C.N.R.S.
 
http://www.atilf.fr/dmf/definition/grain 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     GRAIN     
FEW IV 227b,228a,236b granum
GRAIN, subst. masc.
[T-L : grain ; GD : grain2/grain3 ; GDC : grain ; DEAF, G1157 grain ; AND : grain1 ; FEW IV, 227b,228a,236b : granum ; TLF : IX, 396b : grain]

I. -

Empl. subst.

A. -

"Semence de certains végétaux"

 

1.

"Semence comestible des céréales"

 

a)

[Souvent au plur.] : ...lesquielx grains dessusdis furent prins es granches dudit chappitre en Costentin et livrez à Raoul de Villers pour la garnison du chastel de Cherebourg (Compte Navarre I.P., 1367-1371, 312). Li rois d'Engleterre ordonna (...) grant fuison de charroi, qui porteroient parmi le royaume de France tout ce qu'il lor seroit de necessité, et par especial moulins à le main pour mieurre bled et aultres grains. (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 137). ...ledit [Symon] du Moustier est tenu mener ou faire mener les fourmens et avaines qui deubz sont au roy à cause de ladicte forest de Saint Estienne jusques à Rouen ou telle part qu'il plaist aux gens du roy, et aporter sacz et pouchez à metre lesdiz grains, tout à ses despens (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 50). Et eurent li signeur cambres, et trouverent grant fuisson de grains et de fourages pour lors chevaus, qui leur fist grant bien. (FROISS., Chron. D., p.1400, 78). De Guillemin Jollain, revendeur de grains ès halles de Paris, pour la confiscacion de 4 mines de vesse, au pris de 12 s. p. le sextier (Comptes Paris V.L.D., t.1, 1455-1456, 848). Juno, ma fille et ma mignotte, Vien souldain, il te fault complaire A ton pere, comme devotte, Et le vouloir des dieux parfaire. Tu es celle qui doibz infere Herbes et fleurs, grains, fruictz terrestres, Pour tous humains rompre et deffaire Par mortalités et par pestes. (Cene dieux, c.1492, 130). ...c'est comme il feust lors, environ les kalendres de juillet, ou territoire de Vermandois, les gens de guerre en eussent tout destruit les blez et autres grains, sans aucune esperance aux pouvres laboureurs d'en riens recuillir. Touteffois en l'ost d'après l'on y trouva les blez et tous genres de grains multiplier au double, dont la merveille ne fut pas petite (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 119 v°).

 

-

Prov. Un grain de millet sur une montagne est haut et cependant toujours petit : Et ne doit pas ung roy donner vaine gloire, supposé qu'il soit eslevé : car ung grain de milet sur une montaigne est bien hault et toutevoye tousjours est petit. (JUV. URS., Verba, 1452, 214).

 

-

[Dans un cont. métaph.] Grain de semence : Aultre petit prologue parlant des VIII tresglorieux grains de semence qui sont de sy tresgrans condicions, que le seigneur ou dame qui ont seignouries a gouverner, se ilz les vuellent ou bon jardin de leur cuer semer, certainement ilz y floriront et porteront fruit (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 4).

 

-

P. métaph. "Pièce de monnaie récoltée, argent" : Et m'abatez de ces grains neufz et vieulx. (VILLON, Ball. jarg. T., c.1455-1460, 139). Babillangier sur tous fais et sur ars Tant qu'il n'y eust de l'arton sur les cas, Brocquans, dor(e)lots, grain, guain, aubeflorye, Que tout ne fust desployé [et] en pars Pour maintenir la joyeuse folye. (VILLON, Ball. jarg. T., c.1455-1460, 353). Toutes façons de gens aussi Maintenant ensuivent ce train. Deception court, et sur grain, Sur femmes et sur escuyers, Et sur le vin et sur le pain (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 214).

 

.

P. méton. Gros grain. "Personnage avec beaucoup d'argent, personnage important" : Le Grave Accent veult garder gravité Et veult avoir fier maintien soubz sa main, Ung cueur enflé, sans quelque humanité, Et voix partant d'une profundité De l'estomac, en gros et rude orgain, Contrefaisant le saige et le gros grain, Les yeulx ouverts en regars traversans Pour mieulx choisir emprés lui les passans. (MICHAULT, Doctr. temps prés. W., 1466, 125). Tant que devant pour trois festuz Vous l'eussiez eue, ou pour du pain, Maintenant la couple d'escuz Ou le noble luy pend au sain. Ou temps de tout son premier train Ele alloit par tout, loing et près, Et maintenant c'est un gros grain Et ne va que aux porches secretz. (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 225).

