"Art de tenir dans la mesure, de régler, diriger, contrôler" : Car il avoit grant esperance Que science et amoderance Aprist de lui, et que son maistre Fust ; si en vauldroit mieux son estre. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 248).

-

Amoderance de raison : Et se a prosperité de fortune injure vient, et ire du ciel, aux enchartrez pour autrui crime, et quiconques desconfortez par deffault tresangoissant, suffrages administrons par francs courages. Non pas pour certain que nous apparoissons, mais pour voir que nous profitons a autrui, non pas que nous gaignons, mais que nous nous eslargissons, sont a distribuer de celles manieres choses profitables ; et par telle amoderance de raison que quant aux estranges nous secourons, pas ne nous devons procurer deffaute, par laquelle deffaute nous soions contrains, non pas je diray tant seulement de mettre les mains en autrui biens par violence, mais pour certain, ne devons y beer ne y muser. (Cleres nobles femmes B.H., t.2, 1401, 55).

REM. Autres ex. de CHR. PIZ. ds GD I, 269b.
 

A. -

"Fait d'atténuer, de modérer, de tempérer" : Ma dame Raison, qui ruine Deffendez a ou monde avoir, Puis qu'il vous plaist, diray le voir De mon avis sus l'ordenance De la mondaine gouvernance. Dont par deliberacion, Pour plus amoderacion Des vices qui y sont menans, Un tout seul prince y soit regnans, Comme vous et vostre conseil Deliberastes au conseil. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 133). Quant est venu cestui bon duc en aage de meureté, toute celle jolie jeunece a tournée en sens et amoderacion, en bon conseil, devocion et coustance, et combien que ses condicions aient tousjours esté louables, encore à present toudis en croissant les degrez de vertus sont ses meurs et ordre de vivre moult dignes de recommendacion et los (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 157).

Rem. Trad. de Gilles Colonne, Gouvernement des Princes, 1444 (ms. déb. XVIe s.), ds GD I, 269b.

B. -

"Fait de mettre qqc. dans des limites raisonnables" : ...nommez et escriptz iceulx habitans, imposez et assiz audit emprunt esd. papiers et chartreaulx de lad. assiete, et de certaynes admodéracions et réductions d'iceulx impostz, sur ce depuys fectes (Doc. 1473. In : Bibl. Éc. Chartes 43, 1882, 469).

Rem. Doc. 1330 et 1442 ds GD I, 269b.
 

"Avec modération, sans excès" : Cy dit comment le roy Charles respondi amodereement à ceulx qui le hastoient. (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., II, 1404, 50). ...car pluseurs se desertent et mettent a povreté par telz oultrages qui fussent bien aiséz, se amodereement voulsissent vivre. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 158). Ceste parolle s'entent aux princes et puissans hommes et veult dire au propos du peuple dont nous parlons soupploier ou espargner que comme il soit bien en la puissance du seigneur de pugnir son peuple s'il a mespris, neantmoins, s'il si [l. s'i] maintient amodereement c'est plus ferme chose à sa seigneurie que s'il estoit moult vindicatif (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 125). Adont, les trompetes et clairons sonneront amoderement, et marcheront les ungs contre les autres tout vellement jusques ad ce qu'i se entre-renconteront de lances. Et romperont chacun sa lance contre leur homme. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 314).
 

I. -

Amoderer qqc.

A. -

Empl. trans.

1.

"Tenir dans la mesure, régler, diriger, contrôler"

a)

[Le compl. d'obj. désigne un mécanisme] : Et pour ce que li orloges ne poet Aler de soi (...) Pour ce li fault a sa propre besongne Un orlogier avoir, qui tart et tempre Diligamment l'aministre et attempre (...) Et les roes amodere et ordonne (FROISS., Orl., 1368, 105). ...pour cause que tu ne puez admoderer ton mouvement a chacune heure ung tour pour ce qu'il va tropt tost, tu doiz faire ung paignon en l'arbre de la roe du mouvement ou il ait 6 dens ou plus ou moins selon que tu verras estre a faire (...) et si tu y faiz 12 chevilles, tu doiz faire 108 dens. Manieres bonnes pour petiz horeloiges pour ce, come dit est, que on ne puet pas admoderer la roe du mouvement qu'elle ne face plus d'un tour a chacune heure (Traité d'horlogerie Z., c.1380, 279).

b)

[D'un astre ; le compl. d'obj. désigne le mouvement des planètes] : Finablement, il [le soleil] amodere et rigle les mouvemens de toutes les planettes et toutes leurs vertus et les accorde ensamble. (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 16).

Rem. L'éd. glose "modérer". Interprétation critiquée par K. Baldinger, Z. rom. Philol. 102, 1986, 653 qui corrige par "gouverner".

c)

[Le compl. d'obj. désigne l'action d'une pers.] : Mais avient ainsi qu'il s'en fuyent tousjours pour la paour de ce qu'il est si grant, et lors court il aprés et en courant les fiert ou boute de son tinel et arrant les a mors, car il est si fort a outrage qu'il ne scet son coup amouderer, et si me dist aussi que telx y a qui se veullent combatre a luy et le veullent ferir d'espees ou d'apches et de lances, et il lez ocist errant s'il en y avoit cent, car tant est fort que nul ne pouroit durer encontre luy. (Chev. papegau H., c.1400-1500, 81). ...et par plusieurs fois l'atteindit de coups si pesans, que ung moins puissant l'eust à grand meschief soubstenu sans cheoir à terre. Mais l'Angloix avoit assez puissance, et beaucoup hardemment et couraige ; et quand il veit que le chevalier l'assailloit si fierement, il amodera sa bataille, et se gardoit et contregardoit plus froidement qu'il n'avoit commencé (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 126).

