"Qui abonde" : Li leux est gras (...) Et li airs estrampez de touz biens habundables ; D'aigues, de praierïes, de tres bons gahainnaiges, De vignes et de bois y a granz signoraiges, De tres granz norriçons et de pors et d'ouailles Et de granz haierïes et grant foison d'armailles. (Gir. Ross. H., c.1334, 125).
 

A. -

"D'une manière abondante, en grande quantité" : Et de temporelle richesse Trés habondanment assasez (MACH., J. R. Nav., 1349, 217). Tant vont ensemble qu'ilz monterent la montaigne et virent les grans trancheiz qui y furent fais soubdainement, et le ruisseau qui y sourdoit habondamment, dont chascun s'esmerveilla fort comment tele chose povoit estre si soubdainement. (ARRAS, c.1392-1393, 37). Et qui veulent long chemin faire Par air puant, trouble et contraire, Doivent garder soigneusement De l'inspirer abondanment, Et porter o soy toute part Des pommes, confites par art, De bonne oudeur et sentement. (LA HAYE, P. peste, 1426, 140). L'omme religieux qui ententivement et devotement se exerce en la trés sainte vie et passion de Nostre Seigneur y trouvera pour soy trés habondaument toutes choses utiles et necessaires (Internele consol. P., 1447, 355). O mon desir, se sans mercy devez remaindre, pour quoy fustes vous oncques si adroit et si habondantement garnie de l'excés de toute beauté ? Vostre resplendisseur est clere entre les femmes comme le soleil entre les estoilles. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 140). ...les povres hommes d'armes, qui ont de la souffraitte et du travail habondamment, sont tousjours prestz à emploier leurs corps pour honneur et renommée acquerir ; car on dit communement que la faim chasse le loup hors du bois. (BUEIL, I, 1461-1466, 27).

-

Venir abondamment. "Venir en grand nombre" : Car ly contez Fedris assambla moult de gent, D'Alemaingne et d'ailleurs vinrent abondanment (Hugues Capet Lab., c.1358, 117). ...pour tant que Allemans sont convoiteux et desirent fort à gaaignier (...) vindrent-ilz plus habondaument, quant ilz sceurent de verité qu'ilz avoient à faire contre le duc de Braibant. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 162).

B. -

[Comme intensif] "Intensément, pleinement" : Forte chose est d'Amours, qui aussi se dessent C'on aime bien celui et très habondament C'on n'a oncque veü ne tenu parlement ! (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 257). Dieux voelliés nous aidier anuit habondamment (God. Bouillon R., t.2, c.1356, 485). ...et pour lesquelz le roy escripvy et charga bien expressement aux prevost des marchans et eschevins et tous autres officiers et gens notables de ladicte ville que, de tout leur povoir, ilz festiassent fort et honorablement lesdiz ambasseurs ; laquelle chose fut faicte, et furent moult honnorablement et habondamment festiez... (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 224). Aussi promet le bon chevalier foy et jure que bien et loyaulment servira son prince et deffendra et gardera le bien de la chose publique. Et tel chevalier doit estre honnorable, courrageux, loyal en ses faiz, bon aux armes, saige habondamment et prest de deffendre le droit de son prince, de son pays et de ceulx qu'il a en son gouvernement. (BUEIL, II, 1461-1466, 71).
 

I. -

Adj.

A. -

"Qui abonde ; qui est en grande quantité, de grande intensité" : Car qui offense l'infiny, Sans fin requiert estre pugny, Affin que la peine habondant Soit au delict correspondant. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 40).

-

ARITHM. (Nombre) abondant. "(Nombre) dont les parties aliquotes prises ensemble forment un tout plus grand que le nombre" : Les aultres imparfaitz sont ditz habundans car leurs parties prises ensemble font plus que ceulx comme .12. dont ses parties aliquotes sont 1.2.3.4.6. qui ensemble font .16. (NIC. CHUQUET, Triparty M., 1484, I, 620).

B. -

"Qui abonde en, qui est riche de"

1.

