C.N.R.S.
 
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FEW I bibere
BOIRE, verbe
[T-L : boivre ; GD : boivre ; GDC : beivre1/beivre2 ; AND : beivre2 ; DÉCT : boivre ; FEW I, 348a : bibere ; TLF : IV, 627a : boire1]

A. -

Au propre [D'une pers. ou d'un animal] "Avaler (un liquide)"

 

1.

Boire qqc./Boire de qqc.

 

a)

Boire qqc. : ...que tu m'aies un moustré Autre que Crist (...) qui ait fiel beu, Crucifié, ne mort jeu (Mir. st Sev., 1362, 230). Et si despent on moult en blé, Car maint y a qui se renvoise, En buvant godale et servoise (MACH., P. Alex., p.1369, 28). Des viandes dont servi furent Largement et de vin qu'il burent Me tais, car je ne les diroie S'un jour tout entier y pensoie. (MACH., P. Alex., p.1369, 37). Mais de celui qui seuffre tele chose par trop boire vin ou par aucun autre incontinence, tout homme le devroit blasmer et vituperer. (ORESME, E.A., c.1370, 200). Et dist qu'il se partirent dudit hostel sans boire le vin qu'il avoient fait traire. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 139). Mais ce bien vivre ne s'entend pas seullement pour mangier bonnes viandes, boire bons vins, dormir longues matinees et en bons liz, et le surplus vivre en tous deliz, mais s'entend vivre premiers bien avec Dieu (LA SALE, J.S., 1456, 20). Quel vin boit on ? (Pass. Auv., 1477, 149). Tous ceulx et celles qui beuvent vin... (Bataille st Pens. A., a.1485, 4).

 

-

[Contexte métaph.] : ...nous qui demandons aucuns reliefs, aucune aumosne de vostre plantureuse table ou vous seez en paradis, mengens et buvans jusques a sobre yvresse les precieuses viandes, non mie charnelles ou corporelles mais espirituelles (GERS., P. Paul, a.1394, 484).

 

b)

Boire de qqc. : Quant on ot espices eü Et de ce vermillet beü, Midi passa ; la nonne vint. (MACH., R. Fort., c.1341, 147). Il avoit la un sergent d'armes, Qui avoit beu jusques aus larmes D'un trop bon vin de saint Poursain (MACH., Voir, 1364, 336). ...et qu'il en beust [de ce vin], et s'il avoit bien amé elle qui parle, encore le ameroit-il plus que paravant n'avoit fait (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 336). Je boyrey du vin de ce pot, Pour ce qu'il a belle couleur. (Pass. Auv., 1477, 89). Quant il eut bien de ce vin beu, Il se trouva tout esperdu. (Vig. Trib., c.1480, 233). ...à force de menger pastés de venoison et boire de bons vins (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 344).

 

-

[Dans le supplice de la question] : ...[il] fu fait despouiller tout nu, mis et lyé à la question sur le petit tresteau ; et, comme l'en lui ot donné à boire de l'eaue, requist instaument que hors d'icelle question l'en le volsist mettre (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 452).

 

-

Prov. : Celluy que neye ne scet qu'il boit. (Pass. Auv., 1477, 171).

 

c)

[P. méton. de l'obj.]

 

-

[Qqc. de consistant mais dissous dans un liquide ou accompagné de liquide] : Et le poudre de ly [du jaspe] boute, elle estanche toutz flus de sang [L'éd. L. Mourin, 190, note 47 interprète boute comme le part. passé de bouillir ; A. Goosse, Dial. belgo-rom. 17, 1960, 83-84 y voit une altération de beute "bue" : «Ce trait se rencontre dans des textes wallons et aussi picards : Schwan-Behrens, III, p. 126 ; Gossen, p. 84» ; c'est cette interprétation qui est ici retenue]. (MANDEVILLE, Lap. M., c.1350-1390, 181). Pour tant pluseurs sauvent leur vie Et se gardent de pestillence Par long usage ou coustumance De la [le bol d'Arménie] prendre et boire o du vin, Qui soit subtil, plaisant et fin (LA HAYE, P. peste, 1426, 131).

 

-

[Qqc. qui a été fondu]

 

.

