C.N.R.S.
 
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     ESPRIT     
FEW XII spiritus
ESPRIT, subst. masc.
[T-L : esperit ; GDC : esperit ; AND : espirit ; DÉCT : esperit ; FEW XII, 192a : spiritus ; TLF : VIII, 144a : esprit]

I. -

Au propre "Souffle"

A. -

"Souffle (du vent)" : ...ce mot esperit est pris en IIII manieres, premierement pour la chaleur naturelle, secondement pour l'alenement, tiercement pour ame si comme on dit esperit, l'ame, quartement pour vent si comme on dit l'esperit de bise vente (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 273). ...nostre Seigneur plevra sur eulz liens et las afin qu'il n'eschapent et s'en fuient, et feu, souffre, esperis de tempestes seront une partie de leur tourment, et avec leur aucteurs, que Sodome si devora, il seront a touz les siecles en püeur et horreur et reproche pardurable. (FOUL., Policrat. B., III, 1372, 241).

B. -

"Respiration" : ...difficulté d'esperit, de alenement en fievre (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 273). ...duplicacion d'esperit ou d'alenement (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 273).

 

-

[D'un animal]

 

.

Retenir son haleine et son esprit. "Retenir son souffle" : Et tant se enfla la meschante [grenouille] et retint son alaine et son esperit en elle que sa peau se creva et ainsi expira sa vie maleureusement (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 152).

 

.

Retraire son esprit. "Prendre son souffle, inspirer" : ...et nul poisson d'eaue ne meult la langue si non le dalphin et son esperit ne peult il retraire a lui tant comme il est en l'eaue s'il ne vient en l'air en hault (Best. hérald. H.E., c.1435-1450, 493).

II. -

P. anal.

A. -

"Souffle de la divinité"

 

1.

"Souffle du Dieu biblique" : "Les cieulz, c'est a dire les apostles ont esté conferméz par le mot et la parole de Dieu", c'est quant au premier, quant il fu donné en terre, "et par l'esperit de sa bouche toute leur vertu consiste et procede." (Somme abr., c.1477-1481, 120). La VJe. trinité est par laquelle nous sommes reparéz, c'est a scavoir l'esperit, l'eaue et le sang. L'esperit de Dieu nous saintefie, l'eaue de baptesme nous lave et nettie, le sang de nostre redempteur nous a racheté de la mort eternele et de la subjection et servitude du deable (Somme abr., c.1477-1481, 127).

 

-

Le (Saint) Esprit. "Émanation de Dieu et la troisième personne de la Trinité" : Sains esperis, ce m'est avis, Si parle en toy. (Mir. emp. Julien, 1351, 189). Item, les sains patriarches et les prophetes la cognurent par inspiracion du saint Esperit (ORESME, C.M., c.1377, 56). Le Saint Esperit hurte a l'uis de la sainte ame par grant son de cremeur et d'espouentement (GERS., Pent., p.1389, 76). Et trois jours devant la feste, par la grace du Saint Esperit, la royne accoucha d'un moult beau filz. (ARRAS, c.1392-1393, 140). ...se penserent, comme si le saint esperit leur eust revelé, que la maistresse pourroit bien suyvir la chambriere (C.N.N., c.1456-1467, 354). Le Saint Esperit a pluseurs noms. Il est apellé "esperit", pour ce qu'il respire et donne respirement en faisant respirer. Comme il est escript ou troiziesme chapitle de son evvangile : "L'Esperit respire et donne vie ou il veult." Selon ceste maniere, ce nom "esperit" est commun aux trois personnes de la trinité, mais au Saint Esperit compete come appropriéz a lui. Secondement il est dit "esperit", pour ce qu'il est spiré passivement. Et par ainsi le nom d'esperit compete proprement au Saint Esperit (Somme abr., c.1477-1481, 122).

 

.

P. méton. "Maison religieuse portant ce nom" : ...laquele vieille femme dist après ce à icelle Colette que Dieu la reconforteroit et qu'elle pensast de gaignier pour nourrir sadite fille et qu'il lui vauldroit mielz qu'elle la portast au Saint-Esperit ou à Nostre-Dame à la Couche pour nourrir et gouverner avecques les autres enfans (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 532).

 

2.

"Souffle d'une divinité paienne" : ...et de ycelui oracle vint ung froit esprit ainsi que vent qui rend les prestres maintesfoys ainsi que hors du scens, quant sont constrains de donner les responses aux demandes, tant qu'ilz sont remplis d'icellui esprit. (LA SALE, Sale D., 1451, 237).

 

-

Esprit divin. "Divinité (ici, celle qui rend des oracles)" : Calcas, qui clerc fu et devin, Ala a l'esperit divin, Qui respondi, pour chose voire, "Qu'aprés .V. ans, Grec la victoire Aroyent" (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 87).

 

3.

"Inspiration provenant de Dieu" : [Saül s'adresse à une femme devineresse] Ore dit donques Saül que elle devinast en aucun esperit, comme se il deist : "pour ce que l'esperit de Dieu m'a laissié, fay que aucun esperit ["génie"] m'aide, et me appelle celuy que je diray" (FOUL., Policrat. B., II, 1372, 193). De la premiere nous donna Jhesu Crist l'enseignement et l'exemple quant il se laissa par l'esperit mener au desert affin qu'il feust tempté du deable. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 192).

