en vont et le crestien demeure ung peu en arriere. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 116). Quant Jehan de Paris fut entré comme avez ouy, arriverent les cinq cens hommes d'armes de l'arrieregarde, qui estoient demourez derriere pour secorir Jehan de Paris s'il en eust eu necessité. (Jehan de Paris W., 1494-1495, 43).

 

.

[Dans un cont. fig.] Demeurer derriere./Demeurer en arriere. "Rester en arrière, être abandonné, être oublié" : [Le Paralytique : ] Chascun y treuve sa maniere ; Tousjours je demeure derriere. Trente et huit ans a que j'actens Si ne treuve qui me mette ens [la piscine pour être guéri] ; Tous les autres treuvent amis, Mais tousjours suis arriere mis. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 168). Contre grans roys me suis bien anymee [moi, Fortune] Le temps qui est passé ça en arriere : Priame occis et toute son armee, Ne lui valut tour, donjon ne barriere. Et Hannibal demoura il derriere ? En Cartaige par Mort le feiz actaindre, Et Scypïon l'Affrequain feiz estaindre. (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 64). Lors sera Jhesus eslevé, Et sy nous sera reprouvé Mille fois telle mort d'erreur, Et comment en toute rigueur Y procedasmes en derriere ; Ainsy demorrons en l'arriere, Sans seigneurie et sans pouoir. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 891).

 

b)

En partic. "Habiter, avoir son logis qq.part" : Dont l'amenray je cy en l'eure ; Car je sçay bien ou il demeure (Mir. pape, 1346, 389). La tout seul demeure et habite En hermitage. (Mir. st Guill., c.1347, 36). Des maintenant enquerir voiz Ou il demeure. (Mir. enf. ress., 1353, 30). [Une maison] tenant, d'une part, a la meson dudit Mahy, en la quelle il demeure a present, et, d'autre part, a Jehan Boutery, aboutissant par derriere aux mesons feu Denys de Lorris (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1369, 393). Car il reputent plus dignes ceulz qui sunt de la cité que ceulz qui demeurent es champs ou es villages. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 270). Avec un mien oncle demeure, Simon, un moult riche bourgois, Qui demeure icy en ce bois Par verité. (Mir. Berthe, c.1373, 233). ...et que au temps qu'il demeuroit en ycelle ville, il presta à usure tant petit d'argent qu'il povoit avoir pour lors, afin d'avoir à recouvrer sa vie pour la sustence de lui et de sadite femme. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 484). Encores est il verité qu'il a un lieu a Lusegnen, emprez le puis, ou on a, du temps passé, nourry pollaille, ou elle [Mélusine] s'est monstree par pluseurs foiz a un homme qui encores demeure en la forteresse, et l'appelle on Godart, et ne lui fait point de mal. (ARRAS, c.1392-1393, 309). ...pape Jehan (...) pour ce temps, resgnoit et demoroit en Avignon. (FROISS., Chron. D., p.1400, 52). ...un archier qui demoroit en celle rue. (FROISS., Chron. D., p.1400, 118). Item plus avant de le ditte Escandeye loing V milles dens la mer ha unne roche reonde appellee Lou en le quel demeure une hermite. (CAUMONT, Voy. N., p.1420, 31). ...et a esleu son domicile en l'ostel où il demeure, oudit cloistre Saint-Merry. (FAUQ., II, 1421-1430, 337). ...ung gentilhomme demorant a Bruges tant et si longuement se trouva en la compaignie d'une belle fille qu'il luy fist le ventre lever. (C.N.N., c.1456-1467, 145). Et, en ce temps, le hault doien de l'eglise de Rouen et autres chanoines de ladicte eglise, jusques au nombre de six, furent envoiez hors icelle et leur fut ladicte ville interdicte, et furent envoiez demourer hors la duchié de Normendie. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 155). LE .I. SERGENT. (...) Monstrez nous le lieu ou [le chrétien] demeure. (...) LE .II. SERGENT. (...) Monstrez nous ou est son hostel Et nous le ferons bien camus. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 114). EXPLICIT. (...) Imprimeur et libraire juré en l'Université de Paris, Demourant en la rue neufve Nostre Dame, a l'enseigne De l'escu de France. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 159).

 

-

Empl. factitif Demeurer qqn. "Faire séjourner, héberger qqn" : Item, doit avoir quatre masurez es lieux tenus de son dit tenement en la ville de Baieux, ou il doit demourer quatre gens qui sont tenus estre au dit pasnage (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R.B., 1398-1402, 71).

 

-

Demeurer partout. "Sans domicile fixe" : ...un jeunes homs de son aage et de son tour, pionnier, repairant et demourant partout (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 89). ...fut admené des prisons du Palays, prisonnier ou Chastellet de Paris, Jehannin Le Voirrier, demourant partout, par Jehan Fauvel, huissier de parlement (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 184).

 

-

[D'un lieu] "Avoir, abriter des habitants" : ...une forte place et habitacion desertee et condempnee à non demourer jamais (FROISS., Chron.[Livre IV] V., c.1400, 492).

 

c)

Part. prés. en empl. adj. : Et la suscription au dos de ladite lettre estoit : "À mes très-chères et honorées dames et damoiselles, les citoyennes demeurantes en la noble cité de Chèlon." (Faits Lalaing K., c.1470, 246).

 

-

Ne pas être demeurant. "Ne pas vivre dans un ménage indépendant (mais être à la charge de qqn, avoir conduit de qqn)" : Jugement (...) que dit que, se ung homme [qui] n'est mie demorant ..., [mais] a conduit de sa mere, combien qu'il ait femme et enffans, fait crant [de] debte, la quelle aprez le deceptz de son filz puelt bien la debte aneantir, en disant : "Mon fil estoit en maimburnie a jour qu'il cranteit la debte." (Jug. maître-échev. Metz S.M.S., t.1, a.1494, [1336], 134-135).

 

d)

"Rester, s'arrêter"

 

-

(Y) demeurer./Demeurer (en bataille / en chemin /en voyage /...). "Y rester, laisser sa vie, mourir" : Et bien sachiez que trop y pouez bien demourer, car je vous dy pour voir que, se Maligans survenoit sur vous, nulz avoir ne vous pourroit garantir de mort (Bérinus, I, c.1350-1370, 270). LE SERGENT. (...) Yssez hors ! N'alez demourant ! Delivrez vous. (Mir. enf. ress., 1353, 44). Mais ceulx de dessuz leur gettent pierres de fais, grans bans traversains, pieux aguisiez, huille chaude, plonc fondu, pocons plains de chaux vive, tonneaux plains d'estouppes engressiez et ensouffrees, tous ardans ; et, malgré leur dens, leur font guerpir place et remonter d'autre part ; et en y demoura maint ars et affollé et foison de bleciez. (ARRAS, c.1392-1393, 110). ...nous (...) achevirons che pour quoi nous i sonmes venu, ou nous i demorrons tout. (FROISS., Chron. D., p.1400, 75). ...il (...) entra dedens la bataille, et i fist d'armes ce que il peut, mais il i demora. Dieus ait l'ame de li (FROISS., Chron. D., p.1400, 733). ...en recompensacion de pluseurs grans pertes et dommages qu'il a euz et soustenus en pluseurs ses chevaulx qui sont mors et demourez en chemin ou voyaige que lors mondit seigneur avoit fait en alant es marches de France devers le roy (Comptes Etat bourg. M.F., t.1, 1420, 382). Car les seigneurs d'assemblees, Moult peu esperimentez (...) Ont perdu maintes journees Ou mains bons homs sont demourez (LA SALE, Sale D., 1451, 125). ...à l'aide de Dieu, je poursuivroye mon chemein ou y demeureroye. (LA BROQUIÈRE, Voy. Outr. S., c.1455-1457, 107). ...car beaucoup en y avoit à qui durement cuisoit la perte de ceux qui estoient demeurés. Sy contendoit chacun à s'en venger ou en ce lieu mesmes recevoir mort. (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 124). ...le chemin est trop mauvais ; a peu que avant hier et moy et mes chevaulx n'y demourasmes (C.N.N., c.1456-1467, 459). Véez-cy tant de vaillans gens qui ont tant traveillié pour la chose publique de ce royaulme et y ont tant de foys exposé leur vie, dont beaucoup sont demourez en la poursuite ; et ceulx qui n'y sont demourez, si ont-ilz abregiez leurs jours et ont mis leur corps en doulleurs (BUEIL, II, 1461-1466, 154). Tu y vas de bonne estampie, Je croy de vray que tu l'auras, Ha, grant blanc, tu y demouras, Veci ton dernier sacrement. (Tr. Men., c.1480-1500, 291). [L'âne au cheval : ] "Mon compaignon, se tu me veux jamés veoir en santé, ayde moy et me relieve et soulaige de aucune partie de ma charge, car je suis si excessivement chergié que mon esperit default. S'il ne te plaist me secourir, je suis demeuré et n'en puis plus." (TARDIF, Apologues R., c.1493-1498, 78).