Abondant en

a)

[D'une pers.] : ...comme fist Jacob quant il vit qu'il estoit habondant en biens et famille (JUV. URS., Verba, 1452, 191). Ycelluy conte, habondant en beaulté, bonté, force et hardiesse... (Jehan d'Avennes F., c.1465-1468, 12). Et pour ce, ung chascun doibt noter et bien retenir que ceulx qui tiennent bon regime et en toutes choses sont sobres, moderés et attrempés, et qui mundifient et purgent leurs corps des maulvaises humeurs esquelles ilz sont abondans, a grant difficulté sont vaincuz, infectz ne corrumpuz de laditte pestilence. (LE FORESTIER, Rég. épid. pest., 1495. In : Chrestom. R., 278).

b)

[D'une chose] : La terre ou le vent d'orient vente continuellement (...) est habondant en fleurs et en fruis (CORBECHON, Propriétés, 1372, XIV, 1, 218 rº).

2.

Abondant de : Ceste annee fut sy habundante de vin et de bleis et de fruys tous et sy mures, sy natureis et sy bons a boire et a menger. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 1).

3.

Empl. abs.

a)

"Riche, qui possède des biens en grande quantité" : Je voy les meschans et les reprouchables personnes comblés et abondans (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 48).

-

Empl. subst. "Celui qui est nanti" : Vecy que les habondans ou siecle deffaillent comme fumiere et ne sera nulle recordacion de leurs joies passees. (Internele consol. P., 1447, 103).

b)

Abondant en nature. "D'un naturel généreux" : Le sanguin a nature de l'air, moite et chaut ; si est large, plantureux, atrempé, amyable, habondant en nature, joyeux, chantant, riant, charnu, vermeil en chiere, gracieulx. (Comp. kal. bergiers, 1493. In : Chrestom. R., 265).

c)

Estre abondant + inf. "S'adonner à + inf." : Dieu hait les mains Des gens indiscretz, inhumains, Inhabilles, insuffisantes, Qui sont nuyt et jour habondantes Sans cause espandre sang humain. (Myst. Viel test. R., t.4, c.1450, 365).

d)

[D'une chose] "Riche" : Et comme il soit ainsi que latin est a present plus parfait et plus habondant langage que françois, par plus forte raison l'en ne pourroit translater proprement tout latin en françois. (ORESME, E.A., c.1370, 100).

II. -

Subst. [À valeur de neutre]

A. -

En abondant de qqn. "Pour son abondance, pour l'abondante provision de (?)" : Quand est à parler des grans estas qui y furent fais sans nombre en divers mès de boires et de mengiers très plantiveusement, par l'espace de huit jours ou environ, ilz seroient trop longz à déclairer. Et y avoit figures de unicornes et autres bestes sauvages, qui par engin jettoient clère yaue roze, vins en aulcuns lieux, en habondant de ceulx qui estoient de ladicte feste. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.4, 1444-1453, 371). [Seul ex.]

-

Par abondant. "En abondance" : Et certes, en icelle troisiesme journee sont à noter toutes choses ainssi comme es deux aultres. La premiere, clemence par habondant, laquelle est trés dangereuse, combien que selon Valere elle soit mise et nombree entre les vertus (MILET, Épître épilogative, 1452. In : Trav. Ling. Litt. 16-1, 1978, 256).