 

b)

[Collectif] : Jehannin Le Camus, marchant de grain, demourant à Auton en Beausse (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 510). ...lui qui deppose, qui est sergent des impositeurs du grain de la ville de Paris (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 354). ...car la se paissent les perdriz et les perdriaulx du grain d'icelles gerbes, et sont voulentiers es lieux couvers et nonmie es gauchieres ne autres lieux descouvers, tant pour doubte du chault comme pour doubte que le faulx perdriel et les oyseaulx de proie ne les voyent. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 160). Avec ces choses lui affiert estre tres bonne mainagiere, se cognoistre en labour (...) de quel maniere est le meilleur que les sillons aillent selon l'assiete du garait, s'il est en païs sec ou moiste, et de la parfondeur, que ilz soient droiz et onniement faiz, seméz a point de tel grain comme la terre le desire (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 153-154). Et en oultre la Court a enjoint audit prevost qu'il face diligence de faire faire pain de poix convenable, et qu'il face faire ung essay du blé et grain nouvel que on vend chascun jour. (FAUQ., II, 1421-1430, 215). Et selon ceste maniere raison est naturele au grain, quant il est semé a produire blé ou fourment ou aveine ou pois, et ceste maniere n'est pas miracle. (Somme abr., c.1477-1481, 163). ...et en Gascongne tumba des nues grain de froment ad mode de pluie, excepté que le grain estoit plus court et plus menu. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 107 r°).

 

-

[Dans le surnom d'une pers.] : ...vas savoir ou est Messire Testu, dit Gobaille, Et son compaignon Grain de paille (Mir. fille roy, c.1379, 62).

 

-

Boutehors du grain. "Transport (du grain, en dehors de la ville) ; taxe correspondante" : Acord contre ceulx de Bruges pour le boutehors du grain. (...) ...les diz de Douay disoient que les bourgoiz de notre dicte ville de Bruges ne povoient achater, mener ne traire hors de notre dicte ville de Douay blefs, avoines ne autres grains pour mener ailleurs que en notre ville de Bruges, sanz paier les assiz et imposicions sur ce par nous ordenéz... (Vie urbaine Douai E., t.4, 1396, 711).

 

-

Impositeur du grain. "Celui qui perçoit l'impôt sur les céréales" : ROBIN VASSELIN, sergent à verge du roy nostre sire ou Chastellet de Paris (...), dit et deppose par son serement que, samedi derrenierement passé ot huit jours, environ neuf heures devant midi, lui qui deppose, qui est sergent des impositeurs du grain de la ville de Paris, vit passer trois charrettes chargées de blé qui montoient par la rue de la Vennerie, en alant vers le Chastellet (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 354).

 

-

Marchand de grain : JEHANNIN Le Camus, marchant de grain, demourant à Auton en Beausse, et nez de la ville d'Orliens, prisonnier, accusé par ledit Cointereau cy-dessus nommé, examiné sur les confessions faites par icellui Cointereau, dit et afferme par serement, et congnoist que il et ledit Cointereau ont espousées deux suers, et que aucune fois ilz ont marchandé, alé et venu emsamble. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 510).

 

-

Battre le grain : Et ilec, au moien de certaine grande quantité de vans, fleaux et autres oultilz dont les gens du roy avoient mené grant quantité avecques eulx en charretes et chariotz, fut batu tout le grain estant et trouvé es granches dudit pays de Bourgongne et Picardie, et icellui avec autres bestiaulx, gens, prisonniers et utensiles fait amener et conduire par Salezart et autres capitaines dedens lesdictes villes d'Amiens et Beauvais. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 324).

 

.

Prov. Gerbe n'est jamais de bon grain esvidee s'elle n'est bien battue. "Il faut bien battre la gerbe si on veut en faire sortir tous les grains ; au fig. il faut battre, châtier le vilain si on veut en tirer quelque chose" : Li vilains ne vaut riens, qui bien ne le castie ; Ja par lui ne sera crasse soupe taillie ; Ne le garbe n'est ja de bon grain eswidie, S'elle n'est bien batue. (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 567).