 

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[Empl. abs.] : Vous demeurrez, maistre, vous n'estes pas au compte des hommes de bien. Je veul cy parler a vous. (LA SALE, J.S., 1456, 7). ...ceulx qui assaillent et marchent à cheval, gaignent, et ceulx qui demeurent et actendent, perdent. (BUEIL, I, 1461-1466, 153). Mes, par Dié, vous demeurerés, Et, puis que parlés, nous dirés Qui vous estes. (Pass. Auv., 1477, 144).

 

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Loc. Quel que demeure. "Tôt ou tard (?)" : Car nul n'y a qui n'ait mespris Envers Dieu, dont sera repris S'il ne s'amende ainçois qu'il meure. Mourir convient, quel que demeure ; nous vëons les plus grans mourir. (Concil Basle B., 1434, 108).

 

2.

Inf. subst. Demeurer. "Fait de rester absent" : ...fut contraincte par son trop demourer de prendre ung lieutenant [Une femme supporte mal l'absence de son mari] (C.N.N., c.1456-1467, 127).

 

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Prov. Long demeurer ami changer fait plusieurs fois. V. Ami

B. -

[Dans un certain état, une certaine situation]

 

1.

[D'une pers.]

 

a)

"Rester (dans un certain état ou dans une certaine situation)" : Dame, femme qui tant demeure En ire est de soy homicide (Mir. st J. Cris., c.1344, 258). LA DAME. (...) Et m'avient souvent qu'en pensant A ce, moult grant piece demeure, Et quant j'ai bien pensé, je pleure Et fois dueil fort. (Mir. enf. ress., 1353, 2). Elinas en fu tous abusez et si oubliez que il ne lui souvint de nulle chose fors de ce qu'il voit et oit, et demoura la en cel estat moult grant temps. (ARRAS, c.1392-1393, 6). ...se mirent au devant du feu, au lez ou ilz avoient ouy le bois desrompre. Et en cel estat demourerent tant qu'ilz virent ung porc senglier grant et merveilleux, qui s'en venoit, escumant et morcelant les dens, vers eulx moult horriblement. (ARRAS, c.1392-1393, 21). ...et que nonobstant ce ilz demeurent en leurs franchises et libertés anciennes (FAUQ., II, 1421-1430, 356). Toy de tout ton cuer offrir a la volenté divine, non mie en querant ce qui est tien (...) ne en temps ne en eternité, tellement que en une mesme chiere tu demeuresces en pesant toutes choses en equalité de balance. (Internele consol. P., 1447, 146). Et, ces choses oyes, je croy qu'il ne vous tendra ja d'y aller et que vous demourrés voullentiers à vostre premier estat [social]. (BUEIL, I, 1461-1466, 46).

 

-

Ainsi demeura + indication de temps ou d'état : Einsi demoura longuement Qu'a creature nullement Ne dist son cuer, ne sa pensée (MACH., P. Alex., p.1369, 19). Einsi demoura touz jours le levrier bien demi an sus la fousse de son seigneur en le gardant de toutes bestes et oisiaux. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 108). Et fist le duc donner a ceulx qui avoient amenez les presens moult de riches dons, autant ou plus que les presens qu'ilz avoient amenez valoient, car il ne vouloit pas que ceulx de la ville pensassent qu'ilz voulzist rien du leur. Si lui tournerent a grant vaillance, et ainsi demoura ceste nuitiee. En ceste partie dit l'ystoire que celle nuitie sejourna l'ost devant Couloigne. (ARRAS, c.1392-1393, 176). Et quant il fu temps de lever, ilz se leverent et vont ouïr la messe, et fu le disner prest, et ainsi demoura tout le jour. (ARRAS, c.1392-1393, 244). Ainsy disoient entre eulx les barons et demourat ainsy jusques a lendemain, que Charles fist Turpin dire la messe (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 84). Ainsi demoura Henri roy paisiblement, et ce serve pour partie de preve le roy Charles estre, comme prince chevalereux, vray sage deffendeur et gardeur de son peuple. (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 125).

 

-

Demeurer en paix. "Vivre en paix" : ...et se rendirent tuit cil du païs a lui par un convenant qu'il devoient demourer bien et en paix ou royaume et toutes les dames aussy parmi un treü qu'il devoient rendre chascun an a Agriano (Bérinus, I, c.1350-1370, 123). ...selonc le dit es Proverbes ou .XIIIe. chapitre : «Qui crient le commandement, il demoura en paix». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 221). Ne peut en tout vostre pais Demourer en paiz un preudomme Qu'il ne desrobe, c'est en somme (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 15). Mais, que la royne fïance Sur les dieux, ou elle a fïance, Que jamais jour ne s'armeront Sus Grece et en paix demourront (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 17). Et fera vostres sires li rois foi et honmage lige a nostre sire le roi d'Engleterre, se il voelt demorer en paix. (FROISS., Chron. D., p.1400, 215). Mieuls li vaudroit a demorer en paix que penser a telles wiseusses. (FROISS., Chron. D., p.1400, 267). ...et dient qu'il ne cesseront de venir de jour en jour jusques à ce que ladicte epistle soit jugée, car en ce le Roy, la Court et ladicte Université demourront en paix (BAYE, I, 1400-1410, 163). Je ne puis demourer en paix, Fortune ne m'y veult laissier (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 60). Ainsi demoura en paix le roy Amydas et son filz le Jouvencel, regent le royaume d'Amidoine, en grant aises, faisant grant chière. (BUEIL, II, 1461-1466, 251). Je croy que selon la profesie du roy Louis, a qui Dieu face pardon, que Italie demora encore en pes aucuns anz. (COMM., Lettres B., c.1476-1511, 151).

 

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Au propre et au fig. Demeurer en selle : Mais tant mesadvint a ceulx de dedens qu'ilz furent pourtés par terre a la roideur des lances, reservé le preu Lyonnel, car il demoura en sa selle. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 431). Tousjours j'é suyveu ceste guerre, Voire des le commancement, Et me suis fort trouvé en serre Par plusieurs foiz et bien souvent ; Mes puis le bon advenement De Jehanne, la noble Pucelle, Nous n'avons eu encombrement, Mes sommes demeurez en selle. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 583).

 

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"Rester, être retenu (dans une certaine situation contre sa volonté)" : Depuis lequel temps il a tousjours demouré en icelle prison jusques ad present, sanz en yssir en aucune maniere. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 545). Cy nous dist la vraye histoire qu'en celle douleur et en celle misere demoura Remond jusques au jour. (ARRAS, c.1392-1393, 243). Et, pour ceste cause et pour autres, la Court sursey lors de proceder contre ledit Loys, qui demoura ou dangier de la Court (FAUQ., I, 1417-1420, 315). ...car en ce il peut avoit grant interest, mesmement pour ce que aucunes foiz l'appellant demeure en prison jusques on ait discuté de l'appel. (ODART MORCHESNE, Formulaire G.L., a.1427, 177). ...appoinctié a esté par ladicte Court que ledit Marquant retournera et demourra en prison en l'estat qu'il estoit avant la pronunciation dudit arrest. (FAUQ., III, 1431-1435, 128). ...qui ne sont et ne peuvent riens contre les pays du duc, sinon mouvoir noise et mesmes demourer en la raque. (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 96). Et, pour ce faire, demourerent pour hostages Jaques Le Maire, bourgois de Paris, qui estoit cappitaine dudit Saint-Cloud, et ung homme d'armes de la compaignie dudit de Breszé (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 61). ...et excusa la chose le myeulx qu'il peüt, pour contenter ledict embassadeur, lequel s'en retourna, et ceulx qui estoient demeuréz en ostaiges aussi. (COMM., II, 1489-1491, 82).

 

b)

Demeurer avec qqn./Demeurer en compagnie de qqn./Demeurer ensemble. "Rester (un certain temps) en compagnie de qqn" : LE CHEVALIER. (...) Mais demeure avec nous, Tristan. (Mir. enf. ress., 1353, 74). Car se ilz s'esjoïssent et delictent a demourer et converser ensemble, chascun a ce que il appete quant a ce. (ORESME, E.A., c.1370, 446). Le conte de Forestz lui ottroya, et demoura Remondin avec le conte, son oncle, qui moult l'ama. (ARRAS, c.1392-1393, 16). Et de tant que j'ay [Griseldis] demouré Avec toy en grant dignité En honneur, dont digne n'estoye, Long temps en honneur et en joye, Dieu et toy, sire, regracie. (Gris., 1395, 81). Les tables furent ostées, et chacun s'en alla, et le bon Champenoys demoura avec sa femme (C.N.N., c.1456-1467, 138). "Ha ! Monseigneur, dit Guyon, pleust à Dieu que vous demourassiez meshuy avecques nous pour nous compter de belles choses touchant la guerre !" (BUEIL, I, 1461-1466, 205). Se Juifz infideles ou payens contraient ensemble mariage selon leurs coustumes et aprez la conversion de l'un ilz demourront ensemble, et est vray le mariage, car par baptesme mariage n'est pas rompu (Sacr. mar., c.1477-1481, 64).

