C.N.R.S.
 
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     VUE     
FEW XIV videre
VUE, subst. fém.
[T-L : veüe ; GD : veue1 ; GDC : veue ; DÉCT : vëue ; FEW XIV, 424b,425 : videre ; TLF : XVI, 1371b : vue]

A. -

[Comme sens, comme faculté]

 

1.

"Sens qui permet de voir, faculté de vision" : Volenté qui est par dedens Est si a Amour aërdans Qu'elle est en un moment volée En l'air ou sa dame est montée, Non d'estat, mais de melodie ; Dont memoire est si esbahie Et sa veüe si troublée Et d'entendement la visée, Qu'entendemens ne puet comprendre Ce que volentez vuet emprendre. (MACH., D. Aler., a.1349, 328). Tant soit biaus, fors, soutils et sages, S'il n'ensieut les propres usages D'Amours, il s'en repentira ; Car sa veue li troublera, Quant il cuidera resgarder Les rais ; ne s'en porra garder. (MACH., D. Aler., a.1349, 347). La veüe est lumiere de l'ueil aussi comme l'entendement est lumiere de l'ame, et ces .II. lumieres sont de diverses raisons et especes. (ORESME, E.A.C., c.1370, 116). Mais mon corps, mes membres, mes yeux Ja ne souffrissent de cilz lieux La tres grant clarté reluisant, Qui trop me fust aux yeux nuisant, Et du tout aveuglast ma veue La tres grant lueur qu'ay veue, Se de mon conduit ne venist Vigour qui mon corps soustenist. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 78). Qui pecha, ses parens ou luy, Dont tel faulte luy soit venue Que d'estre né privé de veue ? (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 444).

 

-

[P. oppos. à vue espirituelle] Vue corporelle/vue de l'oeil : La veue corporele est empeschié par trois manieres : par tenebres, par faulse lumiere et par aversion de la chose visible, come cellui qui tourne le doz au soleil ou a la chandeille, pareillement se empesche la veue espirituele au regard de la congnoissance de Dieu. (Somme abr., c.1477-1481, 134). Le veu de l'ueil ne met riens dehors en ouvrant en la chose visible par aucune mutation. (Somme abr., c.1477-1481, 166).

 

-

Perdre la vue. "Devenir aveugle" : C'elle ne treuve a qui parler Je vueil qu'elle perde la veue. (P. Jouh. D.R., a.1488, 30). Lucille, quant je me recorde, Avoit pieça la veue perdue, Et ne sçay qui luy a rendue. Mettez lay a execution Et faictes inquisition Qui luy a rendu sa lumiere. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 261).

 

-

Ravoir sa vue. "Recouvrer la vue" : L'AVEUGLE. S'il est pecheur, point n'en suis seur, Je n'en sçay riens, mais sçay de vray Que par lui ma veue ray Qui oncques n'avoie point veu. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 101).

 

-

Recouvrer la vue : Or nous dix donc, a bonne certes, Comment as recovré la veue, Et comment la chose est venue ; Croire ne le puis nullement. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 128). L'AVEUGLE. Hé ! Dieu, or suis je resjoÿ : Ja ai je recouvrez la veue. (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 179).

 

-

Rendre la vue à qqn : Sains Georges tua le serpent Qui avoit de lonc un erpent ; Sains Blaises sus le lac embla, Qui terre ferme li sambla ; Saint Lorent rendi la veüe À ceaus qui l'avoient perdue (MACH., P. Alex., p.1369, 14). Les mors fais arrier estre en vie (...) Aux aveugles ren leur veüe. (Jour Jug. R., c.1380-1400, 230). Rendez nous cy raison d'accord Par quel moyen ne par quel sort La veue luy est cy rendue. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 460). ...et de l'eaue qui en yssit, après qu'elle fut fondue, en fut lavé les yeux d'un religieux aveugle et incontinent lui fut rendue la veue. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 124 r°).

 

2.