[En guise de supplice] Boire de l'or : Lors souffle ly uns soubz la chaudiere et face .I. pou de fumee, et l'autre face senblant de ly faire boire or, guele baee, et bien tost cessent. (Mart. st Pierre st Paul R., c.1430-1440, 157). ...les avaricieux beuveront en enfer or fondu (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 219).

 

-

[Qqc. qui paie la boisson ou dont la vente la paie] : Et li avoirs en vient souvent à un mesquant Qui le boit et alloue et mainne grant bubant. (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 2). ...[ils] prindrent un mantel de drap marbré sengle et court à usaige d'omme, lequel ilz vendirent, n'est record à quele personne, la somme de deux frans, desquieulx il qui parle ot à sa part X s. et le residu fu beu et despendu par entre eulx ensamble. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 417). Pÿons y feront macte chierre, Qui boyvent pourpoint et chemise ! (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 75).

 

.

Empl. pronom. à sens passif : Q'un chacun encores m'escoute : On dit, et il est verité, Que charecterie se boit toute, Au feu l'iver, au boys l'esté : S'argent avez, il n'est quicté, Mais le despendez tost et viste ; Qui en voyez vous herité ? Jamaiz mal acquest ne proufficte. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 130).

 

-

Boire un trait / un coup... : Tout fut rifflé par le plaisir d'amours Et tout galé sanz compte et sanz mesure, Et buvoit on de gros cops et de lours Et avoit on souvent grace pasture (MACH., App., 1377, 637). Et fist crier Uriiens que qui vouldroit boire un cop, qu'il beust (ARRAS, c.1392-1393, 98). Apriés disner, tout s'en departirent et se missent au cemin et passerent Haspre, qant tous et toutes orent beu .I. cop, et prissent le cemin de Valenchiennes. (FROISS., Chron. D., p.1400, 65). ...et avoient encores eu loisir de boire un cop et de euls rafresqir (FROISS., Chron. D., p.1400, 546). De boire bons trais et souvent, C'est une rigle de medecine (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 448). ...et puis buvoient de grans et merveilleux traiz en beaux pos de terre (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 124).

 

2.

Empl. abs.

 

a)

"Avaler du liquide, étancher sa soif, se désaltérer" : Or venez boire, je vous proy, En ma despense. (Mir. abbeesse, 1340, 83). Et li rois Daires qui vëoit Daniel qui la se sëoit Entre les bestes perilleuses, Felonnesses et orguilleuses, Qui n'orent mengié ne beü D'un jour, que riens n'orent eü, Et qu'il avoit set jours esté Dedens le lac, en jours d'esté, Sans pain, sans vin et sans pasture Qu'avoir peüst de creature (MACH., C. ami, 1357, 44). Là petit but et po menja (MACH., P. Alex., p.1369, 18). Encor y ot chose plus lede ; Qu'on aporta de l'iaue tede, Où il avoit oile d'olive, Pour faire boire la chetive, Si comme Gautiers le m'a dit (MACH., P. Alex., p.1369, 261). Car beu avons et mengié Souffisamment. (Mir. st Alexis, 1382, 285). ...pour la somme de douze sols, que ycellui homme lui bailla en argent, tant sur ce qu'il avoit despendu en sondit hostel par deux nuis qu'il y avoit jeu, beu et mengé, comme en argent sec. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 6). ...et ce oy par ledit deffunt son mary, qui bien avoit beu, se leva de la table où il estoit, et print une pinte, de laquelle il s'efforça de ferir ledit Jehan Eutasse (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 412). Desqueles [choses] tous hommes qui vivent Fault user nécessairement En leurs vies aucunement ; Ce sont l'air, repoz, traveillier, Boire, mengier, dormir, veillier, Réplétion et son contraire (LA HAYE, P. peste, 1426, 72). Déterminé aucunement Par maint divers ensaignement L'estat de mengier et de boire, Il fault réducer à mémoire La forme et manière exposer De dormir lors et reposer (LA HAYE, P. peste, 1426, 103). ...le bourgois commenda qu'on le feist seoir a la table, ou il reprint nouvelle ymaginacion par boire et menger largement du demourant du soupper (C.N.N., c.1456-1467, 27). Vous vous en viendrez, dirent les aultres ; il nous fault aller boire. - Boire ! dit l'autre ; jamais ne buray, car je suis mort. (C.N.N., c.1456-1467, 63). Qui vous esmeult A croire que [Jésus] filz de Dieu soit ? Come nous mange, dort et boit. (Pass. Auv., 1477, 161). Or bevez [l. bevés] de par le grant diable ! (Pass. Auv., 1477, 222). Vrayment esperit n'est pas tel : Vous voyez qu'il [Jésus ressuscité] mengüe et boit, Laquelle chose ne feroit S'il estoit ange ou esperis. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 941). ...leur donna à tous à boire en ladicte coupe et incontinent que le premier ot beu et, en beuvant, ot touché de ses levres à ladicte pierre, sa bouche lui fut souldée, dont fut esmerveillé. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 34 r°). Boire je ne puis ne menger. (LA VIGNE, S.M., 1496, 205).