 

-

Jeter le grain en terre non labouree. "Faire qqc. qui ne sert à rien, se donner de la peine pour rien" : Comme dont dist Quintilien ou second livre : "Comme pour neant on gette le grain en terre non labouree..." (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 53).

 

.

Moult vaut le grain qui porte medecine. "Le bon remède est le remède efficace" : Se avoit conquis [l'Espagne] sus mescreans mauldis Les fors taudis de la noble Grenade, Qui donne rude allegance au malade, Mieux que salade, herbe ou quelque rachine : Moult vault le grain qui porte medechine. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 337).

 

c)

Au fig. [Grain en cooccurrence avec paille] "Ce qui est bon, qui a de la valeur (p. oppos. aux choses futiles, aux fausses apparences)" : Des mauls d'autrui ta mere [Envie] vit, Onques voulentiers bien ne vit. S'ell'en vëoit garnison, Morte seroit ou desvee. Nul bien n'a en son demaine. Le grain het et la paille aime. (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 156). Einsi est il de pluseurs dames Qui mettent les corps et les ames Et quanqu'elles ont en leurs amis, Et quant tant chascune y a mis Qu'il sont en vaillance parfait, Apparent par ouevre et par fait, Elles n'en ont autre salaire Fors un petit de gloire au faire. Il ont le grain ; elles ont la paille ; Car l'onneur ont, comment qu'il aille. Et s'aucune fois leur meschiet, Tout premiers seur les dames chiet. (MACH., J. R. Nav., 1349, 239).

 

-

[À propos de pers.] : Le bon grain perit et la paille Demoura au vent sur la terre, Qui ne sçorent noient de guerre : Pour ce furent puis envahis De pluseurs gens et esbahis, Car ilz n'orent qui les menast (DESCH., M.M., c.1385-1403, 357).

 

-

Laisser le grain pour la paille. "Lâcher la proie pour l'ombre" : «...Vous metez hors le grain et prenez le pallage !» (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 393). «...Vous enchassiés le grain et prenez le paillier...» (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 394). Mais or ne puis querir autre travail N'autre bataille, Ne je ne puis faire chose qui vaille, Car j'ay laissié le grain et pris la paille : C'estes vous, dame, ou il n'est riens qui faille, Si qu'einsi sail De haut en bas... (MACH., F. am., c.1361, 158). Pour esmay, Se je l'ay, Et maltray Je ne laisseray Bon grain pour le paille, Ains aray Cuer tres vray Et feray Ce que deveray, Et vaille que vaille. (MACH., Les lays, 1377, 472). Vous laissés le grain pour la paille. Vous laissés de Dieu le service Par vostre tresmauvais convice. (Mart. st Pierre st Paul, fragm. Anholt R., c.1480-1500, 196). ...Telz quoquinaille Qui laissent le grain pour la paille En la fin s'en repentiront. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 348).

 

-

N'y voir grain pour les pailles. "Ne pas distinguer le grain de la paille" : Puisque tu as sy tendres yeulx Que tu n'y vois grain pour les pailles, Yeulx de linx te vauldroyent mielx Pour penetrer toutes entrailles (TAILLEV., Prise Luxemb. D., 1443, 174).

 

-

Prendre le grain et laisser la paille : Et se je muir en vostre dous servise, M'ame en sera en dous paradis mise D'Amours sans faille. S'ai pris le grain et ay laissié la paille, Quant, sans retraire, à vous servir me baille, Qu'il ne me puet riens venir qui bien n'aille En toute guise. (MACH., Compl., 1340-1377, 260). Or te conforte et ne te doubte, Car se tu vues, tu yes garis, Et se ce non, tu yes honnis. Pren le grain et laisse la paille ; De tristece plus ne te chaille, Car cils qui bien voit et mal prent, C'est a bon droit, s'il s'en repent. (MACH., R. Fort., c.1341, 75). ...le dit solitaire en la fin de son livre leur presente ceste piteuse, vertueuse, et merveilleuse histoire, en priant a Dieu qu'elle leur vaille si en prendront le grain et en laisseront la paille (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 358). Prenez le grain, laissez la paille, De vous toujours soit bien aymee La dame, qui les biens vous baille, Que j'ay devant icy nommee. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 203).

