C.N.R.S.
 
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     AMOUREUX1          AMOUREUX2     
FEW XXIV 474b amorosus
AMOUREUX, adj. et subst.
[T-L : amoroin/amoros ; GD : amoros/amouras ; GDC : amouros/amoureuse ; AND : amerus ; DÉCT : amoros ; FEW XXIV, 474b : amorosus ; TLF : II, 842b : amoureux]

I. -

Adj.

A. -

[Dans le domaine affectif (hors de toute attirance sexuelle)]

 

1.

[Dans les relations familiales ; corresp. à amour1 A 1]

 

a)

[D'une pers.] "Qui éprouve une affection profonde" : Las ! Amours me soloit estre Douce, courtoise et po fiere, et de ses dous biens repaistre, Com vraie amoureuse mere. (MACH., L. dames, 1377, 68). MARIA [à Jhesus]. Mon enfant, monstrés vostre face A vostre mere doleureuse ! De tristesse le cuer me casse, Car de vous suis tant amoreuse Que, quant vostre cher precïeuse Voy souffrir ung si grant martire, La passion m'est si trespeneuse Que d'eure en heure, las, j'espire. (Pass. Auv., 1477, 220). MARIE JACOB (à la Vierge Marie). Treschier seur Marie, Regardeis vostre fils comme y ry ! (...) Tres doulce seur, que vous asteis aiwereuse D'auoir ung sy beaul fils et sy amoreux ! (...) SAINTE ANNE (à ses II filles). (...) Ille est plaine de toute grasce, de sapience, de bontei[t] (...). Or ameil bien, me douches filles, je vous en prie, Car par luy nous yrons en paradis. (Jeu nat. suite C., c.1480-1500, 197).

 

b)

[P. méton. du subst. ; d'une disposition morale ou du comportement] "Qui est empreint d'affection, qui marque l'affection" : "...Pour quoy a cest enffant avés amour monstree Sy grande con je voy ? J'en suis toute effraee. - Dame, dist Blanchandine qui bien fut emparlee, C'est filz a une dame de la moye contree, Fille est de ma sereur, c'est verité prouvee, Sy que, se j'ains l'enffant d'amoureuse pensee, C'est bien droit et raison ; nature s'y agree. Car se je ne l'amoye, je seroie desguisee." (Tristan Nant. S., c.1350, 460). Et [le roi] le tint [son fils] IJ. mois et IX. jours En prison. Tels fu ses sejours (...). Mais Dieus, li peres, qui savoit Quel volenté l'enfant avoit De li servir, le delivra ; Car le roy son pere enivra D'une douce larme piteuse, Paternelle et amoureuse. (MACH., P. Alex., p.1369, 18). ...Ou elle fu bien recueillie Dou roy et toute sa mesnie. Sa cousine vint contre li Qui grandement le conjoÿ. Faire ne voel nulz parlemens Des amoureus approcemens Dont entre yaus la se recueillierent (FROISS., Méliad. L., t.1, 1373-1388, 44).

 

-

[D'une pers., désignée métonymiquement par un terme exprimant une disposition morale] : MARIA. Helas, que ne sommes nous mortz, Ensemble Jhesus, mon amy, (...) Adieu, m'amour et ma plaisance ! Adieu, ma joye et mon desir ! Adieu, mon bien, mon esperance ! Adieu, mon amoreux plaisir ! Avec vous me vaiz sevellir. (Pass. Auv., 1477, 263).

 

2.

[Dans les relations soc., pol. ; corresp. à amour1 A 3]

 

a)

[D'une pers.] "Qui a un caractère aimable, qui se fait apprécier en manifestant les qualités nécessaires pour agréer en société, en se comportant de manière courtoise, généreuse" : Or y a enfans esbatans, Gais, gens, jolis et embatans, Amoureus, dous et amiables Et en tous leurs fais aggreables (MACH., D. Aler., a.1349, 242). Si ne devés pas le temps plaindre Ne vous soussiier ne complaindre : Vous avés vescu jusqu'a ci, Onques ne vous vi desconfi, Mes plain de confort et d'emprise Et, - c'est un point que moult je prise -, Je vous ai veü si joious, Si joli et si amourous, Que vous viviés de souhedier. (FROISS., Dits Débats F., 1363-1393, 182).

 

-

En partic.

 

.

[D'un homme] "De bonne compagnie, animé de vertus chevaleresques, d'un esprit aventureux, vaillant au combat" : Et Beraus li contes daufins D'Auvergne, qui tant par est fins, Amoureus et chevalereus ! Il n'est felenés ne ireus, Mais enclins a tous bons usages, Secrés, discrés, loyaus et sages, Acointables a toutes gens, Et ses maintiens friches et gens. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 57). ...et furent perit messires Jehans d'Arondiel, li cappitainne de tous, dont che fu damages, car il estoit vaillans chevaliers, hardis, courtois et amoureux et entreprendans, et messires Thumas Bonnestre (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 210). ...il eut toutes les nobles vertus que uns gentils chevaliers doit avoir : il fu liés, loiaux, amoureux, sages, secrés, larges, preux, hardis, entreprendans et chevalereux. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 132). Et fu cils sires (...) li plus jolis chevaliers, li plus courtois, li plus honnourables et amoureus et bacelereus assés qui fust en toute Engleterre, et li plus larges de donner le sien la ou il veoit que il estoit bien emploiiet, et qui m[i]euls sceut vivre et dou plus biel estat et bien ordonné. Et oy dire en mon temps les plus hautes et notables dames dou pais que nulle feste n'estoit parfaite, se li sires Espensiers n'i estoit. (FROISS., Chron. D., p.1400, 108). ...le chevalier (...) est l'un des preux de tout le monde (...), le plus doulz et le plus debonnaire et le plus amoureux des autres, qui est l'onneur de chevalerie, pour lequel tous gentilz hommes, dames et pucelles devroient avoir tres grant pitié (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 41).

 

Rem. Quand il s'agit d'un chevalier, le sens paraît hésiter parfois entre I A 2 a et I B 1, le chevalier ayant particulièrement à coeur de démontrer ses valeurs soc. par désir de faire honneur et rendre hommage à une dame.

 

.

[D'un homme ou d'une femme] Estre amoureux à / envers qqn. "Avoir de bonnes dispositions envers qqn, le traiter favorablement, cordialement" : "...Je jousteray à vous de IIJ fiers acérés ; Et se dedens IIJ cos n'estes mors et finés, Je luiteray à vous ensy com vous volrés." Et dist Cornumarans "Chus fais est acordés." (...) "Mahom ! dist Corbarans, Godefrois est faés Qu'ensy va déportant ses anemis mortés. Se Cornumarans fust ensement surmontés, Il l'euist mis ad fin, jà n'en fust déportés." Il a dit au soudant : "Biau sire, regardés Le poissance et l'onneur que chy véoir poés. Se Godefrois volsist, il est bien vérités, Ly roys Cornumarans fust ore délivrés." Dist ly rices soudans : "Godefrois est moult preus. Enviers Cornumarant a estet amoureus..." (God. Bouillon R.B., t.3, c.1356, 39). ...la contesse Florence de Bisquaie se parti de son pays a petite mesnie, (...) elle vint ceens devers monseigneur, et li compta toute s'aventure. Le conte, qui est à toutes dames et damoiselles amoureux, en ot pitié et la retint de costés luy ; voire il la mist avecques la dame de Kerasse, une haulte baronneresse en ce pays, et la pourveoit de ce que il appartenoit à luy ; messire Pierre de Berne, son frere, estoit lors jone chevalier (...). Si fist le mariage de celle dame et de lui et li recouvra sa terre. (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 90). Envers nullui [cette jeune femme] n'est orgueilleuse, A touz est humble et amoureuse, Doulce en parler et en faiz sage (Mir. ste Bauth., c.1376, 90). Baptisiés fut Paris, li prinche sawereus ; Si fut nomeis Gondulphe, si en fut awireus, Car li dus de Lotringe li fut si amereus, Qu'il en fist son enfant plaisant et gratieus (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.2, a.1400, 588). L'empereur vint hors la porte (...), Disant : Mon amy feal ! Helas ! Qui t'a tant tenu ? Tousjours m'as esté loyal, Amoureux et cordial : Tu soyes le bien venu ! Chevauche de costé moy (Vie st Eust. 2 P., c.1400-1450, 211).

 

b)

[P. méton. du subst.] "Rempli de cordialité, qui exprime ou inspire la cordialité, qui est favorable (à qqn)"

 

-

[D'une disposition morale] : Tantost c'on ot mengé, la jouste fut crïee. Heraulx la vont nonçant d'amoureuse pensee, En disant hautement : "Franche gent alosee, D'amours et d'armes doit huy estre l'assemblee. Le pris est souffisans de la jouste estoree." (Tristan Nant. S., c.1350, 656). La tierce [fée] prist l'enfant, si l'a envelopé (...), Et puis si le baissa de bonne voulenté ; Et puis dont .J. anel de fin or esmeré Li a moult doucement dedens son doit bouté (...). Et quant elle li ot cel ennelet donné, .IIII. foys le baissa, et par l'amoureus gré, Quant elle l'ot baissié, a Dieu l'a commandé, Et après le congié tendrement a pleuré. "Dame," dist la mestresse, "il vous a enchanté ! Il a entre vous .IJ. si trés grande amistié Qu'encor en ferés vous, je croy, vostre privé. - Dame, ne vous en chaut se je l'ai enamé (...)." Mais celle qui avoit son cuer enamouré Por le petit enfant, l'a encore esgardé (Brun de la Mont. M., c.1350-1400, 38). Je, Gentillesse, amoureuse vertu, Fais assavoir par mes lettres patentes A ceulx qui sont de mon blason vestu Et ont mis hault leurs cuers et leurs contentes (...) Que je ne veul grain souffrir n'estre faicte Chose par quoy mon honneur soit deffaite. Oste son cuer de tout vice et le donte A moy amer d'entiere amour parfaitte Qui aime Honneur et craint villaine Honte. (TAILLEV., Psaut. vil. D., a.1440, 115).

