"Événement" : Il ne puet estre que messires Carles de Blois (...) ne fust enfourmés de toutes ces accedenses (FROISS., Chron. D., p.1400, 475). Se sapience en ton cuer entre, Et science se fiche ou centre De ton ame, conseil plaira A toy qui point ne te laira, Et te conservera prudence De toute mauvaise accidence. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 230).
 

I. -

"Ce qui s'oppose à la substance ou à l'essence"

A. -

PHILOS. "Ce qui existe, non en soi-même, mais dans un autre" : Or est il ainsi que un bien principalement est devant un autre et ne sont pas en un meïsme ordre, si comme bien qui est substance est par nature devant bien qui est accident. Car accident est derivé et depent de substance. (ORESME, E.A., c.1370, 114). Les raysons dessus mises sont pour la plus grant partie de logique et de methaphisique et generales a toutes choses, soient substances ou accidens (ORESME, C.M., c.1377, 252). Choses proprement contraires sont accidens, si comme chaleur et froidure, blancheur et noirté et telles choses (ORESME, C.M., c.1377, 358). Il veult dire que les propriétés ou accidens de la terre contraires a ceulz du feu sont aussi comme privacion et moins dignes que ceulz du feu (ORESME, C.M., c.1377, 360). Item, toutes passions ou accidens [corporelz] sont divisibles en .II. manieres (ORESME, C.M., c.1377, 590). Et apres ce, nous determinerons de pesant et de legier et de leurs accidens ou passions, de chascun pour quelle cause il est fait (ORESME, C.M., c.1377, 674).

-

Par accident, selon accident, d'accident

.

[D'un phénomène physique] "D'une manière qui ne tient pas à la substance, à l'essence ou à la nature de ce qui est la cause de ce phénomène" : Item, estre eschaufé ou autrement alteré n'est pas soy avoir autrement a autre corps, mais se le corps qui eschaufe se a autrement a autre, c'est par accident et hors l'essence de ceste alteracion ou mouvement. (ORESME, C.M., c.1377, 372). ...il [les corps celestes] different en espece, car ceste difference qui est en leurs mouvemens naturelz ne peut estre fors pour la difference de la nature de telz corps et non pas par accident ne a cas de fortune (ORESME, C.M., c.1377, 462). Item, il n'est pas vraysamblable que corps lumineus de soy perpetuelment, si comme est le soleil de soy, et non pas par pourreture ou par accident, et corps non-lumineus et obscur de soy, si comme est la lune, soient d'une espece et d'une nature. (ORESME, C.M., c.1377, 464). La vi comment le souvrain pere A ordené du ciel l'espere, Qui obliquement ades tourne Au tour de son aixiau a ourne, Entre les deux poles assise, Et comment et par quel devise De son mouvement gravissant Vait les estoilles ravissant, Qui sont toutes en lui fichiees Et par ces voies despechiees. D'orient jusqu'en occident Les tourne, non pas d'accident, Mais par nature, et puis arriere les retourne d'autre maniere de occident en orient, sanz riens trouver contrariant, en vint quatre heures d'espace et tout au tour du ciel s'en passe. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 81).

.

[D'une action humaine] "D'une manière qui ne tient pas à la nature profonde, à l'intention réelle de la personne qui accomplit cette action" : Tel opinion n'est pas bon, car teles choses de quoy les loys parlent ne sont justes fors selon accident. (ORESME, E.A., c.1370, 321). Quant un homme fait chose injuste de sa pure volenté, adonques fait il injuste proprement et non pas par accident (ORESME, E.A.C., c.1370, 306). ...et il avient que par erreur il eslit cognoistre une autre et cuide que ce soit sa femme, tel homme est hors de son opinion par accident (ORESME, E.A.C., c.1370, 395). Aucuns font yci question, comment un homme puet appeter non estre. Mais a parler proprement, il ne appete pas non estre, mais il fuit estre et non pas principalement, mais par accident ; pour ce que il fuit sa misere ou la poine que il sueffre. (ORESME, E.A.C., c.1370, 467).

B. -

[Comme terme de théol.]

1.

