A. -

[D'un être hum.] "Semblable aux bêtes (éloigné de la nature spirituelle de l'homme), qui tient de la bête, brutal, stupide ou dangereux" : Quant feusmes passez Arménie nous entrasmes en Turquenie et trouvasmes les Turquemans gens bestiaulx qui sont Sarrazins et de la loy Mahommet, et habitent communément dessoubz terre, comme taulpes. (JEAN LE LONG, Voy. Bieul B., 1351, 276). Et que bestialité soit mendre malice il appert premierement, car en l'omme bestial la chose qui est la tres meilleur, c'est assavoir entendement, n'est pas corrumpu... (ORESME, E.A., c.1370, 386). Car, comme dit Aristote, telz vivent comme bestes et sont bestiaux (...) et telz ne doivent point estre apellez hommes mais chiens ou pourceaux ou lyons (GERS., Trin., 1402, 153). "Scez tu la malicieuse cause pourquoy celle bourde fu donnee a croire aux hommes bestiaulx et nices au commencement de ce Livre ?" (CHR. PIZ., Cité dames C., c.1404-1407, 650). ...Et que Nature Nous en donne naissance et nourreture, Amendement, joye et bonne aventure, Dont devons nous les amer par droitture ; Et sommes faulx, Desnaturez, vilains et desloyaulx Desvergondez, mauvais et bestïaulx S'en fait n'en dit nous pourchassons leurs maulx. (CHART., D. Fort., 1412-1413, 176). ...ensemble proposèrent Et répliquier mesmes osèrent Que Humain Lignage en vérité Est tout rempli d'iniquité, D'orgueil, envie, ire et tristesse (...) Mescroiant chascun en sa Foy, Inutile à Dieu et à soy, Moult bestial, irraisonnable Néant piteux et variable (LA HAYE, P. peste, 1426, 35). Dieu le tout puissant, à qui est Homme obéissant, Le volt former à son ymage Quant à son âme et son courage, Et lui donna sens et savoir, Entendement et franc vouloir, Engin, povoir et bénéfice D'amer Vertu et haïr Vice Dont il peut estre parçonnier Aucunement et héritier De Nature célestiale En délaissant la bestiale (LA HAYE, P. peste, 1426, 38). Helas, sire, ne baillez pas a perpetuité a gens inhumains et bestiaulx les armes et personnes de ceulx qui vous tiennent a seigneur. (JUV. URS., Loquar, 1440, 370). Ne veulle pas estre incredule Comme bestial et enturle, Mais soies a tousjours leal Et constans sans penser a mal. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 273). ...car quant il regarda que son oncle Tarquinus Superbus faisoit tous les josnes hommes nobles de Romme morir, entre lesquelz avoit esté ochiz ung scien frere, pour ce qu'il estoit saige et de soubtil engien, il [Brutus] faignist qu'il estoit bestial et ygnorant (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 24). Tu n'es bon qu'a desordonner Povres gens simples, bestïaulx Pour en enffer les emmener Souffrir grans paynes et travaulx. (LA VIGNE, S.M., 1496, 493).

-

[D'une chose qui touche la pers.] "Qui rappelle le comportement des bêtes" : Semblablement, selon tele maniere est une incontinence bestiale et une maladieuse. (ORESME, E.A., c.1370, 383).

.

"Stupide" : Et donques esjoïr soy et deliter en teles choses et mesmement amer les, c'est un vice bestial et vituperable. (ORESME, E.A., c.1370, 222).

-

Empl. subst. : Le bestial fault souvent en tout (ORESME, E.A.C., c.1370, 363).

B. -

[D'un animal] Poisson bestial. "Poisson qui par sa taille ou sa morphologie ressemble à une bête terrestre, gros poisson" : Et quant la mer jete dehors Grant quantité de poissons mors, Mesmement poissons(,) bestiaulx Qui en ce sont espéciaulx (LA HAYE, P. peste, 1426, 56). Aussi est-il grant asseurance Faire lors du tout abstinence De poisson par espécial, De tout le poisson bestial, Et d'autre qui reçoit pasture De lymon et vit en ordure (LA HAYE, P. peste, 1426, 92). Poissons bestiaulx, comme congre, porc de mer et cheval de mer, et autres semblables, ont dure char et forte à digérer. (LA HAYE, P. peste, 1426, 220). ...donés luy choses qui sont de dure digestion, si comme faves frites, froument cuit, lentilles avec vin aigre, poissons bestiales et conchile, chairs de beuf petit cuytes (GORDON, Prat., c.1450-1500, V, 4). ...et toutes choses qui sont de dure digestion et tardive, sicomme chairs de beuf et caules, fromage viel, eufz durs et toute conchile et tous poissons bestialz et les semblables (GORDON, Prat., c.1450-1500, VII, 14).

Rem. Cf. aussi M. Bambeck, Boden und Werkwelt, 1968, 40 : bestinalis (piscis) "gros poisson", terme situé dans la région méditerranéenne et à l'est de l'embouchure du Rhône ; terme générique p. oppos. à pisces minuti ; K. Becker, Z. rom. Philol. 111, 1995, 352 : Deschamps déconseille les «poissons de mer, die Tiernamen tragen ("qui ont bestiaulx noms")».
 

"Bétail" : [Moïse] Fist de la pierre eaue yssir Quant deux fois le volut ferir Dont ils burent abondamment Et leur bestial pareillement. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 97). ...et prindrent audit pays grant nombre de prisonniers, bestial et autres biens (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.4, c.1444-1453, 145). ...car la richesse des roys anciennement estoit plus en bestial, que on dist en latin "pecudes", que en aultres choses (LA SALE, Sale D., 1451, 168). ...et allèrent acqueullier tout le bestial qui estoit au dehors de ladicte ville, où ilz trouvèrent grant nombre de bestes, comme aumailles, chevaulx, jumens et blanches bestes (ESCOUCHY, Chron. B., t.1, c.1453-14, 399). ...car une rivière sert à merveilles à ung ost, tant pour sceurté que pour l'aisément des vivres ; on y abreuve les chevaulx et tout le bestial de l'ost (BUEIL, I, 1461-1466, 154). ...se le roy Hugues estoit aussi bien garny de haubers et de heaumes et de destriers d'Arragon comme il est de bestial... (Galien Rethoré K.K., 1500, 182).