 

-

À boire : Lors s'à boire demande, j'ay vin de couleur perse Dont li muis ne vaut pas la queue d'une querse (MACH., Compl., 1340-1377, 266). Car de la terre il disoient que ausi comme une pel qui est fort tiree equalment de toutes pars ne pourroit estre rompue, et comme celui qui avroit tres grant fain et tres grant soif equalment et avroit pres de soy equalment a amengier [l. mengier d'apr. B.N. fr. 565, 130d] et a boire, semblablement il disoient que par tele indifference repose la terre ou milieu. (ORESME, C.M., c.1377, 550). ...deux tuyaulx d'or à boyre quant on est malade (Invent. mobilier Ch. V, L., 1379-1391, 108). Le medicin ne baille pas a boire au malade a l'apetit de sa soif, maiz choisit et atant l'eure au prouffit de sa santé (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 51).

 

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[À l'occasion du premier repas de la journée] : ...esclande estoit sur ce que pour boire à matin en la Chambre des Enquestes, pluseurs vallez et gens estranges se boutoient es chambres du Conseil de ceans (BAYE, I, 1400-1410, 90).

 

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Inf. subst. (Apres) (le) boire (du matin). "(Après) le premier repas de la journée, le petit déjeuner" : ...entours heure de prime, messires Charles de Blois et toute sen host vinrent, qui s'estoient parti le venredi apriés boire de la cité de Rennes. (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 153). Et se departirent ung jour de leur host, après le boire du mattin (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 94). ...lui qui parle et Perrin Le Breton, chevaucheur, partirent de la ville de Paris, après boire, pour aler devers mons.. le duc de Berry, porter certaines lettres du roy, dont eulx deux avoient esté d' accort ensamble d' aler audit lieu le soir precedent (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 531). ...pour quoy me samble qu'il vault myeulx attendre ledit jour de demain jusques apprès boyre, dedans laquelle heure aucuns de mes gens que j'ay sur les champs pourront estre retournez devers moy (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 300).

 

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[Dans le supplice de la question] : On ne m'eust parmy ce drapel Fait boire en ceste escorcherie [la prison du Châtelet] (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 74).

 

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[Dans la noyade] : LEVIATHAN. Ha, ha, ha, ha, il boit, il boit ! (...) SATHAN. Il a trop beu, hape son ame ! (Mir. ste Genev. S., c.1410-1420, 106).

 

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[Formule de serment] : ...vous nous avez fait biaucaup d'annoy à mon frere et à moy, et avez tourblé à vostre povoir et fourconseillié monseigneur et les nobles aucuns de ce pays et les bonnes villes envers nous. Si est venus le jour que vous en arrez le guerredon, car qui bien fait, c'est raison qu'il le retreuve. Pensez à vos besoingnes, car jamais je ne buveray ne mengeray tant que vous soiez en vie. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 57).

 

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[D'un animal] "S'abreuver" : ...ainsi qu'il avoit acoustumé de mener boire ledit cheval (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 4). ...chascun envoya ses chevaulx boire (BUEIL, I, 1461-1466, 134). ...et en est tout ainsi comme si en une clere fontaine vient boire quelque serpent ou beste venimeuse, il ne s'ensuit pas que la source d'icelle en soit infecte. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 2 r°).

 

b)

Boire à / de qqc.

