C.N.R.S.
 
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     ARROSER     
FEW XXV *arrosare
ARROSER, verbe
[T-L : aroser ; GDC : aroser ; AND : aruser1 ; DÉCT : aroser1 ; FEW XXV, 334a : *arrosare ; TLF : III, 581b : arroser]

A. -

Au propre

 

1.

"Asperger, mouiller"

 

a)

Arroser qqc. / qqn (de qqc.)

 

-

[...de rosée] : Lors en sa main cueilli de la rousée Sus l'erbe vert ; si l'en a arrousée En tous les lieus de sa face esplourée (MACH., J. R. Beh., c.1340, 65). ...il sembloit qu'il fust arousés de rousée[,] Si estoit il mouilliez d'iave qu'il ot suée (Brun de la Mont. M., c.1350-1400, 10).

 

.

Part. passé en empl. adj. : Et tout droit pris mon chemin ay A une sente po batue, Pleinne d'erbe poingnant et drue, Toute arousée de rousée, Car douce estoit la matinée. (MACH., D. Lyon, 1342, 166).

 

.

Empl. abs. "Mouillé de rosée" : Quant vint l'endemain matin, premier jour du mois de may, que le temps estoit bel, la praierie arrousee et que le solleil commenchoit poindre et doucement espandre ses rais sur les pavillons, les eschaffaus furent tendus de draps d'or sy richement que merveilles. (Jehan d'Avennes F., c.1465-1468, 80).

 

-

[...d'eau] : Les barons et les dames furent moult doulens, et drecierent la dame en son seant, et lui arrouserent le visaige d'eaue froide, et tant firent qu'elle revint a lui. (ARRAS, c.1392-1393, 256).

 

-

[...de larmes] : Et en moy tournant arrousay De larmes mon cuer et mes yeus Et ma poitrine en pluseurs lieus (MACH., R. Fort., c.1341, 76). Mon doulz amy, dist Melusigne, qui veoit que les lermes lui cheoient des yeulx a si grans ruisseaulx que toute sa poittrine en estoit arrousee (ARRAS, c.1392-1393, 257). J'ay labouré en mon gemissement. Je laveray par singulieres nuis mon lit, et arroseray mon giste de mes larmes. (CHR. PIZ., Psaumes allég. R., 1409, 86). De si long temps l'ay arrousé de plours Et de lermes tant doloreusement, Et si n'en sont les fruiz de riens meilleurs Ne je n'y truis gaires d'amendement. (CHART., R. Bal., c.1410-1425, 388).

 

.

[Dans un cont. métaph.] : Car faire vueil sans demour De mon amoureus labour Un piteus lay Que je nomme et nommeray Le lay de plour ; De mes larmes en destour L'arrouseray (MACH., Lays, 1377, 434).

 

-

[...d'un liquide quelconque] : Vierge, du lait de ta mamelle Nous arouse (Mir. pape, 1346, 396). Sur ton benoist precïeulx chierfz Cest oignement je poseray, Tes cheveux en aroseray ; Largir ne te puis autre bien. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 147). Maiz, en esté et chaleur forte, Proffite moult et réconforte Jonchier la chambre druement, Et l'arrouser légiérement D'eaue très froide et de vinaigre (LA HAYE, P. peste, 1426, 81). ...Car le corps m'en vois arrouser De ces unccions redollentes. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 388). Et quant la royne et les autres dames la virent panmee comme morte (...) sans faire bruit arouserent son viz et ses mains de vin aigre (LA SALE, J.S., 1456, 154). Pour sa douleur si fort et aigre On l'arousa tout de vinaigre. (Vig. Trib., c.1480, 233). Par les yeulx, vin rouge pissa .V. brocs entiers et une cruche Dont le jardin on arrousa. (Vig. Trib., c.1480, 234).