 

c)

"Rester (dans un état intellectuel ou spirituel)"

 

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Demeurer en / dedans soi : Contre lesquelz dist encore Seneque que "le premier argument de la pensee en bien ordonnee, je tiens que c'est demorer en soy..." (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 105). ...tu formes en toy en ton entendement vne concepcion verbal en ta pensee et demeure dedens toy, et est proprement meditacion ou contemplacion ceste actuelle conception. (CIB., p.1451, 203). La quatrisme raison est, car comme ainsi soit que Dieu est et demeure en soy mesmes, il ne lui est besoing de querir aultre lieu propre et naturel a lui hors de lui comme les aultres creatures. (Somme abr., c.1477-1481, 144).

 

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Demeurer en qqc. "Persévérer dans qqc." : Or convient enquerir a savoir mon se le continent est celui qui demeure et persiste en quelconques raison, opinion ou eleccion, ou se celui tant seulement est continent qui demeure en droite raison. (ORESME, E.A., c.1370, 394). Et l'autre ist hors de raison et tent au moins, mais le continent ne demeure en raison et ne se transmue ne d'une part ne d'autre. (ORESME, E.A., c.1370, 396). Bien est raison que je aye longue penitance, que tant longuement ay pechié et demouré en mes pechiez et enmondices. (GAST. PHÉBUS, Livre oraisons T., c.1380-1383, 55). Et quartement vient ramentevoir de perseverance par laquele elle te conseille a demorer ferme en continuel espoir et en frequente labeur (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 175). Au tiers cas, se l'un des mariéz est convertis a la foy et l'aultre demeure en son infidelité, de cohabiter ensemble ilz ne doivent estre compelléz ne urgéz et contrains (Sacr. mar., c.1477-1481, 64).

 

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Estre demeurant en qqc. V. demeurant

 

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"Rester fidèle à, suivre la ligne de qqc." : Et des incontinens ceuls qui sont excessis, c'est a dire prevolans et hastis, il sont moins mauvais que ne sont les foibles qui ont raison et deliberacion en leur fait et ne demeurent pas en leur deliberacion (ORESME, E.A., c.1370, 392).

 

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Demeurer (sur un point). "S'arrêter à un point (dans un récit)" : Et par ainsi tant labourasmes Que dessus ce point demourasmes. Maintenant, nous voulons poursuivre De Jhesus, comment on le livre A Caÿphe pour l'enuyer, Affonsser et examiner. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 268).

 

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Demeurer à + inf. "S'arrêter de (faire qqc.)" : Ainssi demeure a parler de Charles de Hongrie, qui demeure en la garde de la damme de Goderes (...) Atant se tayst le compte a parler de luy et retourne a la royne, laquelle dormoit soubz la dite harbre (Charles de Hongrie C., c.1495-1498, 3).

 

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Demeurer pour qqn. "Rester (en cas de défaillance) à la place de qqn, se porter garant de qqn" : Et qui ara mestier de faire payement Je demourray pour luy bien et courtoisement A fin ; se je le preste aucun, si le me rent, Jamais ne l'ameray en trestout mon vivant. (CUVELIER, Chans. Guescl. F., c.1380-1385, 11). En verité, dame, dist le roy, il me plaist tresbien [Estonné], mais qu'il plaise a la pucelle. - Sire, dist la royne, je demeure pour elle. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 46). L'autrier vous respitay pour pitié vostre vie, Mon bourgois occesis par oultrecuiderie, Et depuis je vous feis sy grande courtoisie Que mener vous en feis en la cité garnie Et demouray pour vous, de quoy je feis folie. (Tristan Nant. S., c.1350, 245).

 

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Demeurer bien de qqn. "Continuer à jouir de l'estime, de la bienveillance de qqn" : ...si vous requier, prie et supplie tant que je puis que l'un, les deux, ou les trois de mes offres vous prenez en gré et que je demeure bien de vous, et me pardonnez. (LA SALE, J.S., 1456, 287).

 

2.

[D'une chose]

 

a)

"Rester, se maintenir" : Toutesvoies, la monnoie veult et doit plus demourer en equalité. (ORESME, E.A., c.1370, 297). Et donques les corps qui ont grant latitude selon leur figure demeurent en haut ou ne peuent pas si isnelement descendre pour ce que il comprennent souz eulz mout du corps moien par lequel il seroient ou sont meus (ORESME, C.M., c.1377, 714). Mais tousjours le temps se delue Et jour et nuit s'en va courant, En ung estat n'est demourant (COURCY, Chem. vaill. D., 1424-1426, 43). Ainsi appert que par la guerre maintenir et sieuvyr, quant mestier en est, on parvient en très hault honneur et acquiert-on les grans triumphes et les grans seigneuries, et les choses ainsi conquises demeurent en plus grant sceurté et sont de plus de durée (BUEIL, I, 1461-1466, 53). TESTE. Le Temps est beau, le Temps est let, En ung estat point ne demeure. (Sots triumph., c.1475, 49).

 

b)

"Rester en l'état, ne pas se modifier" : Et ainsi qu'il [le gallaffre] vaucroit par la marine et cuidoit bien estre eschappez du peril des mains des crestiens ; mais de ce que fol pense la plus grant part en demeure le plus de foiz ; car le grant maistre de Rodes estoit en aguet sur la mer, o tout ses gens et ses galees. (ARRAS, c.1392-1393, 139). ...la chose est demourée grand temps en souffrance (Trés. Reth. S.L., t.2, 1395, 399). Laquelle chose [la nouvelle que Babilone n'était plus sous sa domination] porta moult impaciemment et tresindignamment et en tant qu'elle jeta son pigne au loing par grant courroux et (...) ne point ne voult mettre a point ses crins, qui estoient demourez a mettre en tresces (Cleres nobles femmes B.H., t.1, 1401, 21). ...et estoit demourée la dicte ouverture, en cest estat qui ne se povoit parachever sans grans frais, mises et despens (Aff. Jacques Coeur M., 1453-1457, 286). Par Dieu ! la chose n'en demourra pas ainsi, ou la justice me fauldra. (C.N.N., c.1456-1467, 342).

 

3.

[Avec attribut du suj.] "Rester tel ou tel"

 

a)

[L'attribut est un adj. ou une loc. adj.] : Item, ilz demeurent longuement bons l'un a l'autre. (ORESME, E.A., c.1370, 430). [Mon coeur] (...) Il vous couvient sien demourer, sans departir, jusqu'a la mort. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 93). Je ne suis mie bon chanteur - Aussi me duit mieulx le plourer - Mais je ne fu oncques vanteur : J'ayme plus tost coy demourer. (CHART., B. Dame, 1424, 357). ...la poursuite cessera, et demourra la chose comme indecidee et determinee, ou grant prejudice de la jurisdiction spirituelle. (JUV. URS., Verba, 1452, 383). ...aveugle fut et demoura (C.N.N., c.1456-1467, 35). ...en son tort evident fut le mary conclu, qui demoura trompé de l'Escossois (C.N.N., c.1456-1467, 53). ...comme s'il la voulsist rebaptiser toute nue la fist despoiller ; et creez qu'il ne demoura pas vestu. (C.N.N., c.1456-1467, 103). Et par ainsin demeura ceste loyale et bonne amour secrete, jusques a ce que Fortune, par sa variableté, leur voult le doz tourner, ainsin que aprés s'ensuit. (LA SALE, J.S., 1456, 64). ...il nous mist en ung grant buysson du costé de Verset et nous dist que nous ne pouvyons estre descouvers, sinon qu'il ne vensist des chasseurs d'aventure. Et pour ce, à son admonnestement, nous demourasmes embuschés ung jour tout entier jusques à la lune levée. (BUEIL, I, 1461-1466, 34). Et (...) je vous dy pour maxime que toutes et quanteffoiz que gens à pié marchent contre leurs ennemys front à front, ceulx qui marcheront perdront, et ceulx qui demeureront pié coy et tiendront ferme, gaigneront. (BUEIL, I, 1461-1466, 153). Pour quoy fut accordé entre nous que les alliances demourroient entières, que nous avions avec le royaulme d'Angleterre, sauf que nous nommions Henry ou lieu de Edouard. (COMM., I, 1489-1491, 210). MARS. Affin que mieulx on les greve et moleste, Envoyés [leur] guerre, famine et peste Que de mil ung n'en demeure vivant (Cene dieux, c.1492, 118). Ses causes congneues, je demeure Exempte de vostre justice, Priant a Dieu qu'il me sequeure Et me soit en aide propice. (Cene dieux, c.1492, 139). Plusieurs de sesditz serviteurs bastirent et edifierent soubz son regne de bonnes, belles et fortes maisons (...) de quoy ilz et les leurs sont obligez, s'ilz ne demeurent ingratz, de prier Dieu pour son ame (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 400).