[P. oppos. à la nature divine] : Amour glorifiant lui revele [à l'âme] que et quoy Dieu est, non pas quel il est, car en Dieu n'y a ne qualité ne accident (Disc. amour divine, 1470, 232). ...le Filz procede du Pere, pareillement du Filz procede le Saint Esperit. Mais du Saint Esperit nulz ne procede. Car selon la raison d'entendre tel regart par maniere de raport et de referer l'un a l'aultre sont dehors l'essence des personnes, car plus sont dependant d'aucune chose que en aucune par essence, mais sont comme accidens qui sont dehors les choses essencieles, qui ont estre par eulz sans dependence d'aultrui. (Somme abr., c.1477-1481, 114). Et ainsi Dieu est simple en essence, car en lui ne puet estre aucune chose si non son estre essenciel que c'est il et nul accident ne puet estre en lui. Car riens ne lui puet estre adjousté, pour ce que tout ce qui est en Dieu est Dieu. (Somme abr., c.1477-1481, 147). Ne en Dieu est aucune composition de "quod est" et de "quo est", c'est a dire de ce qu'il est essencielement et de ce par quoy il est, car il est par soy et est ce qu'il est, ne en lui n'est composition de substance et accidens comme ez suppostz personnelz. (Somme abr., c.1477-1481, 148).

2.

[De l'Eucharistie] "Qualités, propriétés matérielles du pain et du vin qui subsistent après la consécration et la transsubstantiation (couleur, odeur, saveur, etc.)" : Avant la consecration, il y a au pain et au vin leur substance, de laquelle l'homme peult estre nourry (...) Il y a aussi leurs accidentz, comme leur quantité, figure, couleur, odeur, saveur, pesanteur, etc., lesquelz adherent a ladicte substance qui est estandue sous iceulx (...) [une fois la consécration accomplie] il est force de croire que reallement et par realle concomitance et compaignie, soubz les accidens du pain et partout ou estoit la substance du pain, avecques la substance du corps de J.C. y sont son sang, son ame et tous leurs accidens et aussi la divinité et personne du filz de Dieu (MONTFIQUET, S. Sacr. B., c.1481-1501, fº A 5 et A 8-8 vº).

C. -

P. ext.

1.

[Comme terme de gramm.] "Variation morphologique à laquelle sont soumis les mots selon les catégories de genre, nombre, cas, temps, mode, voix, personne, etc." : Genus.generis : genres. C'est un accident de partie d'oroison (Aalma R., c.1380, 166). En quantz accidens accordra le adjectif ovesque son substantif ? En trois. En quielx ? En case, genre et nombre, si come bel sire, belle dame (DonatOxf., p.1400. In : Th. Städtler, Zu den Anf. der frz. Grammatikspr., 1988, 133).

Rem. FEW XXIV, 73b.

-

Au plur. Partie de la grammaire latine qui traite de la morphologie" : A maistre Guillaume de Jumèges, maistre d'escole de grant maire, la somme de trente et deux soulz six deniers, c'est assavoir pour un carteron que les trois anffans dudit feu ont esté a l'escole dudit maistre, la somme de XV souls ; pour la vençon d'unes accidens de Paris, x souls ; pour l'escriture d'unes accidens et regle de grant maire en letres de forme pour les anffans dudit feu, v souls ; et pour avoir relié le sautere des anffans dudit feu, II souls six deniers (Doc. 1417. In : P. Rézeau, R. Ling. rom. 78, 2014, 404). [Archives hist. de la Saintonge et de l'Aunis]

2.

En partic. "Caractère, propriété (ici, en parlant d'un nombre, le fait d'être pair ou impair)" : Si mettent nombres ainsi que matere et principe des choses et les passions des nombres ainsi comme les passions ou les abiz des choses si que nous entendions par passions accidens legierement passibles et par abiz accidens permanens sicomme ilz mettoient que la passion daucun nombre selon laquelle il est dit pareillement per estoit principe de iustice pour lequalite de sa division (CHR. PIZ., Avision T., 1405, 124).

II. -

"Événement"

A. -

"Événement fortuit" : ...si (...) seroit sa gerre plus forte (...) avoecques aultres accedens qui legierement poroient avenir (FROISS., Chron. D., p.1400, 481). ...il est d'usance que les jeunes gens muent et changent souvent de propoux et de volunté pour aucuns accidens, qui encourant souvent aux hommes en cest monde. (LA CÉPÈDE, Paris Vienne K., 1432, 124). Riens ne m'est seur que la chose incertaine, Obscur fors ce qui est tout evident ; Doubte ne fais fors en chose certaine ; Scïence tiens à soudain accident ; Je gaigne tout et demeure perdent ; Au point du jour diz : "Dieu vous doint bon soir !" (VILLON, Poésies diverses T., c.1456-1463, 277).