 

-

Arroser [un plat]. "Répandre (du jus, du bouillon, de la graisse...) sur" : ...et, selon la quantité dudit potaige que vous vouldrés faire, prennés grant quantité d'amandres et soient plumees, lavees et bien broyés, et en broyant les pour les arousés si prennés du boullion dudit chappon (CHIQUART, Cuis. S., 1420, 137).

 

Rem. Cf. GD VIII, 188a : «Répandre du jus, du beurre, de la graisse sur un rôti» (ex. de 1444 et 1466).

 

-

Loc. fig. Arroser les prés d'autrui. "Travailler pour qqn, en négligeant ses propres besoins" : Et avoit le Saint Pere longuement arousé lez prés d'autruy, il estoit donques temps que il arousat lez siens, conme dit la loy (...) car celluy est et doit estre tenuz pour fol qui arouse lez prés d'autruy et laisse sez propres prés mourir et desecher. (Songe verg. S., t.1, 1378, 318).

 

b)

S'arroser. "S'asperger d'eau" : Une fontainne vist desoubs un arbre ester, La s'avisa c'un peu il s'iroit arouser. (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 276).

 

-

Arroser sa gorge. "Se rincer la gorge" : Item, a Jehan Raguier je donne, Qui est sergent, voire des Douze, Tant qu'il vivra, ainsi l'ordonne, Tous les jours une tallemouze Pour bouter et fourrer sa mouse, Prinse a la table de Bailly ; A Maubué sa gorge arrouse, Car au menger n'a pas failly. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 91).

 

.

Arroser sa gorgette. V. gorgette

 

c)

[D'un liquide, de la pluie, d'un ruisseau...] "Inonder" : ...ilz doient avoir pluie, qui leurs terres doit arrouser et faire fructiffier. (Mir. st Ign., 1366, 71). De ce Paradis vertueux Seront produictz quatre ruisseaux, Pour arrouser par tous les lieux Arbres, herbes, fruictz et rainseaux. (Myst. Viel test. R., t.1, c.1450, 27).

 

-

Arrosé de. "Inondé de" : ...le roy estoit, du senestre costé de la hanche jusques au talon, tous rouges de son sang, et la place ou il arrestoit, toute tainte et arrousee du sang de son corps. (ARRAS, c.1392-1393, 106).

 

d)

P. anal. [De la nourriture] "Irriguer" : La cause si est car la viande n'est pas prinse seullement pour gouverner et restaurer le corps, mais aussi semblablement pour humecter et arrouser les membres qu'il ne deseche du fort mouvement et traveil, et pour resister a la resolution de la chaleur naturelle pour laquelle cause il fault plus de viande exhiber au disner que au souper, et tel grant excercité ne prohibe point les membres de faire bonne digestion, come ilz soyent ainsi acoustumés, car par experience nous les veons trois fois le jour mengier de bon appetit et bien digerer. (Rég. santé corps C., 1480, 12).

 

2.

[D'un cours d'eau, d'une source...] "Faire circuler ses eaux qq. part, baigner, traverser" : Nostres Sires y mist [dans le Paradis terrestre] un flueve, (...) Pour amoistir et arrouser La terre, et cils flueves la duit A porter fueille, fleur et fruit (MACH., P. Alex., p.1369, 191). Trente ou quarante fontaines et ruisseaulx, Qui sont aussy pour la terre arrouser. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 186).

 

-

Empl. abs. : Mais aussi com pluseurs rivieres Arrousent, et pluseurs lumieres Radient et leur clarté rendent En tous lieus ou elles s'estendent, Ces douse nobles damoiselles (...) Embelissoient ceste dame De cuer, de corps, d'onneur et d'ame. (MACH., J. R. Nav., 1349, 181).

 

-

[Dans un cont. métaph.] : ...bien avoit Dieu pourveu a homme a la naissance Jhesu Crist, et desja estoit toute la terre arousee de la sourse de grace par infusion de congnoissance d'un seul vray Dieu (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 117).