 

-

Demeurer seul : Helas, mon amoreux, mon filz, Demeurarey je seule en vie Sans avoir parens ne amis Demorant en ma companie ? (Pass. Auv., 1477, 220). Et puis ledit Edouart, voyant qu'il estoit seul demouré et du tout habandonné, s'enfouy et wida hors ledit royaume et s'en vint à recours audit duc de Bourgongne son beau frere (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 248).

 

b)

[L'attribut est un part. prés.] : Et le coup qui descendi de grant ravine, avec la force du bras de quoy il fu feruz, ly uns des cloux de la maisselle rompy, et Remondin tire a lui fort, et la visiere lui demeure pendant d'un lez, si que il ot le visaige tout descouvert. (ARRAS, c.1392-1393, 63). Mais ilz ne vouldrent partir, et se rendy le chappellain hermite ou lieu de son maistre et le clerc le demoura servant comme devant. (ARRAS, c.1392-1393, 293). ...et la povre France demeure gemissant et plourant (JUV. URS., Loquar, 1440, 362). ...avec ce qu'ilz pugnirent bien arriere ceulx qui estoyent demeurez consentans de ceste besongne (LA VIGNE, V.N., p.1495, 272).

 

c)

[L'attribut est un subst.] : ...En toi, de rien ne te merveille Mais contre le mal t'appareille, Que tu demeurges vainqueour (Tomb. Chartr. W., c.1337-1339, 54). ...li dit escuier mort en la bataille de Crecy, et la dicte Ysabeau estoit demourée veve et esbahie (Doc. Poitou G., t.3, 1351, 65). Et pour ce, ceulz qui s'entreaimment selon ce que chascun de eulz est digne d'estre amé, ilz demeurent longuement amis et est leur amistié permanente. (ORESME, E.A., c.1370, 430). ...après l'enfanter elle demoura vierge. (Mir. st J. Paulu, c.1372, 93). Et ou caux que de moy ne demorrait aucuns hoirs maille, que Deu ne place, je vuis et ordene que ladicte Jehanne, ma fille, soit et demorait mes hoirs universalx, legittimes et naturalx. (Test. Besanç. R., t.1, 1372, 463). [Griseldis au marquis] Ne t'espeuse en quelque maniere ; Et en ta court noble et pleniere, En laquelle tu m'as fait dame, Dieu preng a tesmoing sur mon ame Que tousjours me suis reputee Ta povre ancelle et demouree. (Gris., 1395, 81). A cesti on sauva la vie, et demora prisonniers. (FROISS., Chron. D., p.1400, 532). Se l'ennemy apparceut point que nostre Dame demouroit vierge ? Je dy que non car il n'y osoit approuchier. (GERS., Noël, p.1404, 298). Or est a juger selon ces premisses l'estat et infelicité des princes qui, pour acquerir seigneurie ou pour demourer seigneurs de celles qui leur appartiennent, sont faiz serfs et subgiets a gens de diverses affections (CHART., Q. inv., 1422, 47). ...Charles le bel le tiers frere demoura roy non obstant les filles desditz Loys et Phelippe et leurs filz. (JUV. URS., T. crest., c.1446, 51). Et, sur ces choses, avoit sondit mary fait faire ses informacions ; après lesquelles veues et pour lesdiz cas, demoura longuement prisonniere et fut sur ce geheynnée. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 157). Le chastel et la ville estoient moult fors ; les gens qui demouroient dedans estoient gens de couraige ; car aultres gens n'y fussent pas demourez. Ung nommé messire Eneas de Malico en demoura cappitaine. (BUEIL, II, 1461-1466, 207). Et, pour conclusion, me semble que les grandz princes ne se doyvent jamais veoir, s'ilz veullent demourer amys, comme jà l'ay dit. (COMM., I, 1489-1491, 141). Toutesfois Dieu demeure tousjours le juge pour determiner de telles causes, quant il luy plaist. (COMM., II, 1489-1491, 120).

 

d)

Demeurer suivi d'un inf. précédé de sans. "Rester sans faire ou sans subir qqc." : Longuement demourerent sanz eulz mouvoir et sanz mot sonner. (BERS., I, 9, c.1354-1359, 2.11, 4). Melusigne demoura puis environ deux ans sans porter enfant. (ARRAS, c.1392-1393, 80). Car il est certain que se le blasme demouroit sans estre affacié, de tant comme avroit plus meschant mary seroit elle reputee pour meschant (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 110). Et c'est bien a penser que saint Pol ne demoura pas sans la veoir aprés sa conversion, de laquelle il escript que le benoit Filz de Dieu estoit d'elle nez et formez : Factum de muliere. (GERS., P. Paul, a.1394, 484). Sy advint qu'ung jour je aguettay (...) le preu Estonne ton pere et le occis par trahison (...) puis m'en fuis en un myen chastel ou je me garnis, car bien pensoie que la mort de tel prince demourroit a grant paine sans estre vengie. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 749). ...comme il [le seigneur] estoit liberal et courtois, affin d'estre veu de ses hommes, demoura a disner en la ville sans monter au chasteau (C.N.N., c.1456-1467, 426).

C. -

[Dans le temps]

 

1.

[Durée]

 

-

[D'une chose] "Durer, subsister, se prolonger" : Enssi demora la trieue pour cel an entre Engletière et Escoce, et fu denonchie et publiie par les deus roiaulmes par voie et cause de plus grant seurté. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 175). ...il (...) meteroit tel tourble et descort en France que les traces i demorroient .CC. ans a venir. (FROISS., Chron. D., p.1400, 198). Viennent tous les aultres [diables] qui en enfer sont, tant que ceste enseigne [le baptême] demeure, je ne les crains (C.N.N., c.1456-1467, 430). Et se ilz ne le faisoient pour vostre despense d'un an, vraiment, mon ami, vostre honneur ne demeurra pas. (LA SALE, J.S., 1456, 89). ...vint icelluy tonnoirre enflamber et mettre le feu au clochier de madame Saincte-Geneviefve au Mont de Paris, lequel brulla toute la charpenterie dudit clochier, qui estoit demourée par l'espasse de neuf cens ans (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 133). ...trop grant honte est à ung ost ou à une puissance, especialment quant il y a roy ou lieutenant de roy, de se assiéger devant une place et puis s'en lever. Pour quoy dist-on assiéger ; c'est ung mot qui porte en substance que, quant on assiège bien une chose, elle y doit demourer jusques en fin de cause. (BUEIL, II, 1461-1466, 217). Icy [au cimetière des Innocents] n'y a ne riz ne jeu. Que leur valut [aux gens de bien] avoir chevances N'en grans liz de paremens jeu, Engloutir vins, engrossir pances, Mener joyes, festes et dances, De ce fere prest a toute heure ? Toutes faillent telles plaisances, Et la coulpe si en demeure. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 133). S. NICOLAS. (...) Et Sathan, pour me faire injure, A rendu le crestien parjure. Te plaise d'y remedier Et tellement le juif ayder Qu'il ait le royaulme des cieulx ! DIEU. Nicolas, ton amy glorieux Sera exaulcé pour le cas. L'injure ne demoura pas Que, par la justice divine, N'en soit monstré evident signe A ta glorification. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 135).

 

2.

[Persistance au-delà d'une limite]

 

a)

[D'une pers.] "Vivre, survivre" : Aultre exemple avons nous tres singulier, asscavoir Nostre Seigneur Jhesu Christ qui enseigna ceste obedience non seulement de parole, mais aussi par exemple, venant au monde et demourant au monde et passant au monde. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 218). ...le chevalier et la dame ont deux enfans ; le chevalier se muert, la dame demeure et a la garde de son enfant. (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 220). Et peu de temps aprés guerist, moyennant la bonne diligence qui fut faicte par Othon et sa femme. Et demeura environ ung an faisant bonne chere. (Rambaux Frise S., c.1450-1475, 79).

 

-

Demeurer après (qqn). "Survivre à qqn" : Pluseurs ont nom com vous avez, Et bien sçay que vous ne sçavez Quant vous mourrez et quant mourront Voz enfans ne s'ilz demourront Après vous ou yront devant (DESCH., M.M., c.1385-1403, 82). Et si je savoye que je deusse demourer aprés vous, je feroye chouse que je m'en iroye la premiere. (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 10). Une fille ot le roy Cambisés, Qui demoura aprés son pere Et heritiere par droit yere (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 231). ...les doloreuses lamentations des vefves et orphelins dont ilz auront faict mourir les mariz et pères et dont ont souffert ceulx qui demeurent après eulx (COMM., II, 1489-1491, 227). Son filz demoura peu après et mourut de fièvres et fluz. (COMM., III, 1495-1498, 86).