P. méton.

 

a)

"Acuité de la vision" : ...car, tout ainsi comme a ce que .I. homme ait bons yex et bonne veüe par quoy il juge bien des couleurs et que est bel ou lait, il convient que la bonté de la veüe soit nee en luy et que il le ait de nature, semblablement a ce que un homme ait bon voiement ou bonne veüe de l'ame dedenz ou de l'entendement, il convient que elle soit en luy nee et a luy donnee de nature. (ORESME, E.A., c.1370, 201). Et de toutes les estoilles ou corps du ciel visibles, le soleil tout seul appert estre ainsi meu et seulement quant il lieve et quant il rescouse ou pres de cel temps. Et ce n'est pas pour ce que il soit ainsi meu, mais est pour ce que il est loing de nous, car pour la fleblesce de notre veue qui est loing du soleil a grant distance elle tremble. (ORESME, C.M., c.1377, 448). Et icelle samblable sentence declare Avicenne en la IIIe distinction au chapitre de debilitation de la veue quant il dit : se baigner en eaue clere et verde et les plongier en icelle, et ouvrir les yeulx dedens selon qu'il est possible. (Rég. santé corps C., 1480, 4). ...et trouva l'art de faire les mirouers, pour mieulx veoir les estoilles et esclipses, pour ce qu'il avoit tendre veue. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 29 r°). ...et congneut, par les influences [des étoiles], la mort prouchaine d'un roy et ne povoit trouver qui il estoit, pour ce que jà avoit feble veue. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 60 r°). LE PERE. (...) Viellesse m'assomme Et mon povre corps se consomme, Pour ce que je suis ja fort vieulx ; Le chief me tramble, puis les yeulx Sont ung peu suspectz de la veue. (LA VIGNE, S.M., 1496, 160).

 

-

Acutissime vue : ...entre lesquelles avoit une herbe appellée Herba lucis, de telle vertu que tous ceulx qui la touchoient avoient incontinent acutissime veue. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 69 v°).

 

-

Avoir courte vue. "Être myope" : En celle cace fu pris et retenus des François messires Oulphars de Ghistelles, qui ne se sceut ne peut garder à point, car li chevaliers avoit court vue. (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 73).

 

-

Conforter la vue : Cestui composa plusieurs livres, l'un de astrologie et ung autre des pierres precieuses (...) que l'on dit Lapidaire, lequel il envoya (...) à Neron l'empereur, ensemble ung mirouer d'esmeraulde pour conforter la veue. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 80 r°).

 

b)

"Organes de la vision" : Et la racine de la celidonne triblee et cuite en vin est bonne a purgier le cerveau et la veulve [l. veue] [étant donné les propriétés prêtées à la chélidoine] des humeurs frois se le malade rech[ev]oit la fumee en la bouche et aprés face gargarisme du vin. (Rég. santé corps C., 1480, 120).

B. -

"Fait de regarder, de voir"

 

1.

"Regard" : Exemple nous avons en la mer lequel se offre et presente selon sa grandeur totale a nostre veue, et toutevoies selon la reondeur et circuité de lui ne puet du tout estre veu de nous. La cause si est pour sa lueur et pour l'indisposition non proportionnee a tant grande et ample lueur et extencion au regard de nostre veue. (Somme abr., c.1477-1481, 134).

 

-

À vue. "Sous le regard, de façon à être visible" : Qant li Escoçois perchurent l'ordenance des Englois, il s'en vinrent parellement tout rengiet et se remissent a veue, ensi que le jour devant. (FROISS., Chron. D., p.1400, 144).

 

-

À/en la vue de qqn. "Sous le regard de qqn" : Et furent .XI. jours tous plains sus la mer, a la veue de ceuls de l'oost, que onques il ne peurent eslongier Bristo plus hault de deus lieues en mer. (FROISS., Chron. D., p.1400, 87). Li rois d'Engleterre et sa bataille passerent ensi que a une lieue priés, et se rengierent et ordonnerent a la veue et monstre de ceuls qui en Roem estoient, et lor manderent la bataille par un hiraut ; mais ne s'i acorderent. (FROISS., Chron. D., p.1400, 699). Plus en secret seray au boys Qu'estre en la veue de tout le monde. (Myst. jeune fille L., c.1413-1445 [c.1530], 27).

