I. -

[Sens spatial]

A. -

[Dans l'espace (terrestre ou céleste)]

1.

"Qui est situé plus haut que tous les autres" : Et pour ce, le corps qui est ou lieu souverain aussi comme s'il fust autre que feu et terre et air et yaue, les anciens l'appellerent etheir et li metoient ceste denominacion en segnefiant que il court et est meu touzjours en temps pardurable. (ORESME, C.M., c.1377, 86). Du souverain de tous les cieulx Venra en terre le vray Dieux (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 1). ...au souverain sourgon de la fontaine (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 707). ...navré et detrenché En douleur (...) depuis le bas de la plante [la plante des pieds] Jusques a la part souveraine [la tête] (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 232).

-

[Contexte métaph.] Souverain eschelon. "Le degré le plus haut" : Et ainsi il aduient que combien que nous aions voulente de monter souuent iusques au souuerain eschelon de ceste eschielle, cest a contemplacion, nous est force et necessite que nous descendons. (CIB., p.1451, 179).

2.

ASTR.

-

Corps souverains. "Les corps célestes" : De la nature des cieulz et des corps souverains ou de deseure. (Somme abr., c.1477-1481, 88).

-

Choses souveraines. "Les sphères et les corps célestes" : En la monarchie corporele celeste, il est chose neccessaire venir a la primiere spere, qui est la primiere chose mouvable, car au movement de celle, toutes choses soubseraines si se muevent. (Songe verg. S., t.1, 1378, 67).

-

Souveraines planetes

Rem. Doc. 1349 ds Z. rom. Philol. 94, 1978, 429.

3.

MÉD. Souverains boyaux. "Viscères situés le plus haut" : ...ung chascun qui veult vivre en santé ne doit mengier fors que quant le desir et la fain sont certains et veritables, et l'estomac et les souverains boyaulx sont evacués de la premiere viande (Rég. santé corps C., 1480, 16).

B. -

"Qui est le plus élevé en hauteur" : Ce petit et souverain mont, qui est la couronne du mont, de la en sus a environ de XXV a XXX toises de hault. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 78).

II. -

[Dans une gradation (l'obj. auquel souverain s'applique est gradable ou bien l'adj. souverain porte sur l'importance accordée à l'obj. ou sur les qualités - gradables - qui lui sont attribuées)]

A. -

Empl. adj.

1.

[D'une chose concr.] "Principal" : ...Ynde, le sovrain [var. souveraine] ysle du monde (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 171). ...la tour sovraine du palaiz (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 172). Deux cleides de fer de la porte souveraine. Ung portier à mectre devant la porte. (Comptes roi René A., t.2, 1461-1462, 231).

2.

[D'une chose abstr., d'une action, d'un état...]

a)

"Supérieur aux autres choses de même nature ; qui, dans son genre, atteint un degré éminent de perfection" : Vostre beauté, qui est la souverainne De trestoutes celles que onques vi, M'a plainnement si pris et si ravi, Et sa vertu si mon coer a li tire, Que... (FROISS., Orl., 1368, 87). La seconde et darrienne doubte est assavoir se nostre Dame ot souveraine beauté corporele entre les femmes (GERS., Concept., 1401, 423). ...sa char (...) passe toutes les autres en souveraine blancheur (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 281). ...joyssant du souverain deduit qui soit en terre (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 50). ...vostre queste est la plus haulte et la plus souveraine que chevalier puet emprendre (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 802). La haulteur de la verité theologienne qui est ung ray de la souveraine lumiere esclarcissant l'entendement (Somme abr., c.1477-1481, 98). La meditacion de la mort est souveraine philosophie. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 274). Quoyqu'il en soit, il fut très cler et de souverain engin en la science des estoilles. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 77 r°). Cestui en escripvit moult amplement sur la VIe maison et composa aussi contre la peste plusieurs choses moult souveraines (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 133 r°). L'onneur haultain d'entree souverayne Comme les autres villes de Lombardye La luy fut fait, quelque chose qu'on dye, En luy rendant obeyssance humayne. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 194). SAINCT SEVERE. Voz doulces parolles humaynes, Par le moyen du Sainct Esprit Et par doctrines souveraynes, Ont enluminé leur esprit. (LA VIGNE, S.M., 1496, 499).