 

-

Demeurer en vie : Par ma foy, damoiselle, vous m'avez telle chose demandé que pour riens ne le deïsse a nulle personne, se ne cuidasse mourir ou demourer en vie, mais je voy bien et sçay que je suis pres de la mort, et si ne l'ay mie desservy, si comme Dieu scet. (Bérinus, II, c.1350-1370, 11). ...et si ne Demoura la homme ne fame Qui ne perdist le corps et l'ame, Ne riens qui demourast en vie (MACH., C. ami, 1357, 107). Car, se par prudence et raison, un homme juge en aucun cas que par sa mort si grant bien ne se ensivroit pas comme par ce que il demeure en vie, lors il doit fuir la mort (ORESME, E.A.C., c.1370, 480). Je vous commande a tous que vous laissiez a mener ce dueil, si chier que vous avez que je demeure en vie encores une piece de temps avec vous autres, car vostre doulour me met au cuer plus de griefté que l'angoisse de la bleceure que j'ay. (ARRAS, c.1392-1393, 120). Sy ay vouloir de demourer En ceste vie nompareille, Ce May, [qu'Amours pas ne sommeille.] (CH. D'ORLÉANS, Chans. C., c.1415-1440, 204). Cy dit de la .IIIIe. raison de reconfort de mort d'amis, qui touche des amis qui sont demourez en vie (CHR. PIZ., P.V.H., 1416-1418, 33). ...finablement, la cité de Gabba en fu destruitte et femmes et enfans tous mis a l'espee, ne, de tout le peuple, ne demourerent en vye que environ .VIc. hommes qui s'en fuyrent es desers (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 198). Helas, mon amoreux, mon filz, Demeurarey je seule en vie Sans avoir parens ne amis Demorant en ma companie ? (Pass. Auv., 1477, 220). ...et savoit que nous estions si pou de gens qui lui sembloit bien qu'il n'y avoit guieres affaire à nous destruire, car nous n'estions demouré en vye que ung bien pou de gens de deffensse (BÉTHENCOURT, Canarien C., c.1490, 117).

 

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Empl. abs. [Exprime l'idée de pérennité] : Au second parle le Psalmiste : "Ilz, c'est a dire toutes creatures, periront et devendront neent, mais tu demeures." (Somme abr., c.1477-1481, 104).

 

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Demeurer de qqn. "Constituer la postérité, la descendance de qqn" : Et ou caux que de moy ne demorrait aucuns hoirs maille, que Deu ne place, je vuis et ordene que ladicte Jehanne, ma fille, soit et demorait mes hoirs universalx, legittimes et naturalx. (Test. Besanç. R., t.1, 1372, 463). Pour l'eure que je dy, avoit mort un moult vaillant prince qui fu nommé Assellin, lequel fu sire d'icellui pays. Et n'avoit demouré de lui nul hoir que une seule fille, la quelle estoit nommee Crestienne, et fu la pucelle moult belle et moult bonne. (ARRAS, c.1392-1393, 146). Par le temps regnoit en Aussay un moult puissant roy, lequel estoit vefves nouvellement, et ne lui estoit demouré de sa femme que une fille, de la quelle elle trespassa en sa gesine (ARRAS, c.1392-1393, 146). De ce conte de Qent mort et decolé, demora une jone fille. (FROISS., Chron. D., p.1400, 184).

 

-

Part. passé en empl. adj. Nom de parenté + demeuré. "(Parent) survivant" : Et donnèrent le royaume, de commun acord, à monsigneur Phelippe de Valois, filz jadis au conte de Valois, et en ostèrent le royne d'Engleterre et le roy son fil, qui estoit demorée soer germainne au roy Charles daarrainement trespasset. (FROISS., Chron. L., I, c.1375-1400, 84). Noble dame, le cas est tel Que Abisaac, la noble dame, Puis que mon pére rendit l'ame, Est régne veufve demourée, et croy qu'el seroit bien eurée, Et moy aussi, se je l'avoye A femme (Myst. Viel test. R., t.4, c.1450, 286). ...promptement après le trespas d'icellui Robinet, la demourée vesve de lui et sesdis enffans vinrent audit Maisieres (Trés. Reth. L., t.3, 1473, 499).

 

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Empl. impers. : ...aultresfoiz avoit esté mariée, et luy estoit demouré ung filz (C.N.N., c.1456-1467, 365). ...et après son trespas demoura deux filz, dont l'un par ainsnéesse succeda à la couronne et à l'autre fut baillé pour son appanage la duchié de Normendie (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 147).

 

b)

[D'une chose] Demeurer à qqn. "Rester en la possession de qqn, échoir à qqn" : Or vas, et tellement labeure Que du tresor rien ne demeure Qu'aus povres, biau filz, departi Ne soit tretout, voire, et parti. (Mir. st Lor., 1380, 163). ...considerant en soy que ou cas que le pays de Lymosin demourroit audit roy d'Engleterre ou duc de Lenclastre, qu'il leur povoit bien dire et monstrer, ou faire dire et monstrer, comment il a esté tousjours bien son obeissant et tenant son parti (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 188). Lors ont mis dedens les VJ. vaisseaux qui leur estoient demourez bonne garnison et repairent a leurs logeiz. (ARRAS, c.1392-1393, 133). Se lor demora chils argens, et le departirent entre euls a grant joie. (FROISS., Chron. D., p.1400, 99). De Didier Dourdel, (...) pour la ferme de la chaussée de la porte Saint Honnoré, (...) laquelle lui est demourée à la chandelle, au plus offrant et dernier encherisseur (Comptes Paris V.L.D., t.1, 1426-1427, 125). ...les souverannetés et ressors des pays baillés au roy d'Angleterre ou royaulme de France demeurent au roy de France (JUV. URS., Aud. celi, 1435, 210). ...combien que lesdis ressors et souverainneté demourassent a la couronne (JUV. URS., Aud. celi, 1435, 212). Il fault que ce drap nous demeure. (Path. D., c.1456-1469, 92). Oudit temps fut la ville de Parpeignen mise et reduicte en l'obeissance du roy, et s'en alerent ceulx de dedens qui s'en voulurent aler, eulx et leurs biens saufz, fors que l'artillerie, qui dedens estoit, demoura au roy, laquelle estoit moult belle et de grant value. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 327). De par le diable, veez la dix [aux dés] ! La robe demeure a Cinelle. (Pass. Auv., 1477, 202). LE CRESTIEN. Le feray tenir [le bâton rempli de son or] Au juif. Lors pourray maintenir Et jurer tout certainement Que [je] luy ay entierement Son or rendu. (...) Par ce point aurons ung [r]espit Et tout son or nous demourra. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 126). ...et leurs terres sont demouréez à la royne de Portingal, dont je parle. (COMM., III, 1495-1498, 298). De contraindre à ce faire et souffrir ledit sire de Pons et les detenteurs desdittes places de Royan et de Mornac et autres qu'il appartiendra par toutes voyes et manieres en tel cas requises et par main forte et armée, se mestier est, tellement que l'auctorité et force nous en demeure (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 228).

 

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Rien ne demeure à qqn. : Et pour ceste chose faire pour moy avancier, le preudons vendi et despendi tout le sien et tellement qu'il ne lui demoura riens, et se parti de Romme povres, et oncques puis n'en oÿ parler. (Bérinus, II, c.1350-1370, 16). Si avint que les Troyens, auzquelz par les adversitez et fortunes de la mer n'estoit rien demoré de tous leurs biens fors seulement leurs armes et leurs nés, se pristrent a ravir et requeillir proiez du paÿz la entour (BERS., I, 1, c.1354-1359, 1.5, 4). ...mais quant ilz ont guerre, Cesser fault le labour de terre Et estre povrez mendiens, Car il ne leur demeure riens (DESCH., M.M., c.1385-1403, 258). ...et retindrent prisonniers les plus notables gens d'icelle ville, et puis la pillerent tellement qu'il n'y demoura rien. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 164). Tout est perdu, tout est par eulx destruict, Rien ne demeure en chasteau në en ville (Cene dieux, c.1492, 109).

 

-

"Rester, être de reste" : ...sur le dresseoir d'icelle sale estoient demourez deux hennaps d'argent (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 105). ...tout fu si netement pilliet et robet que riens n'i demora, dont on peuist faire argent (FROISS., Chron. D., p.1400, 353). ...en certaine cause et procès pendant ceans entre lesdictes parties, à cause des biens demourez du decès dudit deffunct (FAUQ., I, 1417-1420, 315). ...se prend a ceste langue de beuf, et de son coulteau bien trenchant en deffist tant de pieces qu'il n'en demoura oncques lopin. (C.N.N., c.1456-1467, 486).

