C.N.R.S.
 
Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

http://www.atilf.fr/dmf/definition/prune 

PRUNE    FEW IX prunum
PRUNE, subst. fém.
[T-L : prune ; GDC : prune ; FEW IX, 493 : prunum ; TLF XIII, 1413b : prune]

A. -

"Fruit du prunellier ou du prunier"

 

1.

"Fruit du prunellier" : Et des cormes et des prunelles Et des boutons et des cynelles Et des prunes noires et blanches Queudras a meÿsme les branches (MACH., Voir, 1364, 634). Pére, se prune ne beloce (...) Truis en alant aval ce boys, J'en mengeray. (Mir. roy Thierry, c.1374, 308).

 

-

Prune de bois. "Prunelle" : Item, de prunes sont plusieurs aultres espesses desquelles l'usance n'est pas reprovee. Semblablement il sont aulcunes petites prunes de bois et non laxatives - mais il resarrent le ventre - desquelles est fait eaue distillee pour restraindre le ventre. (Rég. santé corps C., 1480, 89).

 

2.

"Fruit du prunier" : Pommes y a de mains arbres yssans, Poires aussi de diverse fainture, Prunes et coings... (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 91). Pour avoir des prunez de moult de manieres tout esté et jusques a la Toussains, entés de l'un en l'aultre, et en groselier, et en serisier, et en franc murier, et cetera. (Hent. soutill. L., c.1466, 85).

 

-

Prune de Damas/prune damascene. "Variété de prune, du prunus domestica L. appelé prunier de Damas, fruit qui est la base du diaprunis" : ...c'est aussy assavoir ainsi comme un trespassant emprés un grant vaissiau rempli de fines prunes de Damas meures en leur saison presist une seule pugnie des dictes prunes, lesquelles se trouvassent moitié meures et moitié seches, tant y a de biens ou dit livre en latin et de saincte doctrine que qui l'averoit a son droit en françoys translaté il averoit bonne estrine. (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 355). ...ilz [les Portugais] mettent cuyre les prunes de Damas avec leurs chairs. La seconde utilité est que les prunes laichent le ventre a cause de leur humidité et visciosités, selon Galien (Rég. santé corps C., 1480, 88-89). En oultre les prunes plus convenables au corps humains sont celles qui sont de figure longues, et peu de chairs, et dures declinantes a secheresse, et qui ont l'escorce exteriore primes et qu'il sont de sçaveur non totalement doulce, mais tendant a aulcune acredité avecque doulceur, et de telle manieres sont les prunes damascene, car icelles refroident le corps, come dessus est declaré. (Rég. santé corps C., 1480, 89).

 

Rem. Cf. aussi FEW III, 8b : damascena et 9a : Damascus.

 

3.

[Avec une valeur minimale] : Tel n'avoit vaillant une prune Qui a de chevance plain puys (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 59).

 

-

Ne compter/n'acompter une prune : Plains et regrez sont mon plus riche avoir Ne je ne compte en ce monde une prune. (CHART., R. Bal., c.1410-1425, 391). POVRE PEUPLE. (...) Hé ! povre gens ! Il en est qui ont tant de biens Et les autres en ont disette. Qui a ceste ordonnance faicte ? Il me semble que n'est point bien. BON RENON. De tous mondains ce n'est rïens ; Je n'en conte pas une prune. Il ne fault que tant que Fortune Destorne sa roue ung seul pas, Vesla ung homme mis au bas. Pourtant est il fol qui s'y fye. (Pouvre peuple H., c.1450-1492, 178). Herculès, remirant les haultz murs de Cramonne, Unze geans trouva, par maniere felonne ; Mais à leur grant pouvoir n'acompta une pronne. (LA MARCHE, Mém., III, c.1470, 171).

 

-

Ne donner une prune de qqc. : ...Et que des dangiers de Fortune Ne donroit jamais une prune (MACH., F. am., c.1361, 240).