 

-

À vue d'oeil. V. oeil "Sous le regard de tous, devant tous, en étant vu de tous" : Et par vive raison Dieu le nous monstre et fait apparoir clerement quant de jour en jour a veue d'oeil il veult que tu faces miracle en ce monde, toy vivant comme peullent faire mors les sainctz qui sont en Paradis. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 297).

 

.

"Manifestement" : ...a veue d'oeil il fault que je me couppe Et que je me brusle en oyant le chant d'elle (SAINT-GELAIS, Séj. honn. D., c.1490-1495, 174).

 

Rem. Erec C.T., c.1450-1500, gloss.

 

.

Suivre à vue d'oeil. "Ne pas perdre des yeux" : Et aussi, se aucunes mouchez de ruches essiement et s'en aillent en ladicte forest, chacun peust sieurre ses mouches en icelle, la ruche ou poing, à veue d'euyl ; et quant ilz sont assises et aliéez en aucun arbre, ilz les pevent prendre et raporter sanz en fere amende. Et se ilz sont encrusées en aucun arbre, ilz sont au roy. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 267).

 

-

D'une vue. "D'un seul regard, par le champ du regard" : ...et tout bois vert volé en gesant, hors caable, lequel est à entendre quant l'en peut veoir tout d'une veue sept arbres de chaable ainsi chois, froisséz ou rompus. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 247). On y peult bien d'une veue adviser Trente ou quarante fontaines et ruisseaulx (LA VIGNE, V.N., p.1495, 186).

 

-

Vue d'yeux. "Étendue du regard" : Et estoit grant biauté de veoir reluire contre che soleil ces banières, ces pennons et ces bachinès et si grant fuison de gens d'armes que veue d'ieux ne les pooit comprendre (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 129).

 

2.

Vue de qqn/qqc. "Fait de voir qqn ou qqc." : Item, en autre lieu en la sainte Escripture le Sage excite cuer humain a desirer la veue de cest arc glorieux en disant ainsi : Vide arcum, et benedic [eum] qui fecit illum : valde speciosus est in splendore suo ; il est tres bel et tres resplendissant, car il est si comme dist David : Speciosus forma pre filiis hominum. (ORESME, C.M., c.1377, 728).

 

-

À/en la vue de qqn/qqc. "En voyant qqn ou qqc." : Et entrèrent li Navarois par eschiellement dedens : de quoi, qui la ditte tour voit, on se poet esmervillier comment ce se poet faire ; car, à la veue dou monde, c'est cose impossible dou prendre (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 134). ... le roy Ferrant, en sa veue , enama ardamment de forte amour une dame, femme d'un sien chevalier (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 248).

 

-

Avoir la vue de qqn/qqc. "Voir qqn ou qqc." : Las ! qu'ay je dit ? ja n'iert perdue Ne retenue, Car à .VC. doubles rendue M'est, sans plus, par douce esperance Dont fine amour est soustenue Et repeüe, Quant de la belle ay la veüe Qui me point d'amoureuse lance. (MACH., Les lays, 1377, 333). Et ceulx montent sur la mer et lievent leurs voilles et s'en vont singlant a effort vers Chippre. Et sachiez que Florie estoit montee aux fenestres d'une haulte tour, et tant comme elle en pot avoir la veue, elle ne party de la fenestre. (ARRAS, c.1392-1393, 127).

 

-

Connoistre qqn de vue. "Connaître qqn seulement pour l'avoir vu de visage, d'apparence" : ...un chevaucheur dudit mons. de Berry, qui est mariez en la ville de Paris, et duquel il ne scet le nom, mais bien le congnoist de veue. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 534). Jehan Meuregny, tixerant de toiles (...) que il cognoissoit de veue (Ch. VI, D., t.1, 1417, 395).

