C.N.R.S.
 
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     ACCUEILLIR     
FEW XXIV *accolligere
ACCUEILLIR, verbe
[T-L : acoillir ; GD : acueillier/acueillir/acueudre ; GDC : acueillir ; AND : acuillir ; DÉCT : acoillir ; FEW XXIV, 78b : *accolligere ; TLF : I, 469 : accueillir]

I. -

Empl. trans.

A. -

"Rassembler, recueillir, réunir" : ...se pour vitaille Dont l'ost soit fort a pourvëoir, Vois un capitaine esmouvoir Qui voist l'estendart asseÿr Pour vivres a l'ost accueillir, Va avec lui, et met ta cure D'y bien faire, pour ensieuir L'onneur qui tousjours aus bons dure. (Cent ball. R., c.1388-1396, 21). Ainxois passa ung moys que l'ost fust deschargie, Par trestout le païs ont vitaille acqueullie (Flor. Octav. L., t.2, c.1400, 556). Sy leva pour celle fois trente mille combattans, les plus jeunes et rades du pays, et accueilla tant d'or et d'argent à ceste cause, que c'estoit une merveille, et chose non commune à croire. (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 208).

B. -

[Le compl. d'obj. désigne un animal ou un troupeau d'animaux]

 

1.

Accueillir la proie, le bétail. "Rassembler et enlever les troupeaux de l'ennemi" : A icheste parolle que vous oï avés, S'esmut li ost au roy, si sont issut des tres ; Une proie aqueillierent, qui estoit sus les pres (Bât. Bouillon C., c.1350, 23). Une proie aqueullirent de pors et de brebis (Tristan Nant. S., c.1350, 297). Le vaillant mareschal (...) s'en ala accueillir la proye et l'enmena par devant la ville (LE BEL, Chron. V.D., t.2, 1358, 52). Ces gens d'armes françois aquellierent grant proie (...) ens es fourbours de Cimai (...) et leverent ce jour plus de XII.M. blances bestes, M. pors et Vc vaces et buefs (...) et qant il orent tout levet et requelliet (...) il conmenchierent à ardoir (FROISS., Chron. D., p.1400, 346). ...il i avoit pillars venus a Bruel et a Escaupons, et avoient aquelliet la proie des praiories. (FROISS., Chron. D., p.1400, 430). O quelle chevalerye est de present en Attaines, quy a leurs yeulx poent veoir venir devant ceste cité acoellier le bestail et la proye prendre, et loyer voz hommes pour mener en servage. (Hist. seign. Gavre S., c.1456, 80). ...aprèz qu'il obtint la licence et ottroy du bon evesque, il delibera d'acoeullier aucun bestail estant à l'entour de Massefort et, de fait, mit sa deliberation à effect. (MOLINET, Chron. D.J., t.1, 1474-1506, 348). ...lesdis compaignons despoullèrent les mors en face de leurs ennemis ; s'y accoeillèrent .Vc. moutons et, sans quelque perte, retournèrent au siège, très joyeux de leur proye. (MOLINET, Chron. D.J., t.1, 1474-1506, 64).

 

2.