Rem. Cf. comment. de l'Éd. p. 276 : "S'étant d'abord trompé dans un sens (avoir pris pour certitude ce qui ne l'est pas), il [Villon] se méfie ensuite de tout ce qu'il voit, allant jusqu'à considérer comme accidentels et fortuits des faits avérés" ; comment. de l'éd. J. Rychner et A. Henry, p. 66 : "Soudain accident 'événement brusque et fortuit', et non connaissance acquise patiemment et systématiquement".

-

P. ext. "Ce qui est annexe, secondaire" : Sans adjouster mes accidens, Il n'est homs ou mont tant ait sens Et fust docterres scïenteus Et vausist adés estre oyseus, Pour penser au ciel glorïeus, Ne saroit il par nul assens La centisme part des joieus Secrés, hautains et precïeus, Dont je vi les contenemens. (JEAN DE LE MOTE, Voie d'enfer P., 1340, 120). C'est bien dit, car ainsi par ces choses repliquees tu pourras des accidens en la matiere traittier - d'une chascune en son lieu assez briefment (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 167).

B. -

"Événement fâcheux" : Si vous diray autre nouvelle, Et vous feray un incident, Pour un mervilleux accident Qui adonques avint au Quaire Pour le traitié rompre et deffaire. (MACH., P. Alex., p.1369, 181). Si qu'il li vint un accident, Qu'il faut qu'en païs d'occident Voist briefment au pape parler. (MACH., P. Alex., p.1369, 217). Qui trop despent, il se deveure. Ta despense ne soit tenue Si grande com ta revenue, Pour doute d'aucun accident, Car lors seroies indigent, Se ta despense estoit pareille A revenue (DESCH., M.M., c.1385-1403, 115). Il convient l'amant embrachier voulentiers toutes choses dures et ameres pour son ami et non estre rebouté de lui pour quelques accidens contraires. (Internele consol. P., 1447, 81). ...a cause de son dueil fut en tresgrand dangier de suyvir par semblable accident sa tresloyale espouse. (C.N.N., c.1456-1467, 425). ...comme [les] jeunes et tendres florettes se sechent et amatissent quand aucun petit accident leur survient, contre l'ordonnance et inclinacion naturelle (C.N.N., c.1456-1467, 573). Aucuns dient qu'il fut filz de celui homme, à qui par accident la main senestre fut ostée et ung an après lui fut restituée et, pour enseigne de ce miracle, ou lieu de la conjunction demoura une cycatrice en semblance d'une ligne de sang. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 109 v°). Durant le temps qu'il fut illec dedens (...) Ordre donna par moyens evidens Aux dangereux et divers accidens Qui destourner povoyent sa quietude (LA VIGNE, V.N., p.1495, 191).

-

[En constr. appositive] Accident de + subst. indiquant la nature de l'accident : ...si advient aucune fois par accident de froidure ou gelée ycellui vin nouvel cueilli estre vert cru et mal proffitable, comme cellui qui n'est mie en boiçon (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 30). Et combien que lors ne fut parfait ne accordé icelluy mariaige, et que depuis grant accident de guerre meut entre eulx deux, comme je diray brief, toutesfois fut icelle communication le motif dont depuis a esté fait le mariage dont vous estes venus par le divin plaisir. (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 135). Ainsi faisoit le duc de Bourgoingne la guerre contre les Gantois, ses rebelles ; et destruysoit son propre pays par celluy accident de sang et de feu ; car l'on mectoit ce qui estoit atteint tout à sang et à justice, et brusloit on tout le plat pays (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 273).

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En accident de. "Exposé à" : Sy en furent les médecins mesmes tout perplex, car le veoient de grand eage, mis durement à bas et en accident de grand péril, là où nul, fors Dieu, ne pouvoit ouvrer plus par miracle que par nature. (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 211).

-

[Précédé d'un adj. poss.] "Malheur, mésaventure" : SOPHART. Hellas ! Job, vecy voz amys. Confortés vous, je vous en prye, Car je vous promests et affye Que vous serés remunerés Des grans maulx que vous endurés, Et vostre mal et actidant [l. accidant] Demonstre signe evydent Que Dieu vous ayme et aimera Et point ne vous oblyera. (Pac. Job M., c.1448-1478, 348). Ta faulte moeut plus de inadvertence que de vice, et n'est ton accident pas sy grief que pour en widier les bonnes de raison. (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 105). Vint encores et par semblable desconfort droit cy ung aultre roy, jadis nommé Alfonce, roy d'Arragon, et cuidant mouvoir ma pité envers ly par compter son accident, fist sa plainte droit cy a l'uys de ce temple (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 115).