-

Souverain bien : Item, Dieu est souverain bien, et selon ordre naturel tous biens sont finablement pour luy. (ORESME, E.A.C., c.1370, 483). ...presuppose le procureur du Roy que un des souverains biens est obeissance et au contraire desobeissance à son prince et souverain seigneur est très grant mal. (FAUQ., I, 1417-1420, 31). Tres necessaire enfantement, Conceu, porté honnestement, - Hors le pechié originel - Que dire je puis sainctement, Souverain bien de Dieu eternel. (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 40).

-

Souveraine medecine / souverain remede. "Remède infaillible" : ...la souveraine medecine [la saignée] (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 341). ...et le souverain remede en ce cas est humilité qui se submet a croyre autruy conseil. (GERS., P. Paul, a.1394, 501). ...que ce estoit le souverain remède aux jaloux de tousjours tenir le doy en celluy anneau (TARDIF, Facéties Pogge M., c.1490, 202).

-

Souverain sur tous. "Le plus abouti, le plus beau" : Figuiers, datiers, poiriers, allemandiers, Pommiers, loriers, roumarins, marjolaines, Et girofflees sur toutes souveraines, Nobles heuilletz, plaisantes armeries (LA VIGNE, V.N., p.1495, 249).

-

"Qui domine" : L'engin surmonte les forces et la souveraine prudence est en l'homme prudent (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 268).

b)

"Extrême ; suprême"

-

"Extrême" : ...en souveraine deffaulte de vivres, ilz gettoient ce qu'ilz devoient plus garder. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 39). Cellon voz ditz, A mon advis, - vostre doleur est souveraine. (Pass. Auv., 1477, 256).

.

Necessité souveraine. "Nécessité absolue" : Aprés je di que subvencion quant au pere en neccessité souveraine precede tout et est a faire devant toutes les autres choses. (ORESME, E.A.C., c.1370, 457).

.

En souveraine extremité. "Au degré extrême" : ...toutes les pars de mon corps (...) souffrent (...) En souveraine extremité De douleur (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 232).

-

"Suprême, absolu" : ...c'estoit l'estat d'innocence et de souvrainne perfection en terre (GERS., Traité R. Rose, 1402. In : Chrestom. R., 51).

.

"Le plus élevé, le plus grand" : Ce sera mon souvrain desir. (FROISS., Méliad. L., t.3, 1373-1388, 250). C'est le souverain propre a la vie humaine que de nourrir espoir et de vivre en attente de bien soubz divine prestance. (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 107). ...dont le fruit est le souverain de tous biens (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 183). ...et de ce que tu m'as depuis servi je t'ay tousjours payé souverain pris. (RIPPE, Andrienne, a.1466. In : Chrestom. R., 206).

.

Souverain degré. "Degré le plus élévé, degré suprême" : Et dit ainsi, que toutes fames qui sont grasses oultre mesure naturelle, c'est a dire ou souverain degré, ne conçoivent point (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 126).

-

[D'une qualité, d'une action se rapportant à Dieu (ou aux dieux), de ce qui émane de la divinité] "Suprême" : Secondement s'ensuit que Dieu a souveraine vie et congnoissance, car plus parfaicte est la chose vivant et congnoissant que les autres sans vie et congnoissance. (GERS., Trin., 1402, 160). De pecheurs n'aront plus le nom Par vostre bonté souveraine. (Pass. Auv., 1477, 217). Pencés qu'il est Dieu glorïeux Et qu'il a graces souveraines. (Pass. Auv., 1477, 254). ...car au souverain bon riens ne puet estre adjousté (Somme abr., c.1477-1481, 104). Et par ce que dit est, il appert que Dieu est ung premier souverain et seul principe (Somme abr., c.1477-1481, 107). ...les bontez souveraines D'iceulx dieux (Cene dieux, c.1492, 133).