B. -

Loc. adv. D'abondant. "De surcroît, de plus, en outre" : Car puisque il y est d'abondant, tout ensemble est plus grant bien et le plus grant bien est tousjours le plus eslisible ["il" représentant un autre bien qui s'ajouterait au bonheur humain]. (ORESME, E.A., c.1370, 119). ...tous les jours y avoit parlemens et nouvelles ordenances, en reconfermant et alloiant le paix. Et d'abundant renouvelloient lettres, sans brisier ne corrompre les premières. (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 53). Et, neantmoins, le Roy ne voult mie encore proceder par voie de fait (...) ja soit ce que de jour en jour et de plus en plus, il oÿt plusieurs clameurs du pueple, mez, d'abundant, il envoïa en Angleterre personnes tres notables de son Conseil, pour savoir et sentir plus a plain se cez choses venoient de la volanté et du consentement du roy d'Angleterre (Songe verg. S., t.1, 1378, 283). ...et d'abondant, ledit escuïer est tenu (...) rendre et païer chacun an au terme saint Michiel (...) quarante sayettes enpanées d'oe grise et liées de fil, et quarantte fers barbeléz (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 79). Et d'abundant voulons (...) que iceulx religieux se puissent faire paier et contenter de leurs revenues (Chron. Mt-St-Mich. L., t.1, Pièces div., 1425, 198). Et neantmoins d'abondant la Court de rechief a fait lesdictes defenses audit Maugier (FAUQ., III, 1431-1435, 9). ...et d'abondant le roy (...) desclaira par jugement ou arrest toutes les terres qu'ilz tenoyent estre forfaites (JUV. URS., T. crest., c.1446, 131). ...j'ay ordonné à Jacquet Rivet, qui a fait les criées des maisons et héritages de par deçà , qu'il face encores une criée d'abondant (Aff. Jacques Coeur M., 1453-1457, 290). ...et apprez ce, de rechief devoient combattre de haches, et en ferir chascun XV coups de la teste et martel, sans rien touchier de la poincte ne d'estoc ; et tout à piet, comme dit est dessus. Et apprez, devoient faire armes à cheval d'abondant, de lanches et d'espées l'ung contre l'autre, c'est à assavoir chascun d'une seule lance, fust assize ou non, et ce fait, ferir jusques à XXXI coups d'espée l'un sur l'autre, d'estoc ou de taille, comme bon leur sembleroit. (ESCOUCHY, Chron. B., t.1, c.1453-14, 91-92). Et d'abondant avec cestes parolles [le duc de Bourgogne] dist en oultre... (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 239). Et d'abondant a le duc ung aumosnier et ung soubz aumosnier, gens de tel auctorité et de tel credit, qu'ilz font les aumosnes pour le prince par discretion et en conscience, qui sont grandes jusques à passer XXm livres par an. (LA MARCHE, Mém., IV, Pièces annexées, 1474,,, 2). ...et d'abondant pour chascun homme d'armes y a trois hommes de pié armez, arbalestriers, coleuvriniers et picquenaires (LA MARCHE, Mém., IV, Pièces annexées, 1474,,, 83). Le doulx cuer en m'oyant fructiffie, Et de ses pechés mercy crie. A cely mon pere pardonne Et d'abondant grace luy donne. (Pass. Auv., 1477, 138). Et a fallu que d'abondant aions baillé noz lectres pour renvoyer ladicte cause à nostre grant conseil, là ou voulons qu'elle preigne fin. (Lettres Louis XI, V., t.7, 1478, 200).

-

Encore d'abondant : Et je tous jours le poursieuoie avant, Qui de son fait m'esmervilloie autant Qu'onques je fis, car encor d'abondant, La tierce fois, La ou le plus le cuidoie en degois, Plain de solas et de tous esbanois, Son coer devint si mas et si destrois Qu'il le couvint Seoir sus l'erbe, et la un temps se tint. (FROISS., Dits Débats F., 1363-1393, 159). Et encore d'abondant, en tant qu'il auroit failly ou excedé de son costé, il avoit obtenues lettres de pardon dont il requeroit l'enterinement (MART. D'AUV., Arrêts Am. R., c.1460-1466, 208).
 

"Abondance" : HERODE ANTICIPAS : Commant ouzes tu proposer Ces articles si follement Qui suis roy et regent, Garny d'or et d'argent, Le plus riche du monde, De Judee proprement, Doubté de toutes gent Tant qu'i dure a la ronde. Ma noblesse redonde, Je tiens d'onneur l'abonde [ou lire la bonde ( ?) - G. Roques] (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 212). [var. des v.10743-10752] ...Et des meurs que eurent en habonde Les plus gracieuses du monde (RIVIÈRE, Nef folz D., 1497, 212).

-

En grande abonde. "En foule" : Et quant le vertueux office L'on celebre et divin service, Lors ceste turbe en grande abunde Court comme de riviere l'onde, Dedens le temple tous estourdiz Entrent comme folz alourdiz Sans aucune devocion. (RIVIÈRE, Nef folz D., 1497, 267).

-

Au plur. : Le mer s'en va ja a grans undes, Et reffluctueuses habondes (RIVIÈRE, Nef folz D., 1497, 795).

-

[Nom d'une fée et surnom de l'une des dames qui firent le texte des Évangiles des Quenouilles] : ...dame Abonde du Four. (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 78).

REM. Cf. R. Ling. rom. 62, 1998, 555 (G. Roques ; ex. de 1456).
 

"?"

REM. Mot fantôme. Supprimé par GD VIII, 347a. Dans l'ex. allégué, il s'agit en fait du verbe abonder : : Il n'est richesse tant habonde Qui vaille rien enmy ce monde (SAINT-ANDRÉ, Livre Jean de Bret. C., c.1400, 427).
 