 

-

[De l'aspect phys.] : Le conte de Foeis (...) avoit environ cinquante neuf ans d'eage, (...) je n'en vey oncques nul qui fust de si biaux membres, de si belle forme ne de si belle taille, viaire bel et rouvelent et riant, les yeux viers et amoureux, là où il ly plaisoit son regard à asseir. De toutes choses il estoit si très parfait que on ne le pourroit trop loer ; amoit ce que il devoit amer, et haïoit ce oultre mesure que il devoit haïr. (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 76). L'euvre fait tel reprouver Vilain qui gentil se faint (...). Les courtois font approuver Leur bien par mainte et par maint ; Et en eulx ne peut couver Mauvaistié qui n'y remaint. Ilz n'ont jamais semblant faint Ne maniere desdaigneuse, Mais chiere amoureuse, De tout bien soigneuse, A nul dangereuse, Et sans escondis (CHART., B. Nobles, c.1424, 403). Grandement honoura le roy en ceste jour Pierre ; et si firent tous les aultres seigneurs. Car chescun qui le povoit tenir pour solacer avecques luy estoit bien joieulx et grandement content de luy ; car ainsi ne se povoit saouler de le regarder tant estoit bel. Car il estoit bien forny et hault de tous ses membres et sa cher estoit blanche comme lis, et les yeulx vers et amoureux (Belle Maguel. C., 1453, 26).

 

-

[Du comportement] : Si fu la roine [d'Engleterre] requelloite moult honnourablement de ceuls de la ville [d'Anviers] (...). Se vint li rois contre li et le rechut liement. Si furent moult belles et moult amoureuses les aquintances dou roi et de la roine (...). Si fu la roine visetee des chevaliers et des dames de Hainnau et de Braibant ; et elle, qui estoit pourveue toute sus, les requelloit liement et doucement, et les remercioit de lor bonne visitation (FROISS., Chron. D., p.1400, 296). ...les doulces concordances, amisties et alyances quy de grant anchiennete ont este continuees entre nos progeniteurs, royaulmes et pays, et les princes qui ou tempz passe ont eu seignourie de Hollande, Zeelande, et Frise, moiennant laquele amistie bonne paix et union, transquilite et sceurete de marchandise, amoureuse continuation, profittable conservation de loyaulte et de foy ont este gardees dun coste et dautre auz reboutemens de toutes divisions, haynes, debas et envyes (WAVRIN, Chron. H., t.4, p.1471, 118).

 

-

[D'un mode d'expr.] : Si vous prie le roy d'amoureuse ordonnance, Que a merci le prenés, si arés la finance (Galien D.B., c.1400-1500, 33).

 

.

P. ell. subst. fém. : Mais quant Porus entend qui cel gieste ireuse Avoit assegiet Treit, trop melancolieuse En olt la volenteit qui fut chevalereuse. Erant est delogiés, menant sa gens songneuse Vers ces Romains falis, cohars et famelheuse. Deffianche envoiat par lettre gracieuse, Puis chevalchat avant tot parmy le terreuse. Quant Dyocleciens at entendut l'amereuse, Si dist : "Mar le pensat ycelle gens francheuse ; Crestins seiront destrus anchois je m'en reveuse..." [Éd. : «L'adjectif se rapporte à la lettre de défi, qui, sans doute, est qualifiée ici par antiphrase ironique.»] (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.2, a.1400, 545).

 

.

Mal amoureux. "Peu plaisant, désagréable" : Si [le saige] te corrige aigrement, Souffre-le bien paciamment, Car l'on a plus grant avantage Recepvoir correction saige Et a prendre mal amoureuse, Que la parolle dangereuse Du fol flateux, blandie et soifve (RIVIÈRE, Nef folz D., 1497, 329).

 

-

[D'une chose concr.] : La lou garde li belz qui m'ait fait honnorance, Et je prie a celui qui fuit ferut de lance Que puisse tant trouver d'eur et de chevance Que li puisse merir l'amorouse habundance Qu'a moy ait demoustrés, car tout sans atenance M'ait norit et aprins en grant humilliance ; Et li ai(t) despandut quant qu'il ait de finance. Mais se jamais acquiere terre ne recevance, Si bien li merirai(t) l'amorouse habundance Que jai n'arai(t) honnour dont il n'ait la tenance. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 152).

 

3.

[Dans les relations spirituelles ; corresp. à amour1 A 4]

 

a)

[D'un être spirituel ou, plus rarement, d'un être hum.] "Qui éprouve de l'amour spirituel et/ou qui est le digne objet de ce type d'amour" : Hé ! tresdoulx glorieux Jhesu, Misericors et amoureux, Ce pecheur, ce las dolereux, Jugiez a vostre voulenté. (Mir. ev. arced., c.1341, 139). Doulz, amoureux, pére haultismes, Qui seul Dieux es en trinité, Je voi merveilleuse clarté Descendre des cieulx (Mir. emp. Julien, 1351, 194). NOSTRE DAME. Amis, celle suis qui voulray Toy donner confort gracieux. Fay bien ; je m'en revoys es cieulx Vers mon enfant celestiel. Raphael, et vous, Gabriel, Ma doulce amoureuse mesnie, Ralons ent en la compagnie De deité. (Mir. parr., 1356, 39). ...tresbenignes et tres amoureus Diex, creatour et gouverneour de toutes creatures, a ta tres grant bonté je confesse touz mes pechiés, (...) trespiteus Seignour et tresmisericordieus Dieus (GAST. PHÉBUS, Livre oraisons T., c.1380-1383, 35). ...pour ce que l'amour de Dieu purifia l'amoureuse ame de saint Pol, et la pacifia, il ot cler entendement pour sa pureté de cuer, (...) le saige amoureux saint Pol avoit tout relenqui, tout debouté dehors en tant que le monde estoit tout mort a luy (...). "Je viz, dit il, non pas moy mais Jhesus vit en moy." Il vivoit d'amour (GERS., P. Paul, a.1394, 513). Dieu est tout amour, amoureulx et amiable (Disc. amour divine, 1470, 346).

 

-

[De Dieu, d'un saint] Estre amoureux à qqn. "Être bienveillant, miséricordieux envers qqn, lui accorder ses bienfaits" : Acomply ce que deïssiés, Comme sainct Jan l'Euvangeliste, Qui a Dieu fut si bon ministre (...), Pluiseurs bonnes gens le siewoient Pour le grant bien qu'en lui vëoient, Tant estoit bon et gracïeux, Que a tous estoit amoureux. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 75). Amoureux et courtoys et doulx, Sire, vous soit le roy celestre ! Elas ! Or va il son corps mettre Pour l'amour Dieu en penitance. (Mir. emp. Julien, 1351, 214). Je vous supplye, tres glorieuse, De toutes graces plantureuse, Ma tres chere damme saincte Anne, Que devers vostre tres gracieuse Fille, me soyez amoureuse, Pour avoir de grace la manne. (Prières saints R., t.2, a.1500, 26).

 

-

[P. personnif. (et assimilation à un être spirituel)] : FOY (a genoulx). Je vous requier a joinctez mains, Mon Dieu, mon pere souverain, Que luy veillez donner confort (...). Le faulx Sathan luy a fait tort, Batu l'a et tormenté fort, Mes point ne me veult oblyer (...). En telx gens se doit on fier. C'est mon servant, mon amy cher, Qui m'a servy sans varier Et qui est amoureulx de moy. (Pac. Job M., c.1448-1478, 374).

 

b)

[P. méton. du subst.] "Qui a la nature de l'amour spirituel, qui en est rempli ou qui en provient, qui le manifeste"

 

-

[D'une disposition morale] : E ! mére Dieu, piteuse et tendre, Et preste de grace donner A cuer qui se veult ordener A toy amer, a toy servir (...). Mais l'amoureuse litargie Dont mes cuers est feruz et tains Pour vous, dame de touz les sains, M'a mis en vie si petite Qu'en ce desert sui conme hermite (Mir. emp. Julien, 1351, 216). Que doibt doncquez yci faire et penser tout cuer devot, tout cuer religieux, vray, noble et amoureux ? Bien se doibt esjoïr de sobre leesse, de especiale consolation ! (GERS., Annonc., a.1400, 228). ...Raison (...) avoit pris avec elle Foy, la bonne crestienne, qui alumoit les yeulz de Raison et de l'Ame a mieulx congnoistre ce qui reluisoit ou miroir et en l'imaige de l'ame, puis y survint amoureuse Devocion ou Contemplacion (GERS., Trin., 1402, 166). Aucunes foys (...) viennent en nostre cuer unes affeccions amoureuses d'amer Dieu, qui est le souverain bien que l'en doybt amer et desirer, et ces amoureuses affeccions sont tres semblables a l'affeccion caritative ou gratuite (Vie contempl., c.1450-1500, f° 45). ...les philosophes, les poetes et autres saiges payens qui encores n'avoient senti par vraye cognoissance la tres sainte et tres amoreuse grace de nostre vray Dieu (LA SALE, J.S., 1456, 28). Quant je suis deliberee a aymer Dieu seulement pour sa bonté (...) je sens en moy une doulce, devote et amoureuse liquéfaction, et mon cueur amolir et fondre au feu d'amour et de devotion (Disc. amour divine, 1470, 250). Nous sommes atenus a luy [Jésus]. Pour sa charité amoreuse. (Pass. Auv., 1477, 243). NOSTRE DAME. Helas, mon beneuré enfent, Se de mort estes triumphant, Celle mort seule souffira. JHESUS. Soyés vostre cueur appaisant (...). Vivant suys a perhennité Et, en amoureuse unité, Tousjours avec vous demourray. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 835).

 

-

[Du comportement] : Ta mort tant me contralie Et tant de maus me repart, Amis, que li cuers me part ; (...) Humblement mes cuers supplie Au vray Dieu qu'il nous regart De si amoureus regart Qu'en livre soiens de vie. (MACH., L. plour, 1349, 291). ...aucune penitence est amoureuse et parfaite, qui se fait pour les autres, comme fait Jhesus Christ en la croix pour nous tous, non pas pour lui ; autre penitence est fructueuse et pour soi et de son gre ; l'autre est contre son gre et infructueuse. (GERS., Passion I G., 1403, 503).