2.

"Atténuer l'intensité, la violence de qqc."

-

[Le compl. d'obj. désigne un sentiment ou sa manifestation, une passion] : Si amodera son courage et manda ledit messire Henry par devant luy (LE BEL, Chron. V.D., t.2, 1358, 28). A cestuy point commancerons Et, premier, nous vous monstrerons Les plaintes que faire pouoient Les peres qui ou limbe estoient, Actendans leur redemption Par la haulte incarnacion Du doulx et benoist filz de Dieu Qui leurs plains, en temps et en lieu, Entendit et amodera Par la mort qu'il en endura. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 33). ...amodérez, amodérez vos murmures, et venez à jugement de saine raison, qui vous donne à cognoistre qu'en dure et violente mort peut avoir bonne fin (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 28). Pareillement remirés votre coeur Ensanglanté d'aïreuse amertume, Enflé de doeul, noir comme contrecoeur, Hatif vengeur, qni ne demande qu'heur De batallier, ne luy chault ou il thume ; Sainctes dames, changiés luy sa coustume Attemprés vous, amoderés vos ires, Crevés son enfle et lavés l'en vos buires. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 677).

-

Amoderer qqc. de / par + compl. de moyen : Pour ce la sage ancienne dame, quant elle sentira que son courage sera enclin a tencier ou se corroucier, elle l'amoderera par celle sage discrecion (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 198). Se hommes estes, sages et fors, Vaincquez doncques la grant ardeur Et la luxure de vos corps, Et l'amoderez de froideur. (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 251). Il fault que je me contregarde De procurer crismes infectz Et admoderer mes forfaiz Par penitence et oroison (LA VIGNE, S.M., 1496, 498).

3.

"Mettre qqc. dans des limites raisonnables ; limiter en nombre" : Gardes du chastel de la Ferté, lesquelles gardes nous avons prises es rooles de la Chambre des Comptes, lesquelles aucuns cognoissent, si comme il est contenu en leurs denommemens, et les autres ne les veullent congnoistre pour ce que de trop grande ancienneté ne furent requises. Si avons prisies les plus cleres et icelles amoderées en la maniere et ainsi que dess[o]us est exprimé. (Comté Champ. Brie L., t.2, 1368, 559). La dame par une prompte et plaisant response delivra soy du dangier de justice seculiere, et si fist amoderer [var. moderer] et refreindre l'estatut de la loy au commun proufit des dames. (PREMIERFAIT, Décaméron D., 1414, 726).

-

Amoderer qqc. au nombre de. "Réduire qqc. au nombre de" : ...les diz habitans de la dicte parroisse de Solignac, qui par avant la dicte informacion estoient assis et paioient pour onze feux par an, admoderez et ramenez au nombre de sept feux par an. (Mand. Ch. V, D., 1380, 928).

-

Amoderer [un groupe] en nombre. "En diminuer le nombre" : Cy traicte la royne Verite ou VIIe point du quart quartier du royal eschequier d'amoderer en nombre les lieutenans et chevetaines du roy. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 400).

B. -

Empl. intrans. ou pronom. [D'une phénomène naturel] "Être moins intense, diminuer" : ...et que lesdictes gelées, neges, glaces et froidures se fussent amoderées dès venredi derrain passé pour la nouvelle conjunction lunaire (BAYE, I, 1400-1410, 215).

-

[D'un sentiment] "S'atténuer" : Sy en fut le fils si convoitié à y estre vu que nul désir ne s'y pouvoit ammodérer de conjoïssement, à l'heure quand il s'y estoit trouvé. (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 189).

C. -

Part. passé en empl. adj. [D'un phénomène] "Progressif (et non pas brusque)" : La premiere condition est qu'il soit acoustumé. La seconde : qu'il ne soit pas incontinent aprés mengier. La tierce : qu'il ne dorme point la teste basse. La quarte : que le sommeil ne soit pas de longue duree. La quinte : que le resveil ne soit pas subit mais amoderé. (Rég. santé corps C., 1480, 9).

II. -

Amoderer qqn

A. -

Empl. trans. "Calmer, contenir, apaiser qqn" : Ensi a grant mescief les amoderoit et refroidoit de lors folies li sires d'Antoing (FROISS., Chron. D., p.1400, 384). ...li rois d'Engleterre est moult courchiés sus vous tous et ne sçai pas conment on le pora brisier ne amoderer (FROISS., Chron. D., p.1400, 838). Si ton prince est cruel, tu le dois amoderer par bons exemples. (CHR. PIZ., Ep. Othea P., c.1400-1401, 258).