 

-

[D'une fontaine, d'une source...] : De vin estoient si delivre Que po en y a qui s'enyvre, Eins buvoient de la fonteinne Et dou puis jusqu'a pense pleinne. (MACH., D. Lyon, 1342, 213). Tu me monstras ja d'Eqo la fontainne (...) Et si en buch (FROISS., Ball. B., c.1362-1377, 15). Et de celle saincte fontaine But Pierres et la Magdelaine (DESCH., M.M., c.1385-1403, 213). La soif plus asprement m'assault, Et pour tant aler il m'y fault, Pour boire a la belle fontaine (Narcissus, p.1426, 307).

 

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[Contexte métaph. (la fontaine d'amour)] : ...mais je croy mieulx que ceste maladie viengne de trop boire a la fontaine d'amours. (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 95).

 

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[D'un récipient] : Or la boit [l'eau, demandée par la femme capricieuse] au hanap d'argent, Et aux tasses, entre la gent, A part, a la pinte et au pot. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 127). [Caprices de la femme enceinte] Or veult ris, or veult avenas, Boirre au voirre, puis aux henas, Aux escuelles, au platel (DESCH., M.M., c.1385-1403, 127). Item, dist que, cinq ans a ou environ, en passant parmi la ville de Saint-Denis, et buvant d'une chopine de vin en une taverne, il print, oudit hostel, un petit manteau court sangle de drap marbré (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 105). ...arriva sur lui ledit Bechopois, lequel il avoit veu oudit dimenche derrenierement passé, au soir, soupper en l'ostel dudit Cristot, avec lequel il but d'une pinte de vin (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 561). ...s'il pouoit estre que il ne beust a ce calice (CHR. PIZ., Psaumes allég. R., 1409, 125). ...je veulx taster Si fait bon boire a ceste tasse. (Pass. Auv., 1477, 89).

 

c)

En partic. "Avaler un liquide (alcoolisé) par plaisir" : Aucuns pour echever le parler des gens, et afin que on ne les juge devos, se abandonnent a paroles et vie mondaine, et a boire et a mengier, et souvant trebuchent en pis. (GERS., Pent., p.1389, 82). Je toy donray IIII besans pour boivre (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 189). Vois la milz frans a boire (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 227). ...il ne faisoient la que boire et mengier, dormir et reposer, danser et caroler (FROISS., Chron. D., p.1400, 95). Gens de mestiers, de tous ouvrages, Y vi de boire faire oultrages (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 74). ...pour boire et esbatre (JUV. URS., Aud. illos, 1432, 32). ...les feux fais parmy les rues et tables drecées, donnans à boire à tous venans ; et plusieurs autres grans joyes en furent faictes en ladicte ville de Paris. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 214). ...Se sans moy boyt, assiet ne lieve Au trou de la Pomme de Pin. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 89). ...non pas à boire d'autant et faire choses dissollues et desraisonnables ne excès sans cause (BUEIL, II, 1461-1466, 21). Et là beurent et repeurent à leur beau plaisir et aise (BUEIL, II, 1461-1466, 240).

 

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Boire ensemble. "Trinquer" : Et beuvons ensemble ! (Fr. arch. B., c.1468-1480, 30).

 

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Boire fort. "Boire à longs traits (au fig. bien vivre, profiter pleinement)" : Ung temps viendra qui fera dessechier, Jaunyr, flectrir vostre espanye fleur. Je m'en reisse, se tant peusse macher Lors, mais nennil, ce seroit dont folleur : Viel je seray, vous laide, sans couleur. Or buvez fort, tant que ru peult courir ; Ne donnez pas a tous ceste douleur : Sans empirer, ung povre secourir. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 84).

 

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Boire à l'escot de qqn. "Boire aux frais de qqn" : Voulentiers busse a son escot, Et qu'il me coutast ma cornecte (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 147).

 

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Boire de pinte et de quarte. "Boire du vin en telle quantité" : ...[il] lui dist qu'il le actendist pour soy en aler avecques lui et que ilz buroient de pinte ou de quarte avant qu'ilz partissent. (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1426, 301).

 

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Boire sa part de vin de marché. "Boire le vin après la conclusion d'un marché ; conclure un marché" : Et se leur père vendoit, et aucun des enfanz fust o luy et beust sa part du vin de marchié, il n'en aroit pas le retroit. (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.1, 1385, 352).