 

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Qqn demeure de qqc. "Qqn dispose de qqc." : ...et se la cullée en est hors, tant du fou que du chesne, ilz demeurent du demourant, perdant amende, hors la sieutte ["lorsque le gros bois, tant hêtre que chêne, est emporté contre paiement, ils disposent du reste, sans redevance et sans poursuite par le sergent forestier"]. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 315).

 

c)

Au fig. : ...saulf tant que ly common peuple en est ly plus blechies [par la guerre], et che approve ly proverbe qui dist que al païsant demeure la guerre. (HEMRICOURT, Patron Temp. B., c.1360-1399, 54). Au fort, puis qu'il estoit mortel, Me demourra pour tout chatel Le loz d'avoir amé un tel. (CHART., L. Dames, 1416, 229). ...et neantmoins entre les pertes des autres biens lui demoura esperance, et tousjours l'ot en cueur par reconfort, et en la bouche par doctrine. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 96). Et fut dit, puisque l'homme du Jouvencel avoit combatu comme deffendeur et l'autre ne l'avoit desconfit dedans le soleil couchant, que l'honneur et l'argent luy demouroit. (BUEIL, II, 1461-1466, 111). ...non precogitant le dangier où il se mist d'estre entre voz mains, et ne luy en demoura que la paine et le traval d'y aller, dont la Bonté Infinie l'a preservé et gardé que ne peustes venir à voz fins (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 262).

 

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Empl. impers. : Et ainsi fut accordé, fors qu'il demoura ung different entre ledict duc Sigismond et lesdictz Suysses, qui vouloient avoir passaige par quatre villes de la conté de Ferrectte, fortz et foibles, quant il leur plairoit. (COMM., II, 1489-1491, 16).

 

-

Empl. pronom. "Subsister" : Mais en ces choses legierement peuent trebuchier, car la soubtillité de quelconques grant et cler enging s'arreste au dessouz de la parfonde difficulté qui est la comprise. Et, où l'entendement y faut, la seule opinion, demenee par raison de la foy qui est moienne, si se demeure. (FOUL., Policrat. B., II, 1372, 203).

 

d)

P. méton. Le champ / la place demeure à qqn/qqc. "La victoire est acquise à" : N'est riens qui à ses cops se teingne. Trante en occist en petit d'eure, Si que la place li demeure. Chascuns le fuit, chascuns le doubte (MACH., P. Alex., p.1369, 71). ...car vrayement aux armes ilz nous ont donné assez à faire. Toutesfoiz la place nous est demourée. Ilz ne sont Anglois de nacion, mais Gascons, et font guerre d'Anglois. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 200). ...il sentirent et congneurent de fait que la place lor estoit demoree, et que la nuit avoit esté pour euls. (FROISS., Chron. D., p.1400, 737). "...Je ne puis bonnement souffrir ceste melencollye en mon cuer, et vault mieulx que je les voise querir ou à perte ou à gaing, jusques où ilz sont, que je demeure tousjours en ceste doubte. Et seurement que je ne souffreray ceste doubte et peine que je ne saiche à qui demourra le champ." (BUEIL, II, 1461-1466, 229). Et alors celluy qui avoit apporté lesdites lettres dist au roy: " Sire, le champ vous est demouré." Et le roy luy dist : "Allés dire à mes lieutenants, puisqu'ilz ont gaigné le champ pour moy, qu'ilz y facent planter des fevez..." (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 393).

 

-

[Avec idée de maintien d'une relation avec qqn] "Rester à la disposition de qqn" : Nous serons lasques gens et mal conbatant, se chil doi baron de Bretagne ne nous demeurent, qant nous avons si grant avantage sus euls. (FROISS., Chron. D., p.1400, 584). Brief en tous estatz les magnifiques en oeuvrez, les excellens en savance et en industrie, lez preux et courageux en armes et en vaillance vous sont presque tous fortrais l'un puis l'autre ; et ne vous est guere demouré de si grant nombre de parfaitz hommes fors une multitude povre... (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 81). ...où il luy manda qu'il ne reffusast nulle chose que on luy demandast pour separer ceste compaignye, mais que seullement ses gens luy demourassent. (COMM., I, 1489-1491, 57).

 

-

Empl. pronom. : Je treuve diverses chevaleries ; toutevoye je ne veulx faire mencion "que" de la moyenne qui se demeure soubz ung prince ayant juste querelle (JUV. URS., Verba, 1452, 240).

 

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Empl. impers. : ...le roy ordonna qu'il demourroit deux cens lances à Paris, soubz la charge et conduicte dudit bastard d'Armaignac, comte de Comminge, de messire Giles de Saint-Symon, bailli de Senlis, le sire de la Barde, de Charles des Marés et dudit messire Charles de Meleun, que le roy continua lieutenant pour lui en ladicte ville (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 72). ...et n'y eust point de resistence jusques à ung chastel, qui s'appelloit le Sap, où il y avoit une petite ville dessoubz le chastel ; et y demoura bien dedans de cincq à six cens hommes de guerre ou plus. (BUEIL, II, 1461-1466, 206).

 

e)

MATH. "Rester après soustraction d'un ensemble" : Somme des dechiez dessus diz qui sont à rabastre : LII lb. XV s. tournois, valent parisis XLII lb. IIII s. parisis. Demeure franc : IIIIcII lb. VII s. III d. (Comté Champ. Brie L., t.2, 1332, 420). VIcXV livres XVII s. II d. de gros paie en or. Demeure que on leur doit ancor IIcIIII livres XIX s. VI d. de gros. (Rég. jur. Belg. B., 1373,,, 367). ...et ce qui demeure reste a deviser, et tel residu se tu veulx tu puez de rechief multiplier par quatre, car un chascun denier vault quatre poitevines (LEGRAND, Archil. Sophie B., c.1400, 257). À Bertran Hericé, vendeur de vins, pour 10 queues de vin de Beaume [sic] tenans plus que moison 86 sestiers ; 30 donnez, demeure 56 ; à 17 fr. la queue, valent 199 fr. 10s. ; comme il appert oudit rolle ; pour ce, ici, par quittance dudit Bertrand, donnée le XIIIe jour d'avril l'an dessudit IIIIxxXVI : 199 fr. 10 s. t. (RAPONDE, Comptes La Trémoille L.T., 1396-1406, 25). Et pour mieulx tout cecy entendre je te donray exemple de trois nombres desquelx le premier sera nommé A, du quel tu pourras soustraire le second nombre nommé B, et la reste qui demourra aprés la substraction sera signifiee par le nombre C (LEGRAND, Archil. Sophie B., c.1400, 247). Au moins il vous en demourra Mille ducas, pour vostre part. (Myst. Viel test. R., t.6, c.1450, 195). ...et ainsi, les autres vint soulz par. de rente demourans et appartenans aus diz mariez seront et demourront pris aprés les diz vint soulz aus diz religieux baillez (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1372, 435). ...Et par ainsi en la mesure de .5. [pintes] demourront .4. pintes, qui est ce que l'on demande. (NIC. CHUQUET, Triparty, 1484. In : Chrestom. R., 242).

 

-

Loc. adv. [Implique une conclusion] Au demeurant. "Pour ce qui concerne le reste" : Demenez joye au demeurant, Car je congnoistray, qui qu'en rye, S'il y a aucun qui mesdye. (BAUDE, Dictz moraulx S., p.1450, 110). Et fut la place du duc de Bourgoingne au maistre et principal siege, couvert de son palle, qui fut de drap d'or, et n'avoit, au demourant, nul differand à ses freres et compaignons, sinon que le tableau de ses armes estoit ung peu plus grant et plus large que les aultres. (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 89). Laquelle ville est neutre en ce quartier là et fort affectionnée au roy, car elle est sienne et luy paye dix mille livres parisiz l'an et, au demourant, vit en toute liberté et y sont receüz toutes gens (COMM., II, 1489-1491, 179). ...[une gallee] bien fournie d'artillerie et bien equippee au demourant. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 263).

 

f)

Empl. impers.

 

-

[Avec l'idée de manque à combler] Il demeure à + inf. "Il reste à" : Or demeure donques a monstrer que cest monde est composé de tout corps naturel et sensible. (ORESME, C.M., c.1377, 156). Or as tu l'institution des sacrifices. Si demeure a desclarer la qualité des sacrifians. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 173).

 

-

Il demeure que + ind. ou subj. "Il en résulte que" : ...honnis soit celi par qui il demorra que tout li gentil home ne soient destruit. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 99). Or demeure donques que le ciel et les estoilles soient meuz ou que un soit meu et l'autre non. (ORESME, C.M., c.1377, 444). Et donques puisque les elemens ne sont faiz de non-corps ne d'autre que des elemens, il demeure que il sont faiz les uns des autres. (ORESME, C.M., c.1377, 632).