B. -

Empl. intrans. ou pronom. "Se modérer, se tempérer" : Je ne poroie aler non plus avant En cel estat, ne moi amoderer, Quant tous mes fes voeil bien considerer (FROISS., Orl., 1368, 108). Certes, dame, l'autre est esné, Mais divine permission A estably et ordonné Que mon pére ait sur moy donné Le droit de benediction, Et sommes en division, Mon frere et moy, pour cest esdict ; Lors ma mére Rebecque a dit, Pour le lesser amoderer, Que je me vienne retirer Vers vous a secours doulcement ; Et si vous requiers humblement Que de moy pitié vous ayez. (Myst. Viel test. R., t.2, c.1450, 194). [Var.] La seur du roy (...) rendoit toute paine a la rappaisier en la priant qu'elle se voulsist reconforter et amoderer (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 401). Et par ainsi jusques à maintenant que le duc avoit fait descendre ses gens d'armes au pays, et dont ils en voioient si grant multitude, ne s'estoient oncques voulu ploier, ne amodérer en leur fierté, sur l'espoir qu'avoient toudis en leurs favorisans et forts passages (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 127). Dieux, comme fut Aymery dolant du commandement que cellui chevalier lui fist ! (...) Au fort il s'amodera, puis pensa a ce que son oncle Gerart lui avoit dit a Vienne (Garin Mongl. K., c.1460-1465, 68).

C. -

Part. passé en empl. adj. [D'une pers., d'un de ses attributs, de son comportement... ; d'une personnif.] "Modéré, tempéré, pondéré" : ...ceste parole fu d'une amoderée reprehencion. (Mir. Theod., 1357, 80). Justice, or entendez a nous, Vous qui estes a deux genoulx, Doresnavant je vous command, Or entendez bien mon command, Que vous soyez bien actemprée, Plus doulce et plus amoderée, Que par cy devant vous n'avez Esté, et sur piez vous levez, Et contemplez Misericorde Et se soit finée discorde. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 284). Faulte de sens et trop aise estre Le firent sortir de son aistre Comme homme peu amoderé (Abuzé D., c.1450-1470, 90). Je luy donnay entendement haultain, Engin subtil, parler doulx et humain, Apprehensive et memoire tenable, Corps sobre et nect, travaillant soir et main Pour mettre en oeuvre laborieuse main Dont sa vertu estoit communiquable, Regard courtois, propoz ferme et estable, Cueur magnanime, franc et amoderé, Dont ennobly estoit et decoré. (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 169). ...Marcus Rustillius, estant sensor de Romme, et Lucius Quintus Cinciatus furent en leurs offices si très amoderez (LA SALE, Sale D., 1451, 75). Sy y alla ledit président, homme bien amodéré et doux-parlier. (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 278). En ce tempz, fina de ce siècle Frederic, seigneur de Montigny, filz du comte de Hornes et frère de l'evesque de Liège, fort chevalereux de corage, agille de corpz, homme sans paour et hardi entreprenant ; et, s'il eusist esté autant amoderét qu'il estoit chault et boulant, on le eusist compté pour ung noble chief d'oeuvre. (MOLINET, Chron. D.J., t.1, 1474-1506, 555).
 

Empl. pronom. "Perdre la mesure, perdre patience" : Car, quant en memoire luy vient La fortune qui luy seurvient, Aucunement se desmodere, Mais aprés, quant il considere Que le filz de Dieu beneuré A tant souffert et enduré Pour mondifïer nostre ordure, Il treuve que ce qu'il endure N'est riens au regard de la somme Que Jhesus voult porter pour l'omme. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 267).

-

Au passif. Une chose est desmoderée d'une autre chose. "Une chose. est déséquilibrée (dans sa composition) par rapport à une autre chose" : Et sont les qualités que les corps tiennent des elemens desqueulx sont faitz et composés. (...) Desquelles qualités quant l'une est demoderee des autres s'ensuit qu'on est malade. (Comp. kal. bergiers C., 1493, 55 v°).
 

"Sans mesure" : Immoderabilis (...) : immoderables, sans moderation, sans atrempanche (LE VER, Dict. M.E., c.1420-1440, 218).
 

"Absence de mesure" : Les oyseaulx domestiques, comme sont gelines et coulombs, font leurs faons en temps discretz et convenables, et sont asseurez de l'intrempance et immoderacion de l'yver. Mais cestuy oyseau Altion seul entre les oyseaulx sauvages fait ses faons ou temps d'yver. (Jardin santé R., c.1500, f° 62 v° b [BnF / Gallica]).
 

[D'une chose] "Excessif" : Par nature engien proufite, il est aidié par usage, par labeur immoderé est rebouté et par attempré excercice est aguisié. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 37). Nous ne te commandons pas jeusnes immoderees ou sans maniere et abstinenche de viandes sans rigle, par laquelle le corps soit tantost derompu et desechié, par quoy il deviegne plustost malade qu'il ne face quelque bonne euvre. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 369). Et qui plus est se sont renduz a immoderee avarice en procurant par symonie, et par aultres voyez illicitez, litigieuses et prophanes, en corruption et autrement, benefices et prelatures espirituelz, et qui plus est se sont souillez et occupez es affaires citoyens et aux negoces et cures temporelles. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 176). Satiriazie est continue erection de la verge avec desir et appetit de habiter, mais priapisme c'est continuelle et immoderee erection sans appetit et sans desir de habiter. (GORDON, Prat., c.1450-1500, VII, 2). Sentant en mon cueur douleur immoderée par poincture invisible, en songe eficax et merveilleux receue, dont mes sens estoient soppiz, mon entendement ravy et abstrainct, et ma fantasie laborant envers la chose offerte portant le mistere, dont bref apres fuz faict certain par l'epistre que tu, o tresclair et tresaorné homme, vehement excitateur de mes esperits litargiques, m'as escripte et curieusement envoyée. (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 161). Car le plus souvent, ilz sont menez par leurs trop immoderees passions ou par trop desordonnees affections. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 195). La troisiesme eage qui fut nommee eree, Par cruaulté fut toute immoderee, Fort preparee a noises et debas. (ANTITUS, Poés. P., c.1500, 33).