CHASSE "Commencer à chasser [la bête], se lancer à sa poursuite" : Leur chiens et leur braqués ont ly venaour pris, Ou bos les ont mené, lievres ont aquelis, Connins et aultres bestes dont ly bos est garnis. (Belle Hélène Const. R., c.1350, 392). Maiz il couvient que le chien queure A la foiz de[s] soleil levant Jusques pres de soleil couchant Ou autrement ne prendoit mie La beste qu'il a acuillie. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 471). Un jour ala as cers cachier. As levriers un en acoelli (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 124). ...combien que chienz de chevreul soyent saiges qu'ilz n'acuidront ne biches ne cerfs ne dain ne renart ne lievre, pou en y aura de saiges du chevreul contre un autre (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 218). Item, ledit seigneur ou ses officiers pevent porter et tendre en ladicte forest toutes manieres de fillés pour fere leur cache, et se ilz acueilloient un cerf ou une autre grosse beste hors de ladicte forest et de la garenne, ilz le pevent percacher et prendre dedens ladicte forest tant avant comme l'oye d'un cor de l'ourée de ladicte forest. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 176). En ce point estoit assemblé le roy Betis et Estonné des Desers et avoit chacun le glayve empugnié, puis brocherent les chevaulx et vindrent l'un contre l'autre plus bruyans que cerfz accoeuilliz des chiens. (Percef. I, T., c.1450 [c.1340], 176). Et plus avant, à la porte aux Paintres, avoit autres personnages moult richement habillez. Et, à la fontaine Saint-Innocent, y avoit aussi personnages de chasseurs qui acueillirent une biche ilec estant, qui faisoient moult grant bruit de chiens et trompes de chaces. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 28).

 

-

Accueillir le change. "Prendre le change, poursuivre le change au lieu du cerf de meute" : Il avient que, quant l'en lesse courre les jennes chiens rades aussi tost comme les autres, que de leur radeur il enpaingnent et passent oultre, et aqueillent le change bien souvent. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 40). ...moult de foiz, comme j'ay dit, et les veneurs et toute la meute acuillent bien le change la ou quatre chienz, ou plus ou moins, en meneront le droit. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 197).

 

-

P. anal. "Chasser, pousser devant soi" : ...ung plombeur, besongnant en icelle couverture, s'en devala en bas et laissa le feu où il chaufoit les fers à soulder en icelle couverture sans aucune garde ; et lequel feu le vent acueilli tellement qu'il s'envola et dispersa au long d'icelle charpenterie et couverture, en telle façon que, sans y povoir remedier, tout fut bruslé et ars. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 266).

 

Rem. Le vent chasse les flammes comme un chasseur le gibier. Cf. ds T-L quelques ex. où il est question du vent chassant des navires sur la mer.

 

.

P. métaph. : Comme la gallée fluctuant en mer, agitée et tempestée des vens impetueux (...) semblablement les pays du roy des Romains et de monseigneur l'archiduc, son filz, vacilloyent à tous letz, accoelliéz et aguillonnéz du soutil vent de France qui ne procuroit synon les abismer ou gouffre de perpetuelle servitude (MOLINET, Chron. D.J., t.2, 1474-1506, 89).

C. -

"Assaillir, attaquer"

 

1.

[D'un être animé] : A l'espee qu'il ot tranchant Les aquelly en tel maniere Qu'il fuient avant et arierre Ne ne sevent que devenir ; Bien voient qu'i[l] les faut morir. (Dame Lycorne G., c.1349-1350, 242). Au gentilz chamberlain bien raissener cuda, Mais Thiery li vaissalz per le bras le combrait. A la luite le prist, teillement le boutait Et per ung tour qu'il sot si tres bien l'acuellait, Ou il volcist ou nom a la terre le tumait. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 726). Me venriés vous point secourir, Compains, se chil troi m'acoelloient Et au tenchier me recoelloient ? (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 127). Pompee en l'encontre du duc Perpenna en Espaigne mist premierement compaignons en embusche, puis faignant d'avoir paour fist tant que en fuiant il tira les ennemis jusques la ou l'embusche estoit assise ; et aprés, quant la chose le requist, il retourna contr'eulx, et luy et l'embusche tout ensemble les alerent acueillir et de front et par my les deux costez et les detaillerent tous en pieces, et fut prins ledit Perpenna. (JEAN DE ROUVROY, Stratag., c.1425. In : Chrestom. R., 103). Et quant les deux chevaliers se veirent ainsi acueilliez de tous costez, ilz se couvrirent de leurs escus et commencerent a ferir sus leurs ennemis par telle randon qu'ilz leurs coupoient testes, bras et gambes. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 214). Or estoit messire Jehan de Luxembourg avec aucuns des seigneurs à Aussy, accueilli d'un trouppeau de dauphinois qui le congnoissoient, et ne chassoient que à luy faire très-mauvaise compagnie, pour ce que fellement et despiteusement se revengeoit. (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 267). Et toutesfois l'ennemy est debile, Car il ne vaincq fors cellui qui le veult ; Mais quant il voit que par voie facile Le peult avoir, lors fait il ce qu'il peult. Et quant de ce le vaincu ne se deult Ne ne s'arme de mes fortes armures, Lors son tempteur tant le point et accuelt Que trop lui fait de meschiefz et laidures. (MICHAULT, Doctr. temps prés. W., 1466, 170). Si sur noz champs quelque ennemy nous aqueult, Il sera temps lors de faire la guerre (LA VIGNE, Ress. chrest. B., 1494, 131). Tu verras bien commant je tappe Si quelque follastre acullons. (LA VIGNE, S.M., 1496, 309).

