C.N.R.S.
 
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     CHANT1          CHANT2     
FEW II-1 cantus
CHANT, subst. masc.
[T-L : chant ; GDC : chant ; AND : chant ; DÉCT : chant2 ; FEW II-1, 236b : cantus ; TLF : V, 509a : chant1]

A. -

[À propos de la voix humaine]

 

1.

"Émission de sons musicaux, action de chanter, composition musicale pour la voix, chant" : Ce chant que tu a tes oreilles As oy, c'est (...) La doulce mére au roy Jhesu Et ces anges qui sont venu Querre les ames de ces corps (Mir. st Val., c.1367, 159). Seigneurs, escoutez : en quel lieu Oy je de chant tel melodie ? (Mir. st Val., c.1367, 159). Item, aussi comme mutacion ne peut estre que elle ne soit en miex ou en non-miex combien que aucune fois tout ensamble soit tres bien, si comme un chant de pluseurs voiez tres bon ne seroit pas si bon se les voies estoient tousjours ou tres meilleur acort (ORESME, C.M., c.1377, 482). Ainsi comme vous povez ouïr, fu ly roys Elinas repeuz et si abusez tant du doulz chant que de la beauté de la dame qu'il ne scet s'il dort ou se il veille. (ARRAS, c.1392-1393, 6). Et qu'il y a assez joye et doulours, Et jeux et ris, et puis lermes et plours, Et joyeux chans et trestristes clamours (CHART., D. Fort., 1412-1413, 159). Et s'il est clercs, Il fait livres en rimes ou en vers, Ou beaux motez a chants doulx et divers Ne il ne sera cauteleux ne pervers. (CHART., D. Fort., 1412-1413, 174). ...plus plaist a Dieu l'abaiement des chiens (...) que ne fait le chant de ceulx qui vivent en pechié. (JUV. URS., T. rever., 1433, 86). Item, [je ne donne] riens a Jacquet Cardon, Car je n'ay riens pour lui d'onneste - Non pas que le gecte habandon - Synon ceste bergeronnecte ; S'elle eust le chant Marïonnecte Fait pour Marïon la Peautarde, Ou d'Ouvrez vostre huys Guillemete, Elle alast bien a la moustarde. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 135). En ceste joyeuse estanpie Et en ce chant melodïeux, Doleurs pers ; plus ne suis marrie, Pour ce que voy Dieu glorïeux. (Pass. Auv., 1477, 280). Je suis Venus, la plus belle des cieulx, Entre les dieux tenant ma region, Aornée de joyaulx precieulx, De chans joyeulx et sons melodieux, Esbatz et jeux sont en ma legion, Puis Amphion du manicordion Psalterium cum cythara concorde Avesques Pan, qui ses muses accorde. (Cene dieux, c.1492, 108).

 

-

Chant et dechant. "Chant et contre-chant" : Regardez quel enchanterie Denis [qui vient d'être décapité] s'en fui par my cez champs. Et ot en et chans et dechans Avecques ly sans ame veoir. (Jeu st Den. S., c.1380-1400, 126).

 

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Plain chant : Armonie est sans mixtion de sons, et est ce que nous appellons plain chant : et melodie est en bonne mixtion de sons, et est ce que aucuns appellent deschant, mes communelment l'en prent l'un pour l'autre. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 356).

 

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En partic. "Chant d'église (en l'honneur de Dieu, des saints), cantique" : Alons touz ensemble chantant Ce chant qui est bel et plaisant, Qui a la vierge moult plaira : Ave maris stella, Dei mater alma ! (Mir. femme roy Port., c.1342, 202). Car en ces paroles, en ce chant, je regarde que le vray Dieu de saincte amour, qui mentir ne puet, appelle et nomme ceste benoite Vierge, qui au jour d'uy fut saintement conceue, dame de toute beauté paree (GERS., Concept., 1401, 389). Et si ne veulx point trespasser en cest endroit la memoire du bon roy Robert, qui tant fut dedié a orayson qu'il portoit la chappe en cueur pour commencer le chant et entonner les antiennez en l'eglise. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 168).