 

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Boire de qqc. "Boire à propos de qqc." : Si nous fault boire du marché. [Deux amis viennent de se mettre d'accord pour partager les faveurs d'une dame] (C.N.N., c.1456-1467, 214).

 

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Boire à qqn. "Boire à la santé de qqn" : ...j'ay beu a aultre qu'elle [ma Dame] (HAUTEV., Conf. Test. am. tresp. B., c.1441-1447, 38). ...versa du vin en une grande tasse (...) et dist : "Je boy a vous, mon compaignon. - Je vous plege, dit l'autre, mon compaignon". (C.N.N., c.1456-1467, 214). ...par saint George, il bura A ty (Path. D., c.1456-1469, 134). ...ma mye, j'ay beu a vous (Jehan de Paris W., 1494-1495, 80). LE PREMIER GENTIL HOMME. Je boys à vous. LA MOUNYERE. Grand mercy, sire. (Gent. moun. T., c.1500, 361).

 

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[Comme cérémonial] : Après ce que messire Jehan Camdes ot but, ung de ses escuiers apporta le vin au conte d'Asquessuffort. Le conte, qui s'estoit indignez grandement de ce que Camdos avoit but devant luy, ne vouloit boire, mais dist à l'escuier qui tenoit la couppe par maniere d'errederie : "Va et se dy à ton maistre Camdos qu'il boive." - "Pour quoy", dist l'escuier, "y yroi-ge ? Il a but ; buvez puisque on le vous offre, et, se vous ne buvez, par saint George, je le vous jetteray parmy le visaige." (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 20).

 

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Le roi boit : Le roy boit en feste de royaume ! (MOLINET, Chron. D.J., t.1, 1474-1506, 58).

 

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Prov. : Qui boit, il ne mengue mie. (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 198).

 

d)

Inf. subst.

 

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"Le fait de boire" : Item. soit ordenet que des 10 s. que uns aprentis paie d'entrée au boire as compagnons par leur usage, on en prenge les 5 s. à mettre en boiste et li autre 5 s. demeurencent [l. demeur(enc)ent ?] as compagnons dou mestier affin telle que en argent de le boiste, on prendera le retenue de le tente et l'accat de pluiseurs hostius qui leur faut ; et le retenue d'ichius et li remanans de l'argent de le boiste soit mis et convertis en l'ayuwe et gouvrenance des foivles compagnons anchiiens dou dit mestier (Drap. Valenc. E., 1364, 40). Et les autres [manieres de concupiscence] sont ne natureles ne neccessaires, mais selon nostre fol opinion, comme trop boires, adultere, etc. (ORESME, E.A.C., c.1370, 223). ...ou se c'est cheval de petit pris, ait avant boire troiz foiz d'orge boulu et apres boire feves et bran et bien pou de avoine (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 140). 8. Item, est ordonnet que d'endroit des amendes qui pueent keir pour fourfaitures, si comme de ouvrer hoers heure u autrement, comme en a estet uzet ou dit mestier, ycelles amendes ne soient prises, levées ne jugiés, se il n'y a 2 des mestres dou dit mestier u l'un dou mains, par coy li compagnon n'en usent mie hors des termes de raison, si loist assavoir que ycelles amendes doient y estre sur cascun qui y en [keroit], 12 s., desquels li moitié devera y estre mise en boiste et li autre moitié au boire a chiaus qui les rechoivent. (Drap. Valenc. E., 1399, 51). ...elle [Madame] en a changié le mangier et le boire pour le jeuner (LA SALE, J.S. E., 1456, 359). ...une plaisante et gente femme, laquelle laissoit bien le boire et le mengier pour aymer par amours (C.N.N., c.1456-1467, 18). Plus le desire en mon couraige Que le boire ne le mengier. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 975).

 

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"Le désir de boire"

 

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[Par la maladie, une préoccupation, un souci...] Perdre le boire et le manger : Or est la cause si desperse Qu'il pert le boire et le mengier, Et puis le couvient enragier. (MACH., J. R. Nav., 1349, 228). Il chiet d'anuy en tel dangier Qu'il pert le boire et le mangier (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 257). ...et puis vient en fievre et en pert le mangier et le boire (GAST. PHÉBUS, Livre oraisons T., c.1380-1383, 68). Si fut huit jours en tel soucy (...) qu'il en perdoit le manger et le boire (LA CÉPÈDE, Paris Vienne K., 1432, 157).