 

-

Accueillir qqn à + inf. ou subst. "Attaquer qqn en" + gérondif ; "attaquer qqn par" + subst. : Te souvient il de le saison Pour quoi a laidengier m'acoelles ? (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 79). Il l'ont ja moult dur recoelliet Et priés au tenchier ["querelle"] acoelliet. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 183).

 

-

[D'un animal] : Se vient aucun du miel cueillir, La mousche le vient accueillir (CHART., L. Dames, 1416, 255).

 

2.

[D'une chose]

 

-

[Du sommeil] "Gagner, saisir" : Le point du jour fut, que l'en seult Chasteaulx rober et escheler, Car lors sommeil le guet acceult Qui doibt l'ennemy desceler. (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 7). Moult me fut bel quant dame Ysengrine mist fin a son parler, car papier et chandeille me failloient, avec sommeil qui fort m'avoit accueilli car prez de minuit estoit. (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 88).

 

-

[D'une douleur physique ou morale, d'une maladie, d'une circonstance pénible] "Assaillir, tourmenter" : Las ! mesellerie m'accueille Trop griément, mais m'a accueilli. (Mir. emper. Romme, 1369, 296). Ne cuidiés pas que li cuers ne me dueille, Tres douce dame, et que l'amoureus dueil Moult durement ne m'assaille et accueille, Quant je me part de vostre bel accueil (MACH., L. dames, 1377, 160). ...car une maniere de fievres y court qui voulentiers acqueillent les gens (Voy. Jérus., c.1395, 86). Ma princesse (...) Faites le mal qui l'aqueult [mon coeur] retrenchier (CHART., R. Bal., c.1410-1425, 389). ...ceulx qui la doleur n'aqueult Si en parlent bien a leur aise. (CHART., D. Rev., a.1424, 308). ...s'il est vray que Nature me vueille Abandonner, je ne sçay que feray ; A Vieillesse tenir pié ne pourray ; Mais couvendra que tout ennuy m'acueille. (CH. D'ORLÉANS, Songe compl. C., 1437, 102). En ung penser me trouvay l'aultre jour, Fort acueilly de regretz dolloureux, En reputant mon estat maleureux. (MICHAULT, Procès honn. F., p.1461, 42). ...je me trouvay nagaires moult accuelly d'une dure pensee (Lyon cor. U., 1467, 27). Povreté fait cesser bruit et vaillance, Principalment en prince qu'elle acqueult, Car fournir fault cheval, harnas et lance, Gaiges et tout, et qui n'a ne le peult. (Lyon cor. U., 1467, 46). Je suis farouche, ce dictes vous, et rude : Il vient de vous, car, se fain m'acueilloit, Tant peu avés d'amour et chere estude Que nul de vous du pain ne me donroit (GAGUIN, Déb. labour. T., c.1480, 362). Qui tient le manche du marteau en son poing Peult marteler et fraper ou qu'il veult, Et cil qui va pour guerroyer trop loing, N'est pas merveille si povreté l'acqueult, Dont bien souvant ung estrangier requeult En son paÿs l'usuffruyt de sa terre. (LA VIGNE, Ress. chrest. B., 1494, 131).