 

-

Prov. Aprés le chant viennent les pleurs : ...Pour ung plaisir mille dolours, Aprés les chantz viennent les plours (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 578).

 

-

Loc. prov. Le chant tourne en pleur : Mon chant en plour tost se tourna, Et ma joie pou sejourna. (LE FÈVRE, Vieille C., a.1376, 151). Maistre moyne, chantez toujours Et faictes bien a vostre guise, Car voz champs tourneront en pleurs, Se je viens a mon entreprinse. (P. moyne, a.1500, 49).

 

.

Faire ses chants au cul de l'asne. "Faire une chose en pure perte" : Veulz tu du doy arer les champs ? Veulz tu planter bois de festus ? Au cul de l'asne fais tes chans ; Tu bas froit fer, tu es deçus (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 206).

 

2.

"Air, mélodie accompagnant un poème (p. oppos. aux paroles, au dit)" : ...Te diray une baladelle De chant et de ditté nouvelle. (MACH., R. Fort., c.1341, 105). Et pour ce qu'estoie au retour De vëoir son trés noble atour, tantost fis en dit et en chant Ce que presentement chant. (MACH., R. Fort., c.1341, 110). Nous en dirons un tout nouvel [rondeau], Dame, qui est plaisant de dit, Et s'est de chant, sanz contredit, Melodieux. (Mir. ev. arced., c.1341, 143). GABRIEL. Michiel, cestui [rondeau] donques disons Qui a biau chant et bon ditté. (Mir. pape, 1346, 377). ...puis encommença [le saint preudhomme] a chanter une chanson dont le chant estoit plus actrayant aux larmes que a leesse et le dit a recongnoistre son createur plus qu'en aourer pluiseurs dieux. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 554).

 

-

Mettre un texte en chant : Cy s'ensuivent plusieur rondeaulx doubles et simples, que l'on fait pour mettre en chant (BAUDET HER., Doctr. sec. rhétor. L., 1432, 189). J'ay mis vostre chancon en chant (...) et si est desja mise sur la herpe (Cleriadus Z., c.1440-1444, 191). Item, a maistre Ythier Merchant, Auquel mon branc laissay jadiz, Donne, mais qu'il le mecte en chant, Ce lay contenant des vers dix, Et au luz ung De profundiz Pour ses ancïennes amours, Desquelles le nom je ne diz, Car il me hairoit a tousjours. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 85).

 

3.

RHÉT. Chant royal. "Poème à forme codifiée, au contenu essentiellement religieux (mais des variétés plus légères existent par ailleurs)" : En apres, vecy Retoricque, Assez prochaine de Musique, Retoricque fait virelais, Ballades, chans royaux et lais. (Livre amour. all. F., c.1398-1430, 42). Tes cantz reaulx, tes vielaix [sic] et dictiers tes jeux de farse et tes brocquars couvertz (...) Feront, espoir, ton bruit pericliter (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 189). Chant royal se recorde es puis ou se donnent couronnes et chapeaux a ceulx qui mieulx le scevent faire. Il se fait a refrain, comme ballade, mais il a cinq couplès et l'envoy. (MOLINET, Art rhétor. L., c.1482-1492, 242).

 

4.

Au fig. [L'opposition chant contre (chant) sert à désigner ici l'opposition réussite/retournement de fortune] : LE PREVOST [en parlant du chrétien accidenté]. Faulx homme plain de convoitise, Ta mauvaistié icy se monstre. Or est ton ame en danger mise Par ceste fortuné rencontre. L'ADVOCAT. Sainct Nicolas ycy demonstre Une merveilleuse devise. Pour chant vecy piteuse contre, Faulx homme plain de couvoitise ["le chrétien a pu chanter victoire, mais voici un retournement de fortune" (Éd., 178)]. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 143).