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P. métaph. [Dieu étant désigné par une de ses qualités] : O charité moult precïeuse, O souverain bien virtüeux, Vous estes la voix amoreuse ; Vous estes mon Dieu glorïeux ! (Pass. Auv., 1477, 216). Dieu pere, souveraine vie, De bon cuer vous obeyrey. (Pass. Auv., 1477, 224).

-

"Céleste" : Et, pour voir, je respondi lors Que qui veult les biens souverains Avoir, fuir doit les mondains (Mir. st J. Cris., c.1344, 264). ...je entens la belle compagnie des anges de paradis qui eslevérent l'arche, ce fu et l'ame et le corps de la vierge benoite, jusques a la destre de Dieu, la fu mis en souverain et pardurable repos. (Mir. march. larr., c.1349, 92).

.

Souverains citoyens. "Les habitants du ciel, les élus" : ...si que sur la table de la refection des souverains citoyens puisse mangier (GAST. PHÉBUS, Livre oraisons T., c.1380-1383, 44).

.

Les souverains

Rem. GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 386, v.28935.

c)

"Principal, essentiel" : ...l'ordenance du ciel est en telle maniere comme est le gouvernement d'une cité la ou est un prince qui a une operacion souveraine, et les autres officiers chascun la sieue en obeïssant au prince. (ORESME, C.M., c.1377, 464). Pour ce que tant Richece alose Son estat com souvraine chose, Diray en brief que sages dient De son estat qu'ilz repudient. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 195). ...par le benefice premier que Dieu luy fait il imprime son seel, cest a dire son ymage en la souueraine porcion de soy, cest en la partie intellectiue. (CIB., p.1451, 205). Et se voulez savoir de la tresfiere guerre de Jules Cesar et de Pompee, aussi de la souveraine bataille qui fut de leurs pouoirs en Thesaille, ou ledit Pompee fut desconfit, lisez Lucain. (LA SALE, J.S., 1456, 76). ...d'aultre chose ne tenoient leurs devises que de pourpenser et adviser moien par lequel leur souverain desir pourroit estre accomply par legitime mariage. (C.N.N., c.1456-1467, 546). LA BOURGEOISE. Mon filz, ma plaisance certayne, Mon enffant, ma doulce porture, M'amour, ma joye souverayne, Ma delicate nourriture (...), Hellas, hellas, qui t'a fait pendre ? (LA VIGNE, S.M., 1496, 389).

-

Souveraine partie. "La raison" : Dont le sensitif [puisque Mémoire a repris toutes les facultés intellectuelles] s'esveilla Et esvertua Fantasie, Qui les organes resveilla Et tint la souveraine partie En suspens et comme mortie Par oppressïon d'oubliance, Qui en moy s'estoit espartie Pour monstrer de Sens la lïance. (VILLON, Lais R.H., c.1456-1457, 29).

-

Parlement souverain. "Parlement principal (celui de Paris)" : ...pour le faict et entretenement dudit parlement souverain (Doc. 1483. In : P. Pélicier, Bibl. Éc. Chartes 47, 1886, 365).

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Souveraine Cour. "Parlement de Paris, cour suprême du royaume" : Souveraine Court par qui sommes icy, Vous nous avez gardez de desconfire (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 76).

3.