D. -

"Prendre, recevoir"

 

1.

Accueillir qqc.

 

a)

"Acquérir, retirer [qqc. de négatif]" : ...car elle acuet grant blame De muance faire en la fausse game (MACH., J. R. Beh., c.1340, 126). Noble Lion, le bestail vous appelle, Et vous devez secourre voz subgis. Chacez ces loups, et se nulz s'atropelle En voz marches, ne souffrez le logis ; Car vous pourriez par eulx estre honnis Et acqueillir par leur fait povre nom (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 89). Ne dou mal qu'il acquet Confort trouver ne puet (MACH., Lays, 1377, 301). Fort une amer suy contraint, dont j'acueil Cent mil[le] maulx que par son doulz acueil Je porte et cueil (Rond. poés. XVe s. R., c.1400-1500, 134). Le desplaisir que j'en ac[u]euil Me fait desirer mon cerc[u]euil, Affin que ma douleur s'appaise (Rond. poés. XVe s. R., c.1400-1500, 92).

 

-

Accueillir blasme à qqn. "Exposer qqn au blâme" : "Tristan, souvent souspir De çou c'on dist que je vous aim ; A dieu premierement m'en plain, Car je n'ai à nul homme amour, Se Dieu plest, c'à mon cier seignour." - "Dame", ce respondi Tristans, "(...) Je n'euc onques viers vous pensée ; Pour çou soit li langhe coppée Qui vous a aquelli tel blasme." (JEAN DE LE MOTE, Regr. Guill. S., 1339, 67).

 

-

"Acquérir [qqc. de positif]" : Monstrez que vous estes saige et home digne de memoire, et devez tachier d'acueillir bruit et honneur et non pas croire vostre fureur (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 145).

 

b)

"Recevoir" : Tant s'esploitait li belz qui lez blanc armez ait Le prince ait consuyt, en fuyant le behordait, Maix au prince faillit car le cop aqueulla (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 356).

 

c)

"Prendre"

 

-

Accueillir sa voie. "Se mettre en chemin" : Le conte de Flandrez et son grant barnaige passerent les mons et acueillirent leur voye parmy Lombardie droit a Milan. (Baud. Flandre P.-M., c.1443-1452, 36).

 

-

Accueillir graisse. "Engraisser" : C'est la beste dou monde [le blaireau] qui plus aquieust gresse dedanz, et c'est pour le long dormir qu'il fet. Et son saïn porte medicine comme celui dou renart. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 103).

 

2.

Accueillir qqn

 

a)

"Recevoir de telle ou telle manière"

 

-

[Avec un compl., un adv. ou un gérondif précisant la nature de l'accueil]

 

.

[Avec un adv.] : ...jamais n'entenderoient à aultre cose, si les aroient conquis et le maison abatue (...) il les voloient ensi accueillier (FROISS., Chron. L., I, c.1375-1400, 191). Qant messires Robiers d'Artois se vei ensi aquelliés dou roi Phelippe et de la roine (...) il li deubt tenir et tourner à grant desplaisance (FROISS., Chron. D., p.1400, 198). ...au premier leur fait grant chiere Et un temps trop bel les acqueult (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 80). Cellui qui pourchase le vivre et l'estat et qui en a la peine et le soucy, ne puet, a moins que d'estre bien accueilli en son hostel (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 175). Qu'elle [sa maistresse] vueille Monstrer semblant que bien en gré recueille Ses fais et dis et doulcement l'accueille, Il ne croit pas que jamais il se dueille (CHART., D. Fort., 1412-1413, 171). Sy lui firent la porte ouvrir, en lui disant qu'il fust le tresbien venu ; et lors treshonnorablement l'acueillirent. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 91). Le roy pour l'andemain fist prier au disner le seigneur de Loissellench, les autres quatre barons, et les chevaliers et escuiers de leur compaignie ausquelz furent faiz tresgrans honneurs, et aprés disner les dansses avec les dames, la royne presente, qui tres amiablement tous aquuillist (LA SALE, J.S., 1456, 148).