 

-

[D'un mode d'expr.] : Que voulez que plus en die ? Tant apparut belle, tant pure, tant nette que le vray Dieu de saincte amour (...) contenir ne se pot que joyeusement ne chantast ceste amoureuse chancon dessus dicte (GERS., Concept., 1401, 407).

 

.

Mal amoureux. "Qui ne traduit pas (ou guère) l'amour spirituel" : Ilz [les Pharisiens] faindent une vie saincte (...) Et mectent loiz si rigoreuses, Si rudes, si mal amoureuses Quant eulx mesmes n'en tiennent rien ! (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 222).

 

-

[D'une manifestation divine] : Et pour ce que le Pere est fontaine de bonté, l'emanation, c'est a dire le decours et le communiement de sa bonté doibt estre tres parfaicte. Et celle est par generation eternele, par laquelle il engendre Filz, et l'emanation, decours et proces tres amoureux et joyeux, qui procede par maniere de benignité et de liberalité. (Somme abr., c.1477-1481, 123).

 

c)

P. ext. [D'une pers., d'une disposition morale] "Qui est charitable, pitoyable envers autrui pour l'amour de Dieu" : Quant en bataille sera mis, Soit crueux a ses ennemis Jusqu'après la desconfiture ; Ce fait, soit de douce nature Aux vaincus et aux exilliez, Et s'il avoit les oeulx mouilliez De pité, la Byble recorde Que ce n'est que misericorde, Et si est telz prins, qui puis prent ; Et Dieux aux cuers amoureux rent Leur bonté a mort ou a vie. Cruaulté lui est ennemie, Moult lui plaist bien a espargnier (DESCH., M.M., c.1385-1403, 77).

 

-

Estre amoureux à qqn. "Être compatissant, indulgent envers qqn par charité chrétienne" : MISERICORDE. (...) Leur cause [des humains] n'est pas si mauvaise Que sentence doiez donner Seulle sur eulx pour les dampner, Sans que ma voix y soit oÿe. JUSTICE. Aussi ne le soustiens je mie, Mais tenir me fault rigoreuse. MISERICORDE. Pour moy, je leur suis amoureuse Et ilz ont a moy leur reffuge. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 38).

B. -

[Dans les relations d'amour entre homme et femme]

 

1.

[Corresp. à amour1 B 1]

 

a)

[L'amour est considéré en soi ; d'une pers.] "Qui éprouve un amour essentiellement sentimental (avant ou sans accomplissement évident du désir physique)" : Et Amours, qui tout scet et voit (...) Me pourvera, je l'en requier, De tout ce qui me fet mestier, De sens et de discretion, A fin qu'en recreation Entre les amoureuses gens Soit chils dittiers tenus a gens, Fes et dittés par tel langage Que la belle, plaisans et sage, Ma dame, que tant ains et pris, Pour quele amour je l'ai empris, En bon gré recevoir le voelle (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 44). Prince amoureux, des amans le greigneur, Vostre mal gré ne vouldroye encourir (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 84).

 

-

Estre / devenir amoureux : Or vous ay dit le voir sans fable De la fonteinne delitable, Se vous pri (...) que vous en buvez. Je respondi que non feroie Et que si amoureus estoie Que la fonteinne ne son mestre Ne porroient d'amours plus mettre En mon cuer qu'il i en avoit (MACH., F. am., c.1361, 194). ...la parfaite douçour De ma dame pour qui sui amoureus (MACH., L. dames, 1377, 53). Par dous espoir me font estre amoureus Loyaus pensers et desirs deliteus. (MACH., L. dames, 1377, 74). Tiengne soy d'amer qui pourra, Plus ne m'en pourroye tenir, Amoureux me fault devenir, Je ne sçay qu'il m'en avendra. (...) Mon cueur devant yer accointa Beauté qui tant le scet chierir Que d'elle ne veult departir ; C'est fait, il est sien et sera ! (CH. D'ORLÉANS, Chans. C., c.1415-1440, 205). - Il se peut tresbien faire, dist lors Lyonnel, mais il me samble que n'avez besongne dont ne vous puissiez bien passer, au moins se vous n'amiez par amours. - Comment, sire, dist Estonné, pensez vous que je ne soye point amoureux ? (...) je y suis aussi avant bouté que homme qui vive, et n'est point qu'en dormant ne en veillant je n'y soie du tout bouté. Sy en ay grant despit pour les aspres poinctures qui tant me donnent d'affaires (...) que, se tenir je pouoye Amours aux graux, je le mettroye en tel point que une autre fois il ne me traveilleroit. Et toutesfois (...), je suis constraint d'aller voir celle dont il me donne tant de penibles plaisirs. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 11). Et, au surplus, le party maintiendrez Ou que soyez, des gorgïases dames ; S'il est besoing, en joustes et faiz d'armes, Vous soubstiendrez leur honneur valeureux ; Vella le poinct qui vous fera aux armes, Se m'est advis, monstrer chevaleureux. Ung jeune cueur estre doibt amoureux, Car, par amours, jeune enffant s'abillite En dances, lustes et saulx adventureux (LA VIGNE, S.M., 1496, 191).

 

-

Estre / devenir amoureux de qqn / l'un de l'autre : ...mieulx eust valu pour luy le meffait d'ung home, en tel cas peust avoir esté, que aucun bien qu'il pot veoir en la fame dont il fut si fort amoureux qu'il en aoura les ydoles. (CHR. PIZ., Déb. R. Rose H., 1401-1402, 135). Alors Maguelonne (...) luy dit [à son ami Pierre] : "Mon noble frere et seigneur, (...) je suis la plus heureuse qui jamais fust d'avoir trouvé ung si tresnoble chevalier (...), le non pareil de proesse, de beaulté et de saigesse. Et doncques que ainsi est que nous sommes ainsi tous deux amoureux l'ung de l'aultre ; et aussi mon tresnoble seigneur que vous estes seulement parti de vostre pays pour mon amour (...), je m'en doy bien tenir eureuse. Car pour moy avés pris tant de peine (...). Pourquoy vecy la toute vostre Maguelonne, et vous fais maistre de mon cueur, en vous priant humblement que la vueillés garder secretement et honnestement jusques a nostre mariage..." (Belle Maguel. C., 1453, 19). ...le conte de Foix, qui nouvellement estoit venu à Paris, ou mois de decembre ensuivant devint merveilleusement amoureux d'une moult belle et honneste bourgoise de Paris, nommé Estiennette de Besançon (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 221).

 

b)

[P. méton. du subst.] "Qui a la nature de ce type d'amour, qui en est rempli ou qui en provient, qui le manifeste"

 

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[D'une disposition morale, d'une impression] : Je te di que celle saiette, Que je tien, en pluseurs cuers gette (...). Et comment que li fers tranchans En soit devers les fins amans, Si n'est mie le cop mortel (...) ; Com plus fort point, et plus agrée. C'est fins deduis, joie esmerée, Qui vient d'une douceur parfaite Qui tous en deduit les affaite, Jusques a tant qu'une chaleur, Qui naist d'une amoureuse ardeur, De ceste pointure s'engendre Es cuers qui aimment sans mesprendre (MACH., D. verg., a.1340, 31). Or te vueil ces couleurs aprendre, Comme en Amours les dois entendre : Saches que le pers signefie Loiauté qui het tricherie, Et le rouge amoureuse ardure Naissant d'amour loial et pure (MACH., R. Fort., c.1341, 68). En amer a douce vie Et jolie, Qui bien la scet maintenir, Car tant plaist la maladie, Quant norrie Est en amoureus desir, Que l'amant fait esbaudir Et querir Comment elle monteplie. C'est dous maus a soustenir, Qu'esjoïr Fait cuer d'ami et d'amie (MACH., R. Fort., c.1341, 105). Damme, s'ai dit Lion, or sus moult eureux Quant de voustre gens corpz qui tant est graicieux Poroie avoir le dont se j'estoie soingneux De ferir vaillamment ains ou tornoy crueux. (...) Car comment que tres grant ne soit point mes contour, S'ai ge cuer desirans, ardant et amoreux Que je puisse veyr la paire de nous deux. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 192). Et par ce l'amoureus tourment Et les pensees qui forment Puelent grever, legierement Oublierons, Et s'en vivrons plus liement (MACH., F. am., c.1361, 224). N'a pas long temps qu'alay parler A mon cueur, tout secrettement, Et lui conseillay de s'oster Hors de l'amoureux pensement ; Mais [il] me dist bien fellement : "Ne m'en parlez plus, je vous prie ; J'ameray tousjours, se m'aist Dieux, Car j'ay la plus belle choisie..." (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 22). Helas ! ne doibt prendre plaisir L'amant, qui bien lealment ame A penser a son beau loisir, A l'amour de sa chiere dame ? (...) Penser, nonobstant les desirs Qui font plus ardans que la flame, Est ung des amoureux plaisirs. (MARTIN LE FRANC, Champion dames III, F., 1440-1442, 59).

 

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En partic. [Associé à un terme désignant p. méton. la pers. aimée] : Belle, bonne, doulce, plaisant et sage, Mon reconfort, mon amoureuse joye, Je vous supply de treshumble courage Que, supposé que prisonnier je soye, Vostre vouloir de moy ne se forvoye (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 86).