"Grande quantité, abondance ; ampleur" : Girarz prist a trambler com s'il fust mis en glace Et se prist au plorer si tres amerement Que nuls ne porroit dire voir l'abondenement [var. abondement] (Gir. Ross. H., c.1334, 273).
 

"Grande quantité, abondance ; ampleur" : Girarz prist a trambler com s'il fust mis en glace Et se prist au plorer si tres amerement Que nuls ne porroit dire voir l'abondenement [var. abondement] (Gir. Ross. H., c.1334, 273).
 

I. -

[Le suj. désigne ce qui est à la source de l'abondance, ce qui est en abondance ("cas profond" de "source")]

A. -

Empl. intrans. [Par figure étymol. ; d'une fontaine, d'une source] "Couler en abondance" : La fontainne afflue et habunde. (MACH., Voir, 1364, 8668). Encor parle il de la fontaine Que Dieu fist de moy sans muer Ne de son cours diminuer, Mais tousjours de beaulté desrive, Sans y trouver ne fons ne rive, En son naturel cours habonde (COURCY, Chem. vaill. D., 1406, 38). Car si fort s'ourd et tant habonde Qu'elle s'estent par tout le monde Sans l'eauë a nul refuser (COURCY, Chem. vaill. D., 1406, 47).

B. -

"Être la source d'une abondance"

1.

Empl. intrans. [D'une pers.] : ...affin que par mes bonnes raisons en toy bien conformees de plus en plus en ses desirs tu habundoyes (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 266).

-

RELIG. [Des actifs (opposés aux contemplatifs)] Abonder par dehors. "Manifester largement par des oeuvres de miséricorde la perfection de sa charité" : ...comme il appert es vrayz devotz et parfaitz contemplatifz au regart de bons, justes et vertueux actifz, qui abondent par dehors et apperent par operations de pitié, misericorde et charité (Disc. amour divine, 1470, 127).

-

"Discourir en abondance, discourir longuement" : Et puis que tu, acteur, as cogneü telz choses, en demonstrant comme dessus est dit, pourquoy ne tes tu a prononcier telz choses, quant tu veoies tant de perilz droitement declarés, si comme tu as dit par dessus ? Mais l'en voit que tu veulz habonder du tout en tout es choses devant dites. (VIGNAY, Théod. Paléol. K., c.1333-1350, 24).

-

Abonder en son propre sens. "Soutenir abondamment ses opinions personnelles" : Abhominés vostre exaucement et amés mieulx a estre gouvernee (...) en riens presumer ne outre cuider ne abonder en vostre propre sens, mais croire et ensiewir le bon conseil des sages, devotes gens. (Quinze articles, c.1400-1500, f. 27 v°).

2.

[D'une chose] Abonder à qqn. "Être en grande quantité pour qqn"

a)

"Être en grande quantité pour qqn, combler qqn" : Porrus contre qui nul ne poeult Et que il fait quanques il voeult, Porrus qui ["à qui"] toute honneur habunde (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 141). Adont li rois Daires escript Generaument un tel escript : "A toutes generations, Pueples, langues et nations, A tous les habitans dou munde Soit grace et pais qui leur habunde !..." (MACH., C. ami, 1357, 46). ...plus y pense plus m'abonde Vouloir et desir de l'avoir [ceste jeune femme] (Mir. ste Bauth., c.1376, 90). Celle de qui tout bien m'abonde Tousjours me semble blanche et blonde. (GARENC., Poésies N., c.1390-14, 82). ...tous biens vous habonderont. (ARRAS, c.1392-1393, 45). Et dissoient en l'oost generaument : "Vive la bonne Phelippe de Hainnau, la roine d'Engleterre, nostre chiere et redoubtee dame, car elle amena et aporta entre nous et en Engleterre, honnour, pourfit, grace et tranqillité ; et tant conme elle vivra, biens, honnours, largueces et pourfis nous habonderont." (FROISS., Chron. D., p.1400, 788). [Appollon au peuple de la cité : ] Se vous faittes ces choses, tous biens vous habonderont ; se ce non, je vous advertis qu'en brief tamps en la cité ne remaindra pierre sus aultre. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 180).

b)

[Plus rarement, valeur négative] "Être en grande quantité pour qqn, accabler qqn" : Angoisse et torment lor habunde (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 95). ...las ! tourment sanz fin m'abonde. (Mir. prev., 1352, 250). Quant vendras tu, doulx Messÿas, Veoir la peine qui nous habonde ? (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 34). Oncques n'eust pis Femme du monde ; De pis en pis - tout mal m'abonde. (Pass. Auv., 1477, 240).