[D'une pers.] "Qui, dans son domaine de compétence, est supérieur, par sa qualité, à tous les autres" : En la confiance de l'aide de Nostre Seigneur Jhesu Crist, du commandement de tres noble et tres excellent prince Charles, par la grace de Dieu roy de France, je propose translater de latin en françois aucuns livres lesquelx fist Aristote le souverain philosophe, qui fu docteur et conseillier du grant roy Alexandre. (ORESME, E.A., c.1370, 97). Lisimacus, roy de Macedoine, estoit assiegié devant la cité de Ephese, laquelle avoit en son ayde ung archepirate, c'est a dire ung souverain larron de mer, qui avoit nom Mandrone. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 59). ...il devint tres souverain juriste. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 243). J'ay congneu Qu'il est prophete souverain. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 174). Homerus, le souverain poete (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 31 r°). Et sans cesser estoit sur les experiances d'iceulx, et eult hommes expers en toutes langues, les plus souverains qu'il peult trouver, et voulut fere translater et interpreter toute la loy et escripture sainte des Hebrieux en son langage grecq (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 58 v°). Numenius fut en ce temps moult souverain calculateur ès corps celestes (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 71 v°). Galien, souverain medicin et astrologien (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 77 r°). À ceste cause, estant en resgne, fist sercher les plus souverains hommes qu'il sceut trouver d'icelle science par la terre (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 83 r°). ...vint en ce temps devers l'empereur Loys le Piteux, lequel estoit souverain musicien (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 107 r°). Tantost aprés vint monsieurs d'Orleans, Avecques luy aucuns grans chambellans, Maistre d'ostelz et prince de Salerne, Des gentilz hommes fors, hardiz et vaillans, Bons combatans, souverains assaillans Quant bon besoing les induyt et prosterne Et qu'il affiert consister en leur cerne Gloire et honneur par effort immortel. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 138).

-

Estre souverain. "Être supérieur aux autres" : A ceste chose doivent entendre et prendre exemple les marchans qui, pour convoitise de trop excessivement gaignier, ilz ne se mettent en trop grant peril pour estre trop tost riches, car, comme dit saint Bernard, "Je ne veul pas soudainement estre souverain, mais petit a petit je veul prouffit." (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 236).

.

Estre souverain de qqc. "Être supérieur dans la possession de qqc., posséder au plus haut degré qqc." : Ainsi sachiés que souverain serez de joie plus que nulz (Cent ball. R., c.1388-1396, 173).

4.

DR.

-

"Qui n'est pas soumis à une instance supérieure" : ...attendue aussi l'auctorité, noblesse et preeminence desdiz conseillers, toute notoire, et l'auctorité souverainne de ceste Court qui estoit communement nommée fonteinne de justice (BAYE, I, 1400-1410, 151). Et toutes voies lesdis advocas et conseilliers de Gand n'ont mie debatu, mais ont recongneu que en la Court de ceans est le souverain ressort et la souveraine justice du royaume de France (FAUQ., II, 1421-1430, 299).

-

[D'une cour] "Qui juge sans appel" : ...se le prevost vouloit aucune chose faire contre les usages anciens de la chamberie, la court de ceans qui est souveraine, ne le devroit pas souffrir. (Industr. Paris F., 1379,,, 318). ...actendu l'estat de la cour [Parlement de Paris] (...) qui est souvereigne et capital et représentans le Roy (Ch. VI, D., t.1, 1413, 363). ...à l'encontre des gens des Comptes et autres qui se sont par cy devant efforciez de exempter leurs sentences et jugemens du ressort de ceste Court souveraine. (FAUQ., I, 1417-1420, 164). ...à quoy je me suys opposé en entretenant les drois, possessions, honneurs et prerogatives de l'office de greffier de Parlement, prothonotaire du Roy, selon preeminences de la Court souveraine dudit Parlement. (FAUQ., II, 1421-1430, 175). ...la court souverainne et ordinaire de nostredit prochain eschequier de Normandie (Rouen temps Jeanne d'Arc L., 1428, 147).

-

Juge souverain : ...aient ordonnez et establiz certains juges appelés souverains en certains lieux sur ce désignés pour congnoistre et décider en derrain ressortz des débatz et discordz qui en sauldront il s'agit d'impôts (Pol. Louis XI, G., Pièces justif., 1463,,, 421).

B. -

Empl. subst.

1.