 

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[De l'état, gén. pénible, douloureux, de celui qui ressent ce type d'amour] : S'aim miex languir delès son noble atour En amoureus dangier et en cremour, Qu'ensus de li morir pour li amer (MACH., L. dames, 1377, 19). A son mal est si ententis Qu'il entroublie le cler vis, Par qui il est en ce point mis, Si qu'il vorroit estre banis De l'amoureus servage. (MACH., Lays, 1377, 454). Et l'amoureuse maladie Sera dedens mon cuer chierie (MACH., L. dames, 1377, 96). Et se de l'amoureuse plaie Que j'ay au cuer m'estuet morir, Si vueil je, belle, bonne et gaie, Après ma mort vous obeïr Et amer de cuer enterin. (MACH., L. dames, 1377, 158). Elle dira que, s'Amours delaissiez, Vous ne povez mieulx vostre cueur destruire ; Car vous n'aurés lors a quoy vous deduire, Et tout plaisir a nonchaloir mettrés, Ainsi le temps en grant ennuy perdrés, Qui pis vauldra que l'amoureux martire. (CH. D'ORLÉANS, Songe compl. C., 1437, 102). En ce temps que j'ai dit devant (...), Me prinst le vouloir de briser La tres amoureuse prison Qui me souloit bien debriser. (...) En requerant d'elle vengence A toulx les dieux venerïeux Et du grief d'amours alegence. (VILLON, Lais D., c.1456-1457, 65).

 

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Amoureux lacs. "Lacs d'amour" : Amours, sachiez que pas ne le vueil dire Pour moy getter hors des amoureux las, Car j'ay porté si longtemps mon martire Que, mon vivant, ne le guerpiray pas. Il me souffist d'avoir tant de soulas Que veoir puisse la belle et gracieuse. Combien qu'elle est envers moy dangereuse, De lui servir ne seray jamaiz las. (GRANDSON, Poés. P., c.1360-1397, 212).

 

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[Du comportement ou de ce qui en résulte] : ...et n'aray creature Qui me conforte Ne qui me doint joieuse norriture Ne repaisse d'amoureuse pasture (MACH., Compl., 1340-1377, 259). Cuides tu que je tiengne a sage L'omme qui aimme par amours, Qui se dessoussie tous jours ? Certes, nennil, anchois je tieng A niche et a fol son maintieng. Car, saces, l'amoureuse vie, Qui est deduisans et jolie, Voelt estre bellement menee, Et, s'elle est en riens fourmenee, On piert son temps et sa saison. (FROISS., Par. am., c.1361-1362, 55). Quant est de moy, qui peut chacer si chace (...) ; Mais oncq ne fut si gracïeuse chace Que du deduit qui parle face a face, Bel comme un ange. (...) Mais le deduit amoureux ne se lesse ; Tant est plaisant Qu'il se maine par semblans en taisant, Non pas en bruit et en noise faisant. Qui eur y a, il n'est rien si aysant (CHART., D. Fort., 1412-1413, 177). Ha ! Dieu d'Amours, ou m'avez vous logié ! Tout droit ou trait de Desir et Plaisance, Ou, de legier, je puis estre blecié Par Doulz Regart et Plaisant Atraiance (...). Or en suis hors : Dieu me doint la puissance De me garder que n'y rentre jamais ! Car, quant congneu j'ay les amoureux faiz, Retrait me suis de vie si peneuse, Comme lassé de la guerre amoureuse. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 172). Item, a ces gentilz galans Je laisse avoir les cueurs vaillans En la noble amoureuse queste, Rire de ungs doulx yeulx fretillans Et estre tousjours assaillans Pour avoir du bien par conqueste. (HAUTEV., Conf. Test. am. tresp. B., c.1441-1447, 58). ...pensez vous qu'en ce monde cy soit medicine qui plus puisse aider et susciter la maladie d'entre nous femmes que la doulce et amoureuse compaignie des hommes ? (C.N.N., c.1456-1467, 517). ...Ysiphile d'aultre part continua en ses amoureux samblans et regars. Mopsus (...) vey pluseurs attrayans regars qu'elle donnoit a Jason et se perceupt tresbien que amer le vouloit. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 172).

 

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[D'un mode d'expr.] : Si estoit ceste dame jone et avoit enamouré monsigneur Eustasce (...). Et le temps que messires Eustasses se tint en Campagne, la ditte dame li envoia haghenées et coursiers pluiseurs, et lettres amoureuses et grans segnefiances d'amours : par quoi li dis chevaliers en estoit plus hardis et plus corageus (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 160). Ma musette accorder feray, Et avecques toy y diray, S'aidier me vuelt ceste tousette, Une amoureuse chançonnette. (Gris., 1395, 100). Entre leurs doulces et amoureuses paroles estoit souvent regardé et devisé par quel art, par quelle raison et par quelle voye leur souverain desir porroit estre acomply, c'est assavoir comment ilz porroient estre joinctz et unis par bon et leal mariage (RASSE BRUNH., Flor. Elvide Vat. C., a.1456, 160).

 

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Ballade / chanson / complainte amoureuse. "Ballade, chanson, complainte dont le thème se rapporte à ce type d'amour" : Item, quant est aux pastoureles et sotes chançons, elles se font de semblable taille et par la maniere que font les ballades amoureuses, excepté tant que les materes se different selon la volunté et le sentement du faiseur ; et pour ce n'en faiz je point icy exemple pour briefté et pour abregier ce livret. (DESCH., Art dictier R., 1392, 287). En ceste maniere doit estre chant royal, dont le maistre en dit ce present nota, pour ce que chant royal est mesure de tous serventoys et de toutes chansons amoureuses et aussi de sotes chansons (Règles sec. rhétor. L., c.1411-1432, 24). Une autre taille avons qui est de 3 et 1, sy comme le Temps Pasquour, ou ainsi qui s'enssuit cy dessoubz ; et est pour complaintes amoureuses ou grans lays ; et sont les lignes de 10 et de 11, et, qui vuelt, de 8 et de 9, et le 4e vers est couppez. [Éd. : «C'est celle du "Jugement du bon roi de Behaigne", de Guillaume de Machaut»] (Règles sec. rhétor. L., c.1411-1432, 33). Complaintes amoureuses. Pour amoureuses complaintes et autres doleances mist avant maistre Arnould Greben ceste taille de rethorique. A vous, dame, je me complains, Je voy plourant avant les plains, Car je n'eux que pleurs et que plains Puis que je vis Vostre gent et gracieux vis. [Éd. : «Étienne Pasquier a reproduit les trois premiers quatrains de cet exemple dans ses Recherches de la France, liv. VII, chap. V ; les éditeurs du Mystère de la Passion d'Arnoul Greban l'ont reproduit tout entier. "Il s'en faut bien", ajoutent-ils, "que Greban ait inventé cette forme de vers, familière à Rutebeuf et que nous trouvons déjà employée au douzième siècle ; on pourrait croire qu'il l'a régularisée ; cependant le Dit de Poissy, de Christine de Pisan, nous montre, aussi bien que le fragment de Greban, des groupes de vers égaux en nombre et rattachés de même ; il faut donc supposer que toute l'invention d'Arnoul consiste à avoir appliqué cette forme à la complainte amoureuse. En tout cas il est à remarquer qu'il s'en est aussi servi, avec diverses variations, dans le Mystère" (Le Mystère de la Passion d'Arnoul Greban, publié par G. Paris et G. Raynaud. Paris, 1878, in-8° ; page XIII). La vérité est que cet exemple n'est pas d'A. Greban ; je l'ai montré ailleurs (Romania, XXIII, 254)»] (MOLINET, Art rhétor. L., c.1482-1492, 225). Pour amoureuses complaincte est [l. et] autres doleances est bonne ceste taille de ryme ensuyvant, que mist en avant maistre Arnoul Greban ; et est de quatre lignes en une termination, la premiere brisée en quatre sillabes le masculin et en feminin de cinq ; la quelle se trouvera plus riche et mieulx ornée si on y procede l'une termination et ryme en masculin et l'autre en feminin, puys masculin, puys feminin (Traité rhétor. L., c.1482-1500, 283).

 

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Sotte amoureuse. "Poème du XVe siècle (...) qui présente l'amour sous des dehors grotesques" ( (H. Morier, Dict. de poét. et de rhét., 1975, 990)) : Cy s'ensuit la taille d'une sotte amoureuse, lesquelles se font a Amiens, le jour de l'an noeuf, ou il y a tous les ans prince d'icelles sottes amoureuses ; et tant plus sont de sos mos et diverses et estranges rimes et mieulx valent. Sotte amoureuse. Je suis de tous les sos amans qu'on s[ace] Le mains eureux et qui plus se traveil[le], Pour dame amer, qui fait faire grimac[e], Quant je luy viens crier en son oreille Comment s'amour en mes boiaulx s'avale (BAUDET HER., Doctr. sec. rhétor. L., 1432, 175).

 

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P. ell. subst. fém. "Poème dont la forme est celle d'un chant royal, sans refrain, et dont l'amour est le sujet" ( (Éd. de BAUDET HER.)) : Mais non obstant que le chant royal soit mensuré ou mesuré de toute haultes tailles, nyent moins les choses ne sont pas d'un sens, car les une[s] sont d'amours et les aultres de sotie, ainsi que nous donrons par regle. [Amoureuses.] Amoureuse coronnée a Abeville, faite par B. Pour avoir paix et parfaitte plaisance, Doit vrais amans en son cuer affermer Que dame tient et a en gouvernance Touz les haulz dons qu'Amours a a donner (Règles sec. rhétor. L., c.1411-1432, 24). Taille d'amoureuse. S'amant veult vivre en consolation Et acquerir des biens grande habundance, Il serve Amours en vraie entention [Éd. : «La taille de l'amoureuse est identique à celle du serventois ; le sujet seul est différent. Dans l'une c'est l'amour profane, dans l'autre c'est l'amour de Notre-Dame. Il est évident que l'amoureuse rapportée ici a été présentée au pui de Lille en même temps que le serventois qui suit»] (BAUDET HER., Doctr. sec. rhétor. L., 1432, 168). Et est dit serventoys pour ce qu'il doibt estre servant devant et derriere a une amoureuse, comme il s'ensuit, car cestui serventoys est servant devant et derriere. (BAUDET HER., Doctr. sec. rhétor. L., 1432, 170). Les serventois servent pareillement aux puis royaulx, ausquelz il y a certaines regles que les princes desdis puis y mettent, affin de constraindre le facteur sans trop ouvrer a sa plaisance. Et avient souvent qu'il prent les terminations et premieres lignes d'une amoureuse, laquele amoureuse traitte de matiere d'amours, et contient .V. couplès et l'envoy, sans reffrain, mais lesdis couplès de pareille consonance. (MOLINET, Art rhétor. L., c.1482-1492, 245).