 

-

Esprit de qqc. "Don de qqc., résultat d'une inspiration divine" : Car l'esperit de sapience Aras en toy et de science (Mir. st Sev., 1362, 220). ...et m'as donné par devant tous l'esperit de sapience, et m'as donné de toy plus veritablement congnoistre et plus purement amer, et toy plus ardanment ensuigvre. (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 286).

 

-

En partic. Esprit de prophetie/esprit prophetique : Histoire sur Bible dit ainsi : "Sarre vit bien que Ysmael en son jeu faisoit felonnie a Ysaac son filz, et aussi que de par esperit de prophicie elle sceust et apparceust que Ysmael avoit ymagectes faictes de terre ausquelles il aouroit comme Dieu, et les vouloit contraindre a ce que Ysaac les aourast aussi." (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 62). Ce ne peult estre, car l'esperit prophetique qui procede dez cieulx ne se donne fors en cueurs netz et eslevez en hauIt par contemplation, et substraitz d'embas par mespris dez delitz de ce monde, et les anges messages de Dieu sont tant puriffiez qu'ilz ne s'aperent fors aux chastes persones. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 124). ...et depuis n'ot entre eulx esperit de prophecie, vision, revelation, ne aultre visitation divine, ainsi qu'ilz avoient par avant ceste incredulité. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 109).

B. -

"Souffle vital, principe de vie"

 

1.

"Principe de la vie incorporelle de l'être humain ; âme" : Car de cuer toudis l'ameray, Et après, quant finés seray, Car je croy que mes esperis N'iert pas avec mon corps peris, Einsois priera pour ma dame, Quant mes corps sera mis sous lame, Que Dieus son bien et s'onneur garde Et qu'i l'ait toudis en sa garde. (MACH., F. am., c.1361, 196). Ma dame le savra de vrai, Qu'autre dame jamais n'avrai, Ains serai sien jusqu'a la fin ; Et, aprés ma mort, de cuer fin La servira mes esperis (MACH., Voir, 1364, 788). Vueillez de moy mercy avoir Et mon esperit recepvoir Avec vous, Dieu misericors (Mir. st Lor., 1380, 182). LA MARQUISE [au marquis]. (...) Trestout ce que je penseray Qui soit a ton plaisir, feray De voulenté tresbonne et lye ; Que ja n'en seray traveillye, Ne du faire ne m'en faindray Tant qu'en mon povre corps avray Les reliques de l'esperit. (Gris., 1395, 90). Donnons luy a boere devant De vin espicé en mierre, Fin que son esperit se sarre Et qu'il vive plus longuement. (Pass. Auv., 1477, 196). Mon pere, prens mon esperit ; Entre tes mains le recommande. (Pass. Auv., 1477, 223). ...fist ung Kalandrier astrologal de moult grande utillité, mourut entour l'aage de XXXIIII ans, quant il eut faictes ses Directions, qui sont perutilles. Dieu aye son esprit ! (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 162 v°).

 

-

Esprit de vie. "Principe de vie, âme" : Quant l'omë et la femme furent Faiz et forméz si comme ilz durent, Dieu leur mist l'esperit de vie : C'est l'ame ou corps pour avoir vie. (Liber Fort. G., 1346, 116).

 

-

En partic. [Dans le courant mystique] "Partie immatérielle de l'homme qui, détachée du corps, peut s'élever jusqu'à la contemplation de Dieu ou jusqu'à l'union avec Dieu" : En che point fus ravi en esperit et mis devant le siege du juge, ou il y avoit si grant lumiere que, se j'eusse esté jecté en terre, je n'eusse osé regarder en hault. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 80). ...mon esperit s'eslieve en Dieu nostre Sauveur, et ma bouche s'escrie avec le prophete, mais avec toute saincte Eglise en l'introïte de la messe des apostres (GERS., P. Paul, a.1394, 483). Certes telle ame desfault en son esprit et est rauie hors de soy et ne scet que on fait en son corps ne entour soy. (CIB., p.1451, 190). ...la personne contemplatiue est menee par la grace de dieu en ce rauissement, exces ou alienacion de pensee pour trois causes et en trois manieres. Premierement par tres grande deuocion, par grande admiracion, et aucunesfois par grande leesse et exultacion desperit [l. d'esperit] (CIB., p.1451, 191). Et après il senflambe [l. s'enflambe] en ta voulente [l. voulenté] vng amour de dieu et te fais tant que tu peulx vng esperit auecques dieu par ardeur damour et de dilection. (CIB., p.1451, 203).

 

-

Voir en esprit : ...car il sent ja et gouste des gloires et joyes de Paradis, c'est assavoir il voit Dieu en esperit par contemplacion. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 23). Ainsi est lame [l. l'ame] qui par contemplacion en ce pelerinage vient iusques a penser, a mediter et a veoir en esperit la grant gloire du vray salomon en sa maison de paradis (CIB., p.1451, 190). Il me souvient du roy David Qui chanta aucuns joyeulx motz Qui servent a vostre propos, Et croy qu'i vit en esperit Ce fait ycy, car bien l'escript. Il dist : veritas de terra Orta est et justicia De summo celo prospexit (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 1081).