"Ce qui est supérieur, ce qui est le plus élévé" : Sire, de par moy vous supplie Le chapitre de nostre eglise (...) Qu'a ceste saint Pierre prouchaine, Pour ce que c'est la souveraine De noz festes et la maistresse, Il vous y plaira la grant messe Venir chanter. (Mir. ev. arced., c.1341, 107). Car celles [arts ou doctrines] qui servent et sont souz les autres poursuivent et quierent leurs fins pour la fin de leur souveraine ou principal. (ORESME, E.A., c.1370, 104). Item par les gerarchies, c'est a dire ordre des esperis angeliques. Par la souveraine est representé Dieu le Pere. Par la moyenne ordre est representé le Filz, par la plus basse le Saint Esperit. En la souveraine en laquelle sont les Cheraphins, il est comme charité. (Somme abr., c.1477-1481, 125).

2.

"Celui qui, par ses qualités, est supérieur aux autres" : LE PAPE. (...) fuy toy de cy Appertement. GUILLAUME. Sire, pecheur sui voirement Trop grant ; ce sçay je de certain. Pour ç'a toy conme a souverain Sui venuz en contriccion (Mir. st Guill., c.1347, 32). ...l'enffant [Ogier] qui neiz estoit seroit le souverain de tous hommez et passeroit de proesse (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 13). Il fait bon croire au souverain, au plus saige (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 147).

III. -

[Dans l'ordre de l'autorité, du pouvoir]

A. -

Empl. adj.

1.

"Qui exerce une pleine autorité et qui, dans son domaine, n'est subordonné à personne" : ...se il y avoit gens d'armes sur le païs, capitaines d'arbalétriers ou autres, qui feissent griefz dommages aux subgez du seigneur, les diz conseilliers manderoient le souverain-bailli de Flandres (Hist. Lille T., t.1, 1386, 79). ...le vicomte de Meleun, souverain maistre et general refformateur des eaues et forests par tout notre royaume (Doc. 1396. In : É. Decq, Bibl. Éc. Chartes 83, 1922, 81). [Cf. Bibl. Éc. Chartes 84, 1923, 92-93 ; F. Lot, R. Fawtier, Hist. des instit. fr. au Moy. Âge, t.2, 1958, 255] ...messire Pierre des Essars, chevalier, nagueres prevost de Paris et souverain gouverneur des finances de ce royaume (BAYE, II, 1411-1417, 108). ...le Roy n'avoit encores point pourveu à l'office de souverain maistre des Eaues et Forests (FAUQ., I, 1417-1420, 139). ...comme souverain capitaine et gouverneur (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 335). ...leur souverain cappittaine (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 361). Dieu vous sault, souverain raby ; Corps et biens je suis toute vostre. (Pass. Auv., 1477, 156).

Rem. Ordonn. rois Fr. L.S., t.2, 1343, 179 (maîtres souverains, commissaires, conducteurs et exécuteurs desdits greniers et gabelles) ; souverains des finances : F. Lot, R. Fawtier, Hist. des instit. fr. au Moy. Âge, t.2, 1958, 224 et 243.

-

Souverain (bailli) de Flandres : ...monseigneur de Steenhuse, chevalier, souverain bailly de Flandres (Comptes Etat bourg. M.F., t.3, 1416-1418, 104). ...le souverain de Flandres (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 128).

Rem. F. Lot, R. Fawtier, Hist. des instit. fr. au Moy. Âge, t.1, 1957, 385 ; 399 (souverain baillage). Cf. aussi CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 84 : au pays de Hainaut, dont il estoit souverain ("souverain bailli de Hainaut").

-

Souverain maistre de l'artillerie du roi

Rem. Doc. 1373 ds Ph. Contamine, Guerre, Etat et soc. à la fin du Moy. Age, 1972, 122, n.179.

-

[Dans la hiérarchie ecclésiastique] : Aucums pourroient demander, puis que ung roy ne puelt faire l'autre, le Pappe, qui est souverain sur tous, pourquoy ne a il povoir de le faire ? Le droit respond que le Pappe est vrayement souverain en l'esglise ; mais en chose temporelle ne le puelt faire (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 230).

2.