 

-

Prov.

 

.

Honneur est grains, richesse est paille : Nompourquant je di, c'est la somme, N'est richesse qui honneur vaille. Honneur est grains ; richesse est paille. Dont qui a honneur, il est riches, N'il ne doit or prisier deus chiches, Qu'il ne puet avoir nul deffaut, Qu'onneur demeure et avoir faut. (MACH., C. ami, 1357, 103).

 

.

Chaque grain a sa paille : Soit dur, soit mol, chascun grain a se paille, Mais le chemin des cieux est tant estroit Qu'a grand dangier entrerés en la baille (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 641).

 

.

[Dicton] Trop mieux vaut le grain que la paille : ...Et je m'i acort, car sans faille, Trop mieus vaut le grain que la paille. (MACH., D. Lyon, 1342, 217).

 

d)

CUIS. "Viande principale entrant dans la préparation d'un mets (p. oppos. à sa sauce)" : ...et au dressier mectez vostre grain par escuelles et dressiez le potage sus. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 207). Or soit vostre grain cuit en sain de porc par morceaulx ou quartiers, et dreciez vostre grain par escuelles et mectez du potage pardessus. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 221). ...et puis apprés prennés vostre grein et le aloés par voz platz, et de vostre boullon par dessus. (CHIQUART, Cuis. S., 1420, 137). ...advisés vostre grein affin qu'il ne soit tropt ou pou cuit et salé (CHIQUART, Cuis. S., 1420, 139). Et prandre l'ongnon assez gros maincé, et faire frire en saing de lart, et puis mectre avec le grain, et frire tout ensemble. (Recueil Riom L., c.1466, 74). Et, quant le grain est cuyt, prandre le boullon et le pain assez aslé, et puis couler, et faire boullir en une poelle. (Recueil Riom L., c.1466, 80).

 

2.

P. ext.

 

a)

"Semence comestible (des légumineuses)" : Ses greins sont differens l'un de l'autre en quantité et en figure et en couleur et en saveur ; car aucuns sont plus grans si comme les feves, et les autres sont moiens, si comme les pois et les chiches. Les autres sont petis, si comme les lentilles et la vece. Derechief aucuns sont blans, les autres sont noirs et les autres sont de rosses couleur. (CORBECHON, éd. G. Sodigné-Costes, 1372. In : Bien dire et bien aprandre 11, 1993, 393).

 

-

"Semence de plantes herbacées" : Il fault prendre, en bonne manière, De bedelle plaisant et clère, Grains de cresson, blanche storace, Et du saffren de bonne face (LA HAYE, P. peste, 1426, 144).

 

b)

"Graine de certains fruits (des pommes, des poires), pépin" : Li granas est rouge brune sy com le grain de la poume granade. Sy est de la generacion de ruby. Et en y a qui sont violastres ; sy en sont plus precieus. (MANDEVILLE, Lap. M., c.1350-1390, 179). Il est toutesvoies aucuns corps qui ont une couleur par dehors et l'autre par dedans, sicomme le poivre qui est noir dehors et blanc dedens, et es grains des pommes est il ainsi, et es parois qui sont paintes dehors et non pas dedens. (CORBECHON, Couleurs S., 1372, 372). Pommier de grenate est un arbre qui porte pommes qui sont plaines de greins par dedens bien ordonnez par dessoubz l'escorce (CORBECHON, éd. B. Ribémont, 1372. In : Bien dire et bien aprandre 11, 1993, 381).

 

-

Grain de paradis. "Graine de la cardamome au goût poivré, utilisée comme condiment" : Et afin que l'escherpe ne soit pas vuide il doit [avoir] toujours dedens pour faire une bonne sausse .IIJ. grains de paradis, un gatelet alis pour non aler sans pain, .IIJ. grains de sel et un petit livret escript dehors et dedens pour dire ses oroisons faisant son pelerinage et attendant garison. Par les .IIJ. grains de paradis en l'escherpe se puet entendre la saincte foy de la Trinité divine (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 260). ...cloux de girofle, canelle, pouldre longue, grains de paradis, noix de muscade et toutes aultres merceries (Hist. industr. commerce F., 1400-1500, 303).

