C.N.R.S.
 
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     CHATEL     
FEW II-1 capitalis
CHATEL, subst. masc.
[T-L : chatel ; GD : chatel ; AND : chatel1 ; DÉCT : chatel ; FEW II-1, 253b : capitalis ; TLF : V, 658b : cheptel]

A. -

[Au sing., collectif]

 

1.

"Avoir, biens, richesses, patrimoine" : Et se tu pers de ton chatel, Tu ne t'en dois pas doloser, Quart c'est folle deseparance. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 181). De pute heure sur terre vit Qui d'aultrui chaté se chevit. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 56). Biau frére (...) si vous proy Que vous vueillez de mon hostel Donner garde et de mon chastel Aussi com vous feriés du vostre. (Mir. prev., 1352, 236). ...Et si m'a le musel rompu Pour prandre et ravir mon chastel En ma maison, en mon chastel (DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 157). Tu scez bien quant je vins a toy Et tu me preïz a l'issue De la maison mon pere, nue Me feïz du tout desvestir Et de tes robes revestir, Avecques lesquelles j'entray Et vins o toy, que n'apportay Douaire autre, ne autre cheté, Fors reverence et povreté. (Gris., 1395, 82). Consideres que es mortel, Et ne vueilles avoir chatel Mal acquis (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 28). Cil respondi que "chier chetel Seroit trop, quant, pour avoir tel, Couvendroit traitre devenir..." (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 205). Plus de mille nefs en charga, En occident les descharga En un fort chastel qu'acheté Y ot de son propre cheté, Qu'en diroie : cil, sanz doubter, Assez pour un monde acheter A de tresor (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 142). Quantes malles nuiz et disete de boire et de menger endurent souvent ceulx qui le mestier de la guerre frequentent, chargez de fer au vent et a la pluye, sans autre couverture que du ciel et y perdent souvent leurs chevaulx et leur chatel, mettent leur vie en aventure de mort et de fait y meurent. (CHART., Q. inv., 1422, 29).

 

-

Meilleur chatel. "Part du seigneur en cas d'héritage" : ...de mortemain, de meilleur chatel et autres servitutes quelxconques (Ordonn. Ph. le Hardi, Marg. de Male B.-B., t.2, 1399, 334). [aussi p.547 et 548]

 

2.

"Capital" : Cilz riches bourgois usuriers Par montes doublent leurs deniers Et leurs chastelx [var. leur chatel] et lours soudees. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 133). Li ung se vit de son chatel Pour revendre, pour racheter, Li autre vit de roberie. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 228). Tout cuident, privet et estragne, Qu'il soit la venus de Bretagne Pour montepliier son catel. (FROISS., Méliad. L., t.2, 1373-1388, 90). LE JUIF. J'ay oy dire (...) Qu'est revenuz en son hostel Celui a qui de mon chatel Prestay, il a deux ans, grant somme. (Mir. march. juif, c.1377, 212).

 

-

Ne regarder ne sens ne chatel. Cf. n.5932 de l'Éd., qui propose de lire cens à la place de sens et de comprendre littéralement «Il ne comptait ni capitaux ni intérêts». (G. Roques, Z. rom. Philol. 96, 1980, 418 propose de trad. "Ne pas faire de détail") : Et sachiez que Estonné, a qui le nom venoit de sa nature, se deffendoit si estonneement qu'il n'y regardoit ne sens ne catel, car il frappoit sur eulx sy habandonneement qu'il ne luy challoit ou. (Percef. I, T., c.1450 [c.1340], 231).

 

3.

"Rapport, revenu d'un bien mobilier" : 4 chiez ["chefs"] de grosses bestes armailles, c'est ç savoir une vaiche, une genice de deux ans, une autre de 1 an et une autre de demi an, sur lesquelx a 4 florins de cheté (Invent. mobiliers ducs de Bourg. P., t.1, 1368, 147). Jugement (...) que dit que, se un homme vand lez fruicts ou chaipteis d'un heritaige... (Jug. maître-échev. Metz S.M.S., t.1, a.1494, [1330], 78).

B. -

[Au sing. ou au plur.]

 

1.