 

Rem. «On ne peut de la ballade séparer le chant royal (...). Cette "taille" comporte diverses variétés, moins fréquentes : le serventois, d'argument marial et dépourvu de refrain ; l'amoureuse, courtoise (ou, parfois, parodique)» (P. Zumthor, Le Masque et la lumière, 1978, 231).

 

c)

[L'amour est considéré par rapport à l'agent extérieur qui le suscite]

 

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Rare [D'une pers. ou d'un personnage myth.] "Qui inspire l'amour" : Dame, de moy tres loiaument amée, Sans repentir, de cuer et de voloir, Vo grant bonté, vo biauté fassonnée, Vo noble corps, vo grace et vo savoir Aveuc amours font que, sans decevoir, Je suis vos sers, comment qu'il m'en aveingne. (...) Humble biauté, parfaite, enluminée De toute honnour qu'on puet apercevoir, Sage, courtoise, amoureuse et secrée Et tres plaisant, je ne me sçay doloir Ailleurs qu'à vous, que vous avez pooir De moy garir dou mal qui me mehaingne. (MACH., L. dames, 1377, 104). En la forest d'Ennuyeuse Tristesse, Un jour m'avint qu'a par moy cheminoye, Si rencontray l'Amoureuse Deesse Qui m'appella, demandant ou j'aloye. (...) - Hélas ! dis je, souverainne Princesse, (...) C'est par la Mort qui fait a tous rudesse, Qui m'a tollu celle que tant amoye (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 88). L'AMANT. Se ma loyauté s'esvertue D'amer ce qui ne m'ayme mie Et tant cherir ce qui me tue Et m'est amoureuse ennemie, Quant Pitié qui est endormie Mectroit en mes maulx fin et terme, Ce gracïeux confort d'amie Feroit ma loyauté plus ferme. (CHART., B. Dame, 1424, 351). Venus, Dame amoureuse (TAILLEV., Deb. cuer ueil D., c.1444, 223).

 

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[De l'aspect phys., du comportement] "Qui suscite ce type d'amour" : Mes yeulx cligniez et mon oreille close Tendray, afin que n'y entrent jamais, Par Plaisance, les amoureux atrais : Tant les congnois qu'en eulx fier ne m'ose ! Qui bien se veult garder d'amoureux tours, Quant en repos sent que son cueur sommeille, Garde ses yeulx emprisonnez tousjours (CH. D'ORLÉANS, Songe compl. C., 1437, 103). ...et se prindrent les pucelles a parer les chevaliers chascune celui qui mieulx lui plaisoit de chapelets de fleurs, (...) ung homme qui des le tamps du roy Perceforest avoit esté herault (...) se print a crier tout hault : "(...) sus, seigneurs, regardés les pucelles plaines de honnourables beaultez qui se painent de vous parer de parures plus gayez et amoureuses que de fin or ne de paintures ! (...) se voulés estre preux, il vous couvient enamourer !..." (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 966).

 

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[D'une chose concr. ou d'un phénomène phys. pris dans un sens métaph.] "Qui est l'instrument, le facteur généralement douloureux de ce type d'amour" : Lors estoit mors d'amoureuse morsure Mes cuers et poins de joieuse pointure (MACH., J. R. Beh., c.1340, 75). Et adont il me prist a dire Que ce fu jadis li demours De Cupido, le dieu d'amours, Et que Jupiter et Venus Y sont par maintes fois venus Pour eaus deduire et solacier, Pour acoler, pour embracier, (...) Et aussi qu'elle est destinee Si qu'il n'est creature nee, S'elle en boit, qu'il ne li couveingne Estre amoureus, comment qu'il pregne. "En maint lieu va sa renommee Et pour c'elle est ditte et nommee Partout la Fonteinne amoureuse Qui mainte dame a fait joieuse Et maint amant pleindre et plourer, Quant pour servir et äourer Ne pooient avoir mercy..." (MACH., F. am., c.1361, 193). Certes bien doy amer l'eure et le jour Que je senti l'amoureuse pointure, Quant j'aim la flour de toute creature. (MACH., L. dames, 1377, 23). Et aussi vueil miex de l'amoureus dart Morir pour li qu'autre aimme ne desire. (MACH., L. dames, 1377, 167). Helas ! dame, vostre tres dous regart Navra mon cuer de l'amoureuse lance (MACH., L. dames, 1377, 219). Amours par mi le cuer m'a trait Et feru d'un amoureus trait (MACH., Lays, 1377, 369). ...li dieus d'Amours, qui mes sires Est et des maus amoureus mires (MACH., Prol., c.1377, 6).

 

d)

P. ext. [D'une chose abstr.] "Relatif à ce type d'amour (éprouvé ou inspiré)" : Car tost ou tart, aspre ou sery, Bienfait n'est en amours pery, Ne mal qui ne soit remery Quoy qu'on actende, Car Amours qui les cuers amende Veult des meffaiz avoir l'amende Et qu'a chascun son louyer rende Comme vray juge Qui des amoureux debaz juge. (CHART., L. Dames, 1416, 238). Et estoit ladicte bourgoise moult honnourée entre toutes les femmes de bien de ladicte ville, et fort priée et requise de estre et soy trouver en tous banquetz (...). [Si] communiqua avecques ledit seigneur de Foix de questions joieuses et amoureuses (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 222).

 

2.

[Corresp. à amour1 B 2]

 

a)

[L'amour est considéré en soi ; d'une pers.] "Qui éprouve un amour sentimental et charnel, ou seulement charnel, marqué notamment par des relations sexuelles hors mariage ou en situation d'adultère" : ...courrous et concupiscences charnels et quelconques teles choses tiennent la pensee liee ; et avecques ce aucune fois, il transmuent le corps manifestement. (...) Si comme aucuns que l'en dit amoureus ou amer par amours en tant que il en affolent et sont malades d'un mal que les medicins appellent amor hereas. (ORESME, E.A.C., c.1370, 372).

 

-

Estre / devenir amoureux de qqn : Ne lis tu oncques mais, compere, Qu'en sa luxure chaloureuse Son masle estrangle la vipere ? Ainsy femme serpentineuse Plus sera de toy amoureuse ; Plus l'ameras, plus tost le col Te rompra. Vierge glorieuse ! (MARTIN LE FRANC, Champion dames III, F., 1440-1442, 133). ...ung gentil chevalier (...) devint amoureux d'une damoiselle de son hostel, voire et la premiere après madame sa femme. Et car Amours si fort le contraignoit, jamais ne savoit sa maniere sans elle ; tousjours l'entretenoit, tousjours la requeroit, et bref nul bien sans elle avoir il ne povoit, tant estoit il au vif feru de l'amour d'elle. (C.N.N., c.1456-1467, 73). Cest evesque mist en avant à ce duc de Clocestre que ledict roy Edouard, estant fort amoureux d'une dame d'Angleterre, luy promist l'espouser pourveü qu'il couchast avec elle et elle se y consentit. (COMM., II, 1489-1491, 232).

 

-

Estre amoureux de qqn plus fort que les oreilles ne tiennent en la teste. "Éprouver ce type d'amour au plus haut point" : - "Vous la laisserés pour telle qu'elle est", dist Corfus, "et n'amerés jamais femme que pour une nuyt. Vous en aurez tous les jours une nouvelle : Il n'est point de tel plaisir que de changier souvent." - "Haa Corfus !" respondy le roy. "Leal amant n'usa oncques des termes que vous dittes. Quant un prince poeut parvenir a l'amour d'une dame, belle a l'oeil, sage et de bonne maison, n'est ce assez pour luy ? (...)" - "Je le vous diray" dist Corfus. "Prenez la plus belle dame qui vive, soyez ent amoureux plus fort que les oreilles ne vous tiennent en la teste : tantost que vous aurez joy d'elle quelque pou, vous en serés tané. Elle vous samblera laide..." (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 141).

 

b)

[P. méton. du subst.] "Qui a la nature de ce type d'amour, qui en est rempli ou qui en provient, qui le manifeste"

 

-

[D'une disposition morale] : LE FRÉRE. Certes, dame, quant je vous voy, Amoureux vouloir me contraint, Et Desir m'enlace et estraint (...). Tart m'est que de vous puisse oir : "Amis, or peuz de moy joir Com de t'amie." L'EMPERERIS. Qu'est ce ? ne vous moquez vous mie ? Vous semble il que je soie femme Que vous doiez traire a diffamme Pour vostre lechois acomplir ? Nanil, ce ne peut avenir. J'ameroie miex estre en Tarse Seule et esgarée, voire arse, Que brisasse mon mariage (Mir. emper. Romme, 1369, 263). En la bonne et doulce conté de Saint Pol (...) avoit ung bon simple laboureur marié avec une femme belle et en grand point, de laquelle le curé du village estoit tant amoureux que l'on ne pourroit plus ; et (...) se pensa qu'il ne povoit bonnement parvenir a la joissance d'elle sans premier avoir celle du mary (...). C'est advis descouvrit a sa dame pour en avoir son oppinion, qui luy conseilla souverainement estre propice et tres bon[ne] pour mener a fin leurs amoureuses intencions. Nostre curé donc (...) se fist, par gracieux et subtilz moyens, accoincté de celuy dont il vouloit estre compaignon (C.N.N., c.1456-1467, 439).