 

Rem. FEW : «Fr. graine de paradis "cardamome" (seit 13. jh. ; auch grain de paradis, 15. jh., Fagniez Doc)».

 

c)

"Baie, fruit de certaines plantes" : ...item une cuve baignoire, demie pippe de verjus de grain (Compte Navarre I.P., 1367-1371, 438). Porée au vert et le jeune poulet, Vergus de grain et d'orenge, c'est sens, Et qu'on ne jeue a nulz gieuz eschaufans, Ne au souleil, car c'est peril de mort (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 131). En juillet, jambon de porc fraiz cuit a l'eaue jaune et au vertjus de grain, ung petit de gingembre et de pain, a la saulse rapee. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 205). Mis en pasté et du vertjus de grain dessus. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 283). [Fumigation] Doit principalement estre faite, Comme met le Livre en latin, à mynuit, au soir et matin, À quoy servent moult seurement Thamarisque espécialment, Grain de junière et cypéron (LA HAYE, P. peste, 1426, 81).

 

-

Prov. Plus point un grain de poivre que dix setiers de froment : ...et, posé que nous leur feussions alé courir sus [aux Sarrasins] en leur pays, si le devons nous faire, car ilz sont ennemis de Dieu. Et ne vous doubtez, Dieu nous aidera. Se ilz sont moult et nous pou, plus point un grain de poivre que dix sestiers de froment. La victoire ne gist pas en grant multitude de peuple, mais en bon gouvernement. (ARRAS, c.1392-1393, 99).

B. -

[P. anal. de forme]

 

1.

Grain de sel : Biaus doulz sire, Je vous pri que vous veuilliés dire A Toute Belle, en qui commant Sui tous, qu'a li me recommant Autant de fois com ceulz qui sont, Qui ont esté et qui seront ; Feront de pas, diront paroles (...) ; Comme il est d'arbres, de buissons, Et de tous espis en moissons, De grains, de feves et de pois, Et de drames en tous les pois Qui seront, qui sont et qui furent ; Com tous les grains qui onques crurent : De grains de sel et de gravelle, De sablon, de pouldre et greelle ; Orge, avaine, soile et froment (MACH., Voir, 1364, 772).

 

-

[Dans un cont. métaph.] : Et afin que l'escherpe ne soit pas vuide il doit [avoir] toujours dedens pour faire une bonne sausse .IIJ. grains de paradis, un gatelet alis pour non aler sans pain, .IIJ. grains de sel (...) par les .IIJ. grains du sel, discretion est entendue en tous fays, dis et pensees. (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 260).

 

-

Grain de feu et de foudre. "Petite boule de feu et de foudre" : ...ilz veirent dessus eulx cheoir tonnoirres, grains de feu et de fourdres (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 116).

 

2.

"Point, travail fin martelé formant le fond dans un ouvrage d'orfèvrerie" : ...une chopine d'argent, esquartellée d'esmaux et de grains (Comptes argent. rois Fr. D.-A., I, 1353, 311).

 

-

"Caractère grenu de la surface d'une meule, ensemble des particules coupantes" : ...2 pieres de molin de bon grain, ayans 18 pos d'espés (Doc. 1422. In : Y. Coutant, Terminol. du moulin médiév. dans le comté de Flandre, 1994, 694).

 

3.