 

-

Ne prisier (qqn/qqc.) une prune : Mais quant Fortune, La desloial, qui n'est pas a tous une, M'ot si haut mis, com mauvaise et enfrune, Moy ne mes biens ne prisa une prune ; Eins fist la moe, Moy renoia et me tourna la joe, Quant elle m'ot assis dessus sa roe, Puis la tourna, si cheï en la boe. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 83). Ce nom li doing : "Lorde, borgne, fausse et enfrune." De mal faire onques n'est geüne. Tout le mont [Fortune] ne prise une prune, Eins le demeinne A la samblance de la lune Qui ore est pleinne, clere et brune, Et fourme ne clarté nesune N'a en quinseinne (MACH., R. Fort., c.1341, 35). Se te pri que plus ne t'aveingne, Et qu'il te ramembre et souveingne Que tu ne prises une prune Desormais les biens de Fortune. (MACH., R. Fort., c.1341, 101).

 

-

Ne pas valoir une prune : Ceste boulie est tresmal cuyte, Et cy ay trouvé une plume, Elle ne vault pas une prune. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 78). LE FRIPPIER. Au jour d'uy ne peulx acquerir Chose qui vaillë une prune ; Je croy bien que j'en auray d'une. Vendu n'ay pour denyer ne maille, J'ay robe de façon commune. (LA VIGNE, S.M., 1496, 549).

B. -

P. métaph.

 

1.

"Aubaine, bon morceau" : Je doy boire et si mangeray De l'oye, par saint Mathelin, Chiez maistre Pierre Pathelin, Et la recevray je pecune. Je happeray la une prune A tout le moins, sans rien despendre. (Path. D., c.1456-1469, 94). LE PREMIER [SERGENT]. Puisqu'il vient ung peu sur la brusne, Il est temps d'aller a l'escart. LE .II. SERGENT. Allons men happer quelque prune Puisqu'il vient ung peu sur la brune. LE .I. SERGENT. Se Fortune m'est opportune, Pas n'y fauldray. (...) Tu en as eu hier bien ta part. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 98).

 

Rem. Cf. aussi COQUILL., Les Droits nouveaux établis par les femmes, v. 299, et GRÉBAN, Pass. J., c.1450, v. 24881.

 

-

P. antiphr. : Sans machier, soit joye ou tristesse, Avaler me fault ceste prune, Comme le subgiet de Fortune. (CH. D'ORLÉANS, Compl. C., 1433-p.1451, 412).

 

-

Prune verte ou meüre. "Chance ou malchance" : Ay ! Fortune, Qui es forte une, Preste et commune De baillier prune Verte ou meüre, quant tu veulz ; Ta force aüne Biens et peccune, Puis prent rancune, Si desaüne (MACH., Lays, 1377, 476).

 

-

Manger, croquer une prune

 

.

"Manger, croquer un bon morceau" : Qui vouldra menger d'une prune, Je vous requier qu'on ne se bouge. (Rapp., c.1480, 58).

 

.

"Accepter une aubaine" : BEAUCOP. (...) Et quand elle me renvoya, Une bource me presenta A boutons d'argent soubz et faitz Où il y avoit vint escus. JOYEULX. Et vous de croquer ceste prune. (B. veoir, p.1480, 18).

 

2.

P. iron. [Servant de réponse à une demande jugée déplacée (équivaut au fr. mod. des prunes !)] : GRIMAUT. Contre li cause et juste tiltre, Sire, avez, (...) ; Mais se li faisiez cele grace, Ce seroit une. LE ROY. C'est voir : or prenez celle prune ; Vive tant com vivre pourra, Qu'en ma prison certes morra, Que que nulz die. (Mir. Amis, c.1365, 18).

 

3.

P. antiphr. "Coup, meurtrissure" : LE IIe SERGENT. Il a moult de prunes malmeures, Et raison est que tormentez Soient et tres fort mutilés, Car on les a bien attanduz (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 144). BRUSLECOSTÉ. (...) Que chascun queure Des pierres quarrez et cornus, Et luy en soient les dens rompus, Puisque l'empereur le commande. (...) FIERAMORT (...) Malengrongné, mon amy, rue, Fay comme moy. Vela pour une ! Je cuyde bien qu'il y ayt prune, Car certes je n'ay pas failly ; Le sang en est bien loing sailly. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 229).

 

-

Empoigner une prune. "Prendre un coup" : Empoignez Ceste prune ! (LA VIGNE, Munyer T., 1496, 201).

 

-

Prendre une prune. "Recevoir un coup de poing" : DEUXIESME SERGENT. Chier comparras ceste mençonge. L'as tu dit ? agenoille toy. Tien, or demeure la tout coy ; Pren celle prune. (Mir. st Panth., 1364, 366).
 

Synthèse des lexiques Robert Martin


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