-

Le coeur m'abonde. "Mon coeur déborde (de chagrin), j'ai le coeur gros" : Lasse ! commant le cueur m'abonde ! (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 256).

C. -

"Être en abondance, être en grande quantité"

1.

Empl. intrans. [D'une chose concr. ou abstr., à valeur positive] : Ne qu'on porroit tarir la mer parfonde Et ses grans flos retenir et leur onde, Ne puet dire homs le bien qu'en vous habunde ; Car il n'est ame, S'on li parle de vous, qui ne responde Que vous n'avez pareille ne seconde Et que toute douceur en vous seuronde. (MACH., Compl., 1340-1377, 261). ...tout le bien qui habunde En ciel, en terre et en la mer parfonde (MACH., F. am., c.1361, 176). Monsigneur, se Dieus me doint joie, A vëoir plus vous desiroie Que signeur qui fust en ce monde Pour le bien qui en vous habunde. (MACH., F. am., c.1361, 187). Li empereres y demeure, Que Dieux aime, prise et honneure, Qu'on ne tient pas qu'en tout le monde Ait prince où tant de bien habunde. (MACH., P. Alex., p.1369, 30). Quant Nostres Sires fist le monde, Ou tous biens naist, croist et abonde, Il fist premiers le firmament, La terre et quanqu'il y apent (MACH., P. Alex., p.1369, 190). Par tout resplent sa vaillence et habunde (MACH., L. dames, 1377, 177). ...les haultes richesses qui encores y abondent (CHART., Q. inv., 1422, 6). Car nul ne peut l'effect savoir Sans les causes appercevoir. Aprez, en la Somme seconde Où la matière plus abonde, Ont enseignié notablement à tout homme d'entendement Pluseurs remèdes par diète (LA HAYE, P. peste, 1426, 20). Toute la grand triumphe qui en cest hostel souloit comblement abunder est par ce cas abatue (C.N.N., c.1456-1467, 32). Toute joyeuseté (y) abonde Maintenant en ceste cité. (Est., p.1460, 21). Hellas, mon ame est trop immunde, Congneu mon incredulité, Pour ce qu'en mon cueur poinct n'abonde L'effect de ta divinité ! (LA VIGNE, S.M., 1496, 148). Viennent a moy ceulx où honneur habonde... (P. moyne, a.1500, 45).

-

[Le suj. est un subst. d'action] "Se produire ou se pratiquer intensément" : Plus respondoit, Plus habondoit Son parlement, Dont me plaisoit Ce qu'il disoit Terriblement. (ALECIS, Blas. faulses am. P.P., a.1486, 245). Faulcon tunicien est ainsi appellé pour ce qu'il naist communement ou pays de Barbarie, et que Tunes est la principale cité d'iceluy pays, en laquelle abunde la volerie dudit faulcon. (TARDIF, Art faulconn., 1492. In : Chrestom. R., 234).

-

[Plus rarement, le suj. a une valeur nég.] : Mais en vertu font monteplier l'onde De la doleur qui en mon cuer habonde (MACH., J. R. Beh., c.1340, 94). ...il ne peut qu'a perfeccion Ne viengne (...) Mais qu'orgueil en son cuer n'abonde (Mir. st J. Paulu, c.1372, 103). Ces trois grans maulx desquelz vous compte, Plains de douleur, dommage et honte, Et mesmement grant pestillence, Abondèrent jadiz en France Et ailleurs en Crestienté, Dont le Monde fut tourmenté. (LA HAYE, P. peste, 1426, 11). Charier au mieulx qu'on pourra Il convient en ce mortel monde, En qui toute douleur habonde (Myst. Viel test. R., t.2, c.1450, 142). O nature ville et immunde, Comme peulx tu prendre plaisance Puis que tant de doulleur habonde En toy, et n'a point souffisance ? (Myst. Viel test. R., t.2, c.1450, 317). Tout mal croist sur moy et habonde En plusieurs differens moyens (Myst. Viel test. R., t.4, c.1450, 155). Maintenant, a la fin du monde, Iniquité sur tous habonde Et charité est refroidie, Au moins a la plus grant partie. (ALECIS, Passe temps P.P., 1480, 258).