MES. Grain (d'aloi). "Unité d'évaluation de la pureté de l'argent et de l'or (cette pureté s'évalue en douzièmes appelés deniers, chaque denier se divisant à son tour en vingt-quatre grains)" : ...Soit prins garde, tant en la recepte comme en la despense de cest present compte, sur la valeur des monnoyes, quar depuis le VIIe jour de mars mil CCCCXVIII inclus jusques au IXe jour de may mil CCCCXX exclus l'en fist es monnoyes du roy et de monseigneur en ses pays de Bourgoingne, monnoye de gros que aucuns appellent "florette", ayans cours pour 16 d. p., qui valent 20 d. t., à 3 d. 8 grains d'aloy et de 8 s. de pois, qui font 96 pour marc (Comptes Etat bourg. M.F., t.1, 1420, 220). Lors furent fais gros de XX deniers tournois à XJ deniers XVJ grains de loy, et demi gros de X deniers tournois. (FAUQ., II, 1421-1430, 29). ...et furent lors forgez doubles tournois blans à une fleur de liz couronnée, à J denier XIJ grains de loy (FAUQ., II, 1421-1430, 31). ...[les orfevres] seront par lesdiz gardes examinez, tant sur la matiere dont ilz doivent ouvrer que sur la façon, c'est assavoir, à quans deniers et grains ilz doivent ouvrer, et s'ilz scevent aloyer leur argent et en faire essay (FAUQ., II, 1421-1430, 305). ...et fut ladite besongne d'orfèvre essayée en la coipelle, et ne fust trouvé ledit argent que à X deniers XXII grains fin (Industr. Paris F., 1446,,, 309). ...pour ung gros XII grains d'or, que poise ung anneau fait pour ledit seigneur (Comptes roi René A., t.1, 1453, 303). ...les balaiz, saphirs et autre pierrerie ostée des chatons desdictes salières, comprinse une faulse pierre vermeille qui est encores enchassée en ung chaton d'argent doré qui pendoit au col du cerf, poisent ensemble une once 3 gros ung denier et pour cire, terre et drapeaulx qui estoient dedens les chatons, 6 gros 17 grains. (Aff. Jacques Coeur M., 1453-1457, 34). ...ung ducat estrange, qui anciennement fut fait en Arle, qui poise VIII grains plus que les autres (Comptes roi René A., t.1, 1479, 351).

 

-

MÉD.

 

.

"Très petite unité de poids employée pour les médicaments (correspondant au poids d'un grain de froment)" : Et de pur musc, sans faillir mie, Une dragme avecquez demie, Et de camphre finel[e]ment Le poiz de dix grains de fourment. De toutes ces prédictes choses Icelle pomme ainsi composes. (LA HAYE, P. peste, 1426, 149). De majoraine et saturie, Par semblable poiz ou partie Demie dragme proprement O scrupule de musc justement, Et de camphre, ne plus ne mains, Le poiz entier de quatre grains (LA HAYE, P. peste, 1426, 150). De tous égalment, sans exoine, Le poiz de vingt grains à devise. En oultre prenez d'ambre grise Demie dragme toute clère, Et de musc une dragme entière Et de camphre, luisant et net, Le poiz de six grains, ou de sept. (LA HAYE, P. peste, 1426, 155).

 

Rem. FEW IV, 236b : «Nfr. grain "très petite unité de poids employée en médecine et en orfèvrerie" (seit Nic 1606)» ; DEAF, G 1163 : «environ 1/20 gramme».

 

.

"Gravelle, petite concrétion" : ...ungz grains montans et descendans en l'orine (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 287).

 

.

[Comparaison pour donner une idée de petites excroisances] : ...et se glandules en maniere de grains estoyent dessoubz la langue, faites saignee des veines qui sont desoubz la langue (GORDON, Prat., c.1450-1500, III, 20).

C. -

Au fig.

 

1.

[À partir de l'idée de semene] "Origine, naissance"

 

-

Estre de tel grain : Ne monstrez ton vice a vilain, Quart ill est tropt de malvais grain Et assés tost te traïra. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 94). Des citez sont les citiens. Jadiz furent de noble grains Et solient vivre de lour rente. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 132). ...li hons qu'est de bonne vie, Senz faulseté, sens villenie, Par fortune est de noble grain. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 139). ...Florée, qui tant est gentille (...) Et c'on prise sur toute rien, Car elle est belle et de bon grain. (FROISS., Méliad. L., t.3, 1373-1388, 257).

 

2.

[À partir de l'idée de petitesse, comme renforcement de la nég.]

 

-

Ne ... (un) grain de qqc. "Pas la plus petite quantité de qqc." : ...se toute la forest qui devant moy estoit devenoit fin or, sy n'en prenderoie je un grain (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 686). ...passé a deux nuis nous n'avons eu grain de repos [Ms. C, David Aubert] (Percef. Compl. R., c.1450 [c.1340], 76).

 

-

Ni grain ni goutte : Et si n'espargne - en mordant - grain ne goute. (Lyon cor. U., 1467, 33).