 

-

Estre à vue. "Être placé de manière à être vu" : Et la fist on tout honme seoir sus escamiaus pour casqun veoir le roi plus aise, liquels estoit assis en pontificalité, en draps roiiaus, et la couronne en chief, tenant un septre roial en sa main. Et plus bas deus degrés, seoient prelat, conte et baron ; et encores en desous avoit plus de siis cens chevaliers. Et de ce rieule seoient les honmes des chienq pors d'Engleterre, et les consauls des chités et bonnes villes dou pais. Qant tout furent a vue et assis par ordenance, ensi que le devoient estre, on fist silense. (FROISS., Chron. D., p.1400, 232).

 

.

[À la chasse] "Chasser en cherchant à voir la bête"

 

Rem. HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, gloss. (veue).

 

-

Estre de belle vue. "Être beau à voir" : Che jour vinrent li Englès veoir le castiel de Marceaunoi, qui est en le conté de Blois, et i a un très bel fort et de belle veue (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 277).

 

-

Faire vue de qqn/de qqc. "Montrer qqn ou qqc." : ...à l'entrée d'un petit bois dont ilz ne scevent le nom, trouverent illec Thevenin de Breyne, prisonnier detenu oudit Chastelet, de la personne duquel ostencion et veue leur fu faite (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 138). Jamais veue n'en serait faite, De ce païs l'estrangeray. (Myst. st Clément Metz D., p.1439, 359).

 

-

Perdre la vue de qqc. / de qqn. "Cesser de voir qqn ou qqc., ne plus voir qqn ou qqc." : Mais onques en jour de ma vie Ne vi chose si tost perdue ; Car j'en perdi si la veüe Que je ne sceus qu'elle devint. Lors plus de dis fois ou de vint Resgardai entour la haiette, Mais je ne vi riens fors herbette, Arbres, fueilles, fleurs et verdure. (MACH., R. Fort., c.1341, 107). Et quant je fu a l'autre port, Li lyons s'en fuï si fort Qu'en l'eure en perdi la veüe. Et j'ay pris ma voie et tenue Vers le lieu dont partis estoie, Qu'adès devant moy le vëoie. (MACH., D. Lyon, 1342, 234). ...Et de ses eles acolant L'air de quoy il se conduisoit, Esbanioit et deduisoit ; S'en faisoit de moult grans ponnées Et de si trés hautes volées Que souvent la veue en perdoie, Mais en l'eure le revëoie. Quant il ot volé ça et la, Moult courtoisement s'avala, Tant qu'il fu seur l'arbre rassis Ou le jour devant avoit sis. (MACH., D. Aler., a.1349, 271). La perdeismes la veue de la transmontaingne (JEAN LE LONG, Voy. Odoric A.M., 1351, 27). ...et quant il avoit yceulx eslongiez tant qu'ilz povoient avoir perdu la veue de lui, il se retournoit tout court par un autre chemin, le plus couvert qui savoit, droit audit lieu de la Sousterrine, ou là où les Englois estoient embuschez (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 57). Mais le porc tourne et se met au cours par telle maniere qu'il n'y ot chien ne chevalier ne homme qui n'en perdist la trace et veue, fors que le conte et son nepveu Remondin... (ARRAS, c.1392-1393, 19). ... et puis s'empaingnent en la mer, et le vent se fiert es voiles, si s'en vont si roiddement qu'en pou d'eure ou en perdy la veue. (ARRAS, c.1392-1393, 88). Cellui chevalier (...) suivoit Gieffroy de loing tant que oncques n'en perdy la veue. (ARRAS, c.1392-1393, 198). Finablement, quant elle [Didon] en ot du tout la veue perdue [du navire d'Énée], elle fu sy desvee et sy impaciente que elle bouta le feu en la tour (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 431). La se aloiierent tout li chevalier dou roi par les resnes de lors cevaus ensamble, a la fin que il ne se peuissent departir l'un de l'autre ne perdre la veue de lor signour le roi ne retourner l'un sans l'autre. (FROISS., Chron. D., p.1400, 730). Alors l'omme prent congié, et lors fust le entree de la nuit, duquel incontinent perdismes la veue (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 154).