 

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Ne demeure pas que + subj.. "Il n'en reste pas moins que" : Si fust si ensonniez qu'il ne pot ailleurs entendre, mais pour ce ne demeure mie qu'il ne viengne et soit yssus du droit estoc du roy Acquin (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 12). Vous m'avez fait (...) une si haulte et honorable promesse, qu'il n'est pas en moy de vous en savoir seulement et suffisamment mercier. Et encores ay je mains le povoir de le deservir ; mais pourtant ne demeure pas que je n'en aye bien la parfecte cognoissance (C.N.N., c.1456-1467, 168).

 

g)

"Rester en manque de qqc., manquer de qqc."

 

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Demeurer pour qqc. "Manquer de qqc." : "En bonne foy, mes amys", dit le roy, "pour logis ne demeurera il pas, car assez luy en feray bailler." (Jehan de Paris W., 1494-1495, 49).

 

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Empl. impers. Il ne demeure pour qqc. "Qqc. ne manque pas" : Sy luy dist : "Mon bel amy, que avez vous ? Se vous voulés riens, dittes le ; et ne doubtés ja qu'il ne demeurera pour argent." (Belle Maguel. C., 1453, 52).

 

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Demeurer de qqc. "Se passer de qqc., ne pas avoir besoin de qqc." : Moult fut joyeulx le preu Lyonnel quant demouré estoit de l'aide a ceulx de dedens (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 431). [cf. Éd., Glossaire, p.1297]

 

h)

"Rester dans la dépendance de qqc., dépendre de"

 

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Demeurer dessous qqn. "Dépendre de qqn" : Et puis m'en iray a Royauville et feray tant que ung lignaige qui demeure dessoubz moy, qui sont jusques a mille personnes, viendront cy demourer. (Percef. II, R., t.1, c.1450 [c.1340], 383).

 

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Empl. impers.

 

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Demeurer à qqn/qqc. que ne + subj. "Dépendre de qqn/qqc. que" : ...je vous promectz seurement qu'il ne demourra pas a mon pourchaz ne a ma chevance que vous ne le soiez [= mariée], et bref. (C.N.N., c.1456-1467, 294).

 

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Il ne demeure pas à/en qqn que. "Il ne tient pas à qqn que ne... ; ce n'est pas grâce à qqn que ne..." : Et puis a l'autre lez m'avvés fait villenye, Quant meurdrir vous me voultes fere par vo sotie, Pas ne demeure en vous que ne soye sans vie. (Tristan Nant. S., c.1350, 245). Enssi se tinrent tout cel ivier li Englès et Gascon en leurs garnissons, sans point chevauchier ne à faire cose qui à recorder face, dont il leur anoioit grandement, et ne demoroit pas à iaulx que il ne fesissent armes. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 164). Et pour ce qu'il ne demoura pas a lui que je ne fus trahy et mort, cest raison qu'il soit largement pugny et plus que vous. (Percef. III, R., t.3, c.1450 [c.1340], 197).

 

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Il ne demeure qu'en qqn que ne + subj. "Il ne tient qu'à qqn si" : Et vous prommets qu'en estat de dame sa valleur est telle qu'il ne demourra qu'en moy et en mon courage que mon honneur ne voist tous jours en accroissant (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 100).

 

3.

[Attente qu'une limite soit atteinte]

 

a)

[D'une pers.] "Tarder" : ...deux messagers vindrent a lui et lui dirent: "Madamoiselle, trop demourez, car l'empereur vostre pere vous attent pour aler disner." (Bérinus, II, c.1350-1370, 76). "Biau cousin, vous devez bien avoir besoingniet, car vous avez moult longuement demouré." (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 237). Incline, Sire, tes oreilles a oïr mes prieres et mes afflictions, oyes moy, Sire, et me pardonne, et ne demeure mie, car je t'apelle, et touz jours t'ay apellé. (GAST. PHÉBUS, Livre oraisons T., c.1380-1383, 34). ...tu dois amender ta vie selond les commendemens de Dieu. Car se tu demeures tousjours comme devant, non contrestant l'appel du Saint Esperit, tu le renvoies honteusement, Obeissance ne le recoit point, ne tu ne gardez point sa parole. (GERS., Pent., p.1389, 77). Si est ja l'eure d'espouser ; Pou puet le marquis demourer Qu'il ne viegne a ses espousailles. (Gris., 1395, 31). Je croy que Dieu les bons regarde Et qu'aprés dueil joie leur garde, Maiz trop demeure et trop me tarde ; Et moult sejourne Fortune qu'el ne se retourne, Qui de le vëoir me destourne, Dont je remains pensive et mourne. (CHART., L. Dames, 1416, 232). ...ilz vindrent hurter a la chambre ou estoit la pucelle, a qui desplaisoit moult que son amoureux tant demouroit (C.N.N., c.1456-1467, 551). Helas ! pour Dieu, quoy qu'il demeure, Que je ne passe point le pas ! GUILLEMETTE. Alez vous en ! (Path. D., c.1456-1469, 110). Le lesserez la, le povre Villon ? Chantres chantans a plaisances, sans loy, Galans, rians, plaisans en faiz et diz, Coureux alans francs de faulx or, d'aloy, Gens d'esperit, ung petit estourdiz, Trop demourez, car il [le pauvre Villon] meurt entandiz. (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 68). Dont venez vous, je vous supply, Judas ? Moult avez demouré. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 638). JOHAN. Vraiement je suis ennuyeulx Que ma femme demeure tant. (P. Jouh. D.R., a.1488, 30). AFFRICQUEE. Helas, mon amy, que dira Mon mary de tant demourer ? (P. Jouh. D.R., a.1488, 32). Le dyable l'a bien enchantee Maintenant de tant demourer. (P. Jouh. D.R., a.1488, 33). CUPIDO. Il demande en avoir sa part. LE GENDARME. Allés, vostre [fievre] quartaine, A vostre abaye, maistre frappart, Et voulés vous estre paillart, Vuidés tost, c'est trop demouré ! (P. moyne, a.1500, 47).

 

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"S'attarder" : Lors dirent les mariniers qu'ilz ne demoureroient plus nullement, et si dirent a mon seigneur qu'ilz appareillassent tous ; car ilz vouloient sigler, si drecerent leurs voilles. (Chev. papegau H., c.1400-1500, 82). ...son mary avoit demouré deux ou trois jours routiers, et pour le quatriesme avoit attendu aussi tard qu'il estoit possible (C.N.N., c.1456-1467, 508).

 

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Ne demeurer rien. "Rester absent très peu de temps" : Par ma foy, dit elle, c'est force, il m'y convient aller. Je ne demoureray rien ; si vous avez haste d'aller a l'ostel, allez tousjours devant, je vous suyvray [Un mari demande à sa femme de ne pas entrer dans l'église] (C.N.N., c.1456-1467, 217).

 

b)

[D'une action] "Attendre, être remis, être différé" : Li roys Clodoveus de France se tourna lors devers son filz, et li dist : "Ribaut, vous m'avez honni, et je vous honniray, quar ja ne demorra pour ce que je n'ay plus enfant que vous". (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 109). Quant le Soudan ouyt la demande de Pierre, il fust mal content et luy dist : "Chier amy Pierre, je te prye que ton partement demeure. Car tu ne peux aler en lieu ou tu soyes plus aise qu'avec moy ; et ne trouveras amy ne parens qui plus te face de biens..." (Belle Maguel. C., 1453, 45).

 

-

"Être retardé" d'où "Être empêché" : Adont respondy Clamidés et dist : "Sire, je feray sa voulenté mais que de vostre main me fachiez chevalier. - Par ma foy, sire, dist Lyonnel, ja pour ce ne demourront les nopces, car je le vous octroye." (Percef. II, R., t.1, c.1450 [c.1340], 362). Et au regard de moy, j'ay en vous telle fiance que, se par mon pechié ne demeure, je ne puis nullment faillir a mon desir. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 106).