III. -

"Ce qui affecte une personne (dans le domaine de la santé, des sentiments, de la morale)"

A. -

[Santé]

1.

[Santé physique] "Affection, maladie ; phénomène survenant au cours d'une maladie" : Le chaut nuist a ceulx qui en usent souvent, car il engendre effeminacion de chars, incontinence de nerfz, stupeur de pensee, flux de sang et deffaut d'esperit, esquelz accidens la mort advient. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 82). ...pronostiquer en flux de ventre lienterique ou cibal, par ung accident c'on apelle oxizemie, qui n'est autre chose que eructacion aceteuse ou aigre (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 153). Ypocras nous ensaigne pronostiquer de la passion de squinance par un accident survenant en la dicte maladie (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 191). ...aucunes des maladies passions ou accidens dessuz diz (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 222). Si avient que pour les grans paines et travailz, les mallez nuiz et les froidures qu'il a eues pour acquerre chevance et vivre a honneur, come ung chacun doit faire, ou pour accidens ou pour veillesse, le bon homme chiet en langour de maladie, de goute ou d'autres choses, tellement qu'il ne se peut lever quant il est assis ne partir d'un lieu (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 72). Car aulcunefoyes est celle chose si hastive car par force fault laisser la propre cure de la particule pour secourir a l'accident comme es nerfz qui sont poins et es flus de sang de voynes et es musclez feruz et es articulacions qui sont faictes avecques playez. (PANIS, Guidon, 1478, chap. sing). ...ses signes [de la moelle] ou accidens sont comme ceulx du cervel (PANIS, Guidon, 1478, tr.I, doct.2, chap.1). Car les accidens qui ont acoustumé de venir en solucion de continuité sont douleur, apposteme, male complexion, fievre, prurier, spasme, paralisie, sincopisement et alienacion. (PANIS, Guidon, 1478, tr.III, doct.1, chap.1). Car les accidens qui surmontent leur cause changent l'ordre de la cure (PANIS, Guidon, 1478, tr.III, doct.1, chap.1). ...l'accident sinthomatique douleureux (PANIS, Guidon, 1478, tr.VI, doct.1, chap.1).

-

[En constr. appositive]

.

Accident de maladie : La chiere ot assez pale, et croy que ce, et ce qu'il estoit moult maigre, lui estoit venu par accident de maladie et non de condicion propre. (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 49). ...pour lui aidier à supporter les fraiz et despens qu'il a fait ou service et compaignie d'icellui seigneur à cause des accidans de maladie que il a eu et soustenu (Comptes Etat bourg. M.F., t.1, 1418, 130). [Il] eust une plaie en sa dicte teste (...), a l'occasion de laquelle et d'autres accidens de maladie qu'il avoit, s'acoucha malade au lit (Arch. Nord, 1468, B 1693, f° 35, IGLF). ...je yray semblablement avecques luy, et le serviray de mon corps et de ma chevance, pourveu que aucung accident de maladie ou aultre ne me survienne, parquoy je ne puisse aller au sainct voyaige (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 390).

.

Accident d'infirmité : ...accident de noxive infirmité m'a aggravé sur mon grabate (Lettre Philippe, c.1450. In : Chrestom. R., 113).

.

[D'un cheval] Accident de morfonture : Or s'en reviennent et autelle paine que le bon home avra eu a aller l'avra au revenir et pourra estre que l'un de ses chevaulx se recroira ou demourra par aucun accident de morfonture, de releveure ou d'aultre chose, et convient au bon home en achapter ung aultre et a l'aventure il n'a pas de quoy. (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 70).

-

"Malaise, indisposition" : ...nous entrames en vostre chambre, la ou il me sourvint aucun accident, dont il me fust force de demourer en ladicte chambre (...) apres que celuy accident me fut passé, nous regardames par la chambre... (LA CÉPÈDE, Paris Vienne K., 1432, 144).

-

"Lésion, blessure (?)" : ...se ne fust ung accident qu'il m'estoit venu en la main, pour lequel ne m'estoit possible escripre (ESCOUCHY, Chron. B., t.3, Pièces justif., 1448, 320).

2.