 

.

[Avec un gérondif] : Et quant les barons entendirent que le roy ledengoit Achars pour la lacheté de lui, si s'enhardirent de parler et acueillirent cellui Achars en le blasmant et diffamant, et fu hüez et diffamez de tout le commun (Bérinus, I, c.1350-1370, 317).

 

.

[Avec un compl. prép.]

 

.

Accueillir qqn en + subst. désignant un sentiment. "Prendre qqn en amitié, en haine, ..." : ...et sur tous les autres il monstra grant semblant d'amour a Berinus, car moult l'avoit acueilli en grant chierté pour le bien que Gieffroy en avoit dit. (Bérinus, I, c.1350-1370, 162). Mes peres et ma mere me acueillirent en grant haÿne (Bérinus, I, c.1350-1370, 268). ...li rois et messires Hues li Espensiers furent aqueilliet en grant haine de toutes gens (FROISS., Chron. D., p.1400, 48). Li rois Phelippes emprist et aquella ce messire Robert d'Artois en (...) grant haine (FROISS., Chron. D., p.1400, 196). Si prye qu'en grace l'acueille, Car rien n'est que tant avoir vueille. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 66). Loys en tous ses faiz et dits estoit trés gracieux, serviable et honnorable ; pourquoy damoiselle Agathe l'accueilly en grant amour (Nouvelles inéd. L., p.1452, 10). Et par ainsi le duc craignant le roy (...), quant se vit ainsi acueilli en indignation sans cause (...), ne visoit qu'a soy fortifier par sens et de mettre en Dieu sa querelle (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 262).

 

.

Accueillir qqn à + subst. désignant un sentiment : Et celle, le mieulx qu'elle peut, Le reçoit et a joye accuelt. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 292).

 

.

Accueillir qqn de plait. "Poursuivre en justice" (GD) : Adont fu Piètres aquelliés de plait et sus le point d'estre là ochis pour la cause de che que il n'avoit autrement confortet Rasse et ses gens (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 73).

 

Rem. Cf. a. fr. accueillir de guerre, de bataille ds T-L et GD.

 

.

Accueillir qqn pour + attribut. "Accepter, recevoir qqn comme" : Si vous pri par grant courtoisie Que vous m'amie estre veilliez, Et pour vostre amy m'acueilliez (Jour Jug. R., c.1380-1400, 220).

 

.

Accueillir qqn entre + subst. plur. "Accepter, recevoir qqn parmi" : Il me suffit qu'Amours m'accueille, Quelque douleur que j'en recueille, Entre ses sers (CHART., L. Dames, 1416, 247).

 

-

Empl. abs. [Sans adv. ni compl. circ.] "Recevoir favorablement" : Si pri Amours de cuer qu'elle m'acueille Pour presenter à vostre doulz accueil (MACH., L. dames, 1377, 76). O corps mortel qui ton dieu descongneu As et laissié, Je doubte que Dieu ne me vueille, Mon chier enfent, Je doubte que Dieu ne m'acueille. (DU PRIER, Roy Adv. M., 1455, 619). L'AMANT. Vostre reffus assés je prise, Ma mignonne, pour ung prinsault. Se vostre oeil ung peu me desprise, De ce premier trait ne m'en chault. Mais que le froit reviengne en chault, Vostre dur cueur s'amollira. S'il ne tient plus que fil d'archault, J'espere qu'il m'accu[ei]llira. LA FEMME. Accueilli d'autre n'en sera Que mon mary dans ma pensée. (Colin loue dép. Dieu T., c.1485, 149).