B. -

[À propos d'un instrument de musique] "Air, musique" : La seconde si est Musique, Qui nous enseigne et nous applique A (...) Chant d'eglise arreement Sonner en orgues (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 116). Quant ma pennetiere est fournie De bons gros aulx et nourrissans, De ma fleute vous fais ung chants Qu'il n'est point de tel simphonye. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 66). ...pour le grand plaisir qu'elle print aux doulx et melodieux chans et armonie d'instrumens dont l'on jouoit a son huys, elle s'avança de venir veoir (C.N.N., c.1456-1467, 567).

 

-

[Dans un contexte grivois] : Quant est d'instumens organistes Gros et ouvers pour ung chant, Je suis fourni comme ung marchant, Par ma foy, il ne m'en fault rien (P. moyne, a.1500, 48).

C. -

[À propos d'un oiseau]

 

1.

"Chant, ramage (d'un oiseau)" : Mais n'i fis pas moult lonc sejour, Car grant piece devant le jour M'esveilla li dous rossignos, Qui jolis estoit et mignos, Li tarins avec l'alouette, Le chardonnerel, la linnette, Le papegaut, la salemendre, Et le dous chant de la calendre, Qui est de si noble nature Que, quant aucune creature Malades gist, et on li porte, On scet a li tantost, se morte Sera de ceste maladie Ou s'elle en doit estre garie, Car se la kalendre l'esgarde, On est certeins qu'elle n'a garde (MACH., D. Lyon, 1342, 160). Anciennement aucuns par le chant et par le vol ou volement des oiseaux divinoient et prenostiquoient d'aversité et de prosperité, de maladie et de santé, selon ce que il vouloient a destre ou a senestre. (ORESME, C.M., c.1377, 308). Maistre, as tu point de coqu Quil me chante chanp et deschamp, Quant je seray venu des champs ? (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 158). Et a chanter son cuer forsoit Non pas pour plaisir mais pour crainte, Car tousjours un relais de plainte S'enlaçoit au son de sa voix ; Et revenoit a son atainte Comme l'oisel au chant du bois. (CHART., B. Dame, 1424, 334). Le corbeau par sa cornardie, Oyant son chant ainsi vanter, Si ouvrist le bec pour chanter Et son fromaige chet a terre. (Path. D., c.1456-1469, 88). Et les pasteurs qui s'endormoyent aux chants Des doulx oyseaux (LA VIGNE, V.N., p.1495, 316). Bien souvant, au chant du coquu, J'ay la ramee galoppee, Ayant sur moy lance et escu (LA VIGNE, S.M., 1496, 429).

 

-

En partic. Le chant du coq : Quant une femme se lieve de nuit pour pissier devant que le coq chante la tierce fois, et elle engambe par dessus son mari (...) se c'est aprés le premier chant du coq, elle sans prejudice, s'en puet retourner par ou lui plaist. (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 104). Haymo racompte que, des le chant du coq jusques a la quinte heure, Pol labouroit des mains (BATALLIER, Lég. dorée D.-L., 1476, 580).

 

2.

Au fig. Chant de l'aronde. "Persistance, permanence d'un état de choses qu'on déplore et pour lequel il n'y a pas de changement en vue (par allusion à la monotonie fatigante du chant de l'hirondelle)" : Verité fault, loy est perie, Par tout voy le chant de l'aronde ; L'un engresse, l'autre amaigrie : Ainsis va des choses du monde. (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 310). ...Il ne chault plus de foy ne de creance, De l'ire de Dieu, dont vengence redunde ; Preschier n'y vault, c'est le chant de l'aronde (DESCH., Oeuvres Q., t.6, c.1370-1407, 206). ...Je veul du tout laissier le monde. Ce n'est que le champ de la romde [l. l'aronde], Ce n'est fors c'ungne vanité. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 78).

D. -

Chant du ciel. "Harmonie de l'univers" : Aussi comme qui diroit que le chant acordable du ciel dure continuelment sanz cesser. (ORESME, C.M., c.1377, 482).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

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