[Santé mentale] "Folie" : La mort s'est venue embattre sur le roy Charles VI, sous qui en règne, par accident que Dieu lui avoit envoyé en son sens, tant de maux advinrent que toute la chrestienté s'en sentoit de la playe [Charles VI fut frappé de folie en 1392] (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 345).

B. -

[Sentiments] "État affectif, passion, sentiment"

-

Accidents de l'ame : ...les accidens de l'ame, si comme joye, liece, doulour, tristece (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 222). ...Desir et Esperance, dont nous avons devant aucunement parlé et dit que ce sont deux des passions ou accidens de l'ame qui autrement aussi aucunesfoiz sont appellés mouvement de courage (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 739). Or est il temps, comme je tiens, Tractier, selon les Anciens Et leurs belles tradicions, Des accidens et passions Ausquelz l'âme est tousdiz subjecte, S'elle n'est trop émée et nete, Comme sont paour, ire, tristesce, Audace, espoir, joie et léesce, Dure pensée et forte estude (LA HAYE, P. peste, 1426, 108). Item appetit quant il passe l'eure qu'il doit menger, il se affoiblit et dormir superfluement et air venimeux le diminue et crapule et viandes fastigieuses et oyseuse et accidens de l'ame (GORDON, Prat., c.1450-1500, V, 2). Notez que les accidens de l'ame transmuent le corps, car la forme plaisante ymaginee esmoeut le corps, comme fait la forme triste et desplaisante. (Somme abr., c.1477-1481, fº 80 vº). Aussi convient que il congnoisse les choses non naturellez comme sont l'aer, boire, manger, dormir, veiller, traveiller, reposser, inanition et replection et les accidens de l'ame car icelles sont causes de toutes maladies et de santé. (PANIS, Guidon, 1478, chap.sing).

-

En partic. "Passion amoureuse" : ...je me sens traveillé d'un accident tel que souvent je voy pardevant moy le remede qui me renderoit parffaite santé, se c'estoit son plaisir. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 112). Noble pucelle, puis que ainsi est et que mieulx me vault declairier mon accident sus bonne intention et espoir comme d'attendre la mort, je vous advertis pour vray que le don de vostre amour, qui partiroit de vostre bouche par leal ottroy, me pourroit plainement garir et non autre chose, pour ce que vous estes tout mon desir. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 114).

C. -

[Morale] "Disposition morale" : Roi qui est plain de couvoitise Si ne fera ja grant emprise (...) Il ne peut durer longuement Sans avoir paine et grant tourment, Quer tel accident si l'atise De faire mauvés jugement Pour aquerre mauvesement, Dont le monde a Dieu le mesprise. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Songe pest. T., c.1354-1377, 44).

-

Bons accidents. "Bonnes dispositions, qualités, vertus" : Les accidens, comme maniere, raison, sapience, prudence, providence, et les set vertus qui sont en vostre songe figurés comme humaines choses sont accidens qui sont en Dieu, et est Dieu meismes, quer tous biens et bons accidens viennent de lui. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Songe pest. T., c.1354-1377, 193).

-

Mauvais accidents. "Mauvaises dispositions, défauts, vices" : Et, par les mauvés accidens qui en eulz sont, les tient le diable en sa subgection, quer toute mauvestié, tout barat, toute tricherie, toute glouternie, toute ribaudie, toute pillerie et toute sorcherie sont aujourd'ui trouvees es gens des trois estas. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Songe pest. T., c.1354-1377, 92). Elle het tricherie, fausseté, menterie, flaterie et tous mauvais accidens (HENRI FERR., Modus et Ratio, Songe pest. T., c.1354-1377, 111).
 

A. -

PHILOS. "Qui n'appartient pas à l'essence ou à la substance (d'un être, d'un objet)" : Dieu demeure tousjours tout ung. Saint Hylaire dist : estre n'est pas chose accidente a Dieu comme pouoir estre et non estre, mais son estre est verité estant et subsistence par soy et cause permanant et demourant de l'estre de toutes choses. (Somme abr., c.1477-1481, 140).

B. -

MÉD. Accident à. "Lié à, qui survient au cours d'[une maladie]" : Nous povons entendre que, quant telles plaies sont laches, et qu'ilz fluent, elles sont bonnes ; maiz quant elles sont crues, et ne fluent point, c'est mal ; et la cause est car, par flux, c'est signe que nature et la vertu est forte, et qu'elle met hors la malle matiere ; et aussi est ce cause que, quant telle matiere est boutee hors, les maulx accidens aux maladies dessus dictes, si comme manie, spasme, ne viengne pas. (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 148).
 