"Qui détient le pouvoir, la souveraineté" : Par foy, dirent iceulx, c'est verité, et se vous y savez nul bon chief, pour l'amour et honneur de nostre pucelle et pour nostre prouffit, si le dictes. Si ferez bien et ce que vous devez, car vous y estes tenus ; elle est vostre souveraine dame comme a nous. (ARRAS, c.1392-1393, 148). Vrayement je n'ay cueur, corps ne membre qui ne me tremble et ne sçay quel propos tenir quant me recorde de la grant entreprise que moy povre, simple et fragile fille ay conceue pour me trouver devant si tres hault et inestimable Royaulté. Laquelle tout le monde craint, ayme et tient pour souveraine et omnipotente terrienne. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 297).

-

Souverain roi : ...de toute Espaingne souverain roy te feray (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 112).

-

Souverain seigneur : Et en oultre leur dirent en eulx complaignant qu'ilz ne povoient veoir le Roy, leur seigneur souverain, la Royne, ne monseigneur de Guienne, ne converser avecques eulx (BAYE, II, 1411-1417, 120). ...le Roy est empereur en son royaume, qu'il tient de Dieu seul, sans recongnoistre souverain seigneur terrien (FAUQ., I, 1417-1420, 63). ...je estoie en la cité de Romme, en la compaignie et service de treshault et excellent et trespuissant prince et mon souverain seigneur, le tiers Loÿs, roy de Sicille (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 123). Oudit moys de may, le duc de Calabre, nepveu du roi de Secile et de Jherusalem, à qui le roy avoit fait tant de honneur de lui donner sa fille aisnée en femme et espouse, s'en ala hors de sa duchié de Lorraine, pardevers ledit duc de Bourgongne, pour traicter d'avoir et espouser sa fille, en delaissant, en ce faisant, ladicte fille du roy, sa femme, qui fut chose moult estrange à lui de ainsi faulser sa foy et soy ainsi abaisser de delaisser la propre fille ainsnée du roy, son souverain seigneur, pour cuider avoir et prendre la fille dudit de Bourgongne, subject et vassal du roy. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 266). [Messire Jehan de Croy, ambassadeur du duc de Bourgogne, au roi de France :] ...c'est celui [le dauphin], se vous deffailliez - que Dieu ne vueille ! -, qui doit estre son souverain seigneur [du duc de Bourgogne] et de qui il doit reprendre et tenir. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 183). Au très hault, très puissant et très christien roy de France, Charles huitiesme de ce nom, son souverain seigneur et naturel, Simon de Phares, son humble astrologien (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 1 v°).

-

Souverain prince : Ou nom de Dieu, ci commence le livre d'Aristote appelé Du Ciel et du monde, lequel du commandement de tres souverain et tres excellent prince Charles, quint de cest nom, par la grace de Dieu roy de France, desirant et amant toutes nobles sciences, je, Nychole Oresme, doien de l'eglise de Rouen, propose translater et exposer en françoys. (ORESME, C.M., c.1377, 38).

-

[De la dame, en amour] : Ma douce dame souverainne, Ne me voelliés ja oublier (FROISS., Méliad. L., t.1, 1373-1388, 190).

3.

P. méton. "Qui relève de l'autorité royale ou impériale, qui appartient au roi ou à l'empereur"

-

Main souveraine. "Autorité royale" : ...il laissera joïr de la chose contencieuse parmi la dite main souveraine jusques en fin de querele, sanz prejudice du principal, sur caucion de remettre etc. - et parmy la main souveraine jusques à la fin de querelle, sans prejudice du principal, non obstant appellacion frivole, et se tenront ses ordonnances et plaidoieries pendans ou cas present en la premiere plaidoierie et à celle du temps à venir. (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 153).

.

