C.N.R.S.
 
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     BRUIRE     
FEW X rugire
BRUIRE, verbe
[T-L : bruire ; GDC : bruire ; AND : bruire ; DÉCT : bruire ; FEW X, 546b-547a : rugire ; TLF : IV, 1018b : bruire]

A. -

Au propre

 

1.

"Émettre des sons, pousser des cris"

 

a)

[D'un animal]

 

-

[D'un cerf] "Brâmer" : ...le duc de Bourgoingne (...) se advise que pour mieulx avoir son déduit, tant de la chasse des cherfz et les oyr bruire par nuyt, il se logeroit dedens la forest d'Argilly. (LEFÈVRE ST-RÉMY, Chron. M., t.1, c.1462-1468, 202).

 

-

[D'un bovidé] "Beugler" : Quant le buef eut moult sejurné et fut moult fort, il commença a bruir forment, a haulte voix. (Livre bêtes L., c.1450-1500, 84). Alors le mauvais esprit issy du poisson qui mort estoit et se boutta en la fontaine, puis en yssy mucé en un torel qui commença a bruire horriblement sus le chevalier. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 895).

 

-

[D'un lion] "Mugir" : Et le lion qui estoit demourez avoit si grant duel de son compaignon qui estoit mehaingnez, qu'il bruyoit et escumoit de fin aïr, et s'aherdi a Aigres tellement que pou s'en failli qu'il ne l'abatit. (Bérinus, I, c.1350-1370, 316).

 

-

[D'un oiseau] "Gazouiller, siffler, chanter" : Au point du jour, que l'esprevier s'esbat, Meu de plaisir et par noble coustume, Bruyt la mauviz et de joye s'esbat, Reçoyt son per et se joinct a sa plume, Offrir vous vueil, ad ce desir m'alume, Joyeusement ce qu'aux amans bon semble (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 111). ...Ne voys tu pas tout à joye conduyre, Les oyseaulx bruyre, nature les instruyre A produire leurs petis hault et bas (SAINT-GELAIS, Séj. honn. J., c.1490-1495, 51).

 

b)

[D'une pers.]

 

-

"Pousser des cris" : Adonc virent vers eulx venir Maint grant, fort, horrible gayans, A grosses voix vers eulx bruians. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 161).

 

.

Bruire comme + subst. désignant un animal : La estoit Dyomedés soy entremettant a conduire ses complices, et bruyoit comme un lyon pour ce que ses gens ne pouoient mater Jason qui seul resistoit a leur poissance. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 156). Hau, roi Lucifer, saillez hors A grosse tourbe d'ennemis, Bruyez comme toreaulx famis : A ceste foiz, il est besoing ! (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 21). Et bruioient comme tors sauvaiges, et ainsi qu'ilz arrivoient, se rengoient tous comme pour regarder unes joustes. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 82).

 

-

"Grogner, gémir bruyamment" : Et se femme est si fortunee Que son mary ne soit tel homme, Elle aura aultre destinee Ou elle se repose somme. La grant paour de lui l'assomme Ou il ne lui complait jamais, Et bruit et rechigne. Helas ! comme Porroit estre son corps en paix ? (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 240).

 

2.

"Faire entendre du bruit"

 

a)

[D'une chose]

 

-

"Faire du bruit" : Je feray encor faire un temple Dou dieu de dormir, pour exemple Que je ray par li mon espoir ; Mais en tel lieu faire l'espoir Qu'il sera loing de toute noise, Par quoy riens ne bruie ne noise (MACH., F. am., c.1361, 234). Cloches sonnoient, trompetes et menestriers cornoient et telle joye menoient, en la ville, que vous n'y eussiez riens ouy que bruire. (Cleriadus Z., c.1440-1444, 522). N'ouez vous pas bruire Noz armeures et clicqueter. Nous sommes prestz pour emporter Une ville sans assieger. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 235). "Mareschal, dit ung compaignon qui fut là, despeschez vous ; car il y a le plus grant bruit que vous veistes oncques : canons petent terriblement ; tout crie, tout hue, tout bruit ; trompettes sonnent ; tout sonne ; et les cloches de la ville sonnent mesmement ; tout maine telle noise qu'il semble que tout doive fondre..." (BUEIL, I, 1461-1466, 190). La vis du trueil de nuyt et de jour bruyt (LA VIGNE, S.M., 1496, 333).

 

.

P. anal. part. prés. en empl. subst. "Tube de cornemuse à note continue" (Éd.) : L'autre d'antan par la passa, Mais oncques je n'y entendy, Car en dansant tant me lassa Que ma muse a bruyant cassa Et mes nacquaires pourfendy (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 621).