 

-

Perdre qqn de vue. "Cesser de voir qqn" : ... les Anglois s'en yront droit a Meung, et les François (...) les perdront de veue (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 498).

 

-

[À la chasse] Traire à vue

 

Rem. HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, gloss. (veue).

 

-

[D'une chose] Venir en vue : Car aucune chose nouvelle, Ou cas qu'elle soit bonne et belle, Et il avient qu'on en parole, Il est certeins que la parole En est moult volentiers oye Des entendens, et conjoye ; Et quant elle vient en veüe, Elle est plus volentiers veüe Assés, que ne seroient celles, Quoy que bonnes soient et belles, De quoy on puet assez vëoir, Qui un po s'en vuet pourvëoir. (MACH., D. Aler., a.1349, 295).

 

3.

"Fait de voir qqn, entrevue, rencontre" : Terre ont pris, si sont descendu, Et monterent haut ou palais De la ville, qui n'est pas lais. Quant li bons roys sceut leur venue, Moult en desire la vehüe, Pour l'amour de ceaus de Venise, Qu'il ainme de bon cuer et prise. (MACH., P. Alex., p.1369, 118).

C. -

P. méton.

 

1.

"Ce que l'on voit "

 

a)

"Ce que l'on voit depuis un certain point, étendue qu'on embrasse du regard"

 

-

À la vue d'un lieu. "Dans le champ de vision que l'on peut avoir depuis un lieu" : A l'endemain, il se deslogièrent et s'en vinrent à Villenuefve la Freté, en la conté de Blois, à la veue dou Chastiel Dun (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 276).

 

-

Avoir vue sur qqc.

 

.

[D'une pers.] "Apercevoir les lieux voisins à travers les ouvertures ou les fenêtres d'une maison" : Et ne pourront avoir veue lesdiz prenours sur les choses dudit priouré par les coustez, ne par le darrière d'icellui hostel. (Cartul. St-Victeur B., 1385, 220).

 

.

[D'une ouverture] "Permettre à qqn d'avoir vue sur les lieux voisins" : ...deux archieres qui sont en la maison du dit Nicaise aus dessus de ses aisances les quelles ont veues et regart sur le jardin (...) dudit Jehan Gros Perrin (Industr. Paris F., 1371,,, 356).

 

-

[D'un lieu] Jeter vue. "Donner sur" : ...et, pour ce, il qui parle et ledit Andry ont tousjours depuis couché ensemble en un lit et en ladite chambre, laquelle gette veue sur la riviere de Saine. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 127).

 

-

Vue des champs. "Lisière de la forêt" : ...excepté le moiz deffendu, ouquel temps ilz ne pevent mener leurs bestes en ladicte forest, fors à la veue des champs (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 10). Item, ilz ont pasturage pour toutes leurs bestes hors tailles et deffens, excepté le mois deffendu, ouquel temps ne doivent point passer la veue des champs et n'y doivent point aller les porcs. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 11).

 

Rem. Cf. M. Arnoux, Médiévales 18, 1990, 26 : «La lisière des bois n'y est pas décrite comme une frontière linéaire, mais comme une région indécise, de dimensions variables, définie par la visio plani ou "vue de plain", espace accessible à la vision humaine depuis les champs riverains de la forêt». Vue des champs et clair des champs : plutôt vision de l'intérieur de la forêt, telle que doit l'avoir le gardien du troupeau ?

 

b)

"Aspect, apparence" : Tu me sembles ung mais garçon, Car t'as la veue d'un larron ; Dy nous qui t'a cy fait venir. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 244).

 

c)

"Parade, revue"

 

Rem. Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 450/1385.

 

2.

"Distance à laquelle on peut voir qqn ou qqc."

 

-

À une vue de qqc. : Et quant noz gens les virent partir, si bouterent tantost un rampin armé hors du port, qui les costoya tant qu'ilz virent que sur le soir se aancrerent environ a une veue du port soubz Saint Andrieu. (ARRAS, c.1392-1393, 131).