B. -

P. anal. "Garnir abondamment de qqc." : Cel jour fu Rosane espousée. Toute sa teste ot arousée De couronnes monlt precïeuses, Et de pierres monlt vertueuses, D'escarboucles et de rubis Qui dedens l'or furent assis. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 139). [Seul ex.]

C. -

Au fig.

 

1.

"Pénétrer, remplir"

 

a)

Qqc. arrose qqn/qqc. : Uns enfes de petit aage (...) Que Juenesse en son cuer arrouse (MACH., D. Aler., a.1349, 241). Tiercement misericorde est dicte comme merveilleuse doulceur arrousant les cuers, et par ceste maniere misericorde est principalement ez cieulz. (Somme abr., c.1477-1481, 179).

 

-

Au passif : Mes le doulx cuer, s'est bonne terre Laboree par devocïon, Arosee par contrictïon ; Le doulx cuer en m'oyant fructiffie, Et de ses pechés mercy crie. (Pass. Auv., 1477, 137).

 

Rem. Développement de la parabole du semeur (Luc VIII, 15), où le coeur de l'homme est comparé à une bonne terre.

 

b)

Qqn arrose qqc. de qqc. "Inonder qqc. de qqc." : Et lors ma pensee arrousay De plaisance et de gaietté Et de toute jolieté (MACH., Voir, 1364, 807).

 

-

Arrosé de. "Rempli de" : "Va avant, dist il, licteur, coupe ceste racine qui est non pourfitable a ceulz qui par ci passent !" et comme li Prenestrin fust aussi comme mort pour cause de ceste parole, a la parfin, aprez maintes choses dites, il le laissa arrouse de paour, de tourment et de mort. (BERS., I, 9, c.1354-1359, 16.18, 30).

 

c)

RELIG.

 

-

[De la rosée céleste de consolation...] Arroser qqn [son coeur, son âme...] : Tiercement la pensee ou lame contemplatiue est leuee sur soy et alienee de soy mesmes par grandeur de iocundite et de exultacion desperit, et est quant lame arrousee et refectionnee de la consolacion et aussi comme enyuree de la suauite des choses diuines quelle gouste ou a gouste dedens soy par la grant leesse desperit elle se oublie du tout et ne luy souuient quelle est, ne quelle a este. (CIB., p.1451, 191). ...en ceste trinité il y a ung loyen, qui ne se puet bonnement dire ne exprimer, lequel pas n'est gendré, mais une souefveté et doulceur du Pere et du Filz respargissant et arrousant par tres grant largesse toutes creatures selon leur capacité et leur pouoir de le recepvoir. (Somme abr., c.1477-1481, 115).

 

-

[Du Saint-Esprit] : Item [le Saint Esprit] est apellé "fontaine vive", pour ce que par sept rivieres qui sont les sept dons, il descend en nous et nous arrouse. (Somme abr., c.1477-1481, 122).

 

2.

Arroser de qqc. "Abonder, déborder de qqc. (?)" : Del congiet Sygebert le roy, si soy despouse Qu'il evesque de Tongre, de bon meure propouse, Ordinat saint Thiart qui de bonteit arouse. (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.2, a.1400, 601). Puis fist I noble fietre d'or et d'argent, ù clouse Fut la char saint Lambiert qui de doucheur arouse, Gisans en I fietreal de bois, c'est vraie chouse, Qui en grant fietre fut enclous par grant despouse (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.2, a.1400, 643).

 

Rem. Interprétation de Scheler, Gloss. (Jean d'Outrem.), 38. D'apr. l'éd., il s'agirait de arresser "dresser" (v. arecier) : c'est peu vraisemblable. Il reste que cet empl. n'est pas illustré ailleurs. Dans le passage suiv., il faut sans doute lire ma rousé au lieu de m'arousé : Si conforterés sans delay Cristofle, mon loyal amy, Qui seuffre peine et ennuy. Je vueil qu'il ait de m'arousé, De grace tout enluminé (Myst. st Christophle R., c.1350-1380, 61).
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin

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