 

-

[D'un élément naturel] "Faire entendre un bruit plus ou moins fort" : Sy fist on faire un pont par dessus, fort et hault, et couroit l'eaue par dessoubz roide et bruyant, parfonde et si hideuse qu'il n'estoit nulz, tant fust viguereux ne hardy, se par la le convenoit passer, qu'il n'en eüst hide et paour. (Bérinus, I, c.1350-1370, 134). Ne demourra en France fermetté en estant Et vous ferons fuïr oultre la mer bruiant. (Gir. Vienne D.B., c.1350-1400, 148). ...un ruissel qui parmi la contree Bruit et groiselle. (MACH., F. am., c.1361, 164). ...Et en bruyant par la valee Un petit ruisselet passoit, Qui le païs amoistissoit, Dont l'eaue n'estoit pas salee. (CHART., L. Dames, 1416, 199). Et donques nous et les arbres et les maisons sommes meus vers orient tres isnelement, et ainsi il nous sembleroit que l'aer et le vent venist touzjours tres fort devers orient et bruiroit aussi comme il fait contre un quarreau d'arbeleste et moult plus fort (ORESME, C.M., c.1377, 520). Auquel fons de ceste grant fosse a troiz ou quatre grans puis desquelz saillent, jour et nuit sans cesser, tresgrans et hideux espiraulx de fumees (...) qui font au saillir de ces grans puis tresespoentables bruis et semblent a tonnoirres bruians (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 144). ...la mer estoit coye et seraine et ne bruyoit en façon nulle ne que fist ung estang. (RENÉ D'ANJOU, Cuer am. espris W., 1457, 108). ...ilz se mirent tous à chemin et chevaucherent assez longuement sans rien ouyr. Mais je croy bien que, quant ilz oyoient les fueilles trembler et les arbres bruire, ilz cuidoyent que l'en les tenist ja par la queue. Si arrestoient souvent en escoutant s'ilz orroyent riens venir ne quelque froissiz ou se l'un des quatre qui alloient devant, retourneroit. (BUEIL, I, 1461-1466, 66). Quant les compaignons de Richard virent la reviere ainssy bruyant et l'entree de la cité de Mautrible si fort et le pont sy dangereux a passer, moult furent esbahis, car pour y venir par assault toute la puissance des crestiens n'eust peu entrer par celluy lieu, qui n'eust avallé les pontz et les chaisnes de fer. (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 143).

 

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Part. prés. en empl. adj. Bruyant : Aprés la fin la dame s'alla apourpenssant Que pour ce qu'i n'avoit nouvelles de Tristan, Passeroit haulte mer a nef et a chalant Et venroit voir sa mere dela la mer bruyant (Tristan Nant. S., c.1350, 666).

 

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Inf. subst. : ...trop fort nous plaisoient (...) ces buissons et ces haies Ou rossignolz disoyent chançons gaies, Et le doulz bruire De l'eaue qui en courant faisoit bruire Ces gors, ces pieux (CHR. PIZ., Dit Poissy R., 1400, 163). Et de celle fontaine lee Par plus d'un millier d'uissllés Descendoient biaux ruissellés, Jus de la roche decourans, Sus clere gravelle courans. Si sembloit a veoir a l'ueil Cler argent contre le souleil, Et si doulz son au bruire firent Que la doulcour du lieu parfirent. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 36).

 

-

Bruire de qqc. "Être rempli du bruit de qqc., résonner, retentir de qqc." : Car il voit la mer si orrible Que de passer est impossible ; Et de sa tempeste et son bruit Toute la region en bruit. (MACH., J. R. Nav., 1349, 249). Tout en bruyt, Tout le monde y court, tout y fuit Avecques palmes et rameaux : Donc, comme disciples loyaulx, Y devons aller a grant joye. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 217).

 

b)

[D'une pers.] "Faire du bruit, du tapage" : En se perier y a ung fruict, De le cuillir il en est temps, Le jaloux est au pié qui bruict, Qui crie comme ung hors du sens. (Vir. H., c.1400-1500, 63). Il nous suffit ; alons bruant. Lucifer en sera joyeux. (Pass. Auv., 1477, 113). Vive qui bruit ! (Copp. lard., a.1488, 154).

 

-

[Pour impressionner un adversaire] : CAŸPHE. S'il vous faut aller a l'embusche, Estes vous prestz ? MALCHUS. Tous prestz a bruire ; Regardés nos harnoys reluire Et nos armures cliqueter. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 276).