 

-

[P. oppos. à la chair] "Principe des aspirations élevées" : Nient moins la charoingne chestive Encontre l'esperit estrive Et art par desir et remue Pour la belle que la voy nue. (Mir. chan., c.1361, 174). Mais ceulx qui te sieuvent par le comptent des choses mondaines et par la mortifficacion de leur char, ceulx sont congneux estre tressages, car ilz sont passés de vanité a verité et de la char a l'esperit. (Internele consol. P., 1447, 170). Plus n'accomplirey vostre veul, Palharde cher pugnaise et orde, Puis que Dieu m'a pris en sa corde. Je veulx servir a l'esperit, Lequel, mon Dieu, estoit perit, Si ne m'eussiés ad vous tiree. (Pass. Auv., 1477, 150).

 

Rem. Esprit est empl. ici dans un langage inspiré du Nouveau Testament (cf. p. ex. Gal. 5, 16 : "Marchez selon l'Esprit, et vous n'accomplirez pas les désirs de la chair", Rom. 8, 5 : "...ceux qui vivent selon l'esprit").

 

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[P. oppos. à Nature] : Mes esperis se combat à Nature Dedens mon corps, dont trop sui esbahis, Car se Nature est à desconfiture, Durer ne puet en moy mes esperis. (MACH., L. dames, 1377, 226).

 

-

Les pauvres en esprit. "Ceux qui ne recherchent pas les richesses du monde, et acceptent de vivre dans la pauvreté pour suivre les préceptes de Jésus" : Et des pouvres dont il dit que ilz sont beneuréz, est a entendre des povres d'esperit, laquelle chose puet estre meisment un tres riche et habondant homme, c'est assavoir cellui qui ne prisera riens les richeces du monde, et se il les a il les distribue en bonnes oeuvres et au servise de Dieu (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 27). Et telle povreté est appelee povreté d'esperit, laquele Dieu appreuve en l'Euvangile en disant que beneuréz sont ceulx qui sont povres d'esperit, c'est assavoir de voulenté. (LEGRAND, Bonnes meurs B., 1410, 337).

 

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Pauvreté d'esprit : Encores veul et vous commande que les huit beatitudes veulliez ensuir et croire, et premiers pouvreté d'esperit, debonnaireté de cuer, pleurs de voz pechiés et des autres, desir d'execucion de vraie justice, estre en cuer piteux et misericors, avoir purté d'esperit, paix a chascun, et estre pacient. (LA SALE, J.S., 1456, 39). Et telle povreté est appelee povreté d'esperit, laquele Dieu appreuve en l'Euvangile en disant que beneuréz sont ceulx qui sont povres d'esperit, c'est assavoir de voulenté. (LEGRAND, Bonnes meurs B., 1410, 337). [Allusion à Mathieu, V, 3]

 

2.

"Principe de la vie corporelle des créatures"

 

-

"Souffle de vie" : L'air, selon la diffinition du philosophe, est l'espirement c'est a dire donnant esperit a toutes choses estans. Sans lui sont suffoqueez et meurent tantost. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 98).

 

-

[De l'homme] Rendre l'esprit (à Dieu). "Mourir" : En apriès, la bonne dame fist le signe de le vraie croix sus lui et commanda le roy à Dieu (...) et puis assés tost elle rendi son esperit. (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 182). Car, après que son oraison A eu faicte et narracion De son fait, cy par devant nous, Sans grant peinne ne grans dolours Elle a randu son esperit. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 187). Je viz huy heure que jamais vive ne vous cuiday veoir, et quant je vous viz entrer aux lices, de la grant paour que de vous je euz, le cuer m'esmortist tellement que comme morte je cheÿs, et se n'eusse esté bien tost secourue, vraiement je rendoye mon esperit. (LA SALE, J.S., 1456, 162). ...[la mère] vesquit en languissant l'espace de trois ans, pendant lesquelx ce bon filz une foiz d'adventure la vint veoir, et a ce coup qu'elle rendit l'esperit. (C.N.N., c.1456-1467, 459). ...le XXIIIe derrenier passé, feu nostre frere et cousin le prince de Navarre rendit l'esperit à Nostre Seigneur (Lettres Louis XI, V.M., t.10, c.1461, 164). Aynssy, Charles au moys de fevrier rendit l'esperit a Dieu sainttemant. (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 218). Cestui dist publiquement qu'il ne sçavoit si les dieux d'Athenes estoient ou non. Pour ce fut il expulsé et, navigant en Siene, rendit l'esprit. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 47 v°). Si le bon preudomme ne vient, Rendre l'esprit tost me convient. Mort, viens a moy sans plus actendre ! Si brief guerison ne m'advient, Despesche toy de mon corps prendre ! (LA VIGNE, S.M., 1496, 452).

C. -

Au plur. MÉD.