-

[D'une quantité, d'un nombre...] : Et par tele chose il ensuiroit selon Aristote que en la policie de l'Eglise quant a ce seroit une inequalité immoderee et non consonante a bonne policie, selon ce que fu dit ou .XIe. chapitre du secunt livre. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 144). Et donques se un royalme ou une chose publique se estendoit par toutes terres, ce seroit aussi comme une infinité et une quantité enorme et immoderee (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 291). ...à poursuir et conseillier ceste chose on devoit appeller des gens du Grant Conseil du Roy (...) et autres de la ville de Paris, preudommes, non trop affectez ou parcialz, en souffisant nombre bien moderé, afin que, par assemblée de gens en nombre immoderé, inconvenient ne puist ensuir. (FAUQ., I, 1417-1420, 53).

-

"Incontrôlé" : Princes, mettez frain à voz voluptez, Car les ceptres qui sont immoderez Tumbent tantost et ne sont point estables (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 179).
 

"Au-dessus de toute mesure, excessivement" : ...ce est mal quant un membre de la policie passe les autres immodereement en puissance ou en richeces. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 209). Flux de sang immoderement vient aulcuneffois pour plaie ou pour choses semblables (GORDON, Prat., c.1450-1500, I, 26). Passion diabetique, c'est effusion d'orine immoderement et dois entendre que en passion diabetique, on a soif moult intense et boit on moult et ainsi que on le boit, on le pice. (GORDON, Prat., c.1450-1500, VI, 13).

REM. Trad. de Gilles Colonne, Gouvernement des Princes, 1444 (ms. déb. XVIe s.), ds GD IX, 784b.
 

"Qu'on peut modérer" : Moderabilis (...) : moderables (LE VER, Dict. M.E., c.1420-1440, 307).
 

"Avec mesure" : Moderabiliter (...) : moderablement (LE TALLEUR, Vocab. E.M., c.1490, 228).
 

"Modération, mesure" : Moderabilitas (...) : moderableté (LE TALLEUR, Vocab. E.M., c.1490, 228).
 

"Habitude de se modérer, d'éviter les excès" : Et ceulz qui gardent leurs pecunes estroitement, aucuns le font pour une maniere de actrempance et moderance et pour paour de laidure (ORESME, E.A., c.1370, 240). De grant sens et de moderance Certes bien sembla estre siege. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 98).

Rem. BERS. et trad. de Gilles Colonne, Gouvernement des Princes, 1444 (ms. déb. XVIe s.), ds GD V, 352c.
 

"Celui qui modère, qui dirige, qui gouverne" : Les ungs de voz gens par envie ont faulse le testament de mon Pere, et fait division des enfans a la mere, de l'espouse au mary, ensieuvant cellui qui s'appel[le] moderateur des Rommains [Jean V Paléologue], c'est l'empereur scismatique de la cite Bisance appellee, et ores Constantinoble, et ses callogeros aussi, orgueilleux et ypocrites (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 258).

Rem. Doc.1416 ds TLF.
 

"Qui a le pouvoir de modérer" : Moderativus (...) : moderatif (LE TALLEUR, Vocab. E.M., c.1490, 228).
 

A. -

Moderation de qqc.

1.

"Fait de rendre moindre (une imposition, une charge financière...)" : Dune autre aide (...) pour garder et deffendre le clos de Costentin envers tous et contre touz gens de compaigne (...) et pour une creue du quart dautant qui fut levée avec, pour fournir une moderation que len fist de la dicte recepte en faveur des gens deglise qui en ce estoient comprins et qui nen poierent aucune chose (Compte Navarre I.P., 1367-1371, 41). Item. Parleront de la modéracion des patiz qui selon la forme des dictes trèves doit estre faicte ou pays de Guienne d'une part et d'autre. (Ch. VI, D., t.1, 1401, 216). À la veufve et heritiers de feu Regnault le Clerc, à laquelle mesdits seigneurs ont semblablement moderé et quittié 10 l. p. de rente, (...) pour ce, cy, pour la moderacion du temps dont ce present compte fait mencion, par vertu de ladicte requeste rendue sur le troisieme compte dudit receveur 40 s. p. (Comptes Paris V.L.D., t.1, 1440-1441, 236-237). ...pour la moderacion des termes de Saint Jehan, Saint Remy, Noel 1440, Pasques, Saint Jehan, Saint Remy, Noel 1441, Pasques et Saint Jehan 1442, pour ce que ès comptes rendus paravant cestuy n'en a esté reprins aucune chose, par vertu d'une requeste expediée au Bureau en l'Ostel de ladicte ville le 24e jour de novembre 1442 (Comptes Paris V.L.D., t.1, 1441-1442, 288). ...lettres contenans prorogacion et continuacion jusques à vingt ans de la moderacion aultresfoys par nous faicte de la moictié des rentes, en quoy nous sont redevables chascun an les fieffermes et aultres possessions de nostre dit cousin desclerées ès dictes lectres (Lettres Louis XI, V., t.4, 1469-1472, 159). De Francisque de Luzerne, (...) la somme de quatre vingts douze ducaz modérée de la somme de cent ducaz, en laquelle somme il a esté condempné par le juge des crimes, en sa court, pour une peine faillie et dont estoit pleigé pour lui le seigneur de Figuenière, laquelle modération que est de huit ducaz lui fut ainsi faicte au lieu de Peyrolles pour la despence d'aller et de venir apporter l'argent luy mesmes en personne (Comptes roi René A., t.2, 1477, 458-459).