2.

Empl. trans. "Faire être en abondance, en grande quantité" : Vierge de pechié pure (...) Vueillez vostre grace habonder En mon cuer. (Mir. femme roy Port., c.1342, 189). [Seul ex.]

II. -

[Le suj. désigne le lieu de l'abondance ("cas profond" locatif)]

A. -

Abonder en qqc. "Avoir en grande quantité (une chose de valeur positive) ; être plein de"

1.

Qqn abonde en qqc. : Et se l'Evangile n'est fausse, Humiliez est qui s'essausse, Et qui s'umilie essaussiez. Pour c'est li noms si essaussiez De ma dame par tout le monde, Qui en humilité habonde, En honneur et en courtoisie, Plus qu'en dame qui soit en vie (MACH., R. Fort., c.1341, 10). Ceulx en vertu telement abonderent (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 1). ...argent vous vendra a monceaux, et affluerés et habonderez en tous delices (JUV. URS., Loquar, 1440, 427). Alors le peuple abonde en richesse (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 14). Enfans, bien devons habonder En lïesse et joye excellente, Car, en la journee presente, Jhesus, nostre vray redempteur, Comme puissant triumphateur, En l'arche du ciel montera (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 435). ...l'inclinacion de la secrete et mussée chaleur en quoy vous abundez (C.N.N., c.1456-1467, 562). Aucuneffoys [noblesse] est prise pour richesses de grant antiquité, et en ceste maniere on a acoustumé en bonnes polices ès citez que ceulx qui sont descenduz et nez de parens, lesquelz ont longtemps habondé en richesses, sont appellez nobles, et plusieurs en ont esté fais et fait-on de jour en jour chevalliers. (BUEIL, II, 1461-1466, 70). Povre et riche sont opposites, Et touteffois cil qui habonde Plus largemens es biens du monde, C'est celluy qui moins se contente. (ALECIS, Passe temps P.P., 1480, 175). Nos nos deuons bien haiir, Quant nostre createur est si pourement mis, Nos habondans en richesce Et nostre roy est mis en la creppe. (Jeu nat. C., c.1480-1500, 186). Tu es bien povre present, mais Je te feray le plus riche homme Qui soit d'icy jusques a Romme, En quelque tresor qu'il habonde [il, c'est l'homme auquel je te compare]. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 38).

-

Qqn abonde de qqc. : ...le quel Phelippe respondit qu'il habondoit d'argent, et qu'il achetteroit plus voulentiers terre que la vendre (JUV. URS., T. crest., c.1446, 142).

-

[Plus rarement, le compl. d'obj. indir. a une valeur nég.] : Et pour si fausse la tesmoing, Qu'elle [Fortune] porteroit faus tesmoing Pour le mieudre amy mettre en coing Qu'elle ait en monde. Plus escorche qu'elle ne tonde, Et en mauvais malice habonde, Par quoy sa norriçon confonde (MACH., R. Fort., c.1341, 35). Vecy le temple a tous ceux qui habondent En vanité (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 19). Ung homme pecheur, qui habonde Es pompes et orgueil du monde (ALECIS, Passe temps P.P., 1480, 189).

2.

Qqc. abonde en qqc. : Inundatus (...) : remplis ou qui abonde en yaue (LE VER, Dict. M.E., c.1420-1440, 253). De leur bonté vient et habonde Eur en joie et confort en dueil. (CHART., B. Dame, 1424, 41). Roy triumphant en tout honneur et bien, Roy magnificque, vostre non fort redonde, De roys, de roynes qui sont ceans je tien Que vous estes par dessus eulx viconde, En excellance vostre valleur habonde... (Feste roys, c.1475-1500, 307).

-

[De la Nature personnifiée] : Lez vertus en croissent et vienent, Et li vice vertus devienent, Dont Nature en noblece habonde. (ACART, Prise am. H., 1332, 11).

-

Empl. impers. Il abonde de qqc. qq. part. "Il y a beaucoup de qqc. qq. part" : Item timus est une herbe (...) de laquelle habonde moult largement ou mont Hymettus. (LA SALE, Sale D., 1451, 264).

