A. -

Empl. trans. Allouer qqc.

1.

Allouer qqc. (qq. part). "Placer qqc. (qq. part)" : Et quant elle fu levee si alloua elle meïsme la chansson [la chanson d'amour qu'elle venait de composer], car elle ne vouloit mie que elle fust misse avec les autres qu'elle avoit faites. (Cardenois C., c.1380-1400, 126). ...ay (...) alloé Sur mon lit escarlatte d'Ypre (DESCH., M.M., c.1385-1403, 189). ...voycy une grande et large pierre que je vueil qui soit la premiere assise ou fondement de ta cité, et saiches que Nature propre la pourtray par les signes d'astrologie pour estre mise et aluee en ceste oeuvre. (CHR. PIZ., Cité dames C., c.1404-1407, 676). ...et puis apprés prennés vostre grein et le aloés par voz platz, et de vostre boullon par dessus. (CHIQUART, Cuis. S., 1420, 137). ...et puis que vous ayés vostre platz d'or et d'argent et d'estaing a la suite, et par voz platz alloés vostre pain bien et doulcement et le fromaige par dessus. (CHIQUART, Cuis. S., 1420, 153).

-

Allouer sa voie. "La situer" : Car sans nous et nostre pover Ne peus ta voyë alouer Ne ton corps garder de diffame (COURCY, Chem. vaill. D., 1406, 50).

2.

Allouer [une somme] [dans un compte]. "Placer (une somme) dans un compte, l'y inscrire" : ...nous donnons en mandement a noz amez et feaulz les gens de noz comptes a Paris que les dictes cent livres alloent en voz comptes et rabatent de votre recepte. (PHIL. VI VALOIS, Lettres closes C., 1332, 46). Item sont à deduire qui oudit compte fait entre li et moy sont comprins, XII fr. pour Monseigneur Loys, dont je nay cedulle ne ensaignement aucun quils soient ou fussent deuz audit Robert, et pour ce nont point esté alloez en compte (Compte Navarre I.P., 1367-1371, 421-422). ...la Court a ordonné et ordonne que, ce que J. de la Chappelle a paié des ouvrages faiz par maistre Robert de Hellebuterne, lui sera alloué en ses comptes (BAYE, I, 1400-1410, 180). ...icellui Jehan de Noident, qui à present est sur l'affinement et conclusion de ses comptes de tout le temps qu'il a exersé ledit office de recepte, nous a humblement supplié que de ladicte somme de 1612 frans 19 solz 10 deniers tournois, il le nous pleust relever et icelle faire mettre et allouer en la despense de ses comptes (Comptes Etat bourg. M.F., t.1, 1419, 134). ...il lui sera aloué en ses comptes où et ainsi qu'il appartendra (Rouen temps Jeanne d'Arc L., 1419, 9). ...tout ce que paié aurez a ladicte cause sera aloué en voz comptes et rabatu de vostredicte recepte par ceulx qu'il appartendra (Rouen temps Jeanne d'Arc L., 1443, 372). Et en rapportant ces présentes, signées de nostre main, avec quictance générale sur ce dudit de Berry, nous vous promectons allouer et faire allouer ladite somme de trois cens livres tournois en voz comptes (Archives servit. Louis XI, T., 1476, 23). ...vous mandons (...) que se, en veant les comptes de Nicolas de Voisines (...) vous trouvez aucunes parties [de deniers] deux foiz prinses, mal prinses (...) vous (...) faictes (...) recouvrer tous telz deniers (...) en contraignant à ce tous telz qui seront à contraindre comme pour noz propres debtes, nonobstant que aient esté allouées, car en tel cas l'allocation erronée ne prejudicieroit à ung privé, aussi ne fera elle à nous. (Lettres Louis XI, V.M., t.10, 1478, 410).

3.

P. ext.

a)

"Dépenser (une somme) ; engager (de l'argent), l'employer" : A Ghombault, le laron, a le ghourle donnee, Mais n'y avoit monnoie qu'iestre puist aleuwee : N'estoient que jectoir qui ne valent riens nee (Flor. Rome W., c.1330-1400, 265). Les haulx princes terriens vous ont donné les biens et les possessions et les richesses pour servir Dieu, et vous les dispensez et alevez [l. aleuez ?] en orgueil, en beubans, en pompes et en superfluitez. (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 231). ...c'est ung mol chevalier qui ne veult autre chose que ses aises, de boire et de mengier et de aloer le sien folement (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 69). Et dist que d'icelle monnoye il ne mist ou aloua oncques denier aucun, parce que quant il avoit aucune chose gangnié icellui Robinet le payoit de bonne monnoye et de bon argent. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 490). ...ce qu'il a receu l'argent comptant soubz umbre d'icelle faulseté et en alloué partie tant en soy acquictant comme pour son estat soustenir (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 492). On fait bien nostre sire despendre et aleuer son argent pour noient et perdre le temps (FROISS., Chron. D., p.1400, 336). ...tous leur avoirs et tresors Ont trestous mis ensemble lors, Car moult en furent desnüé, Tout l'avoyent ja alüé Pour la guerre (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 218). ...li dus d'Orlyens (...) Acata as Englois en droit argent contant Deus ou trois forteresces et fu tout sec paiant, Rout et Blaves, et là fu alouant Le grant trésor de France, c'on ot estet taillant (Geste ducs Bourg. K., c.1410-1419, 302). Et quant ilh apairat par ses lettres que tous les biens moibles des testateurs sont justement alloweiz et despandus... (STAVELOT, Chron. B., a.1447, 50).