2.

Au fig. "Fait de tempérer qqc." : Mais pour une maniere de moderacion et amesurement de raison quant est en soy reputé digne. (ORESME, E.A.C., c.1370, 248). ...et pour ce l'appellent libelle diffamatoire (...) car libellus diffamatorius n'est que escripture contenens paroles injurieuses, comme sont lesdictes lettres, sans pour ce volant injurier le Roy ne autre officier, et pour ce requeroient la revocation ou moderation (BAYE, II, 1411-1417, 200). ...pour selon ce restraindre et moderer la reservacion et disposicion des benefices que le Pape vouloit generalment à soy atraire sans limitacion ou moderacion (FAUQ., II, 1421-1430, 202).

-

"Fait d'atténuer la portée d'un acte" : Car ainsi nous plaist il estre fait, saulf et reservé à nous et à noz successeurs, contes et contesses d'Artois, la moderation, ampliation, correction, declaration et interpretation de ces dites presentes (Hist. dr. munic. E., t.1, 1466,,, 112).

B. -

"Vertu, comportement d'une personne qui évite tout excès" : En cest excercice trois choses sont necessaires, asscavoir des disputans droite intention, ordonnanche et maniere ou moderation. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 138). L'en raconte que Plutarcus escript un livre de l'amesurement et moderacion des maistres et gouverneurs que l'en appelle Archigramaton et dit on qu'il enseigna moult et enclina le maistre de sa cité a pacience et a euvres de justice tant par exemples comme par paroles. (FOUL., Policrat., IV, 1372, 73). Les chambrieres de la Dame des OEuvres Sapience la royne, sont prinses en figure, pour figure, (c'est assavoir) pour equanimite, consideration, moderation et perfection. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 107). ...la moderacion terencienne (c'est assavoir "sans riens trop") (COL, Resp. deux traités H., 1402, 101). Veult dire Valeire cy dessus allegué qu'il n'est chose tant perfectement belle, grande et magnifique comme celle qui est menée par atrempance et moderacion. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 165). Et avec ce la Court, considerée sa povreté, le condempne à tenir prison fermée par l'espace d'un mois au pain et à l'eaue, saulve la grace et moderacion de la Court. (FAUQ., II, 1421-1430, 309). ...le clergié est dispers et vague et opprimé, et la regle de moderation et honnesteté ecclesiastique tournee avecquez le temps en desordonnance et dissolution (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 19). ...obeissez au roy vostre prince d'une bonne et vraye amour et moderacion, car vostre propre couraige en ce qui est raisonnable vous y compelle (JUV. URS., T. rever., 1433, 88). Desquelles choses je me vueil taire, pour ung peu parler de la tresdoulce moderacion de ce tresvaillant homme Claudius Nero ; desquelz peu s'en treuve au jour d'uy, qui ainssy vertueusement eussent sersié l'onneur et l'amour de son resconsillié ami. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 45). Et Ciceron y met la raison en la fin du premier livre Des Offices quant il dit que toute honnesteté procede ou de congnoissance ou de communité ou de magnanimité ou de moderation, que nous disons attemprance... Moderation ou attemprance nous retient de offenser aultruy mais nous esmeut a complaire a chascun. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 217). Finablement, veult attemprance et moderation que nous ne offensons aultruy, mais ançois procurons le bien et honneur de chascun pour la charitable societé qui est entre les hommes. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 218).

-

P. méton. "Fait d'appeler à un tel comportement" : ...et rappeller les doit-on par moderacions propices, si comme Valere raconte de Polemon le philosophe, lequel, en sa jeunece, fu sanz nul frain habandonnez à luxure et à toute dissolue vie. (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 29).
 

A. -

[D'une chose]

1.

"Peu important" : La posté roial est determinee et moderee en intension ou auctorité sus les subjects, si comme il appert ou .XIIIe. chapitre du tiers. Et donc par semblable, elle doit estre moderee en estension ou largesce du païz. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 292). Et par aventure, une puissance autre est telle qu'elle ne puet pas estre ainsi determinee absoluement, mais requiert distance moderee en grandeur et en petitesse. (ORESME, C.M., c.1377, 192).

Rem. Doc.1348 ds TLF.

-

[En quantité] : Car de richesces moderees et moiennes aucun puet bien ouvrer selon vertu. (ORESME, E.A., c.1370, 528).

2.