 

-

"Corps très subtils, légers, chauds, émanations des humeurs, considérés comme les agents de la vie et du sentiment qu'ils portent dans les différentes parties du corps" : Aussi est il es hommes ; par telle rarité du corps, les esperilz et la chaleur naturelle du sperme ne peut estre retenue en la semence, et pour ce elle ne cheet pas deuement (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 87). La force du vin multiplie leurs esperilz et par ce ont il plus grant esperance. (ORESME, E.A.C., c.1370, 215). La raison est car nature, qui est sage, envoie les esperilz et les humeurs as membres qui sont desoléz et desconfortéz. (ORESME, E.A.C., c.1370, 273). ...elle [l'eau] donne aux poyssons esperis et vie aussi comme fait l'air aux bestes (CORBECHON, Propriétés, 1372, XII, 1, 205 v°). Les enfans qui sont mis aussy ou cercle et qui sont ordonnez pour regarder en la fiole ou en aucune des choses dessus dictes reluisans et polies (...) en sont sy empiriez de leurs veues qu'ilz en deviennent aucunefois aveugles de tous poins au moins un grant temps pour la distracion des esperiz qui se departent de la vertu visive, si que jamaiz, se grant merveille n'est, ne se retourneront par si bonne mesure a la veue. (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 103). Atant se teut, car par mesaise de corps et disete de mengier avoit la parolle et les esperiz afoibliz et come aggravanté de douleur povoit a paine parler. (CHART., Q. inv., 1422, 25). Avec son venim et malice, Moult pénétrant et plain de vice, S'en va au cuer soudainement, Et au pommon pareillement, Dont cent milliers en sont périz, Car il corrompt les esperiz, Qui sont une pure substance Prenant des humeurs sa naissance (LA HAYE, P. peste, 1426, 44). Esperis, spiritus en latin, sont substances subtilles, légières et corporeles, engendrées par manière de fumées des quatre humeurs, et est leur office en nature porter les vertus promptement par les membres et y a troiz manières d'esperiz en corps humain qui s'engendrent diversement en troiz lieux, savoir est dedens le cuer, le foye et la cervele. (LA HAYE, P. peste, 1426, 196). MAISTRE PIERRE. Vous me rompés mes esperitz De me blasmer ma merchandise (Dorib., p.1480, 248). ...et de l'ung a l'autre [ventricule] sont les voyes par lesquelles passent tous les esperilz. (PANIS, Guidon, 1478, tr.I, doct.2, chap.1).

 

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Esprits corporels : Mais en tele operacion est neccessaire en ceste vie l'operacion de la partie sensitive et de sens et des esperilz corporels, et en ce l'en labeure et travaille. (ORESME, E.A.C., c.1370, 410).

 

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Esprits motifs. "Corps subtils et légers qui sont à l'origine de la faculté motrice" : Le Ve [inconvénient de l'ébriété] est appoplexie, a cause des humidités multipliés au cerveau oppillantes les conduis des esperis motifz et sensitifz de tout le corps. (Rég. santé corps C., 1480, 48).

 

-

Esprits naturels : Foie est l'un des IIII principaulx membres du corps, où s'engendrent principalment les IIII humeurs et les esperiz naturelz. (LA HAYE, P. peste, 1426, 202). ...en son cuer avoit douleur enclose que se briefment n'y estoit pourveu sans remede que en dengier estoit de mort, car par celle estroicte doleur en elle se morroient tous les esperilz naturelz respondans a son cuer et que ja presques tous estoient oppillez. (LA SALE, J.S., 1456, 241).

 

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Esprit(s) sensitif(s). "Corps subtils et légers qui véhiculent les sentiments et les sensations dans l'organisme" : ...et puissance sans sens est comme ung arc sans corde, et comme ung beau bras paralitique, bien formé d'os et de chair et de nerfz, et desgarny de sensitif esperit. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 74). Le Ve [inconvénient de l'ébriété] est appoplexie, a cause des humidités multipliés au cerveau oppillantes les conduis des esperis motifz et sensitifz de tout le corps. (Rég. santé corps C., 1480, 48).

 

-

Esprit(s) de vie. "Esprits vitaux" : ...le cueur est chault et sec, le foye est chault et moiste, l'ame de la personne gist au cueur, l'esperit de vie est au cerveil. (LE LIÈVRE, Traité saignée W., a.1418, 18). Donc comme il soit ainsi que fievre soit propre passion de cueur et que le cueur soyt embrasé et enflammé les esperis de vie qui viennent du cueur et yssent avec sang (GORDON, Prat., c.1450-1500, I, 1). ...rethe mirabille textu de seulles artheres venantes du cueur, esquelles est fait l'esperit animal par elleboracion de l'esperit de vie. (PANIS, Guidon, 1478, tr.I, doct.2, chap.1). Le quart [enseignement] est aprés que l'omme est esveillié de son dormir competant, il doit estendre ses mains et ses piés et les aultres membres a ce que les esperis de vie soyent tirés aux membres exteriores et que les esperis du cerveau soyent plus subtilz. (Rég. santé corps C., 1480, 5).

 

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Recreer les esprits à qqn. "Redonner du courage à qqn." : Mais si peu d'espoir que j'avoie Me recrea les esperis Et me fist promettre ma voie Aux dieux du ciel que je servoie Pour doubte de mortelz perilz, Et alay sans estre peris Au temple mon corps presenter : Besoing faict le vielle trotter. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 65).

 

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Recreer ses esprits : Il m'est avis qu'il seroit bon que feissons un petit banquet pour recreer noz esperis (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 105).

 

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Resjouir les esprits : ...et, à l'exemple de David, instrumens bas, pour resjoir les esperis, si doulcement jouez comme l'art de musique peut mesurer son, ouoit voulentiers à la fin de ses mengiers. (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 45).