 

c)

[D'une pers. ou d'une chose] Demeurer à / de + inf. "Tarder à faire qqc." : LE ROY. Ceste damoiselle demeure Moult a la chambre appareillier. (Mir. femme roy Port., c.1342, 184). Car il ne sont point mouuables, pour ce quil sont au premier climat, qui est de Saturne, et Saturne est tardif et pou mouuable, car il demeure a faire son tour par les xii. signes (MANDEVILLE, Voy. L., p.1360, 321). LA VENTRIÉRE. (...) Je voy que serez sanz deffault Delivre en l'eure. CLOTILDE. Diex ! quant sera ce ? trop demeure Ceste alejance a moy venir. (Mir. Clov., c.1381, 247). Et tant demora a venir en Bretagne et a demander son droit que trop, car li contes de Montfort se fortefia tant en toutes manieres (FROISS., Chron. D., p.1400, 474). ...je t'ay monstré (...) que chose neccessaire estoit de paier le debte que humainne nature devoit a Dieu pour le premier pechié, et qu'elle ne debvoit point demourer a paier. (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 246). Sy commença a dire : "Gentieu damoisel, ne vous desplaise se par mon pechié demourez a estre chevalier, car digne n'en suis nullement ; mais autrui le fera..." (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 950). Advancés vous, Nicodemus ! C'est trop demeuré a venir. (Pass. Auv., 1477, 239). Semblablement à Saint Ignocent, à Paris, en la fosse ordonnée pour mectre les pouvres, nul corps n'y demeure à corrompre plus de IX jours, autres dient d'une Lune (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 68 r°). Je demouray à partir aulcuns jours, pour ce que le roy fut malade de la verolle et en peril de mort, pour ce que la fièvre se mesla parmy ; mais elle ne dura que six ou sept jours. (COMM., III, 1495-1498, 46). Il me semble que je demeure Trop d'aller querir mon argent. (Chaulder. T., c.1500, 219).

 

d)

Empl. impers.

 

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Demeurer à qqn que + subj. "Tarder à qqn que, avoir hâte que" : SYMEON. Pére des cieulx, moult me demeure Que je voie ton enfant chier (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 223).

 

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Ne demeura rien. "Sans tarder, aussitôt" : Dont tantost et ne demora riens altercation sourdy entre eulz tresdure (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 102).

 

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(Il) ne demeurera guere / pas. "Cela ne tardera pas" : Par foy, dist Uriiens, et mon frere et moy vous retenons et vous y menrons, ne demourra gueres. (ARRAS, c.1392-1393, 82). Par foy, dist Guyon, quant de ma part ne demourra pas. Lors furent fianciez et le lendemain furent espousez a grant solennité (ARRAS, c.1392-1393, 144). ...Moy mesmes les vous forgeray [les clous pour la crucifixion] Moy mesmes les assortiray. Pour cela ne demourra pas ; J'apointeray si bien le cas Qu'on n'y trouvera que redire. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 384).

 

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(Il) ne demeure pas en / par qqn. "Qqn n'est pas cause d'un retard, d'un empêchement, d'un obstacle" : Car ce ne demoura pas par moy que je ne feïsse mon desirer, si come il est escript - (...) - mais pour le souverain malice et l'avarice du dit gouverneur ce demoura, car il amoit miex a tout perdre que a despendre grant quantité de peccune a garder tout le surplus. (VIGNAY, Théod. Paléol. K., c.1333-1350, 111). Neantmoins l'appareil feray faire Si qu'en moy ne demourra pas. Appareilliez sont ja les draps. Et les joyaux nobles et riches Et le disner qui n'est pas chiches. (Gris., 1395, 31). Liés sui que je vous voi, ne vous en doubtés ja, Car s'en vous ne demeure, mes corps s'acordera A la loy crestienne (Bât. Bouillon C., c.1350, 175). Par moy certes ne demourra [la préparation du dîner], Car certes vous diray veoir, C'est tout mon desir de les veoir. (Pac. Job M., c.1448-1478, 195). L'ARCHIDIAQUE. Mon seignieur, se bien vous vouliés Aydier vous avec le chapitre, Il aroit tantost ung bon titre : Chanoyne seroit a celle eure. L'EVESQUE. Par ma foy, en moy ne demeure ; Je m'en aydiré voluntier. (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 77). Roy, efforce toy et pren couraige, sy mect la main a l'oeuvre, car l'ermite qui t'assignoit en ton songe, c'est Dieu qui t'a amené a bon port se par toy ne demeure ! (Percef. II, R., t.1, c.1450 [c.1340], 243). Ainsi, beau Sire Dieu, suis je esgaré de tous bons consaulx sinon de vous (...) en qui j'ay toute mon esperance, car ja ne me fauldrés s'en moy ne demeure, dont moult me doute veu que je suis homme pecheur (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 496).

 

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Ne demeure pas ( + durée chiffrée) que./Ne demeure que (+ durée chiffrée) que. "Il ne se passe pas plus de tel délai avant que" : Ne demeurra pas quatre jours, ainsi comme vous orrez cy avant en l'ystoire, que le roy Uriien et son navire exploittierent tant qu'ilz virent le port de Japhes et le gros navire qui y estoit. (ARRAS, c.1392-1393, 216). Si n'y demora que ung jour entredeux que ung nommé le Petit Meny, seigneur de Mainpas et bailly de Berry, ensemble messire Jehan d'Olon, seneschal de Beaucaire, furent envoyéz du roy devers les chevaliers de l'ambassadde (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 32).

 

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(Il) ne demeure ( + adv. de nég.) que + subj. "Il ne se passe que peu de temps avant que, rapidement" : ...dont ne demoura gaires après que l'autre ne venist aussi et demanda la peccune qu'elle gardoit. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 32). Toutesvoies ne demoura mye que le bon roy Perceforest ne montast en hault sur l'eschaffault aourné de couronne et de sceptre royal (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 505). ...quant il fut au lieu, il ne demoura gueres après, la semonce de son desir tenant le lieu de mareschal, qu'il ne mist main a la besoigne, et vous assault sa femme (C.N.N., c.1456-1467, 89). Dont et quand ce vint a parler des armes de tous deux, [le duc de Bourgogne] prisa et loa et l'un et l'aultre (...). Si ne demora guieres que tous deux, l'un aprés l'aultre, ne comparussent devant ly (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 171).

 

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(Il) ne demeure ( + adv. de nég.) que + ind. : Ne demoura pas longuement, Ou tamps de ce roy proprement [Herode], Que la dame d'humilité [...] Enfanta le grand Roy celestre, Vierge devant et Vierge au naistre. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 82). Quant je le ting entre mes braz, Voir est qu'il ne demoura pas Que de dormir l'affeccïon Me vint par la subgeccïon De l'ennemi. (Mir. enf. ress., 1353, 37). Aprés, n'a gueres demouré Que .I. vent les lança en la mer (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 262). Ne demora gaires de temps depuis que li rois de France envoia en Engleterre, de son plus especial consel, l'evesque de Chartres (FROISS., Chron. D., p.1400, 191). Or ne demoura gaires aprés que Richart rompit la paix (JUV. URS., T. crest., c.1446, 92). Par ma foy, je suis certaine que ce chemin va tout droit au chastel desvoyé, et pour ce sieuvons ce chemin, car il ne demourra gaires que nous ne trouvons aucun chevallier du chastel qui nous y merra. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 206). Ne demeura guieres que les nouvelles vindrent (Rambaux Frise S., c.1450-1475, 54). ...l'autre fut bien esbahy d'oyr ces nouvelles [la trahison de son amie]. Si ne demoura gueres qu'il ne vint en Haynau devers son compaignon (C.N.N., c.1456-1467, 345). ...a yceulx cinq [le duc] alla racompter les parolles de messire Henry ; et (...) dirent qu'il estoit bon de luy donner rencontre (...). Si ne demora riens que tantost messire Jehan de Rebremette, par l'ennortement de son maistre le bastard et de Meriadec qui fort y tint la main, s'en vint a messire Henry en pleine salle (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 137).

 

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Il ne demeura guere quand : Et pour ce que la table ou les dix pucelles devoient seoir estoit mise, il ne demoura gaires quant Pergamon et Paris, freres a la pucelle Cresille, arriverent en la sale adextrant leur sereur, et les sieuvoient les autres pucelles (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 256).

 

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(Il) ne peut demeurer que + subj. "Cela ne peut empêcher que" ( (cf. Éd.)) : Toutesvoiez ne peut demourer que le pechié de la mauvaise feme demourast a pugnir, car tantost qu'elle tendy la teste et le corps pour saillir hors du palais, fourdre de ciel descendy sur elle (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 607).

 

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[En prop. incise] Ne demeura gueres aprés. "Peu de temps après" : ...[le jeune époux] vit tresbien a son aise son espouse se bouter en son lit. Et vit aussi, ne demoura gueres après, le chapellain de leens qui se vint bouter auprès d'elle (C.N.N., c.1456-1467, 333).

 

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[En prop. incise] Tant lui demeure. "Tant l'attente lui paraît longue" : ...Je le viengn d'amour a emplir Et de desir ardant et fort, Qui le boute et hate si fort, Qu'il ne cuide ja veïr le heure, Qu'il puist sentir, tant le demeure, La delectacïon presente, Que la fontaine ly presente. (Echecs amour. K., c.1370-1380, 152).

 

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Qqc. demeure trop à qqn. "Qqc. lui semble long à venir" : Las ! las ! la mort trop me demeure, Quant avant de luy ne m'a pris. (Mir. ev. arced., c.1341, 115). ...trop me va demourant La mort quant a fin ne me livre, A ce que je fusse delivre De ceste angoisse. (Mir. emper. Romme, 1369, 301).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Hiltrud Gerner

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