"Sans excès, sans déséquilibre" : Dont a che propos dist Boece que "l'escolier doit avoir chevance moderee pour estudier et portion convenable, en portant virtueusement en gré les duretés de l'estude, en contendant tousjours a scavoir choses haultes, en obeïssant a tous en peu parlant, et doit estre leal en son serviche faisant, doulx en parler sans avoir le cuer eslevé..." (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 42). Toutes fames qui ont le corps moderé, se telles fames advortent ou second ou tiers moiz, sans occasion magnifeste, a telles fames cotilidones sont plaines de muscillages (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 85). Maiz qui pourroit reprendre Jhesu Crist d'avoir mespris contre loy de nature, quant si convenablement luy estably nourreture moderee, et generation deue et legitime ? (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 129). ...les flourettes par l'humeur de la terre eschauffée et reprenant la vigeur de generation procedant des influences du solleil, qui lors sont moderées et attrempées, pour ce que le cercle equinecial est en egalle portion vers orient et vers occident, decorent et embellissent les prez pour adoulcir les pasturages aux bestes mues (BUEIL, I, 1461-1466, 19). [Elle] estoit moult bien comprise de corps, par longueur moderee, blanche comme la rose de may, les cheveux avoit reluysans comme le fin or, et dessoubz estoit sa face terminee a ung petit de longueur (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 73).

B. -

[D'une pers.] "Qui fait preuve de modération, qui a la vertu de modération" : Et aussi celui qui ne aime ou desire honeur aucune foiz nous le loon comme moderé et bien actrempé (ORESME, E.A., c.1370, 259). Les vngs sont enclins a bien et les autres a mal selon les complexions. Le sanguin de sa complexion est simple, ioyeux, modere, doulx et amiable et liberal, et si est chault et moite, de corps bien dispose, bien couloure, et est la meilleur complexion car le sang est humeur conuenable a nature (CIB., p.1451, 218). Car, se le chief n'est discret et moderé, à paine fera-il chose qui vaille, ne lui, ne ceulx qui sont en sa conduitte. (BUEIL, I, 1461-1466, 130).

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[Du comportement] : Il avoit manierez tant modereez que ce qu'il faisoit plaisoit a Dieu et au monde (Comte Artois S., c.1453-1467, 26).

-

[De la vertu elle-même] : Car ilz ensievent de legier les mouvemens de yre ou de tristresse, de douleur et desplaisir ou de joye et liesse, de amour ou de hayne et de semblables passions, sans user de discretion et de moderee attemprance quant telz mouvemens leur surviennent, en delaissant par ces moyens le droit chemin de equité, de verité, de justice et de raison (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 195).

-

"Qui est bienveillant" : Et quant l'homme est absent [l. ,] que sa femme sente et apperceve que nul ne est melleur a elle ne plus moderé ne plus propre que son mari. (ORESME, Ycon. Arist. M., 1374, 839).

V. aussi moderer
 

"Action de modérer" : Et [le corps] est demené aussi comme par .I. vouloir ou plaisir de souveraine equité et est gouverné par .I. moderement ou attrempement de raison. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 209). [Éd. 1489 ds GD V, 353a]
 

"Avec mesure, sans excès" : Et se auchunes se aournoient par dehors, che faisoient elles modereement et par pure intention (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 414). Et se delicte modereement et actrempeement en granz et vertueus honeurs, aussi comme en recevant ses propres choses ou mendres que elles ne li sont deües (ORESME, E.A., c.1370, 251). Et ceulz qui en giex se portent modereement et se contiennent actrempeement, il sont appeléz eutrapeles, c'est a dire, bien tournans. (ORESME, E.A., c.1370, 270). Et la cause fu pource qu'il usoient des subjects modereement et attrempeement, et en moult de choses il servoient et obeïssoient as lays. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 252). ...non mie que ce soit fait par orgueil ne menaceusement, par fierté, haulçant la teste et levant les sourcilz comme beste effraiée, mais modereement parler comme seigneur de belle et haulte maniere (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 172). ...toutesvoies, ce n'estoit pas l'entencion des dessusdis de conseillier le Roy à empeschier du tout que l'Eglise de France ne contribue moderement, ainsi que les eglises des autres royaumes contribuent et sont tenues de contribuer raisonnablement, à la conservacion et substentacion du Pape et droiz de l'Eglise universal. (FAUQ., I, 1417-1420, 49). Et pour ce avons deffendu et deffendons auxdits huilliers que doresenavant ne retiennent aucunes des tourtes ne pains dessusdiz, mais leur avons ordonné et commandé, ordonnons et commandons qu'ils les rendent aux bonnes gens avec leurs huilles, en eux payant raisonnablement et moderement de leurs sallaires et façon de ladite huille, selon la qualité et quantité qu'ils en feront (Mét. corp. Paris L., t.1, 1431, 554). Je sçay bien qu'il fault argent pour deffendre les frontières et les garder, quant il n'est point de guerre pour n'estre surprins, et le tout faire moderéement (COMM., II, 1489-1491, 218). Toutesfoiz moderéement gouvernoit ceste grand auctorité, car, comme ay dit, il estoit des plus saiges de son temps. (COMM., III, 1495-1498, 43).
 

I. -

Empl. trans. Moderer qqc.

A. -

"Diminuer qqc."

1.

"Ralentir (un mouvement), régler (la roue d'un mécanisme d'horlogerie)" : Et si tu veulx faire une cheville en la croiz de la roe du mouvement pour lever la destente, tu la doiz moderer tellement qu'elle face a chacune heure ung tour precisement (Traité d'horlogerie Z., c.1380, 278).