 

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Troubler les esprits de qqn : Dont ma coulour fu muée Et ma vigour tresalée, Comme se chose fa(c)ée M'eüst troublé à journée Tous mes esperis. (MACH., Les lays, 1377, 468).

 

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Empl. intrans. ou pronom. : Or suis je entre tous maulditz, Le plus mauldit qu'onques fut né. Je sens troubler mes esperitz, Veu que suis a mort delivré. (Pass. Auv., 1477, 207).

 

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Au sing.

 

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Esprit animal : ...rethe mirabille textu de seulles artheres venantes du cueur, esquelles est fait l'esperit animal par elleboracion de l'esperit de vie. (PANIS, Guidon, 1478, tr.I, doct.2, chap.1).

 

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Reprendre son esprit. "Retrouver ses forces, son énergie vitale" : Tu dois tellement jusner, non pas que le cuer te faille et que a paine puisses reprendre ton esperit et que tu soyes portee ou tiree par les mains de tes compaignes, mais affin que, l'appetit du corps froissié en leçon et psalmes et en veilles, tu ne faces pas mains que tu as acoustumé. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 369).

D. -

"Principe de la vie psychique, intellectuelle ou affective, "

 

1.

"Ensemble de composantes déterminant la vie intérieure d'un être humain" : Ces trois choses sont sanz sejour En nostre corps et nuit et jour : Le diable nous tempte et deçoit, Nostre char le delit reçoit Et l'esperit pechié consent. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 229). ...car l'esprit et le sens doivent estre seigneurs du corps, et le corps doit pourveoir a l'esperit. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 44). Alumés le chandaille, et fondre le vëés. Le chire est nostre char et nostre humanité, Le flambe est nostre esprit, de ce viengt la clarté (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 3).

 

-

Faible d'esprit : Et se je considere au vray ces choses, je me treuve, quelque bonne voulenté que je aye, tres foible de corps pour souffrir grant abstinence et grant peine, et foible d'esperit par fragilité et inconstance (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 26).

 

2.

En partic.

 

a)

"Faculté intellectuelle de l'homme, fonction intellective." : Lors vient on aux vertuz qui font L'esperit riche de science, De conseil et de sapience (Mir. st Ign., 1366, 93). Par les escriptures, qu'y vy, Mon esperit y fu ravy Et astract (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 104). ...et parleroy en la tribulacion de mon esperit et en l'amaritude de mon arme (JUV. URS., Loquar, 1440, 301). Dyonisius Bachus fut en ce temps de moult subtil esperit et engin, bien sçavant les influences celestes, et selon aucuns ès ymages de la VIIIe espere (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 25 v°).

 

-

"Capacité intellectuelle" : Si trop j'emprens et follement m'advance, Veu que je n'ay esperit ne sçavance Pour escripre de si claire personne, Pardonnez moy ma folle oultrecuidance, Ce fait amour dont j'ay la souvenance. (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 164).

 

-

[Désigne un aspect, parmi d'autres, de la faculté intellectuelle] "Attention" : ...Ailleurs avoit son esperit Tourné, ce doit on bien penser, A la pucelle regarder. (FROISS., Méliad. L., t.1, 1373-1388, 9).

 

-

De grand esprit. "De grande intelligence" : ...et gouvernoit la Royne Marguerite, sa femme, toute Angleterre, laquelle, à la verité, fut une dame sachant et de grant esperit. (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 209). Et ne revoquez point en doubte que ledit Balue avoit plusieurs grans ennemys, qui injustement peurent estre cause de sa prinse, non obstant que beaucop de saiges chevaliers de ce royaulme, et qui pour les cieulx ne vouloient point perdre la terre, l'estimoient homme de très grant esperit et disoient qu'ilz n'en avoient point veu de pareil. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 224).

 

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De bel et bon esprit. "Qui a des qualités morales et intellectuelles" : "Laiiez vous consillier. Li rois de France, espoir, que vous n'aviés pas bien à grasce, ne ils vous, est mors : il i a à present un jone roi de bel et bon esperit, et tels haï le père, qui servira le fil." (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 31).

 

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Esprit lié. "Esprit entravé, immobilisé, paralysé" : Ce faisant [tout en priant], je m'entroubliay, Non pas par force de vin boire, Mon esperit comme lÿé. Lors je sentis dame Memoire Reprendre et mectre en son aulmoire Ses especes colaterales (VILLON, Lais R.H., c.1456-1457, 28).

 

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Biens d'esprit. "Qualités d'esprit" : Euvre de Dieu [Marie d'Orléans] digne, louee Autant que nulle creature, De tous biens et vertus douee, - Tant d'esperit, que de nature, Que de ceulx qu'on dit d'aventure, - Plus que rubis noble ou balais ; Selon de Caton l'escripture, Patrem insequitur proles. (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 44).

 

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"Pensée" : ...comment povez vous avoir envye de dormir emprès de moy qui suis tant eveillé, qui n'ay esperit qui ne soit plain de regretz (C.N.N., c.1456-1467, 176).

 

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En esprit. "Mentalement, par la pensée" : Cheminans ainsi, les dames en esperit volant, par maniere d'une piteuse tragedie et amere lamentacion Ardant Desir dist a Verite la royne : "Madame," dist il, "il est escript que grant doleur longuement ne se puet celer..." (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 303). Car Merlin et Sebile et Bede, Plus de Vc ans a la virent En esperit, et pour remede En France en leurs escripz la mirent, Et [ leurs ] prophecies en firent, Disans qu'el pourteroit baniere Es guerres françoises, et dirent De son fait toute la maniere. (CHR. PIZ., J. d'Arc, 1429, 34).