 

-

D'une vue : Quant les deux chevaliers se furent esloingniez d'une veue de Remondin, si dirent l'un a l'autre : Par foy, veez la moult honnourable gent. (ARRAS, c.1392-1393, 52). Or dit l'ystoire que tant vaucrerent noz crestiens par my la marine que ilz virent approuchier d'eulx, aussi comme d'une veue, une quantité de vaisseaulx, mais par semblance ilz ne povoient pas estre foison. (ARRAS, c.1392-1393, 124).

 

-

De n vues : Mais il n'apporta que un oeil sur terre ; mais il en veoit si cler qu'il veoit venir par mer les nefs, ou par terre autres choses, de trois veues, qui montent bien XXI. lieus. (ARRAS, c.1392-1393, 80).

 

-

En vue de. "À proximité de" : Il [Lysimaque] prinst des plus hardis povres chevaliers des Macedonnes grant quantité et les envoia a Ephese comme prisonniers et les mist en vue des maistresses tours (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 59).

 

3.

"Ce qui permet à l'oeil de voir"

 

a)

"La lumière, la clarté"

 

Rem. HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, gloss. (veue).

 

-

[D'une chose] Estre de grande vue. "Être de grand éclat" : ...et pour ce y sont les couleurs plus propices, qui sont de grant veue et de grant difference, que les autres simples couleurs ne sont (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 624).

 

-

Mettre vue en. "Donner de la lumière, de la clarté dans un endroit" : Aud. Johan Lenoir pour ung cassil ou il a ung guisset (...) chambre, pour une rescousse, pour ung huis en cassilly assis auprès dez aisemens en l'apentiz jouxte la gallerie, pour II fenestres aux aisemens de hault oud. appentis avec plusieurs lanchetes a mettre wue en la librarie et pour ung pennel de bois qui a esté mis en l'autel de bois, pour ung aes portant dessus l'autel et pour III gonches (Comptes Archev. Rouen J., 1440, 211).

 

b)

"Petite fenêtre" : ...en la chambre ou estoit le taux, a fallu mettre une pièce de solle et coulomber pour estoupper les veues qui estoient en icelle chambre et pour avoir mis des coulombes refeulliez pour donner veues a la court monseigneur l'Official et a la maison des prisons ; y a fallu faire ung degré avec certaines clouésons et hucheries. (Comptes Archev. Rouen J., 1438-1439, 188).

 

c)

"Partie de la visière du casque, percée de fentes horizontales qui permettent de voir" : ...pour avoir fourbi les veues du heaulme que maistre Frémin a doré, V s. (Comptes roi René A., t.1, 1451, 361). A la .IJe. course, messire Enguerran sa pointe clinssa soubz la veue de Saintré (LA SALE, J.S. E., 1456, 186).

D. -

Au fig.

 

1.

"Vision intérieure, vision de l'esprit" : Oncques hermite en ung desert n'ot telle paix et transquillité pour eschever la veue du monde comme saint Pol avoit tout au milieu du monde (GERS., P. Paul, a.1394, 513). Cestui predist sur la veue et consideracion de la nativité, revolucion d'icelle et aussi par la veue de l'urine et autres adminicules que la niepce ou prouchaine parente du pappe enfanteroit quasi enfant monstrueux, ce qui advint (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 131 v°).

 

-

Vue espirituelle : Semblablement est de la Divinité au regart de ma veue espirituelle. Car jassoit ce que je ne puisse riens congnoistre, se non par la congnoissance de l'estre divin, neantmoins je ne puis plus plainement congnoistre quel est cest estre de Dieu (GERS., Trin., 1402, 159).

 

2.