2.

"Diminuer la valeur de qqc. (parce qu'elle est excessive)" : ...il est expedient que les charges des gens d'armes et les gaiges et provisions des grans chevetaines de nouvel soient refreschies et au prouffit de la guerre dignement moderees (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 402). ...tu doies trouver une juste pratique et gracieuse voie par laquelle les males coustumes en leur effect tyranniques, qui asservissent le peuple gallican encontre Dieu et toute bonne police, soient ou rabbatues les uns et les autres moderees ; c'est assavoir des oultrageux travers, peages, tonnelieu, males costumes et autres grans servitudes aux eglises, au peuple et aux marchans (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 414). Il sera dit que la Court a moderé et modere les arrerages desdis IIJc grans pains blans (FAUQ., III, 1431-1435, 48). Item que tous gaiges ordinaires aussi feussent moderez, et que toutes manieres de mengeries par forme de usure, de vendicions, de marchandises, chevauchees et aultres choses feussent condempnees, et doresenavant l'argent des aides fut employé au fait de la guerre, ainsi que il doit estre (JUV. URS., Nescio, 1445, 551).

Rem. Mét. corp. Paris L., t.3, 1357, 338.

-

Moderer qqc. à. "Réduire (une somme d'argent) à" : ...laquelle somme pour ce qu'elle avoit semblé à plusieurs estre excessive avoit esté moderée es Estatz de France à douze deniers tournois pour chascune cause, (...) touteffoiz icelle moderation depuis a semblé estre dommageuse (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.4, 1490, 494). ...touteffoiz eu regard et consideration aux charges que noz bons et loyaulx subjetz dudict bailliaige ont supportée par cy devant et font encores, nous les avons moderez à la somme de cinq mil livres tournois (Lettres Ch. VIII, P.M., t.5, 1496, 84).

.

[P. méton. du compl.] : ...et y a eu deux chauffours dont l'un n'a point esté tout plein, pour ce a esté moderé et revallé par le conseil des gens de Monseigneur lesdis deux chauffours à un chauffour et demy, au prix dessus dis montent cinquante quatre frans qui vallent XLIII l. IIII s. (Trés. Reth. S.L., t.2, 1409-1410, 604).

-

Moderer qqc. à qqn. "Diminuer à qqn la somme d'argent qu'il doit" : De Jehan Caignart, (...) pour deux loges ou echoppes assises sur ledit Petit Pont, lesquelles japieça il souloit tenir ou pris de 16 l. p. an, et depuis messeigneurs les Prevost des marchands et echevins de la ville de Paris lui ont moderée ladite somme (Comptes Paris V.L.D., t.1, 1426-1427, 123). ...ladicte somme de vingt six livres parisis de rente leur estre moderée et diminuée pour toutes rentes et charges à seize livres parisis (Paris domin. angl. L., 1427, 278).

-

Part. passé [D'une somme d'argent à payer] "Rendu moindre, diminué" : ...ou paiera pour ce finance moderée pour acheter heritaiges, pour nous ou nostre dit demaine descharger (Doc. Poitou G., t.7, 1414, 248).

-

Moderé de. "Diminué, amputé de" : De Francisque de Luzerne, (...) la somme de quatre vingts douze ducaz modérée de la somme de cent ducaz, en laquelle somme il a esté condempné par le juge des crimes, en sa court, pour une peine faillie et dont estoit pleigé pour lui le seigneur de Figuenière, laquelle modération que est de huit ducaz lui fut ainsi faicte au lieu de Peyrolles pour la despence d'aller et de venir apporter l'argent luy mesmes en personne (Comptes roi René A., t.2, 1477, 458).

3.

"Équilibrer (plusieurs choses)" : Par tel maniere dont soient les espaces d'estude et de dormir moderees que, ou temps qu'on doit estudier, on ne dorme pas ne, ou temps que dormir convient, on ne se tiegne a l'estude. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 122).

B. -

Au fig. [D'une pers. ou d'une chose]

1.