 

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P. méton. "Personne (considérée dans ses qualités intellectuelles)" : Et n'entens pas que ceste ma petite et mal acoustrée labeur se doibve appeler ou mettre ou nombre des cronicques, histoires ou escriptures faictes et composées par tant de nobles esperis qui aujourd'uy et en cestuy temps de ma vie ont si sollempnellement labouré, enquis et mis par escript (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 184).

 

b)

"Disposition à éprouver des sentiments, état mental, psychique qui en résulte" : Aussi fault il regarder temps, affin que non tantost comme en fureur correction soit au delinquant donnee, mais jusques au temps convenable auchunefois soit differee, comme on list en Proverbes ou .XXIXe. chapitre : «Tout son esperit», c'est a dire son ire, «moustre le fol, mais le sage le reserve et differe jusques a temps convenable». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 193). ...Car quant refus en ma dame venoit, Cils dous regars tantost le desdisoit Et doucement pour sien me retenoit, Si que des lors Mes esperis asseürez estoit, Ce m'estoit vis, ne riens plus ne doutoit. (MACH., F. am., c.1361, 152). ...Et s'ai tousdis en moi leesce Et l'esperit jone et legier (MACH., Voir, 1364, 466). Et de ce dist Salemon : Cellui qui ne puet contraindre son esperit ayré en parlant est semblable à la cité ouverte qui est avironné de ennemis, c'est à dire que tous les vices sont prests à y entrer. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 173).

 

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"Coeur" : Et appelle un paradis Garni d'onnour Et de delis Vostre valour Et grant douçour, Dame de pris, Coument que ses esperis Ou lit de plour Gise tout dis En tel dolour Et tel ardour Qu'il en vault pis. (FROISS., Par. am., c.1361-1362, 70). Là trouverent l'empereris, Dont plus fu liez leur esperis, Qu'elle avoit en sa compaingnie Dont elle estoit acompaingnie Maintes riches et nobles dames, Dont Dieu gart le corps et les ames, Qui estoient si acesmées Et si tres richement parées, De grans biautés, de grans richesses, Que toutes sambloient deesses. (MACH., P. Alex., p.1369, 35). Car tant de joie a en soy Qu'en joie est ravis, N'il ne li puet estre avis Qu'amours face anoy, Tant est liés ses esperis : En ce point le croy. (MACH., Les lays, 1377, 346). Sy advint ainsi que le clerc, nommé Caron, mu de bon esprit, s'avisa d'aller au-devant de la duchesse et de son fils pour non les souffrir vuidier jiusques ils eussent rappaisié le duc et prié mercy. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 233).

 

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Estre troublé en l'esprit/Avoir l'esprit troublé : Signeurs, j'ay veü en s'orine Einssi comme un po de racine Qu'elle est en l'esperit troublée. Or nous est la science emblée De ce point, s'on ne s'en avise. (MACH., J. R. Nav., 1349, 203). Et encor li avoit escript Que, pour la foy de Jhesu Crit, Li soudans sa mort li procure, Dont il est en grant aventure, Qu'il n'en soit destruis ou peris ; Tourblés en est ses esperis Et ses cuers a si grant meschié, Comme d'avoir le chief tranchié, Ou qu'il ne soit procheinnement Essiliez perpetuelment, Se li bons roys ne le secourt. (MACH., P. Alex., p.1369, 211). Et sachiez que elle estoit en tel party, tant de la doulour de son pere, comme des pensees qu'elle avoit a Uriien, qu'elle estoit ainsi comme une personne qui est nouvellement yssue de son sompme. Mais Uriiens, qui bien perceut qu'elle avoit l'esprit troublé, la saisi doulcement par le bras, et la dreca contre mont, en lui enclinant contre elle ; et, en ce faisant, s'entrefirent moult d'onnour. (ARRAS, c.1392-1393, 119).

 

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Blesser/estre blessé en l'esprit : Et quant a vostre songe de la vigille de la Sainte Crois, veuilliez savoir, et pour certain, que .IIII. jours devant ou .V. aprés je fui telement bleciés en l'esperit que je laissai de tous poins l'ouvrer en vostre livre, et havoie fine esperance en mon cuer que jamais n'i penseroie pour ce que je n'ooie nouvelles de vous. (MACH., Voir, 1364, 518). Si fui bleciés en l'esperit, Si qu'en mon cuer joie en perit, Et prins si grant merancolie Qu'onques puis ne fis chiere lie. (MACH., Voir, 1364, 660). Ce sont Refus, Desdaing, Despit, Honte, Paour, Durté, Dangier, Qui me blessent en l'esperit, Quant à ma dame merci quier. (MACH., Bal., 1377, 564).

 

3.

"Disposition à vouloir qqc., principe d'action"

 

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Esprit de qqc.