"Qui survient" : Il est pourtant expedient a gens gras et charnus d'avoir aucune tristesse accidentale pour modifier la chaleur de l'esprit et rendre le corps maigre et subtil. (Rég. santé corps C., 1480, 1-2).
 

[P. oppos. à naturellement] "Accidentellement" : Par les choses dessudictes on peult conclure que les vins doulz, gros, suffisamment colorés, sont meilleurs pour boire aux gens maigres, de nature ou accidentalement, pour estre restauré, nourri, ou engraissé (Rég. santé corps C., 1480, 38).
 

"Caractère accidentel" : Apostume, selon son essentialité (...). Mais, quant a l'accidentalité, elle est descripte par Galien en son livre... (Chirurgie Chauliac B.-T., p.1472, 274).
 

A. -

PHILOS. "Qui n'appartient pas à l'essence ou à la substance (d'un être, d'un objet)" : Sens toi ton corps n'eust nul pouoir. Matiere fu dont fourme fus, Dont maintenant il est tous nus. S'autre fourme a, accidentel Ell'est, non pas substanciel. (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 228). La fourme accidentelle ne fait pas ne ne parfait les choses (...) car elle vient aprés ce que la chose est parfaite en son estre (CORBECHON, Propriétés, 1372, X, 2, 179 vº). Toute semblance est ou substanciele come celle qui est de genre et d'espece, ou est accidentele comme celle de quantité et qualité et des autres formes des accidens (FOUL., Policrat. B., II, 1372, 153). Dieu est incommutable et imparmutable. Imcommutable est que en lui ne chiet aucune motion ou mouvement accidental, c'est a dire que aucune fois moeut et aucune fois non comme augmenter et croistre, car il ne croist pas, mais demeure tousjours en ung point et en une grandeur. (Somme abr., c.1477-1481, 142).

B. -

"Qui s'oppose à ce qui est naturel, inné, régulier, permanent, essentiel, etc."

1.

"Qui n'est pas inhérent à la nature d'un être, d'un objet"

a)

[D'un phénomène physique] "Adventice, secondaire" : Mais l'en doit entendre par ceste pesanteur qui crest en descendant une qualité accidentele laquelle est causee par l'enforcement de l'acressement de l'isneleté, si comme j'ay autrefoys declarié ou .VIIe. de Phisique. (ORESME, C.M., c.1377, 144). ...ou ce est ce qui oste l'empeeschement, et donques est il dit estre meu de puissance ou de possibilité accidental. (ORESME, C.M., c.1377, 684). Car, pour sa double qualité [du vin aigre] Qui sont froidure et siccité, Il est contraire à pourreture, Laquele prend engendréure D'une chaleur accidentèle Corrompant l'umeur naturèle, Et maint Sage si veult et dit Qu'il soit bon lors mettre un petit De vin aigre dedens le pain (LA HAYE, P. peste, 1426, 124).

b)

[De divers aspects de la vie psychique, physiologique, sociale d'un être humain] "Acquis, qui n'est pas inné ou congénital" : Celui qui a proposé et ordené demonstrer a touz autres lez faiz et la doctrine des choses appartenans a sagesce, a l'entendement de yceulz, il convient que il ait du hault Createur, entre les autres choses., IIJ. choses bien droiturieres et justes : c'est assavoir premierement sens parfait en meurs ; secondement sens accidentel, c'est a dire sens acquis comme est escripture (VIGNAY, Théod. Paléol. K., c.1333-1350, 23). Car il est donné du Souverain a tous et a chascun des hommes avoir les deux chosez en soy : c'est assavoir sens naturel et accidentel ; mais le sens naturel (...) seürmonte (...) l'accidentel pour ce que le sens naturel vient proprement de Dieu, mais le sens accidentel vient de pluseurs et diverses acquisicions et causes qui l'amenent, et de pluseurs conversacions dont je met example a la probacion de mon dit. (VIGNAY, Théod. Paléol. K., c.1333-1350, 24). "Celluy qui allegue plus fort et plus ancien droit doit estre preferé" (...). Or est certain que celluy qui est nez de noble lygnie, si a pour luy Droit de sanc et de nature, lequel est plus fort que n'est Droit positif ou noblece accidentele, donques il doit estre plus honoré (Songe verg. S., t.1, 1378, 309). Notez que avons congnoissance de Dieu doublement, c'est a sçavoir naturele et accidentelle (...) La congnicion accidentale est en troys manieres [Science, Ecritures, Charité] (Somme abr., c.1477-1481, fº 161). Les angeles nous servent pour troys choses (...) Secondement pour l'accroissement de leur merite acquise pour le service qu'ilz nous font, lequel merite acquis, apellé accidental, accroist jusques au jour du jugement. (Somme abr., c.1477-1481, fº 58). Impossibilité de habiter est quant l'un et l'aultre ensemble ne peuent habiter pour aucun deffault patent. Ilz sont pluseurs especes comme naturele impuissance, comme frigidité en l'homme, artacion et indisposition en la femme, deffaulte de eage en l'enfant. L'aultre est accidentele comme malefice qui est fait comme sors et factures. (Sacr. mar., c.1477-1481, 76).