b)

"Mettre en circulation (une monnaie)" : ...pour fausse monoye qu'il avoit forgée et alloée (Conf. Jug. Parlem. Paris L.L., 1345, 175). En oultre et qui encores est de plus grant inconvénient, l'on n'a regard aux deniers du Roy qui sont rongniez et desrobez de leur premier poix, et si les alouent les possessans au mesme pris de la course des bons qui ont leur vray poix. (ORESME, Monnoies W., c.1365, XXII, XXIII).

-

Empl. pronom. à sens passif. [D'une monnaie] "Être mis en circulation" : ...les monnoies nommé flourectes, qui se alouoient pour .XVI. deniers (LEFÈVRE ST-RÉMY, Chron. M., t.2, c.1462-1468, 44).

c)

"Vendre, céder qqc." : ...Tant que tout le trouppelz vandit et alouait. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 478). ...pour acquitter la foy et convenencez de sondit seigneur et marit, toutez les chosez par lui faites, venduez, alouéez et accordéez es chosez dessus dites, voloit, looit, consentoit et accordoit (Trés. Reth. S.L., t.2, 1373, 203). ...la garnison n'estoit pas sienne, et (...) l'iretaige du roy d'Engleterre il ne povoit vendre ne donner ne alouer que il ne fust traitres (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 58). ...et puis l'avez aloué [l'anneau], si m'est avis que ce n'est point fait de chevalier (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 1077).

4.

P. anal.

a)

"Employer qqc." : Pluiseur de moy mieulz le feroient [le livre que je suis en train de faire], Mais de tel fer que fevre aloient, Fault que le coutel soit forgiés. (JEAN DE LE MOTE, Voie d'enfer P., 1340, 23). [Ou s'agit-il de alloyer "mélanger" ? Mais ce verbe s'utilise plutôt en double constr. (alloyer qqc. à qqc.)] ...et sensiblement Devers la royne alua Son parler et la salua De par la mere souveraine (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 111). [Est-ce bien allouer ?]

b)

"Employer (le temps) ; le dissiper" : Seignor, cascun[s] de vous por nient son tans aliue. (BRIS., Restor paon D., a.1338, 120). Garde t', amis, qu'aus dez ne joues Et que pas ton temps n'i aloues, Car c'est chose trop deshonneste A prince qui quiert vie honneste (MACH., C. ami, 1357, 138). Monsigneur, ceste guerre que vous tenés au royaume de France est moult mervilleuse et trop fretable pour vous. Vous gens y gaagnent, et vous y perdés et alewés le temps. (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 4). Mal n'ay tout mon temps aloué. (CHAST., Temps rec. D., 1451, 47).

-

"Épuiser, dépenser, passer (le temps)" : Hé autompne, saison tresnoble, Saison qu'on ne puet trop louer, Plaine de blés et de vignoble Pour ses jours en joye allouer (TAILLEV., Passe temps D., c.1440, 152). ...cruelle bataille est delivree de l'une part et de l'autre. Et comme ilz eussent aloué moult du jour en faisant la bataille, Corineus eut honte que les Acquitains resistoient si hardiement (Percef. I, T., c.1450 [c.1340], 80).

c)

"Employer (l'artillerie)" : Tant ont trait ceu jour, c'est chose averee, Que li artillerie fuit trestoute alouuee (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 488). ...et passa oultre par dalés le cité de Biauvais, et n'i veult point arester pour assallir ne assegier, car il ne voloit mies travillier ses gens ne alewer sen artillerie sans raison (FROISS., Chron. L., III, c.1375-1400, 152). ...ceulx de dedens l'arteillerie que ilz avoient alouerent si nettement, que ilz ne savoient plus que traire ["n'ont plus de munitions"] (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 40).

-

Allouer qqc. à qqc. "Employer qqc. à qqc." : ...et aleverent [l. aleuerent ?] chil dedens toute lor artillerie au traire (FROISS., Chron. D., p.1400, 494).

Rem. Ou s'agit-il de alever ? Mais la double constr. n'y semble pas naturelle.

5.

Allouer qqc. (à qqn)

a)

"Accorder qqc. (à qqn)" : Je vous jure sur Dieu qui le monde estorait Que je vous randerait quant qu'alouér vous ait (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 41). Quant que j'avoie vaillant trestout alouér m'a (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 42). Nostre besongne est bien sortye, Mais que l'exploict soit aloué. ["Nos affaires ont bien marché, à condition qu'on nous accorde nos gains" Trad. de J. Orr, Rom. Philol. 19, 1965, 379] (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 401).