 

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"Volonté, exigence de qqc." : LE CONTE. Certainement, je m'esbahÿs Comment soubz un si povre habit Puet avoir si riche esperit D'onneur, de meurs et de prudence, De maniere et de continence, Comme en ceste povre femme a [Griseldis] (Gris., 1395, 93). Mais qui ne veult aoïr verité ne escouter ne parler, il est du tout estrange et esloignié de l'esperit de verité, et ce nous souffist a present. (FOUL., Policrat., IV, 1372, 49). Le lieu munist peu se l'esperit de ferveur n'y est present ; ne ne durera point telle paix longuement qui est quise par dehors, se l'estat du cuer vacque de vray fondement, c'est a dire se tu ne te tiens en moy (Internele consol. P., 1447, 151). C'est aucune fois disette d'esperit dont tant legierement nostre chetif corps se plaint. Prie doncques humblement a Nostre Seigneur qu'il te doint esperit de componction (Internele consol. P., 1447, 332).

 

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"Penchant pour qqc." : Mon Redemptour, gete de moy l'esprit d'orgueill (GAST. PHÉBUS, Livre oraisons T., c.1380-1383, 39).

 

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"Génie de qqc." : "Pour ce que l'esperit de divinacion si se boute en toy plus souvent que en homme, et es femmes que es hommes, devine moy en aucun esprit et me resuscites celui que je te diray". (FOUL., Policrat. B., II, 1372, 193).

 

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"Attitude, disposition" : Pour che dist l'Apostre aux Galathiens ou .VIe. chapitre : «Instruiséz chelui qui aprend en esperit de bonne doulceur». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 189).

 

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En l'esprit de qqc. "Avec l'idée de..., dans l'intention de qqc. ..." : ...divinacion n'estoit pas faite sanz aucun don ["sans être monnayée"], par especial celle qui se faisoit en l'esprit d'avarice et mauvaistié. (FOUL., Policrat. B., II, 1372, 193).

 

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"Disposition, façon d'agir, de penser (qualifiée par un adjectif)" : "Chacun scet", dist la chambriere Magnificence, "que aucunefoiz est advenu que le fil mal conseille [l. conseillé] s'est rebelle [l. rebellé] contre le pere, lequel, par le moyen de son esperit paternelle et de manuelle correction, a bien chastie [l. chastié] son filz, mais toutesfoiz il ne l'a pas laissie [l. laissié] mourrir de fain ne tant batu qu'il en cheist en desesperacion..." (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 529). Comme prudence et sagece soit mere et conduisarresse de toutes vertus, sans la quelle les autres ne pourroient estre bien gouvernees, est il neccessaire a l'esperit chevalereux que de prudence soit aournez, comme dit saint Augustin ou Livre de la singularite des clercs que, en quelque lieu prudence soit, legerement peut on cesser et amentir toutes choses contraires (CHR. PIZ., Ep. Othea L., c.1400-1401, 157). Et tu celestiel Ysaïe qui en la loy de Moyse eubz esperit crestien et sembles mieux escripveur d'Evangile que annunciateur de prophecie, descripsis clerement ceste demonstrance en la persecution que tu predisis sur Egypte (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 79).

E. -

[À propos d'une chose, d'une oeuvre]

 

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Au fig. "Ce qui donne sa force, sa valeur à qqc." : ...mais le prince est la loy vive, l'ame et l'esprit des loys, qui leur donne povoir et vertu, et par son sens et adrecement lez vivifie. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 74).

 

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[P. oppos. à lettre] "Sens profond d'un texte" : Et bien proprement Deutronome doit estre escript en un volume pour ce que le prince doit si bien et sagement et souvent recorder le sens de la loy que ja pour ce ne soit que il ne lise souvent la lettre et l'ait touz temps devant les iex et se tiegne si a la lettre que il ne se discorde point de la purté de l'entendement, car la lettre occist et l'esperit vivifie. (FOUL., Policrat., IV, 1372, 62).

III. -

P. méton. "Être immatériel et surnaturel"

A. -

RELIG.

 

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Esprit increé. "Dieu, principe immatériel" : Par intelligence, c'est a dire par icelle excellence virtuele que l'entendement humain est une maniere de participation de la lumiere et clareté divine, elle congnoist l'esperit increé, qui est Dieu. (Somme abr., c.1477-1481, 136).

 

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Esprit (créé). "Ange ; âme de l'être humain" : ...je ne suis pas homme, mais esperit et ange de Dieu. (Mir. nonne, 1345, 315). Et par entendement elle [l'âme] congnoist l'esperit creé comme les angeles et soy mesmes. (Somme abr., c.1477-1481, 136).

 

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"Âme d'un défunt" : JEHAN BOCACE. "Que te feray je ? Poinst n'est concedé a esperit d'avoir repaire aveucques le vif ne d'excerser action corporele." (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 89).

 

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Esprit angelique : ...elle [l'âme] communique auec les choses insensibles et qui ne sont pas viues, auec les bestes, et auec les angeliques esperis, comme il a este [esté] dit. (CIB., p.1451, 186). Item par les gerarchies, c'est a dire ordre des esperis angeliques. (Somme abr., c.1477-1481, 125).

 

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Esprit separé. "Être abstrait, sans existence corporelle" : Mez ce ne seroit mie pour ce que lez herbes ou lez melodyes aient aucun pover ou aucune vertu contre l'Anemi, car c'est un espirit separé, ouquel nul tel corps n'a conmunement aucune vertu. (Songe verg. S., t.1, 1378, 391).