 

b)

"Prendre comme domestique, engager, louer" : Si aucun est acuilly o ung autre et celui se marioit, et pour ce qu'il c'est marié il se vieult partir de son acuillaige... (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.2, 1437, 445). Les religieux, abbé et convent de l'abbaie de Moureilles (...) acuillèrent à varlet et serviteur ledit Blanchart (Doc. Poitou G., t.10, 1460, 266).

 

-

"Placer comme domestique" : ...ung nommé Jehan d'Arvoirs, dit Grant Jehan acueillit et alloua à ladicte Guillemete une sienne niepce jusques à certain temps lors ensuivant (Doc. Poitou G., t.12, 1482, 527).

 

-

"Prendre avec soi, se faire accompagner de" : S. BARTHELEMY. Le doulx sire N'a pas voulu maintenant dire En general tous ses secretz, Mais nous le congnoistrons aprés, Ung chascun en particulier. JUDAS. D'ou luy vient ce cas singulier Qu'il a Jehan et Pierre accuilly Et Jacques pour estre avec luy Et nous sommes cy demourés ? (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 129).

E. -

"Associer"

 

1.

Accueillir qqc. à qqc. "Adjoindre, unir" : Car du vostre (...) A pris, non pas une maison, Mais troys (...) Et les adjoint et adcueilli A la seue ou il demouroit, Qui trop petite li sembloit. (Mir. prev., 1352, 251).

 

2.

Accueillir qqn à qqc. "Associer qqn à qqc., le faire bénéficier de qqc." : ...quarante escuz d'or de..., c'est assavoir pour Dieu, en pure aumosne, pour estre accuilli, et ses amis et bienfaictours, as biensffaiz, aumosnes, messes, proières et oresons dudit hostel (Cartul. Hôtel-Dieu Cout. L., 1362, 174). ...pour participer a sa bonté [celle de Dieu] et estre acullis a sa clemence (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 86).

 

-

Accueillir qqn en qqc. : Puis dist des oiseaus debonnaires Qui acueillent en leurs affaires L'aigle, de Nature ordenée, Qui fait par voie mesurée Les oiseaus leurs signeurs cremir Et sous sa puissance fremir. (MACH., D. Aler., a.1349, 359).

 

-

"Associer qqn à qqc. (de mauvais, de négatif)" : Mais Jesu Crist tresdurement Les malvès seignours jugera. Le plus fort plus forment sera Es peines d'enfer tourmenté. Nepourquant ceulx qui o plenté Des biens en charité se vivent, Quant pour les biens qui lor arrivent Ne se sunt point enorgueilliz, Ilz ne sunt de rien accueilliz, Ce sachiez, a ceste sentence (Tomb. Chartr. W., c.1337-1339, 76).

F. -

[Valeur inchoative]

 

1.

Accueillir + subst. d'action. "Entreprendre" : Devers le mer s'en va, tout selonc le rivage. Envers Miekes le grant aqueille son voiage (Bât. Bouillon C., c.1350, 37). D'elle je me tairai pour le present icy ; Diray des Sarrazins, qui le corps Dieu mauldi ! Qui entour Babiloine ont leur siege acueulli. (Flor. Octav. L., t.2, c.1400, 427). Por aleir en Franche at sa besongne aquelhie (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.2, a.1400, 606). Trestous sunt desconfis, la fuite ont acolhue. (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.6, a.1400, 676).

 

2.