 

-

Ne pas valoir un grain (d'orge) : Il ne vauldra ja un grain d'orge ; Il parle latin ? Par saint George, Il ara chaperon fourré (DESCH., M.M., c.1385-1403, 263). Maiz aux accoustuméz, sans fable, Est assez bon et tolérable, Travaillier gracieusement En ce temps, nom pas asprement, Quant l'air est cler, pur et serain, Car autrement ne vauldroit grain, Et, se l'air n'est bel, par raison Doit un chascun en sa maison Labourer et s'exerciter (LA HAYE, P. peste, 1426, 85). Tout ton caquet ne vault pas ung grain d'orge. (LA VIGNE, S.M., 1496, 226).

 

-

Ne voir grain/ne voir ni grain ni goutte : Les chevaulx sont vielz ferrez au talon, Ce qui pis est, sont de faim aveuglé, Grain ne voient (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 33). JOAB. ...Je suis pasmé, je suis estaint ; Mes yeulx ne voient ne grain ne goute (Myst. Viel test. R., t.4, c.1450, 312).

 

-

Ni grain ni goutte (de qqc.). "Pas la plus petite quantité ou partie (de qqc.)" : Li .I. de ces murdriers me prist par la courroie, Et dit que leur truage avec moi emportoye, Et que de mon chatel ou du cors paieroie. Et je leur respondi : Je n'ai grain de monnoie. (Brun de la Mont. M., c.1350-1400, 12). De pis en pis. Quelque vïende que je goutte, En moy ne remaint grain ne goutte. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 487). Quant tu m'as veu malade, plain de goute, N'ayant sur moy de robe grain ne goucte, De ton manteau doulcement m'as vestu. (LA VIGNE, S.M., 1496, 210).

II. -

Empl. adv.

 

-

Grain. "Quelque peu" : Mais quant il est en exaltacion, S'il sent que grain Villonnie le lame, Tost a Honneur se veue et se reclame Comme au droit saint que cuer doit aourer (TAILLEV., Psaut. vil. D., a.1440, 120).

 

-

Ne ... grain. "Ne ... pas du tout, nullement" : ...A nul s'aïde ne refuse [Marie], D'aidier autrui grain ne s'escuse. (Mir. N.D. Rosarius K., c.1330, 47). A Karlo est venus qu'il n'ammoit adonc grain (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 369). Si se voloient ens enclore ossi, mais li François ne l'entendoient grain ensi. (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 213). A tous amans fut bien duisible L'anel qu'en ung cheval d'arain Gises [Gygès] trouva dont invisible Estoit, quant l'avoit en sa main Car par lui, sans qu'on le vit grain, Eut la roÿne de Lidie (MARTIN LE FRANC, Champion dames III, F., 1440-1442, 60). Le lieu n'est grain honeste ; il y fait trop puant. (C.N.N., c.1456-1467, 510). Certes, ce n'est pas jeu d'aller en la guerre, au moins a ceulx c'oncques mais n'y furent et quy ne sont grain exercitez en armes (Jehan d'Avennes F., c.1465-1468, 34). Ma foy, je ne vous ayme grain. (Jen. filz de rien T., c.1475-1500, 324). ...quant mesnestriés vous orrez, Fleutes, doucines ou vielles, Vous grain ne les escouterés, Mais metrés voz dois aux oreilles. (Amant cord. M., 1490, 61).

 

-

Ni goutte ... ni grain. "Ne ... pas du tout, en aucune façon" : Veez, sire, conme sont belles : Goute ne grain ne sont meselles (Mir. Amis, c.1365, 61). ...il vous fault avoir, Se voulez parler du passage, Un homme parlant son langage, Car il n'entent ne bien ne mal Le langage de ci aval, Ne grain ne goute. (Mir. fille roy, c.1379, 57). Quelque viande que je gouste, En moy ne remaint grain ne goucte. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 196). Pour ce veult Dieu que prestement Nous pugnissions luy et ses gens, Soyent conseilliers ou sergens, Sans les espargner grain ne goutte. (Myst. ste Agathe B., c.1450-1500, 192).

 

-

Ni peu ... ni grain : Embrasseis et ne le laissiés peu ne graien de vous eslongier. (Jeu Etoile T., c.1400-1500, 101).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Pierre Cromer

Fermer la fenêtre