 

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Esprit (malin/mauvais). "Diable, démon" : DIEU. Mére, pour ce que li mauvais Esperiz n'ait sur lui victoire (...) Son pechié li pardoing et quitte. (Mir. pape, 1346, 383). LE PAPE. Je te conjur (...) Que tu me dies verité, Se tu es esperit mauvais (Mir. mère pape, c.1355, 388). Et dit Hermés que illecques sont mauvais esperis et dyables et bestes mal faisanz a hommes. (ORESME, E.A.C., c.1370, 364). Et de ces mauvais esperis le chief si est Lucifer, lequel selon ce que dist saint Gregoire est ainsy appellé pour ce qu'il estoit plus cler que les autres (CORBECHON, Mauvais anges S., 1372, 486). Quant le gallaffre de Bandas l'appercoit, si le monstre au roy Braidimont. Ne veez vous pas cel homme ? Par foy, je pense mieulx qu'il soit plains de maligne esperit qu'il soit homme naturel. (ARRAS, c.1392-1393, 137). Car sachiez que cellui Gieffroy ne resoingna oncques homme, et maintient l'ystoire et la vraye cronique que cellui Gieffroy se combaty a ung chevalier fae ou au mauvais esperit es prez dessoubz Luseignen, et si comme vous orrez cy après en la vraye hystoire. (ARRAS, c.1392-1393, 197). La chair esmeult et enserre, Malin esperit l'enserre, Le monde s'il peult l'aterre (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 168). Or pert il bien que malvez esperit Vous a fait une illusïon. Ainssy meine a confusïon, Ainssy detient, ainssy enlace Ceulz a qui Dieu soutrait sa grace Par leur pechié et desmerites. (Mart. st Pierre st Paul R., c.1430-1440, 128). Ie te dy que tout enfer et tous les esperis qui y sont (...), il nest [l. n'est] pas en leur puissance extorquer ne faire consentir ton franc arbitre (CIB., p.1451, 223). Mais a considerer ce nom dieu par la seconde et la tierce maniere, il a plurel nombre, car pluseurs bons et justes sont dieux par adoption et participation, et pluseurs sont apelléz dieux par nomination comme les mauvais esperis deables. (Somme abr., c.1477-1481, 106). Predist autres merveilles qui tantost furent veues, c'est assavoir que certain malin esperit se monstra publiquement aux hommes et semblablement (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 113 v°).

 

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P. méton. "Inspiration démoniaque poussant l'homme à faire le mal" : ...les dis escuiers, meuz de mauvaiz esperit, disans "i es-tu de sa compaingnie ?" firent très grant villenie au dit Lambert et le batirent moult villainnement, et l'eussent tué, ce ne fust son mantel qui doubla sur sa teste (Doc. Poitou G., t.3, 1350, 11).

B. -

[Myth., croyances populaires]

 

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"Être immatériel qui est supposé intervenir, en bien ou en mal, dans la vie des hommes, démon, génie..." : Mais einsi com je l'escoutoie, Dedens mon cuer ymaginoie Que c'estoit aucuns esperis Dont je peüsse estre peris. Adont durement me doubtay Et dedens mon lit me boutay. (MACH., F. am., c.1361, 146). Il ne estoient ne engle ne esperit, mais homme fourmet à la samblance de leurs signeurs, et on les tenoit comme bestes. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 95). [Saül s'adresse à une femme devineresse] Ore dit donques Saül que elle devinast en aucun esperit, comme se il deist : "pour ce que l'esperit ["l'inspiration"] de Dieu m'a laissié, fay que aucun esperit m'aide, et me appelle ceux que je diray..." (FOUL., Policrat. B., II, 1372, 193). Car il adcertenoit de n'y avoir envoyé nulluy, et que vrayement nous fusmes deceupz ; car celluy homme estoit ung des esperis d'Estrongol ou de Boulcan. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 158). Il se dist et se list communement que cestui Fedrich avoit ung esperit par ingromance enclos en une fiolle de voirre, lequel lui disoit pluiseurs choses a venir. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 171).

 

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"Fantôme" : ...il entendirent encores ung peu, s'ilz oyrent la voix du par avant arriere les hucher tres aigrement ; si cuiderent que ce fut ung esperit (C.N.N., c.1456-1467, 276).

 

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Esprit feé. "Être enchanté" : Beau frere, la commune renommee du peuple court partout que vostre femme vous fait deshonneur et que tous les samedis elle est en fait de fornicacion avec un autre. Ne vous n'estes si hardiz, tant estes vous aveugliez d'elle, d'enquerre ne de savoir ou elle va. Et les autres dient et maintiennent que c'est un esperit fae, qui le samedy fait sa penance. (ARRAS, c.1392-1393, 241).

 

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Esprit familier/privé. "Démon intérieur qui confère un pouvoir de divination" : Adont dist Basin, qui avoit parleit a ung esperit priveit : "Sire, souffreiz : je ne vouloye osteir de mon art de tant [valeur démonstrative], maiz je ne puiz, car ce que fait a croire me dist que nous serons delivréz par un chevalier." (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 192). Au moïen de quoy, se detracteur glosa que j'avoye ung esperit famillier, pour ce que je respondoye si souldain aux questions qui me estoient faictes. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 156 v°).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Pierre Cromer

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