 

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Bruire comme + subst. : Et quant ilz se veirent devant les dames, ilz picquerent bons chevaulx et vindrent, l'un contre l'autre, bruiant comme tempeste. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 37). Quant Tycon, le vaillant chevallier, l'entendy, a paines s'il lui daigna respondre, mais brocha contre lui, bruiant comme foudre. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 59).

 

-

[Dans un cont. métaph.] : Charles sera nostre vray heritier (...), Sur mer parfonde et sur fleuve et sur unde, Sur terre ronde, ara triumphant nom : Charles bruira comme cop de canon. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 357).

 

-

[D'une partie interne de la pers.] : Lors s'à boire demande, j'ay vin de couleur perse Dont li muis ne vaut pas la queue d'une querse, Car mon ventre fait bruire et les bouiaus me perse. (MACH., Compl., 1340-1377, 266). J'oy bien d'icy ton ventre bruire, Il n'a mais riens en ta malote. (...) Or disne en ceste escuellotte Et mangue tout a requoy. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 61). Et au resveil, quant le ventre lui bruyt, Monte sur moy, que ne gaste son fruyt, Soubz elle geins, plus q'un aiz me fait plat (VILLON, Test. M., 1461-1462, 125).

 

-

Bruyant

 

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"Qui fait du bruit" : Sotz triumphans, sotz bruyans, sotz parfaitz, Sotz glorieux, sotz sur sotz autentiques, Sotz assotez, sotz par ditz et par faitz (Sots triumph., c.1475, 33). Mon sot pere estoit le majeur De trois sotz soctement menez, Sotz bruyans, en soctye nez, Oncques ne fut ung tel soctant. (Feste roys, c.1475-1500, 307).

 

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P. ext. "Impétueux, vif, turbulent" : Ung gentil chevalier de la conté de Flandres, jeune, bruyant, jousteur, danseur et bien chantant, se trouva (point) ou païs de Haynault, en la compaignie d'un aultre gentil chevalier de sa sorte (C.N.N., c.1456-1467, 343).

 

c)

[D'un animal] : Et quant Tristan fut jus, la beste s'aprestoit Et dessendi du mont quanque courir povoit, Sy hault aloit bruyant que la terre en trambloit. (Tristan Nant. S., c.1350, 206). Si lui sembloit que ainsi que son cheval l'avoit presque ou meilleu dudit pont transporté, qu'il veoit, par grant fureuseté, tost et isnellement, bruyant comme tempeste, contre lui venir ung grant thoreau, hideux et orrible et si espoventable comme enragé et tout noir comme meure (RENÉ D'ANJOU, Cuer am. espris W., 1457, 44).

B. -

Au fig.

 

1.

[D'une chose abstr.] "Résonner" : Premierement, ou nom du Pere, Du Filz et du Saint Esperit, Et de sa glorïeuse Mere Par qui grace riens ne perit, Je laisse, de par Dieu, mon bruyt A maistre Guillaume Villon [le père adoptif de Villon], Qui en l'onneur de son nom bruyt, Mes tentes et mon pavillon. (VILLON, Lais R.H., c.1456-1457, 15).

 

2.

Part. prés. en empl. adj. ou subst. Bruyant

 

-

"Qui est accompagné de bruit, qui est remarqué, dont on parle, renommé" : Le connestable fist le commandement du roy et print des gens des plus bruians et alla au devant de Meliadice (Cleriadus Z., c.1440-1444, 429-430). Ung gentilhomme, chevalier des marches de Picardie, pour lors bruyant et frez, de grand autorité et de grand lieu, se vint loger en une hostellerie qui par le fourrier de monseigneur le duc de Bourgoigne son maistre luy avoit esté delivrée. (C.N.N., c.1456-1467, 431). Il fut bien vray que le dit chevalier s'[enamoura] tresfort, comme il est assez de coustume aux jeunes gens, d'une tresbelle, gente et jeune dame, et du quartier du païs ou elle se tenoit la plus bruyant et la plus renommée. (C.N.N., c.1456-1467, 473). Quant ce chevalier vey le turpinoy encommenciet, il dist en lui mesmes qu'il se faisoit bon haster et qu'on pert souvent par trop attendre, et aussi il amoit mieulx a venir en ce point par temps que plus avoir attendu pour estre plus joly et bruiant. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 48).

 

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[D'une disposition de la personne] : ...ung grant prince, de son office, Doit prendre recreation Aux armes et a l'exercice, Que tel passeremps est propice A son hault et bruyant maintien, Et qu'il y doit, quoy qu'on obice, Soy adonner sur toute rien. (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 258).

 

-

Part. prés. en empl. subst. "Homme renommé, réputé, fameux" : Et moy, ce mesme je l'affirme ; car je y fus et vis tous les nobles et les bruyans de l'hostel du roy. (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 52).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

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