A. -

"Celui qui garde les moutons, berger" : ...Dieu envoya Ung bregier qui la s'avoia, Qui bestes aloit pasturant Et le vivre aux bestes querant (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 204). Jabel trouva les panetieres Que portent bergiers et bergieres (MACH., Voir, 1364, 496). [Premier bergier] Chevalier ne suis, ne hermites, Maiz je suis bergier amoureux (Gris., 1395, 45). Si lui en fu compté le voir (...) comment fu trouvé tout nu Du bergier en la grant forest (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 195). Roy qui portes couronne et ceptre en ce monde, que as tu davantage sur ung povre bergier, ou que t'a donné nature et ton pere plus avant, fors ce que Dieu y a mis par previlege de grace ? (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 67). Oudit temps, le roy fist venir grant nombre et grant quantité de joueurs de bas et doulx instrumens qu'il fist loger à Saint-Cosme près Tours, où illec ilz se assemblerent jusques au nombre de six vingtz ; entre lesquelz y vint pluseurs bergiers du pays de Poictou, qui souvent jouerent devant le logis du roy, mais ilz ne le veoyent pas, affin que ausdiz instrumens le roy y prensist plaisir et passe temps et pour le garder de dormir. (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 122). Suis jë en l'ostel d'ung bergier ? (Feste roys, c.1475-1500, 304). Cestui (...) prenostica (...) les grandes innondacions du Tymbre, ce qui advint, car souldainement fut si très grant icellui Tibre que l'on estime que par icelui furent noïez plus de IIIIm bergers entour Romme, et fut si grant qu'il aloit par dessus le pont Saint Ange et jusques aux derrieres marches des degrés de l'eglise Saint Perre (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 165 v°).

-

Berger champestre : Aussi y sont frisques bergiers champaistres, Acompaignez d'un grant tas de porchiers. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 186).

.

Berger des champs : Or cuidoye estre sur tous maistre, de trompeurs d'icy et d'ailleurs (...) et ung bergier des champs me passe ! (Path. D., c.1456-1469, 194).

Rem. Faut-il suivre R. LEJEUNE, Pour quel public la Farce de Maître Pierre Pathelin a-t-elle été rédigée ? Romania 1961, t. 82, p. 518, selon qui c'est non un berger des champs, un simple berger, mais un berger des Champs, du Pré-aux-Clercs (ad campos clericorum ou simplement Ad campos). Il est de ces bergers "faisant paître leurs troupeaux sur le vaste domaine rural que l'abbaye de Saint-Germain possédait au XVe siècle sur les bords de la Seine, et qui se composait de terres labourables, de prés, de vignes et de garennes. Des troupeaux de vaches et aussi de moutons pâturaient sur le Pré-aux-Clercs. Ces moutons alimentaient en partie les métiers des tisserands ("drapiers drapant") que l'on trouvait à l'intérieur du bourg de Saint-Germain" ? (éd.).

-

Prov.

.

A tel berger telles bestes : Et la bonne voie s'en aille Le bergier au matin davant : Son foucq le sieuvra, je m'en vant, Tout paissant et baissant les testes. L'en dist : A tel bergier telz bestes. (Pastor. B., c.1422-1425, 185).

.

Bergers des champs n'ont cure de harnois. "Les bergers ne s'occupent pas des choses militaires (?)" : Bon temps y marche et la guerre en desmarche, En aultre marche espere escailler noix : Bergiers des champs n'ont cure de harnois. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 363).

.

Bergers sont tous au champ unis : Les gouvernans et les meneurs Des brebiettes en pasture, Autant les grans que les mineurs, Si par default et fourfaiture, Aulcune choit en adventure, Ils la rendent ou sont pugniz. Bergiers sont tous ou champ uniz. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 52).

.

Berger trop piteux feroit ses agneaux rogneux : Bergier trop piteux feroit ses aigneaux roingneux. (GERS., P. Paul, a.1394, 507).

Rem. Cf. A. J. V. Le Roux de Lincy, Livre des prov. fr., 1859, I, 268 : «Mère trop piteuse fait sa famille teigneuse» XVIe s.

.

Quant berger dort, loup vient tandis : ...D'enviellir ne me souvenoit Et jour aloit et jour venoit Et le temps se passoit en dis : Quant bergier dort, loup vient tandis. (TAILLEV., Passe temps D., c.1440, 137).

-

Loc. prov. Du loup faire berger : ...a ces deux traïtres volt sa terre laisser, Quar il peut bien dire du loup a fait bergier. (Flor. Octav. L., t.2, c.1400, 399).

B. -

P. ext.

1.

"Manant, paysan" : Joachim avoit un vergier Les sa maison, qu'onques bergier Ne fist, car trop fu delitables Et a tous fruis de delit ables. (MACH., C. ami, 1357, 4). Il [Meliador] n'a mies chiere d'estout, Ne de villain ne de bregier. Espoir vodra il remploiier Ses deniers dou tout a sa guise En aucune autre marchandise (FROISS., Méliad. L., t.2, 1373-1388, 87).

Rem. GD I, 626a.

2.

"Homme stupide"

-

Faire le berger : Et li sergans respont : "faites vous le bregier ? Sé n'ai .XII. parsis, foy que doi saint Richier, J'arai, de vostre beste, le plus maistre quartier" (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 189).

-

Faire qqn berger. "Prendre qqn pour un imbécile, se moquer de qqn" : Dont ly ala Regnault et dire et retraitier Et lui dist qu'il venoit de Karlon courouchier Et la noble couronne a courir gaagnier. "Par mon chief, dist li roy, bien l'avez fait bregier..." (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 293-294).

3.

[Opposé à roi pour désigner le pôle inférieur de la société] : Il ne ly chault pour abregier Non plus d'ung roy que d'ung bregier. (CHASTELL., Miroir mort V.H., c.1436-1450, 60).

4.

"Homme lâche" : Et li prince respont : "Cuer avez de bregier, Et pués que ceste guerre vollez ainsi laissier, A Jhesu vous commant qui se laissait player..." (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 410). A Dieu se commandait, le Perre droiturier, Et dit miuelx vuelt morir c'on l'appelle bergier. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 759).

-

Empl. adj. "Couard, lâche, méprisable"

.

Avoir le coeur berger : Sire, s'ai dit Lion, s'avés le cuer berquier, Maix ne vous en vuelz de rien ensoingnier ; Se lou faissiez a fforce, ne vous valroit ung denier. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 525). ...Cest chose vuel bonnement acorder ; Se je lou reffusoie, cuer aroie bergier (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 943).

.

[Terme de mépris pour désigner les paiens, dans la littérature épique] La gent bergere : ..."mère Dieu, qui fus chambre et portière, Getés-moi à honnour de celle gent bregiere..." (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 146). ...barons, a tous vous faiz prïere De la mort Dieu vengier sur celle gent bregiere (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 226).

C. -

Au fig. "Guide, chef (d'un peuple, d'une communauté)" : ...par quoy luy vueillant estre vray berger de son peuple et le garantir de la rapine des loups, requéroit (...) secours et confort de leurs mains, en deffension tant de leur héritage et pays comme de sa personne. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 451).

-

P. iron. "Bombarde" : Tirés canons et bombardes, Bregiers, souflars et souflardes, Weuglaires et serpentines (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 580).

Rem. V. aussi bergere