Par main souveraine. "Par l'autorité du roi" : Lequel maistre Denis (...) rapporta et dist qu'il se consentoit que par main souveraine et sanz prejudice de sadite juridicion de Saint-Magloire, pourveu que de ce il eust lettres comme dit est, que dudit prisonnier feust faite tele justice comme ledit mons. le prevost et lesdiz conseillers verroient qu'il feust à fere de raison (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 8). ...Guillemin le Mareschal, alias elargy par la Court juques à huy, est elargy comme devent par main souverainne juques aux jours de Paris prouchainement venans. (BAYE, I, 1400-1410, 43). A esté ordené par les presidens et autres conseillers du Roy (...) que, par main souveraine et sans prejudice de certain procès pendant en la Court (...) maistres Jehan de Fontenay et Aubert de la Porte (...) facent la visitation du pain en la ville de Paris (BAYE, I, 1400-1410, 336).

4.

[De Dieu] "Qui domine tous les êtres, qui est au-dessus de tout" : La vierge benoite, espouse du souverain roy, qui est le roy de paradis... (Mir. ev. arced., c.1341, 103). PREMIER CHANOINE. Ha ! vray Dieux, péres souverain, Com murtre vilain ycy a ! (Mir. ev. arced., c.1341, 113). Et est possible que plusseurs corps premiers et pluseurs mouvemens premiers soient en plusseurs mondes, et que les choses qui meuvent ces premiers corps soient d'une espesce ou de plusseurs nonobstant que les corps ou mondes soient d'une espesce, et que tous ces mondes et ceulz qui les meuvent soient souz un souverain createur qui est commencement et fin de toutes choses. (ORESME, C.M., c.1377, 150). Voir doncques et qui est plus haute noblesse, bieneurté, excellence et dignité a toy, ame crestienne, que d'estre hostelaine de ton Dieu, de ton souverain Seigneur, Roy et Empereur ? (GERS., Pent., p.1389, 71). ...Dieu le souverain roy des roys ne sera pas sans justice (GERS., Déf., 1400, 224). Je dys en oultre que la misericorde de Dieu, nostre souverain juge, est telle que l'une personne puet satisfaire et puet payer la debte de l'autre (GERS., Déf., 1400, 225). ...et qui plus est, ainsy le dit nostre souverain Docteur Jhesu Crist (GERS., Trin., 1402, 152). ...fille du souverain Sire, Mere des bons et seur des benoistz anges (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 76). Souverain Dieu, de cuer parfond Accomplirons vostre plaisir. (Pass. Auv., 1477, 98). A tout malheur [Jean-Baptiste] estoit contraire, Pour complere Au souverain Dieu glorïeux. (Pass. Auv., 1477, 107). Aydés nous, vray Dieu souverain ! (Pass. Auv., 1477, 158). He Dieu, mon createur souverain Je me plain A toy qui cognoiz mes doleurs (Pass. Auv., 1477, 197). Adonaÿ, souverain Dieu, Il est encore chault, si me semble. (Pass. Auv., 1477, 250). ...Dieu, le souverain roy (Cene dieux, c.1492, 139). Cestui fut le premier qui ediffia temple et autel ou grant et souverain Dieu (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 20 r°). ...et congneut que la nativité de lui venoit d'en hault d'un dieu souverain, plus que par constellacion celeste. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 30 v°).

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[De Notre-Dame] : Vaz, si les donne a la pucelle Que Dieu fist souveraine mére, Par qui pluz au souverain pére (Mir. pape, 1346, 393).

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Vierge souveraine : Ou sont ilz, ou, Vierge souveraine ? (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 45).

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Souverain jugement : La premiere ymage qui est aussi comme de condicion naturelle est aulx bons et aulx mauuais et mesmes es dampnez par la maniere que iay dit deuant que le souuerain iugement qui est synderesis est le ver immortel et sera tousiours es dampnez. (CIB., p.1451, 204).

B. -

Subst. masc. et fém.

1.