c)

[D'un mot] "Qui sert à désigner les accidents des choses, c'est-à-dire leurs propriétés" : Les autres dictions sont appellees propres, pour tant que elles signifient les proprietéz des choses, et telles sont ces dictions cy : risible, hinible, car il est propre a homme et non a autre de rire, et au cheval de hennir. Les autres dictions sont appellees accidentelles, les quelles signifient les accidens des choses, comme sont les qualitéz, c'est assavoir les couleurs, saveurs, et telles sont ces dictions cy : blanc, noir, doulz, amer et semblables. (LEGRAND, Archil. Sophie B., c.1400, 73).

2.

"Qui arrive hors du cours régulier des choses, qui n'arrive pas nécessairement"

a)

"Fortuit, causé par une circonstance imprévue, généralement fâcheuse" : ...se tu veulx restraindre les membres menstrus d'aucune fame, quant ilz superfluent et excedent contre nature, ou quant ilz ne sont pas en temps deu, ou quant ilz vienent d'aucune cause accidentelle, comme appercion de voine ou autrement, met une ventouze des plus grans aux mamelles. (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 131). Il est pourtant expedient a gens gras et charnus d'avoir aucune tristesse accidentale pour modifier la chaleur de l'esprit et rendre le corps maigre et subtil. (Rég. santé corps C., 1480, 1-2).

-

En partic. [P. oppos. à mort naturelle] Mort accidentelle : Les autres meurent en tant de manieres en leurs propres maisons ou habitacions qu'il seroit impossible du recorder, excepté encores ceulz qui meurent par glaive ou par mort accidentele. (MÉZIÈRES, Test. G., 1392, 307). ...et ont dit aulcuns qu'il [le roi Jean] y eult mort accidentelle plus que naturelle (JUV. URS., T. crest., c.1446, 134). Or est bien besoing que je recorde en brief les grans faiz que madame Fortune souffrit retourner de sa roue, par la mort accidentale de cestuy noble prince. (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 199).

b)

"Extraordinaire, exceptionnel" : Nous debvons ensuivre nos peres Et astralaber proprement, Devant que donner jugement En ung cas si accidentel. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 244).

Rem. Il s'agit de l'apparition aux rois-mages de l'étoile annonçant la naissance de Jésus-Christ.

3.

"Qui n'est pas principal, essentiel"

a)

"Secondaire" : Mais la maison est aultrement cy prinse dessus, car se nous prenons les maisons naturelles et devant accidentelles, ces premieres maisons ne se remuent conbien que le ciel se remue, mais les aultres maisons se meuvent selon le mouvement du ciel. (...) Avecques cestes maisons les planettes ont chacune une aultre maison moins principal et ainsi comme secondaire, excepté le Soleil et la Lune (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 234).

b)

"Accessoire, d'importance secondaire" : De vertu honeur est le louier accidental et non pas le principal (ORESME, E.A.C., c.1370, 250). Dysons, donques, que lez impressions dez estelles disposent aucunement a la variableté dez meurs, mez ce n'est pas d'une disposicion neccessaire et prochaine, mez d'une disposicion accidentelle et lointaine. (Songe verg. S., t.1, 1378, 379). Le loyer des biens faitz en estat de peché mortel est une joye accidentale, qui vient tant au corps que a l'ame... (Ordinaire chrét., 1469, fº 149 vº).

c)

"Transitoire, éphémère" : ...si [Dieu] a produist et ordené nature humaine telement qu'elle va en febblient, affin que depuis que elle ara laissié ceste presente vie corporele et corrumpable et accidentele, elle puist aveques luy estre en la vie pardurable. (Songe verg. S., t.1, 1378, 211).
 