 

-

"Ce que l'on boit, boisson, breuvage" : ...il voudroit que il li eust cousté un bon boivre de matin que il feust bien batuz. (Conf. Jug. Parlem. Paris L.L., 1332, 59). Rogier Mortimer, seignour de Wigemor, par un boivere sotilement fait et doné mesme le seir à le constable et à les gaytes de la tour, et à autres qe leinz furent, par escheles queintement faitz de corde nutaundre eschapa hors de la tour de Loundres (Chron. London A., c.1350, 46). Chascun a festoier s'emploie ; Beivres, mengiers i out assez. (Vie st Evroul S., c.1350, 45). Prymes par les orailles : par trop grant delite oier deviser les bones viandes et les deliciouses et les boiers [var. ms. C : boires] - fortz vyns, ou verdelés, ou clarree, vernage - et touz ceaux altres delitez q'omme ad d'ent oier parler ou de lez oier deviser trop curiousement (HENRI LANC., Seyntz medicines A., 1354, 48). Car toute leur delectacion est en le usage de ce que est fait par touchement en viandes et en boires et en delectacion charnel. (ORESME, E.A., c.1370, 222). LEMBERT. (...) Ma dame, Diex y soit ! je vien : Aray je boire ? LA MÉRE. Oil, Lembin, par saint Magloire ! (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 49). La bouche (...) But un boyvre si... (Pleur ste âme B., c.1375-1425, 76). ...comme il, en la compaignie d'une fillete dudit hostel, avoit trait une choppine de vin pour son boire et desjeuner, arriva sur lui ledit Bechopois (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 561). Et auxi pasnage par toute sa forest, cueildre des pommes pour le boire dudit hostel (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 90). Ma dame meismes destrempa Le boire, qui les attrappa Et tout de gré la arriver Les fist, pour a meschief livrer (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 42). ...sur chascune queue de vin du creu du pais dix solz tournois, sur chascune queue de sydre cinq solz tournois (...) et sur chascune queue de menuz boires dix solz tournois. (Chron. Mt-St-Mich. L., t.1, Pièces div., 1419, 95). ...mondit seigneur lui a fait baillier ses dismes de charie et de beure [l. bevre ?] (Comptes Etat bourg. M.F., t.1, 1419, 126). ...mangüe tousjours en telle maniere que quant tu te leveras de la table ton appetit ne soit pas saoul, et aussi ton boire soit prins atrempeement. (LA SALE, J.S., 1456, 26). MARIE. (...) Las, quant de la lance le viz ferus Et son cousté jusque au cueur fanduz, Las, quant je viz le sang decoulez De son chiefz d'espine coronez, Las, quant je vyt qu'on ly puntoit Le boyre que point ne desiroit, Las, je gectisz sy grant sopit Qu'a peinne que le cueur ne m'an partit. (Pass. Autun Biard F., 1470-1471, 121).

 

-

"Redevance sur les boissons alcoolisées (?)" : ...le papier des IIIIes de tous boires, imposicion foraine et quart du sail de toute la vicomté de Carenten (Actes norm. H., t.2, 1425, 16).

 

e)

Part. prés. en empl. subst. "Celui qui boit" : ...pour ce disoit Chaton d'un homme yvre que ce n'est pas la culpe du vin, mais est la culpe du bevant. (ORESME, E.A.C., c.1370, 179).

 

3.

[Empl. factitif]

 

a)

Boire qqn / un animal. "Faire boire qqn ou un animal, lui donner à boire" : Item, un grant bacin carré d'arein à boyre coulombs, à IIIJ roes (Invent. N. Baye T., 1419, LXXIII). ...ledit sire de Tallebot (...) attendant ses gens de pié fist mectre une queue de vin debout pour boire ses gens. (LE BOUVIER, Chron. Ch. VII, C.C.J., c.1451-1455, 389).

 

-

[D'une pers. (allusion au supplice de la question)] Estre bu : Se plus y vien je consens et octrye Que je soye tresbien buz et batuz. (DESCH., Oeuvres Q., t.4, c.1370-1407, 285).

 

b)

Part. passé en empl. adj. "Ivre" : Comme homme beu qui chancelle et trespigne L'ay veu souvent (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 103).