"Chef ; supérieur ; maître"

a)

"Chef" : Ce sont les souverains de l'ost Dont nous venons. (Mir. Amis, c.1365, 13). ...et y commist souverain ung chevalier nommé Dapés pour le poeuple entretenir en justice et en paix. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 291). ...le souverain de l'ost dist qu[e]... (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 59).

b)

"Supérieur ecclésiastique" : ...le prevost fut soverain de l'eglise, sy fut archidiacre de Liege (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 87). ...des cas que le prestre ne puet absouldre doit renvoier au souverain (GERS., Ms Paris, 1405, B.N., fr. 13258, f° 548 v°. In : G. Ouy, Le M. fr. (5e Colloque, Milan), t.2, 1986, 66).

c)

"Maître" : ...le serf doit son souverain servir (HENRI FERR., Modus et Ratio, Songe pest. T., c.1354-1377, 108). ...j'ai eü le cuer desobeïssant a mes souverains et maistres (GERS., Ms Paris, 1405, B.N., fr. 13258, f° 599 v°. In : G. Ouy, Le M. fr. (5e Colloque, Milan), t.2, 1986, 66). ...nous ne sommes point dames de ce chastel, ainchois avons a souveraine la plus noble, la plus gentille et la plus belle dame qui vive (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 95).

2.

"Celui qui détient le pouvoir, qui est supérieur aux autres par le pouvoir, seigneur" : ...pour gouverner ma terre, Biaux oncles, tant con seray la Vous ay je mandé par deça Et dès maintenant chevetain Vous en fas sur touz souverain (Mir. marq. Gaudine, 1350, 127). ...souveraine suis de tous ceulx qui sont ça (Tristan Nant. S., c.1350, 506). ...je suis souverain de la terre deça. (Tristan Nant. S., c.1350, 562). Quintement, se le souverain la reçoit [la remission], il doit faire selon sa conscience, fors que il ne condempne celui que il cuide fermement estre innocent (ORESME, E.A.C., c.1370, 320). ...se contemps estoit de chosse qui eust été jugiée en la court du souverain ou confessiée, et l'en le niast, il convendroit que la vérité en fust seue en la court où fut fait le jugement (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.1, 1385, 252). ...ou prejudice du Roy, de sa segnorie qu'il tient de Dieu seul, sans recongnoistre souverain (FAUQ., I, 1417-1420, 59). ...les Rommains, qui sont du monde les souverains. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 369). ...la rouine Blanche, qui cy est ma dame et souveraine (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 93). ...car ainsi comme Dieu na point de souuerain ne ne peult auoir, aussi franc arbitre ne seuffre point de seigneurie violente sur soy ne ne peult souffrir quelconques violence. (CIB., p.1451, 223).

3.

"Celui qui est placé au sommet de la hiérarchie féodale, roi ou empereur" : ...de toute loy un subgiet du royaume grevé avoit et devoit avoir recours par appel à son souverain (BAYE, I, 1400-1410, 27). ...madicte dame la royne Jehanne premiere, obeïssant audit Pappe Clement [...] Pappe Urbain VI^e la priva de sa dignité et couronne, comme souverain audit royaume de Sicile (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 188). ...Et ne congnoissons souverain Se n'est l'enperateur de Romme (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 85). ...par nostre souverain le roy Perceforest. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 129). ...le roy d'Escoce, qui est sire et souverain de ce royaume (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 361). O misericordieuse fontaine, Jhesus, saulveur de bonté plain, Je te pry, bonté souveraine, Que, quant tu tiendras a ta main Ton reaulme comme souverain, Veulhe toy de moy souvenir. [Réf. à Luc 23, 42] (Pass. Auv., 1477, 219). ...pour respondre de la grande traïson que vous avez faicte contre nostre souverain, le roy Richard. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 150 r°).

4.

"Dieu" : NOSTRE DAME [à Joseph]. Mon mary debonnaire et doulx, Joye et lëesse vous octroit Le souverain que mon cueur croit Estre vray Dieu sans varïance ! (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 58).

C. -

Subst. fém. La souveraine (de) Dieu. "L'autorité suprême de Dieu, la souveraineté de Dieu"

Rem. Doc. c.1400 ds E. Stengel, Z. fr. Spr. Lit. 1, 1879, 21 (et je vous fais savoir que vous n'echiverez ja, se ce n'est par la soveraigne Dieu).