-

Inf. subst. "Le fait d'accorder qqc." : ...son amy charnel doibt on aidier de corps et d'avoir et de conseil en quelque maniere que ce soit, mais qu'il ait juste cause. Et s'il avoit mauvaise cause, on luy puet deneer le alouer le corps, mais non le conseil (Percef. I, T., c.1450 [c.1340], 408).

b)

"Accuser qqn de qqc." : Et fist aprocher la damoisel[le] de son pere et de sa mere et leur dit : - Sire, tenés voustre fille pour celle comme vous devés, car j'ay bien veü la grant mauvestié qui li estoit alleuee. (Cardenois C., c.1380-1400, 93).

Rem. Là aussi, il peut s'agir de alever. Faut-il lire allevee ?

B. -

Allouer qqn

1.

Empl. trans.

a)

Allouer qqn (qq. part). "Placer, mettre qqn (qq. part)" : Et si ala tout a souhaid Que me dos de cel lieu louer, Ou me volt Fortune alouer. (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 39).

-

Au fig. "Mettre dans telle ou telle situation" : Et ne s'atargent point illec, ne n'atendent point la fuite des anemis (...) (et) il lez alouent en telle maniere que il vont aus forteresces ou a la terre des dis anemis, si et en tele guise que il ne se recueuvrent pas ne s'assemblent ensemble quant il veulent, et au matin il se treuvent folant, et ne scevent la ou il sont, ne ou il veulent estre. (VIGNAY, Théod. Paléol. K., c.1333-1350, 96).

b)

"Engager qqn, le prendre à gage" : ...lundi darrainement passé, il alloua ledit prisonnier pour estre son varlet et le servir pour ledit jour, parmi la somme de XIJ d. par. et ses despens. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 393).

-

[Le compl. d'obj. désigne des prostituées] : ...fammes habandonnees Sont a Paris ou alouees Les a ce fault [l. faulx ?] maistre enrimé (S. fol, c.1480-1490, 8).

-

Empl. abs. "Salarier" : ...s'il c'estoit joué A le tenir sans alouer... (Path. D., c.1456-1469, 158).

c)

Allouer qqn à / pour + inf. "Engager qqn pour" : Mais avant leur mort m'alouérent Pour vous ces lettres apporter (Mir. roy Thierry, c.1374, 329). ..pour lequel temps il avoit esté aloué a estre apprentiz et servir ledit Dary oudit mestier (Rouen temps Jeanne d'Arc L., 1433, 268).

d)

Allouer [un écolier] à qqn. "Confier (un écolier) à qqn" : [L'abbaye envoyait à Paris des étudiants dont elle payait la pension] Lan XLIIII au mois dottobre le vendredi devant feste St-Simon et St-Jude fu mis a lescolle a Paris et aloué a mestre Herbert de Liviller, Phelipe de Courdemenche jusques a un an pour le pris de XVI lb. parisis bone monoie, et recevra nos cens de Paris pour soy chaucier et vestir. (Livre raison St-Martin-de-Pontoise D., 1344, 91).

2.

Empl. pronom. S'allouer à / avec qqn. "Se mettre aux gages de qqn, au service de qqn" : ...lequel et elle se feussent pieça allouez ou acuillis à certain temps avec le conte de Ronnay, pour le servir et gaigner leur povre vie et de leurs petis enfans (Doc. Poitou G., t.7, 1405, 85). Saint Jehan Baptiste ainsy le fist, Quant l'Aignel de Dieu descela. En ce faisant pas ne mesfist, Dont sa voix es tourbes vola, De quoy saint Andry Dieu loua, Qui de lui cy ne sçavoit rien, Et au Filz de Dieu s'aloua : On doit dire du bien le bien. (VILLON, Poésies diverses T., c.1456-1463, 285). Que plust a Dieu qu'il voulsist aller avecq vous aux nopces, car tout vostre estat en seroit honnoré, mais que il se voulsist allouer a vous, en luy donnant une bonne somme d'argent. (Jehan de Paris W., 1494-1495, 40).

-

S'allouer à / pour faire qqc. "S'engager à" : ...il s'estoit aloué à mener les brebiz d'un homme (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 566).

Rem. Synon. alloyer, avec lequel allouer peut se confondre.

3.

Part. passé en empl. subst.

a)

"Serviteur à louage, celui qui est engagé au service de qqn" : Vien t'en, tu es mon alloué (Chancell. Henri VI, L., t.2, 1428, 107). Estoit il point vostre aloué ? (Path. D., c.1456-1469, 158). Aussi [suis-] je vostre alloué Deux ans sans loyer. (Coust. Esop. T., c.1500, 153).

b)

"Personne chargée d'agir au nom d'une autre, fondé de pouvoir" v. alloué