B. -

Empl. abs. Qqn abonde. "Avoir en abondance, être comblé" : Et li hardi tousjours habonde Puis que beau langage a en main. (JACQUES BRUYANT, Voie pauvreté richesse P., 1342, 26). Celui qui des choses user savra, si habondera tous jours, et qui user n'en savra, si sera tousjours meschant. (FOUL., Policrat. B., I, 1372, 93). Estaindre voloit ma lumiere Et moy bouter hors de cest monde Ou nul, tant ait d'avoir, n'abonde (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 4). L'homme est nu sur terre venu Et sera mys sur terre nu, Et touteffoys qui plus habonde, Plus veult avoir des biens du monde (ALECIS, Passe temps P.P., 1480, 191). Tantalus meurt de soif en l'onde : Plus a deffault qui plus habonde. (ALECIS, Passe temps P.P., 1480, 193).

-

"Être dans une abondance spirituelle" : A Dieu te veulx recommander, De l'amer et servir ne cesse ; En tous biens, vueilles emender De bien en mieulx pour habonder, Et pour la haulte gloire querre Sur Celluy te vueilles fonder Qui ha créé et ciel et terre. (GARIN, Compl., 1460, 100).

-

Estre abondé de. "Être riche de" : Mais d'avoir sont tant habondez Puis la fondacion premiere, Qu'ilz ont delaissié la lumiere De penitence et de raison : Chascun d'eulx a royal maison, Palais, seigneurie et justice Haulte et moienne et tout office Plus assez que seculiers n'ont En toutes places ou ilz sont. (DESCH., Oeuvres R., t.8, c.1370-1407, 267).

C. -

Empl. pronom. S'abonder. "Être à son comble" : ...ledit suppliant se cuidant abaissier et mettre sur icelle Jehannete pour avoir sa compagnie, lui esmeu et eschaffé de nature, icelle sa nature se habonda telement... (Ch. VI, D., t.2, 1422, 250). [Texte incomplet dans le ms.]
 

"Somptueusement" : Pour Dieu, beau sire gracioux, Encor nen partirez de nous, Ains direz aucune dottrine Que jeune gent nen soit encline De vivre ainsy tendrement, Et ainsy habondeusement Ne vueillent vivre chevaliers, Et soyés leurs vrays conseilliers. (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 58).

REM. Cf. T-L I, 59 s.v. abondos ; GD I, 27a, s.v. abondos.
 

"Qui abonde" : Pource qu'on n'oit ma povre voix umbreuse, Je suis la dame sur toutes tenebreuse, Hors mon paÿs myse en captivité, Faisant mes plains de voix tremebundeuse, Plus que nulle aultre de tristesse habundeuse Qui vestibule sur mon cap tivité Hors de maniere et de cointiveté (LA VIGNE, Ress. chrest. B., 1494, 110).
 

"Affluer" : ...et, à la verité, là cheut la grant puissance des Gantois ; car tous tirerent contre la riviere. Là eust grant presse et dure deffense, et là fut tué d'une picque ung escuyer flamang, nommé Olivier de Launoy, homme de bien et fort renommé. Là abondit l'avant garde, les bannieres et les estendars. Si furent les Gantois rompus et mis en fuyte (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 321).
 

A. -

"En surabondance, à profusion" : A tous vaillable voirement Fu elle [la rédemption] surhabundanment [var. superhabundanment, surhabundaument] (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 338). Sans targier, volons acomplir Toute justice vraiement Monstrant superhabondamment Signe de vray humilité. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 78). Sans labourer la terre aulcunement Biens produisoit superhabondamment, Car convenable estoit le vent Eurus, Le vent Auster - ou signe de Taurus - Adressoit tout encontre Borreas (ANTITUS, Poés. P., c.1500, 29).

B. -

"Excessivement, à l'excès" : Semblablement en choses qui sont en oïr, ceulz qui se esjoïssent et delitent superhabundanment et trop en melodies de vois humaines et de sons faites par instrumenz, nul ne les dit pour ce desactrempés. (ORESME, E.A., c.1370, 220). Car il appetent et desirent delectacion et fuient tristece superhabondanment et oultre raison. (ORESME, E.A.C., c.1370, 396).
 

A. -

"Qui est en surabondance, à profusion" : Humilité sy est trouvée Superhabondans et prouvée, Quant le Seigneur veult obeir A son serf (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 78).

-

[D'un lieu] : ...et vint devant Bourges la cité, forte ville et peuplée, en provisions superhabondant, et de tous biens remplie. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.2, c.1425-1440, 270-271).