DR. "Examen"

 

a)

"Fait de montrer pour examen, sur décision d'une autorité de justice, l'objet du litige, du procès" : Et par vertu du mandement eust esté appeley Johan du Boys vers le procuroour dudit monsegnour, et eust eu terme advenant, et après eust esté la veue termée et retermée par plusours foiz, entre toutes les parties, jouxte la tenour et la fourme dudit mandement et monstrée et soustenue (Cartul. Hôtel-Dieu Cout. L., 1338, 165). Monstrées et veuees appartiennent en plusieurs choses ; car aucunes sont en fief, les autres sont de longueur de maladie, à autres de mallefice fait, autres de homme tué, autres de pucelle despucellée, autres de terres, autres de meubles, comme de cheval advoué (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.2, 1437, 83).

 

-

Jour de vue : Le sires de Verdun demandoit jour de veue contre messire Robert de Marcelley sur choses contenues en certains articles, esquelx articles le sire de Verdun s'estoit obligiéz premierement à respondre. (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 145).

 

b)

[En Normandie] "Instruction, interrogatoire, enquête sur place par témoins convoqués" : Jehan Du Bosc, pour lui et attourné de sa fame, fist amende pour jugement relaschié vers Philippot Dandrevas, par la amende, le dit Philippot eut attaint que une veue fust termée par jugement sur le cas d'entr'eulz (Mémor. Echiq. Archev. S., 1381, 8). En l'Eschiquier de Pasques, a Falloise, l'an mil CCXIX, accordé fut entre les evesques, prelas et barons de Normandie que se aucun clerc ayant couronne se marie et prent femme, il fera au roy et aux autres seigneurs du fief lay ce que le fief lay doit, et du bourgaige ce que les autres bourgoys font, c'est assavoir, pour raison de fief, et toutesvoyes, comme aucuns dient, ne seront pas pour ce tenus d'aller aux veues, mais en bourgeoisie et ou fief lay sera faite justice de tout ce qu'ilz doivent sur tous ses chastieux et meubles qui y seront trouvés. (Echiq. Normandie S., 1392, 87). Item, pour eschiver [a] la grant malice et convoitise des sergens et au travail du peuple, qui souvent font venir aux veues, enquestes et informations grant nombre de gens, sans cause, et en prennent grans proffis, la court ordonne et commande que pour une veue ou enqueste l'en ne semongne ou face venir que XX homme[s] au plus (Echiq. Normandie S., 1398, 100).

 

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Gens de vue. "Témoins entendus lors de la vue" : ...la veue sera termée et le lieu monstré aux tesmoings et veeurs qui seront fais venir en jugement aux plès ou assises ou ladite matiere sera pendante. Et après que lesd. tesmoings et gens de veue auront esté passez sans saon, ilz seront enquis et examinez sur les fais, neances et deffenses de l'intendit de lad. preuve qui entendiblement et a trait leur sera leu. (Echiq. Normandie S., 1497, 159).

 

c)

"Visite périodique pour constater les délits forestiers ; séance d'une cour où ces délits sont jugés" : Et aussi doivent estre à tauxer les amendez se ilz y sont appeléz ; et si doivent avoir sur lez amendez des dictes forests, comme l'un des IIII francs, XII d. par. pour jour en cas que il luy sera, et non autrement. Et si doivent estre à toutes veuez des dictes eauez et forests. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R.B., 1398-1402, 127). Pour lesquelles franchises, elle est tenue d'aller aux veuez de laditte forait par avenant semonce, à aidier à faire lez jugemens de la forait tant au recort du pasnage que autrement où il apartendra, comme les aultrez frans jujeurs de laditte forait. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 80). ...ledit Martin du Valuendrin est tenu aller deux fois l'an comme franc veueur aux veuez de ladicte forest par semonce advenant et estre es prouchains ples ensuivans apées [l. aprés] lesdictes veues pour aider à fere sur ce les jugemens (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 82). ...et [les paroissiens] ne doivent estre traictéz devant autre juge que devant les maistres des forests ou devant le verdier de la forest de Bretheuil, ne aller aux veuez par semonces d'aucuns des sergens de la viconté de Bretheuil ne d'autre, sinon par les sergens descervians ou de la forest, par ainssi que les lieux où ilz demeurent les enfranchissent (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 293).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin

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