DR. "Bien meuble (qu'on déplace aisément : bijoux, objets divers ; ou qui se déplace : bétail)" : Et se li dit forain ainsi bani ou justicié avoient aucuns meubles ou catelx, quel que part qu'il fussent, ou avoient aucuns heritages qui meussent de fief, il seroient du tout en tout commis et confisquié à nous et n'y pourroient li hoir naturel ou successeurs riens demander ne reclamer (Hist. dr. munic. E., t.1, 1335,,, 325). [Une femme laisse à son décès] ...tout çou entirement ke elle ara vaillant au jour de sen trespas, ses dettes paiies et ses tors fais, amendés, en meules, en cateus, en dettes, en rentes (Vie urbaine Douai E., t.4, 1351, 333). [Celui qui parle a dépensé tous ses biens propres ; mais il vient de découvrir que sa femme possède des troupeaux de brebis] ..."Damme, je ay tot forfait le mien, ce moy semble, mais ce n'aveis nint le vostre, car vous aveis on cheteit par vos ; et aveis le nom d'estre riche, et je d'estre povres et endebteis." Ly bonne damme, qui l'amoit et dotoit, fut durement triste et enhisdée ; se ly respondit : "Chiertes, douz sires, de povreteit et de debtes nos at Diiez bin wardeit, loiienge à ly ! Ne povres ne poies estre sains moy, ne je riche sains vos." (HEMRICOURT, Miroir Hesb. B.B., 1353-1398, 172). ...le dit suppliant qui pour le temps gaignoit sa chevance simplement et loyalment, en menant vivres à la Rochelle et ailleurs avecques trois bestes chevalaines et en achetant blez et vins par les païs, les diz Anglois en venant de Valence au dit lieu de Maillezois, tolirent au dit suppliant les dites trois bestes qui estoient la plus grant partie de son chestel (Doc. Poitou G., t.3, 1359, 277). ...de nostre grace especiale (...) eions (...) grantéz au dit W[illiam] les biens et chateux desoubz escriptz (...), c'est assavoir cynk bacyns, cynk ewers [suit une énumération d'ustensiles de table] (...) et un messale, un grayel, un vestement entier contenant trois aubes, trois amytz, une chesible, deux tonicles, ovec autre arraie ordenéz par l'avantdit R[oger] pur la chapelle de Tunstalle, et une table d'or ovec les reliques contenuz deinz la dite table, et sis litz entiers (Lettres agn. L., 1388-1394, 193). ...nos améz et féaulx conseilliers, le doyen de Saint Donaes de Bruges et messire Henry d'Espierre, que nous avons commiz et commettons à ce, se transporteront en la dicte maison et feront partir les saisineurs et les diz biens et cateulx délivreront ausdiz exécuteurs pour l'accomplissement dudit testament ou derraine voulenté. (Hist. Lille T., t.1, 1392, 84). ...tous les biens meubles et cateulx demeurés des successions d'iceulx qui trespasseroient audit hospital.... (Ordonn. Ph. le Hardi, Marg. de Male B.-B., t.2, 1404, 725).

 

-

Chatel volant. "Volaille" : Le vilain dist en reprouvier Que chatel volant n'a pas chier, Pour ce quë il n'a point d'arrest ["Parce qu'il s'envole trop facilement" d'apr. Éd.] (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 235).

 

2.

"Bien propre à qqn"

 

-

[À propos d'un serf] : ...nul homme sers de condicion de main morte ne puet obtenir ne demourer en garde contre son seigneur ; et, se garde est donnée à ceulx, se leur seigneur s'en plaint, il en seront du tout ostéz, car telx personnes ne sont que propres chatelx au seigneur et les seigneurs et leurs chatelx sont en garde du souverain. (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 171).

 

-

"Bien que qqn porte sur soi" : Li .I. de ces murdriers me prist par la courroie, Et dit que leur truage avec moi emportoye, Et que de mon chatel ou du cors paieroie. Et je leur respondi : Je n'ai grain de monnoie. (Brun de la Mont. M., c.1350-1400, 12). Et les larrons l'asailhent qui furent desireux De le mettrë a mort pour avoir ses chastieulx (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 30).

 

-

Prov. On aime mieux le chatel quand on l'a payé plus cher. "On apprécie davantage ce qu'on a acquis avec peine" : Amer sanz paine riens ne vault, Et s'aime on trop miex le chaté Quant il est plus chier achaté (Mir. emper. Romme, 1369, 255).

 

3.

"Gain, profit" : J'en sçay de tieulx Qui ont dames en mains hostieulx, Dont ilz tirent les grans chatieulx Et leur sont ennemis mortieulx, En n'en tenant Loyauté ne le remenant. (CHART., L. Dames, 1416, 285).

C. -

Au fig.

 

1.

"Bien de nature spirituelle, morale" : Pour ce seront ediffiez Li bon, li mauvais trambleront Et orriblement crieront De ce qu'il ne sont rachaté Par si tresprecieux chaté (Jour Jug. R., c.1380-1400, 246). Loyal cuer et voir disant bouche Sont le chastel d'omme parfait (CHART., B. Dame, 1424, 285). ...Regret forge de dur martel Sur mon cueur comme sur enclume Et, dedans, batist ung chastel Pour tenir ung dolent chatel De grefs soupirs et d'amertume. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 300). S'il est homme qui ayme honneur, De vertu fera son chastel (GAGUIN, Quest. meue T., a.1500, 430).

 

2.

Loc.

 

a)

[D'une femme] Offrir son chatel à qqn. "Accorder ses faveurs à qqn" : Mais la belle de franche volonté, S'un honteux voit qui vers elle s'adresce, Sanz demander lui offre son chasté. (Recueil galant. V.-B., c.1350-1400, 89).

 

b)

Tenir chatel du corps. "Être bien portant" : Biau doulx nepveu, bien vegniez vous ! Conment vous a il puis esté ? Vous tenez bien du corps chaté, A ce que voy. (Mir. marq. Gaudine, 1350, 143).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Pierre Cromer

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