 

-

[Du comportement] : Il [Persant le glouton] est lait et mauvais et plain de boiserie (...) ! Or me prent a mouller. Mon pere m'y ottrye, Mais ja en son vivant, je ne seray s'amye (...). Bien le povés tuer ; je vous feray aÿe, Puis menrons moy et vous tres amoureuse vie ; Partout ou vous yrés vous feray compaignye. (...) Oncques m'amour ne fut a nul hom ottroÿe, Fors seul a vo gent corps que haïr ne doy mye (Tristan Nant. S., c.1350, 369). Lequel [Thomas] luy dist que trop bien avoit encontré ung homme, mais il ne savoit qui il estoit, ou son mary ou aultre (...). Et quand elle eut ce oy, elle print hardement de le baiser, et luy dist qu'il fust le bien venu. Et assez tost après, (...) le dit Thomas trousse la damoiselle sur le lit (...) ilz firent armes en sacrifiant au dieu d'Amours et rompirent pluseurs lances (...). Et quand ilz eurent esté ensemble jusques a lendemain de matin, (...) il se leva, et en partant s'entreacolerent ensemble d'un baiser amoureux. (C.N.N., c.1456-1467, 391). LA MAGDALEINE. Veez cy bon temps pour soy baigner Et pour mener joyeuse vie ! (...) Je suis coinde et jolie (...). De plaisance me veulx souler, Pour consouler Mon corps a tout son beau plaisir. (...) Mon frere, c'est tout ce que j'aime Que de mener vie joyeuse, Amoreuse (...). Je ne charche qu'estre gracieuse Et sans neuse. Certes, je suis d'amour la dame. Je sçay bien qu'on me diffame Et infame, Mes certes il ne m'en chault. Pour ce le Dieu d'Amours clame que... (Pass. Auv., 1477, 135). Quant a moy je vueil soustenir Qu'il a desjà son temps passé Et qu'il est rompu et cassé Pour suivir les amoureux trains, Et qui pis est, le jeu des rains Ne luy est duisant ne propice. (P. moyne, a.1500, 49).

 

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Amoureuse lice / amoureux mestier. "Amour charnel" : C'est meschef et pitiés, selon le mien cuider [de moi, la reine], Quant par faulte de prestre ne me voulés toucher (...). Bien povés pres de moy venir et aproucher, Mettre vo bras sur moy et ung peu donoier. - Dame, dist Blanchandin, tout ce devés lesser, (...) Quant serés baptisee, vous vourray embrasser, Doucement acoller et vo bouche baiser, Et ffere ce qu'affiert a l'amoureux mestier ; Mais ne vous oseroie nullement atoucher, Se vo corps ne faisiés et sains fons baptiser. (Tristan Nant. S., c.1350, 517). ...a Perrenet Merchant (...), Pour ce qu'il est ung bon merchant, Luy laisse troys gluyons de feurre Pour estendre dessus la terre A faire l'amoureux mestier, Ou il luy fauldra sa vie querre, Car il ne scet autre mestier. (VILLON, Lais R.H., c.1456-1457, 22). [Que sont devenus] ces mains traictisses, Petiz tetins, hanches charnues, Eslevees, propres et faictisses A tenir amoureuses lices, Ces larges reins, ce sadinet Assiz sur grosses fermes cuisses Dedens son petit jardinet ? (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 55).

 

Rem. Dans l'ex. de VILLON, Lais R.H., c.1456-1457, 22, «on pourrait voir dans ou un relatif neutre reprenant toute l'expression faire l'amoureux mestier : "où (en quoi) il lui faudra assurer sa subsistance" ; cette interprétation ajouterait encore aux allusions méprisantes de ces vers» (J. Rychner, A. Henry, Le Lais Villon et les poèmes variés, t.2, 1977, 30). «Expression volontairement ambiguë. "Ou bien Perrenet sera entremetteur, ou bien ce sera un gigolo qui monnaie ses faveurs" (...) ou peut-être les deux ! De toute façon, la médiocrité de la couche dénonce une activité sordide» (Cl. Thiry, François Villon. Poésies complètes, 1991, 74).

 

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P. plaisant. Aumosne amoureuse : Il n'eut gueres esté en son logis (...) qu'il ne perceust tantost que la chambriere de leans estoit femme qui devoit faire pour les gens. Si ne luy cela gueres ce qu'il avoit sur le cueur, et, sans aller de deux en trois, luy demanda l'aumosne amoureuse. Il fut de prinsault bien rechassé des meures (...) . Et qui l'oyoit, elle ne le feroit pas pour aussi gros d'or. (C.N.N., c.1456-1467, 120).

 

-

[D'un mode d'expr.] : Nostre bon marchant dessusdit estant dehors (...), sa femme le fist tantost savoir a son amy (...). Et affin qu'il ne perdist temps, au plustost qu'oncques peut ne sceut s'approucha de sa dame, et luy mist en terme pluseurs et divers propos amoureux. Et pour conclusion, le desiré plaisir ne luy fut pas escondit (C.N.N., c.1456-1467, 290).

 

c)

[L'amour est considéré par rapport à l'agent extérieur qui le suscite ; d'une pers.] "Qui inspire un amour sentimental et/ou charnel, qui exerce un attrait sexuel" : Florée par le main l'enmaine, O lui sa cousine germaine, Qui avoit environ .XIII. ans. Rien n'estoit de li plus plaisans, Plus amoureuse, ne plus frice. Vestie estoit d'un drap moult rice, Fricement tailliet a son point. (...) Si [li chevaliers] se taist et fort le regarde. En ce regart li vient la darde D'amours, c'onques senti n'avoit (FROISS., Méliad. L., t.1, 1373-1388, 7).

 

-

Femme / fille / fillette amoureuse. "Femme galante qui pratique le commerce de ses charmes" : ...Guillette la Damoiselle, qui lors estoit coustumière de tenir et avoir en son hostel, à Rouen, fillettes amoureuses pour esbatre les compaignons. (Ch. VI, D., t.2, 1382, 236). ...ceintures et habis dissolus, defenduz aux femmes amoureuses (FAUQ., II, 1421-1430, 163). ...Debutz et Desmier demandèrent ausdiz Havet et suppliant où ilz aloient, et ilz leur firent responce qu'ilz alloient querir une fille amoureuse (...) ; et d'ilec se transportèrent tous ensemble (...) à Saint Supplicien, auquel lieu, une nommée la Rousse, femme amoureuse et mariée, fait sa résidence. (...) ledit suppliant yssit hors dudit hostel avecques ledit Havet, et lesdiz Corgnou, Desmier et Debutz et leursdiz varletz entrèrent au dedans dudit hostel et envoyèrent le mary de ladite Rousse dehors ; et ce pendant firent leur plaisir de ladite Rousse (Doc. Poitou G., t.10, 1460, 226-227). En petiz baings de filles amoureuses - Qui ne m'entant n'a suivy les bordeaux - Soient frictes ces langues ennuyeuses ! (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 115).

 

d)

[P. méton. du subst.]

 

-

[De l'aspect phys.] "Qui séduit de manière sensuelle, érotique" : Le souhet de Maniere. (...) J'aie le corps jone, friche et gaillart, Tres amoureus et plaisant en regart, Et que li bons et li biaus, qui Diex gart, Que j'ai amé et aimme sans faus art, Sente que c'est parfaitement dou dart Dont Bonne Amour les siens enflame et art ; A tout le mains, S'atainte en sui, il en puist estre atains. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 217).

 

e)

[D'une chose]

 

-

"Qui a des vertus aphrodisiaques" : ...le preu Pallidés print a femme la pucelle selon l'ancienne coustume de adont, qui n'estoit autre que : "Je te vueil. - Et aussi fay je toy." Sy vueil bien que vous sachiés que les nuepces ne furent point trop orgueilleuses (...) la plume du lit et les linsceuz furent de poulieul et de muguet et de toutez herbez amoureuses dons [l. dont] les deux amans se devoient bien resjouir (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 875).

 

-

"Qui suscite le désir charnel" : Mais il n'est ame, N'homme vivant qui aimme si sans blame, S'il est tapez de l'amoureuse flame, Qu'il n'aimme mieus assez le corps que l'ame. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 121). Et pour ce que sa doulceur, beaulté et gracieuseté singuliers estoient cogneues par toute la cité de long temps, si tost que les jeunes gens sceurent du departement de son mary, ilz la vindrent visiter (...). En escoutant les chansons et dances, prenoit a la foiz si grand plaisir que amours emouvoit son courage tellement que chaleur naturelle souvent l'induisoit a briser sa continence. (...) en la fin sa concupiscence et desir charnel la vaincquirent, et fut du dart amoureux bien avant touchée. (C.N.N., c.1456-1467, 567).

 

3.

[Corresp. à amour1 B 3]

 

a)

[Associé à un terme désignant la pers. aimée p. méton.] "Qui est l'objet d'un amour conjugal" : AFFRICQUEE [épouse de Johan]. Si fault qu'a vous je me despite, Je vous mettray tout en beau point. JOHAN. M'amye, ne vous courcez point Car le temps est trop dangereux. Que voulez vous, cueur amoureux (...) AFFRICQUEE. Sus, sus, que soye frotee Doulcement, ung peu au front (...). JOUAN. Voulentiers, ma tresdoulce amye. Par bieu, elle me fait bien paistre (P. Jouh. D.R., a.1488, 36).

 

b)

[P. méton. du subst. ; d'un trait du comportement] "Qui manifeste l'amour conjugal" : "Nanil dia," fait la dame, "Olivier, (...) Vous sçavez comment il me va pour le deppartement de mon seigneur (...) je me partiray brief de ceste terre et mettray mon corpz en vostre guide et conduite pour cerchier par toutez regions celuy sans lequel je ne pourroye longuement vivre (...)." De la grant amisté que la noble contesse avoit aprez son mary fu tres joyeulx le gentil Olivier qui respondy de bonne volenté qu'il luy tenra volentiers compaignie tant qu'elle venra a chief de sa queste amoureuse. (Comte Artois S., c.1453-1467, 102).

 

4.

P. anal. [Corresp. à amour1 B 4] [D'animaux ou du comportement animal] "Qui évoque la relation d'amour entre homme et femme" : Cardeneruels, merles et rossegnos Et tels oisiaus amoureus et mignos (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 220). ...ung papegault (...), le meilleur oysel du monde pour chanter doulx champ amoureux plaisant et pour parler mieulx et adroit [l. a droit ?] ce que vient a plaisir a cuer d'omme et a cuer de femme. (Chev. papegau H., c.1400-1500, 5).

