A. -

[Poss. clitique ("non-prédicatif", atone, antéposé) ; défini, comme l'art. le, et relationnel comme la prép. de (nostre bien = "le bien de nous") : les relations du "possesseur" (de première personne et du pluriel - notamment du pluriel de "majesté") à l'objet "possédé" correspondent aux relations que marque de (relation d'appartenance, de propriété ou qualité, de provenance, d'inclusion, de localisation, de comparaison, d'agentivité... ; v. de, en partic. III A 1)] Nostre / nos

1.

[L'objet "possédé" est du singulier] Nostre. "Notre" : Nous avons ottroié et ottroions de grace especial a l'abbé de Saint Germain des Prez et au convent que l'arrest donné sollempnement en nostre court contre les diz religieus et pour ceus de Saint Magloire de Paris soit reveuz pour la cause d'aucuns erreurs qui y ont esté (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1330, 9). ...le vendredi aprés la feste dou Saint Sacrement Nostre Seignieur (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1330, 15). ...notre devancier prevost de Pa (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1330, 23). ...nostre tres chiere compaigne la royne et noz enffanz (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1342, 120). Alons : notre diner aussi En cest hostel la est tout prest (Mir. ste Bauth., c.1376, 119). ...pres de la fin de ladicte ysle Notre Dame (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1377, 470).

-

[Devant un prénom] : Nous sumes vergoinez trestous : Nostre Bernard s'en est alez ! (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 90). DIEU. Nycholas, descendé la jus A conforté nostre Bernard (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 171). Si je puis tenir le huron Qui nostre Martin a destourné Tellement sera attourné Que luy feray son dieu regnier. (Myst. st Martin K., a.1500, 190).

-

[Rare, forme nos (no, noz) ; région. au XVe s.] "Notre" : Et, de noz dite grace, certaine science, puissance et auttorité royal, ottroions aus diz religieux... (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1346, 149). Bien viegne noz sire li roys, et lui doint Dieu joye, honneur et force et pouoir de loyaument le regne gouverner. (Bérinus, I, c.1350-1370, 186). ...de quoy il menti sa foy envers nous et envers Logre, no seigneur droitturier (Bérinus, I, c.1350-1370, 196). Assez grans est noz convois, Et touz jours venront gens assez. (Mir. femme, 1368, 211). Et de ce se farsoient et moquoient les Picars et autres de leur party, qui en disoient telz motz : "Et rewoitiez vo roy qui parle à no seigneur de Charrolois, et a passé à deux heures qu'ilz y sont..." (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 125).

2.

[L'objet "possédé" est du pluriel] Nos. "Nos" : Se vous veés de noz amis Qui soient de guere entremis, Ja encontre eux ne vous metez, Mais contre tous les confortez. (Dit prunier B., c.1330-1350, 86). ...a justicier et esploitter par nous et par noz successeurs prevoz de Paris (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1337, 75). ...nostre tres chiere compaigne la royne et noz enffanz (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1342, 120). En tesmoing de ce, nous avons mis noz seaulz en ces presentes lettres qui furent faites le premier jour de septembre, l'an de grace mil CCCXLIIII. (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1344, 129). ...il nous a bien et loyaument servi en noz guerres comme arbalestrier (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1375, 457). Nous angelz ["nos anges"], il nous plet que a vous il appere Nous estre dessus tous Dieu Createur et Pere. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 5).

-

[Empl. discursif] "Dont nous parlons" : Or dit l'ystoire que tant vaucrerent noz crestiens par my la marine que ilz virent approuchier d' eulx, aussi comme d' une veue, une quantité de vaisseaulx (ARRAS, c.1392-1393, 124).

B. -

[Empl. "prédicatif"]

1.

Adj. poss.

a)

Un nostre + subst. V. un

b)

Le nostre + subst. : ...ja n'avienge que ainsy se puisse moquer le tien et le nostre ennemy ! (GERS., Concept., 1401, 404). Estes vous ce guars au(x) faulx viz Quil la nostre loy abaisséz ? (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 178). Le filz de Dieu, le nostre amys, Le prophete de bonne vie, Qui naisqui de la Vierge Marie... (Pass. Autun Biard F., 1470-1471, 69). Le nostre Seigneur est grand et trop loable et sa grandeur n'a pas de fin. (Somme abr., c.1477-1481, 130).

c)

[Comme attribut]

-

Estre nostre. "Être nôtre" : Chiére dame, a qui qu'il ennuit, Y mettrons nous voir diligence, Si que, je croy, la negligence N'en yert pas nostre. (Mir. abbeesse, 1340, 84).