"Tempérer qqc." : ...il le convient moderer [l'étude] principalment es enfans et es josnes gens, afin que par trop grant traveil ne nuise au corps, ou qu'elle ne destruise la chambrette de la memoire ou cervel, ou qu'elle ne oste le norrissement de dormir (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 122). Encors affiert aux esquevins, et nient à maieur, de commandeir, par leur lettres de leur dois maistres saëlées, à tous cheaux qui enpeceroient les jugemens par eaux rendus, qu'ilh cessassent dedens XV jour, et cetera. Et, se ce refusoient à faire, ons leur commanderoit secondement, sour leur honneur, par lettres oviertes presentéez par l'un des chamberlains deseurdis, de cesseir et de mydereir l'exchès dedens XV jours ; et, se defallans en estoient, ilh sieroient attains de leur honneur. (HEMRICOURT, Patron Temp. B., c.1360-1399, 104). Et pour ce, est ce forte chose de tenir en subjeccion et de moderer telle passion laquelle nous avons des le commencement et persevere et dure tous les temps de nostre vie. (ORESME, E.A., c.1370, 154). Or avon nous dit devant que actrempance est moienneresse vers delectacions et les modere. (ORESME, E.A., c.1370, 219). Et aussi [tel mouvement] fait aucune fois ayde et servise a raison et a justice contre trop grande compassion quant il est moderé par la vertu de mansuetude. (ORESME, E.A.C., c.1370, 260). Puiz fu leue une requeste baillée de par les procureurs de Parlement, requerens certeinnes lettres (...) estre revoquées au moins moderées, attendu que le profit du seellé de telx lettres ne vient point au profit du Roy, et estoit le narré desdictes lettres faulx, et n'estoient que libelle diffamatoire. (BAYE, II, 1411-1417, 197). Desloyal Mahommet, tu promettoies moderer lez trop estroiz mandemens des loys de justice et de grace, maiz ta moderation est tournee en abuz, et en lieu d'atrempance tu as prins l'extremité dissolue. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 122). O felicité souverainne En qui j'ay toute ma fience, Vueillez par la vostre clemance Moderer ces dures nouvelles, Car elles ne me sont pas belles, Mais trescruelles et tresdures. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 105). Telz coleriques doiuent fort et diligemment moderer la passion de ire... car ilz sont moult enclins et sont hastifz et ardans comme le feu du quel ilz ont les qualitez cestassauoir chault et sec. (CIB., p.1451, 219). O que ceste melancolie est a fuir et a moderer en religieux ou religieuses, en estudians et en gens de deuocion, car telz gens moult sont esloignez de faire operacion spirituelle quant ilz sont en telles tristesses de melancolie (CIB., p.1451, 219). Et la chose du monde qui plus modere ces melancolies est viure en leesse et en ioye desperit... (CIB., p.1451, 220).

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"Limiter (la portée d'un droit, d'un privilège, d'une prérogative...)" : ...pour selon ce restraindre et moderer la reservacion et disposicion des benefices que le Pape vouloit generalment à soy atraire sans limitacion ou moderacion (FAUQ., II, 1421-1430, 202).

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"Atténuer (les dispositions d'un article, d'une loi...)" : ...nous avons moderé et moderons ainsi ledit article : ... (Ordonn. Ph. le Hardi, Marg. de Male B., t.1, 1386, 157).

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Moderer à/sur qqc. : Je dis qu'il me sambloit que ceste demande estoit importable ; mais à nostre Saint Pere seroit faite relacion et il y modereroit (LE FÈVRE, Journ. M., c.1380-1390, 358). ...et orront sur ce tanneurs, bouchiers et seurres, et modereront ou adjousteront sur lesdictes ordonnances (BAYE, I, 1400-1410, 290).

-

[D'une pers.] "Considérer qqc. avec indulgence" : NOSTRE DAME. O souveraine deïté, Souverain povoir eternel, Une essence en trinité, Moderez ce cas criminel. Sçavez que le cas n'est pas tel. Mais totallement innocente, Secours requiers pour ma servante (Myst. jeune fille L., c.1413-1445 [c.1530], 56).

-

Part. passé en empl. adj. "Qui est éloigné de tout excès, qui est retenu dans une juste mesure" : ...et que à poursuir et conseillier ceste chose on devoit appeller des gens du Grant Conseil du Roy (...) et autres de la ville de Paris, preudommes, non trop affectez ou parcialz, en souffisant nombre bien moderé, afin que, par assemblée de gens en nombre immoderé, inconvenient ne puist ensuir. (FAUQ., I, 1417-1420, 53). ...que de cy en avant ilz vendent et delivrent leurs bois et busche à pris moderé, raisonnable (FAUQ., I, 1417-1420, 217). ...et combien que le Roy ait de grant affères, especialment pour le fait de sa guerre, et que, à ceste cause, ses soubgez ly doient ayder, toutes voyes il les doit requerir et apeller, comme dit est, et aussy estre content de chose moderée et raysonnable, en ayant regart aux facultez et puissance dez gens, sanz les travaller sy souvent, comme de les taller trois ou quatre foiz l'an. (ESCOUCHY, Chron. B., t.3, Pièces justif., 1440-1461, 75).

2.

"Régler, diriger, gouverner qqc." : La premiere [puissance, celle de l'Église] est moderee de l'esprit (JEAN GOLEIN, Rational B.D., c.1370-1372, 467). Dieu Neptinus (...) Qui moderés par ung tridant doubtable L'aquatique province... (SAINT-GELAIS, Séj. honn. D., c.1490-1495, 171).

II. -

Empl. intrans. ou pronom. "Éviter tout excès, se tenir dans une juste mesure" : Si se doit chascun moderer (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 83). Volentiers ooit de tristresche Pour moderer en sa leësche. (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 113). Combien que soyez bien amis, Il convient que l'un se modere. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 1049).

V. aussi moderé
 

I. -

Subst. masc. "Modérateur"

Rem. BERS. (arbitres et modereurs du publique conseil) ds GD V, 353a.

II. -

Adj. Moderesse. "Modéré" : Ceste maniere de corrigier ou discrete mesure est moienne et moderesse entre austerité et cruaulté et benignité, desquelles l'une et l'aultre fait a reprendre. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 193).
 

"Apaiser" : ...lois telles que (...) pour le bien et utilité de chascun, ceulz, qui seroient rebellés par sauvages coustumes, fussent ramoderez des limes de raison (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 32). François, François, remitigez vos ires, Ramodérez vos passions non saines (CHASTELL., Dit vérité K., c.1456-1460, 231).

REM. Doc. 1408 (Bourg.) ds GD VI, 581b.