Accueillir la voie/le chemin... "Se mettre en route" : Atant Brun de Regnart s'eslonge, Son chemin acoeult, si s'en vait (Renart contref. R.L., t.2, 1328-1342, 82). Lors erranment Refu nos chemins acoeillus. (JEAN DE LE MOTE, Voie d'enfer P., 1340, 105). S'acueilli la plus courte voie Pour issir hors apertement De grief, de dueil et de tourment Et de volenté esbahie Ou avoir ne puet que folie. (MACH., D. Aler., a.1349, 368). S'i accueilli tantost ma voie Atout le gerfaut que j'avoie. (MACH., D. Aler., a.1349, 383). Des or s'en va Tangrés a le chiere hardie : Parmi les plains de Rames a se voie aquoillie (Bât. Bouillon C., c.1350, 215). Tout droit ver Peulle aqueullent lour santier. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 313). Vers les estans de Sicanie A Pluto sa voie acueillie. (MACH., C. ami, 1357, 88). Congiet prist a la dame la, Qui bellement l'eut recueilliet ; Il ont leur voisage acueilliet, Ils et ses escuiers errant. (FROISS., Méliad. L., t.2, 1373-1388, 64). Si commencerent a serchier leurs chevaulx, mais ilz n'eurent pas granment serchié qu'ilz les trouverent tous trois pessant l'erbe, et ilz leur misdrent les frains et se habillerent, puis monterent sus et commencerent a acuillir leur chemin droit devant eulx. (RENÉ D'ANJOU, Cuer am. espris W., 1457, 95).

II. -

Empl. pronom.

A. -

"S'engager, se louer"

 

1.

"S'engager comme domestique ou apprenti, se louer" : ...lequel et elle se feussent pieça allouez ou acuillis à certain temps avec le conte de Ronnay, pour le servir et gaigner leur povre vie et de leurs petis enfans (Doc. Poitou G., t.7, 1405, 85).

 

2.

"Louer ses services" : Toutes et quanteffoiz que ung maistre dudict mestier se range avec les varletz dudict mestier pour gaingner journée en l'ostel d'ung autre, ou qu'il se acceuille à ung autre maistre, à quelque temps que ce soit, il pert sa maistrise, et dès-lors n'est plus tenu ne reputé pour maistre, mais seulement tenu et reputé comme un varlet dudict mestier. (Ordonn. rois Fr. P., t.16, 1467, 549).

B. -

[Valeur inchoative]

 

1.

S'accueillir à. "Commencer à" : Adont de toutes pars s'acoellent Les pucelles au caroler. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 130). La dedens se baingnent les unes, Les aultres leurs amys despeullent, Les aulcunes poires ou prunes Ou quelques fruis es arbres coeullent, Ou a jouer au tiers s'accueillent, A l'erbette, a la calemaigne. (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 74).

 

2.

"Naître, commencer à se manifester" : La quelle royne, comme il est assez sçu, avoit espousé (...) messire Jacques de Bourbon, comte de La Marche ; mais après, quand elle en avoit pris son saoul par aventure, et que le renouveler lui plaisoit mieux que longuement soy tenir à un, sous titre d'aucune question, le fit mettre en prison et le tint en grand danger de son corps, comme autrefois avoit fait maints autres et fait mettre à mort aussi ; de quoy une grande haine s'accueillit entre les barons dudit royaume et elle (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 168).

C. -

"S'élancer" : Amour de cez vertus teillement l'anflamait Que malgrez cez neuxant contremont s'adressait, Et puis des esperon le bon destrier brochait. Poinst le destrier au duc, en destre l'enmenait ; Le destrier ou il sist teillement s'aqueullait, Malgrés cis de Callabre a hernex s'an allait Et le destrier au duc a l'estandair posait (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 217). Quant Thiery l'antandit, forment li annoyait ; Pour saillir en la neif vistement s'aqueullait, Maix a ceu qu'il saillit, per cez drapz le tirait Ung chevalier gentis qui garde s'an donnait. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 985).

 

Rem. V. escueillir, dont accueillir est ici une var. région. (pic., wallon). Accueillir présente aussi une var. accueillier : les deux paradigmes sont si largement confondus et leurs significations si étroitement communes qu'il a paru impossible de les dissocier.
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Jean-Loup Ringenbach

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