C. -

Au fig. [Corresp. à amour1 C 1]

 

1.

[D'une pers.] Estre amoureux de qqc. "Éprouver du goût pour qqc." : Puis le tirerent à part et lui firent de grans promesses comme se dist, ausquelz il respondit que les seigneurs sont ennemis des traittres et amoureux des traysons (LA SALE, Reconf. De Fresne H., 1457, 15).

 

-

Amoureux de + inf. : Et ja soit ce que nul ne doie sa mort procurer, neantmoins par les dictes hystoires il appert comment les anciens estoient moult amoureux et diligens de bien garder justice. (LEGRAND, Bonnes meurs B., 1410, 354).

 

2.

[D'une chose] "Qui procure un certain agrément"

 

a)

[D'un état] "Bénin, bénéfique" : ...vous avez a roy et a seigneur le dieu Aroés (...) qui vous peut garir de toutes mauvaises maladies. Et en aprés, quant vous ne vouldrez plus vivre, je vous feray morir de tant doulce et tant amoureuse mort que vous ne sentirez nulle paine ne doleur. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 88).

 

b)

[D'un thème] "Qui charme l'esprit" : Adont tournai sus une glose Qui nous approeve et nous acorde, Si com Ovides le recorde, Les oevres de Pynoteüs (...), Se j'avoie tous mes escrips, Nouvellement et viés escrips, Quis et cerchiet de cief en cor, Et plus que je n'en ai encor, Se ne peuïsse je trouver Nulle matere pour ouvrer Si amoureuse ne si belle, Si jolie ne si nouvelle, Comme ceste est. Mieuls ne demans. Je le recommande as amans [Éd. : «agréable» ; il faut noter pourtant que le cont. peut évoquer aussi le sens I B 1] (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 84).

 

c)

[D'un lieu] "Plaisant, accueillant" : Et doucement le conduira Ou trés dous vergier amoureus Qui est plaisans et savoureus. (MACH., D. Aler., a.1349, 399). ...cesti paiis plaisant et amoreux (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.1, a.1400, 604). Et li conte montat dedens la sale ombreuse ; Le duc Cloverius en sa chambre amereuse Trovat, se li requist à chire frumeteuse Qu'il li fache socour, contre gens despiteuse (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.1, a.1400, 621).

 

-

P. ell. subst. fém. : Car vous estes en lieu joieus : Ja est ceste cambre appellee "Amoureuse li bien celee." (...) Einsi passe je le saison. En mendre place bien s'aise on Que je n'estoie herbegiés, Car de cambres et de vregiés, D'esbatemens et de delis, Tant de viandes com de lis, Estoie assés affuisonnés. (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 144).

 

-

Estre amoureux à voir. "Être agréable à voir" : ...estoit de joie pleins Li lieus dont il estoit enseins Et a vëoir si gracieus, Si nobles et si amoureus (MACH., D. verg., a.1340, 15).

 

Rem. Pour ce sens, v. aussi amoureux2.

 

d)

Par amoureuse voie./Par voie amoureuse. "À l'amiable" : ...nous desiranz que, par amoreuse voie, la chose soit discutée... (Actes Jean V Bret. B., t.1, 1406, 108). ...et feront appointement par voie amoureuse, si ce peut estre (Actes Jean V Bret. B., t.2, 1407, 62).

II. -

Subst. masc.

A. -

[Dans le domaine affectif]

 

1.

Rare [Dans les relations soc., pol. ; corresp. à supra I A 2] "Homme valeureux, dévoué, cordial, aimable" : ...Que cudoie estre filz ung vaillant amoreux, Baudowin de Monclin, ung chevalier vassours, Qui de moy a norir ait estéz bien soingneux Dis et sept ans tout plain, dont c'est petit cez preux (...) ; Se j'avoie aulcun bien n'an seroit besoingneux, Car ver my ait estéit aussi doulx et piteux Que se fuisse cez filz, per Dieu le glorieux. [Ou est-ce un adj. ? Éd. : «amoreux, adj. 6115 (...) Cordial, aimable»] (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 193).

 

2.

[Dans les relations spirituelles ; corresp. à supra I A 3]

 

a)

[Gén. au sing.] "Celui qui est le sujet et/ou l'objet d'un amour spirituel" : ...les vertus, excellences et merites du glorieux et honnouré amy de Dieu, du saige amoureux, monseigneur saint Pol, pere et patron de ceste eglise. (GERS., P. Paul, a.1394, 492). Je parle de nous, mondains, qui ne scavons que c'est fors d'amour mondaine, de quoy advient que nous jugons les autres amoureux de Dieu estre folz amoureux. (GERS., P. Paul, a.1394, 515). Lors le doulx Jesus, vray et loyal amoureux, voyant son amye l'ame devote afflictee et esplouree pour l'amour de luy (Disc. amour divine, 1470, 60). MARIA. Or fussent mon corps et mon ame Avec Jhesus, mon doulx enfant ! Ou qu'il soit, doulx est come craime. Bon fait avec luy maintenent, Pour ce qu'il n'est riens qu'aime tant ! Tout temps vouldrois cy demeurer. Las, mon amoreux, et coment Vous porrey je ycy laiser [l. laisser] ? (Pass. Auv., 1477, 264).

 

b)

Au plur. [Avec une valeur coll.] "Ensemble de ceux qui aiment d'un amour spirituel" : Et pour c'en foy pensez d'amer Le doulx Jhesus, li savoureux, Ly souverain des amoureux (Mir. st Ign., 1366, 92).

B. -

[Dans les relations d'amour entre homme et femme ; corresp. à supra I B]

 

1.

[Au sing. ou au plur.] "Celui qui est le sujet et/ou l'objet d'un amour sentimental et/ou charnel ; amant, galant, soupirant" : Uns poëtes, qui moult fu sages, (...) Nous recorde encor un exemple D'un amoureus qui fu jadis, Qui loyaument ama toutdis. (...) Car loyaument ama Orphane, Qui fu deesse et serour Dane. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 119). Quant un amoureux escrira Son dueil, qui trop le tient de rire, Au plus tost qu'envoyé l'aura A celle qui est son seul mire (...), Elle peut veoir clerement Son doloreux gouvernement ; Et lors Pitié lui scet moustrer Qu'il dessert bon guerdonnement, Pour bien et loyaument amer. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 39). ...elle commença a plourer, disant qu'elle estoit la plus infortunee de toutes les autres, au moins de celles qui estoient mariees, veu qu'il n'y avoit celle qui de son bon eur n'eust espousé son amy. Et a elle, comme maleureuse, en advenoit autrement, car elle sçavoit certainement l'inconvenient de son amoureux. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 141). Ung gentil compaignon (...) vint rencontrer ung jour ceste bonne damoiselle, qui gracieuse, belle [et amoureuse] a bon escient estoit, et luy dist (...) le bon vouloir qu'il avoit de luy faire service, plaignant et souspirant pour l'amour d'elle sa maudicte fortune, d'estre allyée au plus jaloux que la terre soustiene (...). Elle l'escouta voluntiers (...). L'amoureux print congé, assez joyeux (C.N.N., c.1456-1467, 257). Jennes filles jamais ne doibvent mengier cerises a la darraine aveuc leurs amoureuz ne autrement, car souvent advient que cellui a qui vient la darraine demeure le derrenier de tous a marier. (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 120). Et vecy le cas : je et ma soeur sommes une sanguinité. Ma soeur ait ung mary ou ung amoureux ou lui samblablement. Cellui ajousté a personne de ma sanguinité par copule charnele mue genre d'abstinence, mais non pas degré. (Sacr. mar., c.1477-1481, 74). Mais je pourrois des amans assigner Qui des dames ont esté relenquis. (...) Par ses herbes et faulx enchantemens Ses amoureux en bestes [Circes] transformoit. (SAINT-GELAIS, Eurial. Lucr. R., c.1490, 48).

 

-

Faire de l'amoureux. "Adopter le comportement propre à un homme qui aime d'amour" : Piramus et Tisbé amerrent Moult secretement. Toutesfois Dure aventure rencontrerent (...). Doncq je te dy, galin galois, Se tu me fais de l'amoureux, Veritablement tu ne doibs Estre arragié aventureux. (MARTIN LE FRANC, Champion dames III, D., 1440-1442, 32).

 

-

Amoureux + adj. : ...li vrais amoureus considere Qu'il est loyal en s'amour et sera, Et pacïens, et qu'il persevera A son pooir tres diligentement, Et se vodra tres honnourablement Estre courtois, larges et bien celans, Et si sera, s'il poet, preus et vaillans Tant qu'il ara bon renom et bon los. (FROISS., Orl., 1368, 93). Eins vueil morir, com loyaus amoureus A qui la mort est jugie à grant tort (MACH., L. dames, 1377, 107). Je n'ay bouche qui puisse rire Que les yeulx ne la desmantissent, Car le cuer l'envoyeroit desdire Par les larmes qui des yeulx yssent. Je laysse aux amoreux malades Qui ont espoir d'alegement Faire chançons, diz et balades, Chascun a son entendement (CHART., B. Dame, 1424, 332). Je ne vy jamais si fol amoureux, ce dit Gerard. Et pensez vous que je n'aye (...) passé par la, comme vous. Certes si ay ; mais je ne fuz oncques si enragé que d'en perdre le dormir ne la contenance, comme vous faictes a present. Vous estes beste, et ne prise point votre amour ung blanc. (C.N.N., c.1456-1467, 176).

 

.

Amoureux transi. "Amoureux figé par la timidité" : Je laisse aux amoureulx transis Jecter l'ueil tousjours es chassis Pour veoir par les troux et touranges Celle ou leur cueur si est assis, Puis, c'elle leur rit, estre transis Et rire atout par eulx aux anges. (HAUTEV., Conf. Test. am. tresp. B., c.1441-1447, 58).

 

-

[Avec un démonstr.] : ...ou cloistre des blancs moynes avoit ung jeune et bel religieux qui devint amoureux, si fort que c'estoit rage, d'une nonnain sa voisine, et de fait eut bien le courage, après les premisses dont ces amoureux scevent les femmes abuser, luy demander a faire pour l'amour de Dieu. (C.N.N., c.1456-1467, 105).

