I. -

Adv.

A. -

[Pour interroger sur la quantité]

-

Combien de + subst. "Quel nombre de, quelle somme de" : Je regarde que je ne sçay Combien de temps j'ay mais a vivre (Mir. st J. Cris., c.1344, 260). ...il scet des arainnes le nombre Et combien la mer a de goutes Et le nom des estoiles toutes. (MACH., C. ami, 1357, 48). Quel chose me proufite scavoir combien de ans vesqui Mathusalen, ne en quel eage Salomon prist fenme ? (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 150). Or nous dicte combien d'argent Vous ly donré de mariage. (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 25). M'amye, dictes moy combien De foys il m'a esté contraire. (LA VIGNE, S.M., 1496, 290).

-

[Pour interroger sur le prix de qqc.] "Quel prix (quelle somme)" : LE PAPE. (...) Ces escharboucles me monstrez Que l'en m'a dit qu'a vendre avez Par fine amour. LE MARCHANT. Sire, voulentiers, sanz demour. Vez les cy. Or les regardez : Sont il belles ? pour Dieu, gardez Qu'il ne vous chéent. LE PAPE. Biau filz, n'en doubte : s'ilz dechéent Par moy la value d'un dé, A double vous yert amandé. Combien, biau filz ? LE MARCHANT. Sire, soiez certains et fiz Je les aime bien mille livres, Et s'en voulsisse estre delivres, Ains que les eussiez veu, J'en eusse bien tant eu De bons tournoys. (Mir. pape, 1346, 391). TROISIESME FIL. (...) Se Dieu t'aist, combien as tu Vendu ta somme ? DEUXIESME FIL. Combien ? trois solz (Mir. roy Thierry, c.1374, 294).

Rem. Aussi Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 176.

.

Pour combien que : Mais ne savoie pour combien Que c'estoit, ne que ce valoit (MACH., D. Aler., a.1349, 391).

-

[Pour interroger sur la durée de qqc.] "Quelle durée (quel nombre de jours, de mois...)" : Combien avez vous de respit De l'ennemy qui vous attent ? (Mir. enf. diable, c.1339, 43). Combien a [combien de temps y a-t-il] que je sui venuz Et que je me sui ci tenuz Pour ce qu'a vous n'osoie aler ? (Mir. nonne, 1345, 319). ...mon service estoit, par foy, Ort et vilain pour mes pechiez, Dont j'ay si esté entechiez Que cy fauldra que je demeure Ne say combien. (Mir. prev., 1352, 251). J'ay compté par mes doiz combien Le roy Artus fu en Bretaingne. (Mir. parr., 1356, 30).

B. -

[Adv. d'intensité] "À quel point"

1.

[Dans l'interrogative indir.] : Or me vueil je mirer Pour veoir combien je sui belle. (Mir. st J. Cris., c.1344, 258). ...se tu savoies combien ton humilité plaist au treshault Dieu, tu ne jugeroies pas que tu ne soies bien digne de estre servie et de oir la parole des anges. (Mir. nonne, 1345, 315). Vous savez combien oultrageux Il est et folz et corageux (Mir. st Guill., c.1347, 14). Monstrez combien de vo mestier Estes soubtilz. (Mir. st Guill., c.1347, 29). Or me porroit on demander Combien ma joie fu doublée A faire ceste rassamblée. (MACH., D. Aler., a.1349, 397). Si vous suppli, tressainte dame, Que par vous reméde y soit mis Tel qu'il sache combien amis Vraiz peut valoir. (Mir. prev., 1352, 254). Et je vous em pri, qu'il m'appére Combien pouez avoir grant fain. (Mir. Theod., 1357, 96).

-

[Dans l'interr. dir.] : AFFRICQUEE. Sarrez, sarrez. JOUHAN. Encores ? AFFRICQUEE. Ung peu. JOUHAN. Combien ? AFFRICQUEE. Jusques au dernier clou. (P. Jouh. D.R., a.1488, 22).

2.

[Dans l'exclamation] : Sire Diex, la multitude de ta doulceur, combien est elle grant ! (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 206).