-

[D'une ville assiégée] "Tomber entre nos mains, être prise par nous" : Avant, seigneurs Barons ! Penez vous de bien faire. La ville sera nostre encore anuit. (ARRAS, c.1392-1393, 106). Et, se nous avons une fois gaingné le pié de la tour, la place est nostre. (BUEIL, I, 1461-1466, 79).

-

[D'un ennemi] "Être vaincu par nous" : Seigneurs barons, dist Uriiens, ces gens sont grant foison, mais sachiez que, Dieu devant, ilz sont tuit nostre. (ARRAS, c.1392-1393, 111).

.

Ils sont nostres comme nostre chemise. V. chemise "Ils sont à nous (c'est-à-dire, dans un cont. de guerre : nous allons les vaincre)"

2.

Pron. poss. Le / la / les nostre(s). "Le / la / les nôtre(s)" : ...es mains des diz notaires jurez comme en la nostre (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1345, 142). ...non pas pour son pechié, mais pour le nostre (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 201). Tenés vo part, vechi le nostre. (FROISS., Par. am., c.1361-1362, 79). ...monseigneur vostre pere, qui estoit son seigneur naturel et le nostre (ARRAS, c.1392-1393, 211). ...mais quant on pensera aux autres princes, on trouvera ceulx-cy grans et notables et le nostre très saige, lequel a laissé son royaulme accreü et en paix avecques tous ses ennemys. (COMM., I, 1489-1491, 229).

-

[Rare, forme noz] Les noz. "Les nôtres" : Et nous povon mieulx speculer, considerer et cognoistre nos prouchains que nous meïsmes et leur accions ou operacions que les noz propres. (ORESME, E.A., c.1370, 485). ...mais quant a ce, nous et euls sommes uns meïsme et leur besoignes sont les noz et nous touchent. (ORESME, E.A.C., c.1370, 189).

3.

[Empl. de nominal]

-

Le nostre. "Ce qui est à nous, notre bien" : ...nous adommaigames nos ennemis et, il estoit en eulx de nous adommagier, car j'entens le dommaige sus eulx, quant nous eusmes leur argent et nous en partismes de là sains et sauf, et emportasmes tout le nostre que nous avions conquis en celle saison par armes en la frontiere de Flandres. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 38). Si trouverent encores que les maisons et les eglises fumoient dou feu que li François i avoient fait, et les povres gens dou pais qui lor vinrent au devant en criant et en braiant et en disant : "Ha ! chier signour, li larron nous ont ars et pris et desrobé le nostre, et s'en vont selonch la marine..." (FROISS., Chron. D., p.1400, 539). Les autres dyent la patenostre du regnart qui au matin dit patenostre, et puis tantost happe le nostre. (GERS., Noël, p.1404, 299). Nous sommes en telle orphanté Que tout le nostre est despendu (Myst. jeune fille L., c.1413-1445 [c.1530], 18). CAYPHAS. (...) Or, beaulx compain, alons loué Ceulx que myeulx vous amerés, Bon chevaliers et bon escuyers Et de tresbon conseilliers, Et leurs donnons du nostre tant Que voluntiers le corps il gardoent. (Pass. Autun Biard F., 1470-1471, 134). Il est vray, seigneurs, que nous deux Estïons palhars luxurieux, Et advons joué tout le nostre, Et puis nous advons fait plus oultre, Car pour mieulx palharder Nous nous sommes mis a rober Et avons fait les larressins Qu'on nous mect sus (Pass. Auv., 1477, 174).

-

Les nostres. "Nos proches (surtout des combattants)" : Et quant li Sarazin veïrent Les nostres qui les encloïrent... (MACH., P. Alex., p.1369, 77). Einsi seront peri les nostres, Et mis à mort sans cop ferir. (MACH., P. Alex., p.1369, 82). Finablement se partit la journée à foulle et à perte de nos gens, mais touteffois perdirent les Gantois trop plus de gens, sans comparaison, que ne feirent les nostres (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 249). Se nous faisons tout ce qu'elle conseille, Nous n'en pouons qu'estre en la fin joyeux, Nous et les nostres, et pour jamais heureux. (LA VIGNE, Ress. chrest. B., 1494, 130). ...car plus approchions du lieu de seüreté et moins monstroient les nostres qu'ilz eussent vouloir de combatre. (COMM., III, 1495-1498, 206).
 

ICONOGR. Notre-Dame de Pitié. "Image de la Sainte Vierge tenant sur ses genoux le corps du Christ détaché de la croix" : ...unes heures (...) couvertes de veloux noir, aveques ung fremouer d'or, ouquel est empraint une Nostre Dame de Pityé. (Invent. biens Ch. Savoie T., 1484, 365).