B. -

P. anal.

 

1.

[D'une pers.]

 

a)

"Inhaler, respirer" : Quant cilz peut .i. peu de l'air boire... (FROISS., Méliad. L., t.2, 1373-1388, 43). Demande. De quel boire sur tous autres pisse on le moins ? Response. C'est de vesses, car on en beuveroit cent ainchoiz que on en pissast une. (Devin. R., c.1470, 129).

 

b)

"Faire l'amour" : Demande. Pourquoy est il deffendu aux prestres de non couchier aveuc femmes ? Response. C'est affin que avant chanter ilz ne boivent. (...) ...il a but avant que il parte de son lit. (Devin. R., c.1470, 143).

 

Rem. Le sens ne fait guère de doute. Est-ce "s'imbiber de l'autre" ? "Jouir de l'autre comme on prend plaisir à la boisson" ? Cf. K. Baldinger, Z rom. Philol. 100, 1984, 286-287.

 

c)

Inf. subst. [À propos du plaisir que procure à un hermite la vue de la Vierge] "Jouissance" : Cil boire mon desir atise (Mir. emp. Julien, 1351, 222).

 

2.

[D'une chose]

 

a)

"S'imbiber (de), s'imprégner (de), absorber" : ...la terre boit et tire toute la moilleüre et humour du cerf [qui sort de l'eau] que chienz n'en peuent assentir (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 206). ...et faire une bonne fosse en fachon d'une cendres et dez pareilles cendrez que j'ai trouvee par dela fort melleez de saublon comme Andrieu les apointé pour son affinage, lesquelles ne boivent pas fort (Doc. c.1450. In : J. Rigault, Actes du 98e Congrès nat. des Soc. sav., t.1, 1975, 105).

 

-

"S'imprégner (d'une odeur)" : Bon fait apprendre en jenne aage Bonne costume et bon usage Quicunques veult son salu querre, Quar aussi com le pot de terre Retient et garde longuement L'oudour qu'il boit premierement, Tout aussi homme par nature Tient volentiers tant com il dure L'usage a quoi jenne s'alie. (Tomb. Chartr. Dix-huit contes K., c.1337-1339, 226).

 

-

[D'un liquide] Estre bu (par la terre, par une denrée à la cuisson...) : ...et arrouser de telle heure [un pot de giroflée] que l'eaue soit beue et la terre seche avant que l'en la mecte a couvert (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 119). ...et puis mectre cuire en eaue sans sel tant que toute icelle soit beue (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 194).

 

b)

[Terme de jeu] Boire sur. "Empiéter sur" : ...il [le jeton] boit Sur le noir. (DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 167).

C. -

Au fig.

 

1.

"Supporter qqc. (qqc. de pénible, comme si on l'absorbait en soi)" : Et qui le prent indignement [le sacrement], Soit certain que son jugement Mangeue et boit sa mort ensemble (Liber Fort. G., 1346, 132). ...je ne boi Cose qui touche a anoi (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 66).

 

-

Boire (la) honte : ...mon cuer pourquoy ne part (...) afin que je morusse, Si que plus honte ne beusse Du grant meschief ou je me voi ? (Mir. femme, 1368, 211). En l'an de mon trentiesme aage, Que toutes mes hontes j'euz beues... (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 23). ...chacun se muce et boit sa part de la honte (BUEIL, I, 1461-1466, 199). ...Dont il fault qu'ilz beuvent la honte (RIVIÈRE, Nef folz D., 1497, 175).

 

-

Prov. : Qui a les coups, si les boyve. (BUEIL, I, 1461-1466, 196).

 

Rem. DI STEF., 111a, 208b, 365a ; Prov. H., B172.

 

2.

"Supporter les conséquences de qqc., expier qqc." : ...il lou buverait [sa trahison] ! (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 850).

 

-

Boire sa folie : Adam s'il a fait folie, Boive la toute sa vie Sans ja redemption avoir Ne pardon tant li com si hoir ! (GUILL. DIGULL., Pèler. J.-C. S., 1358, 13). Lessiez leur boire leur folies. (Mir. ste Genev. S., c.1410-1420, 80). Judas, quil le te fit trahir ? Prendz ta folie, cy la boy. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 188).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin

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