B. -

"Qui est en surabondance, en trop grande quantité, qui est excessif" : ...tels vers et telle putrefaction s'engendrent par superhabondant humidité et par chaleur estrange (EVR. CONTY, Probl. Aristote, 1380, XXVI, 16, 211 v°). Se tu as plus d'amis qu'il n'affiert a ta propre et privee vie, telx amis qui sont superhabondans et hors nombre te empeschent et destourbent a bien vivre. (PREMIERFAIT, Vraye amistié D., 1416, 283).

-

Empl. subst. "Celui qui manque de mesure" : Et pour ce que communelment pluseurs se esjoïssent en giex et en risees et se delictent plus que il n'appartient en oïr et escouter connices et moqueries des autres, pour ce telz genz appellent les superhabondans moiens, et les bomoloches il appellent eutrepeles et gracieus. (ORESME, E.A., c.1370, 271).

C. -

Loc. De (son) superabondant. "De surcroît" : Encores de son superhabondant luy a estée ostée et quassée la pension qu'il l'avoit acostumé à prandre et avoir du Roy. (ESCOUCHY, Chron. B., t.3, Pièces justif., 1442, 80).

Rem. De superabondant : ex. d'a.fr. ds GD VII, 593a.
 

I. -

Empl. intrans.

A. -

[D'une chose] "Surabonder" : ...la grace y superhabondoit (Prières saints R., t.2, 1350-1400, 342).

-

Superabonder en qqc. "Surabonder en qqc." : Aussi une region superhabundoit en une chose dont en aultre avoit grant défaulte. (ORESME, Monnoies W., c.1365, VIII).

B. -

[D'une pers.] "Être excessif, exagérer" : Et celui qui superhabunde est appellé cathaplex, qui a vergonde de tout. (ORESME, E.A., c.1370, 168).

-

Superabonder en + inf. "Être excessif dans la manière de" : Et celui qui superhabunde en desirer tels honeurs, il est philotime et celui qui y deffaut est aphylotime. Et le moien est innommé et aussi les vices sont innommés. Toutesvoies, nous feignon que il aient nom phylotimie et aphylotimie (ORESME, E.A., c.1370, 166). Et celuy qui superhabonde et excede en craindre et en avoir paour, il est appelé paoureus, car il craint les choses qui ne sont pas a craindre et en la maniere que il ne sont pas a craindre. (ORESME, E.A., c.1370, 209).

II. -

Empl. trans. "Surpasser, excéder" : Et selon toutes teles circonstances ou aucunes [delectacions] superhabundent et excedent les desactrempéz, c'est quant il se esjoïssent d'aucunes choses dont il ne convenist pas soy esjoïr et qui sont laides et a haïr. (ORESME, E.A., c.1370, 224). Et de vostre estat tant congnoy Que tout autre superhabonde. (Myst. Viel test. R., t.6, c.1450, 8).

V. aussi superabondant
 

"D'une manière surabondante" : ...il n'avient mie, ke uns viertueus, ki par raison ordene ses désirriers, aime un autre trop sourhabondamment. (ARKEL, Art d'amour P., t.1, c.1350, 80). ...on ne voit mie c'uns hons aime pluiseurs femes trop sourhabondamment. (ARKEL, Art d'amour P., t.1, c.1350, 81). ...quant uns hons trop sourhabondamment entent as besoignes d'autrui, il s'ensuit k'il ne puist à lui-meisme entendre ne sa vie droit ordener. (ARKEL, Art d'amour P., t.1, c.1350, 81). [Ex. passim]
 

Empl. intrans. "Être en excès, surabonder" : L'en doit savoir quant sanc surhabunde en cheval, il se deffrote volentiers et mout se delite a froter ; et si luy flaire le pissat et la fiente ; et si a l'orine rouge et espesse (Chir. chevaux P., c.1325-1350, 364). Mais aussi soy taire ou peu parler est aux vierges bien affreant principalment, selonc le dit de saint Ambrose ou .IIIe. livre de Virginité : "J'aime mieulx, dist la vierge faillir en parler que surhabonder..." (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 396). Et aprés la conversion, elle [Marie Madeleine] fut louee par superhabondance [var. seurhabondance] de grace, car la ou peché estoit habunde, grace surhabonda. (BATALLIER, Lég. dorée D.-L., 1476, 615). [Var. ds VIGNAY, ms BNF fr. 241, a.1348]