 

-

Prov.

 

.

Pauvre amoureux se doit prendre à gros grain

 

Rem. DI STEF., 22c. Cf. aussi : Croyez, pour vray, il advient bien souvent Que ung compaignon qui n'avra point d'argent Avra plus tost part aux amoureux biens Que ung qui avra or et argent en main. Povre amoureux se doit prendre a groz grain. Qui ne s'avance au jourd'ui, il n'a riens. (Les Coquards, éd. A. Piaget, c.1481. In : Romania 47, 1921, 187).

 

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Ja ne sera vrai amoureux Un coeur, s'il n'est un peu jaloux : Ja ne sera vrais amourous Uns coers, s'il n'est un peu jalous. Car Jalousie a tel vertu Et sus che porte son escu Que le coer amoureus enflame. (FROISS., Par. am., c.1361-1362, 56).

 

-

Amoureux de + subst. ou nom propre

 

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Amoureux de l'observance. V. observance

 

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Péj. Amoureux des dimanches. "Amoureux de mise très/trop recherchée" : DANDO. Et maintenant ces grans chappeaulx Que portent ces dimenchereaulx, Et ces beaulx souliers sans tallons (...). MAISTRE ALIBORUM. Scavez pour quoy il ont si longs Les bords ? et c'est pour peu[r] du hasle, Veu qu'il ont les cheveulx si blons, Leur visage deviendroit palle. DANDO. Dea, voirement tant de brouillis, Ces vrays amoureux des dimenches Quant ilz regardent ung trillis Ilz s'en vont tous riant aux angelz. (Sots Magn., a.1488, 197).

 

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Amoureux de Portingal. "Galant vêtu à la mode portugaise" : SOTIN. Ay je point trop larges espolles ? MALOSTRU. Aussi droit, par Dieu, comme gaulles. NYVELET. Quarray comme une belle fluste. TESTE CREUSE. Semblé jë ung amoureux ? MALOSTRU. Juste. NIVELET. Voire, amoureux de Portingal. MALOSTRU. Quel lardon ! NYVELET. Il n'y a rien de mal (...). TESTE CREUSE. Que vous semble de ma personne ? MALOSTRU. Ung petit seigneur, sur mon ame. (Copp. lard., a.1488, 166).

 

Rem. FEW IX, 225b, s.v. Portugal : «habillé à la portugalaise "à la mode portugaise" (1524)» ; FEW IX, 226a, s.v. Portugal : «geht auf die portugiesische kleidermode zurück, die Isabella von Portugal nach ihrer vermählung mit Philipp dem Guten an den burgundischen hof brachte».

 

.

Amoureux de village. "Amoureux de costume et de moeurs rustiques" : A ces amoureulx de villaige Je laisse au bras porter ta targe Et au bonnet ung bouquet gay, Saulter, dancer et faire raige, Marcher l'un pas court l'autre large Et crier aprés "oupe gay !" (HAUTEV., Conf. Test. am. tresp. B., c.1441-1447, 59).

 

2.

Au plur.

 

a)

"Couple formé d'un homme et d'une femme s'aimant d'amour réciproque" : Quant Leauté et Amour sont ensamble Et on les scet a deu entretenir En tems et lyeu et pour lui retenir, Il font, par Dieu, feu grejois, ce me semble. (...) Que jamais mal entre amoureux n'assemble Quant Leauté [Et Amour sont ensemble.] (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 430). Le dit josne chevallier frequentoit et visitoit sa belle et doulce amie, la dicte pucelle, non point tant de foiz que plaisir fust a l'un et a l'autre (...), pour ce que le pere de la pucelle, qui aucunement se doubtoit de la dicte muctuelle amour, leur coppoit et ostoit a son povoir le lieu et espace convenable aux amoureux, adfin qu'ilz ne parlassent ou devisassent aucunement enssemble. Neantmoins les diz amoureux ne estoient point pour ce sy fort privez ne fourcloz du (du) doulx et agreable regard ne des gracieuses devises de l'un a l'autre qu'ilz ne parlassent et devisassent enssemble (RASSE BRUNH., Flor. Elvide Vat. C., a.1456, 160).

 

b)

"Ensemble des hommes qui aiment d'amour" : Par foy, dist ly contes de Poictiers, beaulx cousins de Forests, vous avez pieca ouy dire que l'amour aux dames donne peine et travail aux amoureux, et la mort aux chevaulx. (ARRAS, c.1392-1393, 41). Amour, qui tant a de puissance Qu'il fait vieilles gens rassoter Et jeunes plains d'oultrecuidance, De tout estas se scet meller. (...) Quant un amant vient demander Confort de sa dure grevance, Que vouldroit il faire ou trouver ? (...) Au fort, il fault que je le dye : Ce qui fait le ventre lever, Ce n'est fors que plaisant folie. Bien sçay que je fais desplaisance Aux amoureux d'ainsi parler (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 146). Amoureux ont parolles paintes Et langage frois et joly ; Plaisance dont ilz sont accointes Parle pour eulx ; en ce party J'ay esté, or n'est plus ainsi (CH. D'ORLÉANS, Songe compl. C., 1437, 119). ...ainsi advient des amoureux, car en poursieuvant leurs besongnes ilz baissent souvent le col devant les personnes, qu'ilz ne le daigneroient penser, s'ilz estoient sans amer. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 324).

 

Rem. Dans cet empl., les amoureux peut limiter son ext. à un groupe restreint : : En celle place avoit plusieurs chevaliers qui regardoient ce noble hourt a merveilles. Et en ce faisant, leurs cuers leur esmouvoient a proesse et a desir de acquerre honneur, car il leur estoit bien avis que celui qui pourra par prouesse acquerre l'onneur de la moindre d'elles, il ne devra demander autre paradis. Ainsi eut la jenne chevalerie plaisir jusques a ce qu'il fut heure de commencer le tournoy, car les preux et les amoureux ne pouoient plus attendre (...). Entre les chevaliers qui avoient eu le regard aux nobles pucelles, il en y avoit ung qui y avoit prins grant plaisir. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 3).Dans cet ex., amoureux n'est pas sans évoquer également l'empl. II A 1, et pourrait aussi s'interpréter par le sens : "hommes de mérite, chevaliers vaillants au combat, ardents à défendre la cause de telle(s) dame(s)", les valeurs de la chevalerie et celles de l'amour étant souvent associées.

 

-

Au plur. "Ensemble des hommes qui aiment d'amour" : Briefment, se mesdisant n'estoient, Nulle honte amoureus n'aroient. (MACH., Compl., 1340-1377, 268). [Venus] Qui dame, roÿne et maistresse Est des amoureus, et deesse. (MACH., F. am., c.1361, 194). Si suis comme les amoureux Bien ardans et bien desireux, Qui ne pevent veoir, n'ouyr Ce dont desirent a jouir (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 22). Je, qui suis Dieu des amoureux, Prince de joyeuse plaisance, A toutes celles et a ceulx Qui sont de mon obeissance, Requier qu'a toute leur puissance Me viengnent aidier et servir (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 126). Esbatemens de harpes et tabours Pour resjouyr le cueur des amoureux, Les ungs heureux, les autres maleureux (LA VIGNE, V.N., p.1495, 173).

C. -

Au fig. [Corresp. à supra I C] Les amoureux de qqc. "Ensemble de ceux qui sont passionnément attachés à qqc." : ...mais il me souffist que tu preignes garde au martire que les amoureux d'argent ou de vaine gloire soustiennent. (GERS., Concept., 1401, 411).

III. -

Subst. fém.

A. -

"Celle qui éprouve une profonde affection pour qqn" : Hermondine, com esbahie (...) Dist, et prie et li moustre signe D'amours, trop plus grant que devant, En disant : "Cousine, or avant. Dittes qui vous a couroucie." (...) Et quant ceste entent qu'en la voie Est sa cousine et amoureuse, Si en fu grandement joieuse (FROISS., Méliad. L., t.2, 1373-1388, 234).

B. -

"Celle qui aime un homme ; amante, maîtresse" : En ladicte bonne ville avoit ung maryé, de qui la femme estoit belle, doulce et gracieuse, et avec tout ce tresamoureuse d'un seigneur d'eglise, son propre curé et prochain voisin, qui ne l'amoit rien mains qu'elle luy (...). Ceste bonne et entiere amoureuse (...), s'advisa qu'elle employroit avecques son curé le temps qu'elle estoit habandonnée de son mary, et que a telle heure son dit amoureux la pourroit visiter sans le sceu de son dit mary (C.N.N., c.1456-1467, 492). ...M'en entray en telles folies Que feuz lors, comme il m'est advis (...), Ou pays d'amours tout ravis (...). C'est ung droit paradis terrestre Et ung des plus beaux lieux du monde. La verriez tenir table ronde De vrais amans et amoureuses (Le Jugement du pauvre triste amant banny, éd. A. Piaget, c.1475-1500. In : Romania 34, 1905, 412).

 

-

Prov. Tant prie on amoureuse qu'elle octroie .(Prov. H., 39a) : Tant prye on malade qu'i hume Et amoureuse qu'elle octroye ; Au monde n'est si dure englume Que soubz le marteau ne se froye (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 661).

 

-

"Ensemble des femmes qui aiment d'amour" : Disoient oultre les dits gens d'Amours que (...) la Mort n'a que congnoistre sur amans [et] amoureuses qui sont en la sauvegarde d'Amours et qu'elle ne les povoit prendre ou faire mourir synon qu'ilz fussent ou soient hors d'aage ou que ilz aient renoncé a la amoureuse aliance d'Amours (...) [se] ces amoureux et amoureuses n'estoient exemptés de la Mort au moien des dits privileges, jamais ne se mettroient au service, veu qu'ilz seroient tous les jours en dangier de leurs personnes. (MART. D'AUV., Arrêts Am. R., c.1460-1466, 154).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Michèle Clarendon

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