II. -

Loc. conj. Combien que

A. -

[Marque la concession, avec une valeur intensive plus ou moins nette (l'intensité de qqc. n'a pas les conséquences qu'on pourrait attendre)] : ...Si qu'il n'est droiz en nulle guise Que de nulle rien vous moleste, Combien que j'aye cause honneste [quelque juste que soit ma cause]. (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 83). Certes ce sunt bien apers signes Que Dieu les sommes ne paie mie Des biens de ceste mortel vie Qui s'esvanoïssent comme umbre, Mais de mielx sans conte et sans nombre, Combien que ceulx pas ne l'entendent Qui es biens du monde s'attendent [quelqu'intense que soit l'attente de ceux qui...]. (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 94). Il couvient estre sans doubtance L'un en l'autre, combien qu'il couste [pour élevé qu'en soit le coût], Ainz que le chevalier Dieu gouste La savour des ceptres rëaulx (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 120). Et vueilliez par vostre puissance, Combien que j'aie de grevance [pour fort que soit le poids qui me pèse], Que je puisse conseil trouver, Dame, qui me puisse assener Par quoy j'aie crestienté (Mir. enf. diable, c.1339, 30). Anthure, combien qu'il me coust, La besongne sera bien faite [quel qu'en soit le prix]. (Mir. st J. Cris., c.1344, 261). Combien qu'ore la truisse amére Et rude [quelqu'amère et rude je la trouve], dont moult me merveil Toutevoie par le conseil Du bon hermite vueil ouvrer (Mir. pape, 1346, 379). Encor point ne m'esmouveray, Mais qu il feront regarderay, Combien que longuement s'envoisent [quelque longue que soit la durée où...]. (Mir. march. larr., c.1349, 104). ...et combien [quelque nombre] que jà eust commis des gens de sa maison, si n'en povoient-ilz avoir la maistrise (COMM., I, 1489-1491, 161).

-

[Avec l'indicatif] : Il me font si estre esplourée Que le cuer en lermes me font, Pour la grant pitié qu'il me font, Combien qu'a Dieu ont trop forfait. (Mir. nonne, 1345, 350). Car combien que lonc temps dura, Onques puis grieté n'endura Qui point feïst a son cuer touche. (MACH., J. R. Nav., 1349, 225). Et avez vous point d'esperance, Combien que ces tourmens souffrez, C'un temps viengne que vous serez Hors de ce lieu ? (Mir. prev., 1352, 249).

-

Combien + adj. qu'il soit : ...combien forte qu'elle soit (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 32).

B. -

P. ext. "Bien que, quoique" : Biaux seigneurs, sachiez de certain, Combien que soiez li greigneur Maistre de la loy et docteur, Ne le tenez ja a merveilles (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 232). Et nonpourquant, combien que Gieffroy se mellast de faire poz, si fust il riches homs durement s'il voulsist, car il estoit sages homs et preudes homs, sy que moult souvent escheoit que, quant li .VII. sages avoient un fort jugement a faire, Gieffroy li potiers y estoit mandez et en rendoit mesmes la sentence (Bérinus, I, c.1350-1370, 230). Mere, je vous puis pour voir dire, La femme a enfant conceü, Combien qu'encore cogneü Ne l'ait. (Mir. enf. ress., 1353, 7). Si commença l'en a drecier les pretoires des consulz et, combien que il veissent aucun qui mettoient la main aus cloysons et aus oeuvres et il veissent bien que c'estoit pour noient comme les choses perdues et hors de toute esperance, toutesfois, affin que par leur coulpe nul plus grant mal n'y fust adjousté, chascun se prist en sa partie a ouvrer a la cloyson et a la deffension sanz admonnestement d'aucun... (BERS., I, 9, c.1354-1359, 2.12, 4). ...il donnerent plain povoir, auttorité et mandement especial de ce faire et de faire autant en ce que dit est, et en ce qui en deppent, combien que aucun requeissent mandement especial, conme les vendeurs establissans feroient et faire pourroient, se presens y estoient. (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1357, 222). ...lesquelx procureurs des diz Garnier, Philippe de Vassal, es noms que dessus, Pierre Girart et sa femme, et des diz maistres et gouverneurs, qui estoient aprouchiez devant nous a la requeste des diz religieux pour monstrer la garnison ou garnisons, se aucunes en avoient faites, en une maison seant a Paris, en la rue aus Oes, plus a plain esclarcie en certaine sentence donnee de nous parmi la quelle ces presentes sont annexees, a la quelle maison garnir ils avoient esté condempnés envers les diz religieux, selon ce et par la maniere que plus a plain est contenu et esclarcy en la ditte sentence, distrent et affermerent que les diz condempnez n'avoient fait ne entendoient a faire aucune garnison en la ditte maison, combien que le temps a eulx prefixé pour ce faire feust passé. (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1372, 430).

-

[Avec l'indicatif] : ...s'en dirai ma sentence, combien que nostre deffense ne seroit pas moult difficile devers ceulz qui ne sont pas ignorant des humainnes fortunes et des neccessitez (BERS., I, 9, c.1354-1359, 8.4, 13). Car noz bonnes euvres plus sont a reputer a Dieu que a nous, car combien que nous les faisons, Dieu toutevoies les fait par nous quant a estre meritores et pour desservir la vie eternele sans fin. (Somme abr., c.1477-1481, 108). La conclusion si fut que on passeroit la rivière de Seine, combien que plusieurs oppinèrent de retourner (COMM., I, 1489-1491, 16).