A. -

PHILOS. "D'une manière qui ne tient pas à la substance ou à l'essence (d'un être, d'un objet)" : Et, quant l'entendement apparçoit la conformité et convenience des choses, les quelles nature a fait semblables substancielement ou accidentelement, il est meu de la comprehension des universels (FOUL., Policrat. B., II, 1372, 160).

B. -

[Dans le lang. cour.]

1.

"D'une manière non inhérente à la nature d'un être, d'un objet" : Pour ce donc qu'il est impossible par nature que une chose se puist mouvoir de deux contraires mouvemens egalment propres, ains est neccessité, se l'un lui est propre et connaturelz, que l'autre se face accidentelment et par vertu estrange en la maniere que nous veons le marinier mouvoir selon le mouvement de sa nef et, neantmoins, il se peut au contraire mouvoir par sa voulenté pure. (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 10). Et s'il n'y avoit autre decepcion que ce que ceste art use de plusieurs choses qui ne peuent, ce samble, avoir en elles naturelle vertu de faire telles transmutacions en estranges matieres se ce n'est accidentelment et indiscretement, comme sont karateres, figures, ymages, subfumigacions, sacrefices et conjuracions et moult d'autres manieres de paroles estranges et plusieurs autres choses (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 101). ...il considere la gloire et la beauté de la cité et gloire de paradiz, laquelle est essencialement en la vision de Dieu, laquelle tous les sains et sainctes de paradiz aront comme le denier de la retribution eternelle different accidentalement, plus ou moins selon les differences des merites, come une estoile est differente a une autre en clarté. (Déclar. Hyst. S., a.1449, 182). Par les choses dessudictes on peult conclure que les vins doulz, gros, suffisamment colorés, sont meilleurs pour boire aux gens maigres, de nature ou accidentalement, pour estre restauré, nourri, ou engraissé (Rég. santé corps C., 1480, 38).

2.

"Du fait des circonstances (et non pas nécessairement)" : Je vous diz et respons que lez condictions dez gens et lez choses avenir puent estre causees dez choses celestes doublement : neccessairement et accidentelment. (Songe verg. S., t.1, 1378, 378). Les deux chevaliers qui estoient envoyés droit-là du duc de Bourgongne et pouvoient présenter sa personne comme double pair de France et doyen des pairs, premier duc, premier conte, et qui l'estoit d'ancesserie et par dignité de ses pays naturellement, non pas par don du roy, ne par exercer l'office accidentalement comme faisoient les autres, ceux-là n'y furent ne voqués, ne appelés, ne pour lui, ne pour eux (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 477).

-

"Du fait d'une circonstance malheureuse" : Ne temptez Dieu, ne son executeresse fortune ; ne vous fiez en force de chevalerie, de peuple ne d'armures, quant celle fortune a monstré la puissance de sa permission, pour avoir conduict l'impetuosité d'une saiette si juste et si alignée, que d'avoir accidentalement occiz ung si noble prince au millieu de sa chevalerie (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 139). Toutefois accidentellement peult la fleubothomie augmenter le fluit du ventre en deux manires : premirement car par fluebothomie nature deschergié et confortee aulcunefois provoque le fluit du ventre ou aultres evacuations, laquelle par avant estoit souffoquee et endormie. (Rég. santé corps C., 1480, 150).

-

"Accessoirement, incidemment" : Le vin est cause de spasme doublement, premierement essencielment, et quant est de lui il cause tel spasme car il remplit les nerfz ; aprez accidentelment le vin est cause de spasme car il inanie la matiere aux membres lacerteux et nerveux (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 369). En ce texte sont declarés quatre choses venantes de laver les mains aprés la refection prinse. La premiere est que la paulme de la main est purifié des vapeurs et fumees de la viande. La seconde est que tel lavement aguise la veue accidentalement, a cause que les mains sont les instrumens a mondifier les yeulx, et a ce est chose utile et profitable d'avoir les mains blanches et nettes. (Rég. santé corps C., 1480, 60).
 

"Événement fortuit qui entraîne une altération de la santé" : Et il soit ainsi que depuis, par cas de malaccident ou par default de bonne garde et bon gouvernement, et autrement, comme il a pleu à Dieu, ledit Aymery Galippeau soit cheu malade au lict (Doc. Poitou G., t.9, 1448, 63).

REM. 1. À rattacher à FEW XXIV, 73b : accidens. 2. Peut-être faut-il lire par cas de mal accident.