C.N.R.S.
 
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     ANUIT     
FEW VII nox
ANUIT, adv.
[T-L : anuit ; GD : anuit ; AND : anuit1 ; FEW VII, 216a : nox]

A. -

[Le préfixe marque l'approche de l'espace temporel de la nuit ; le procès a lieu avant la nuit, c'est-à-dire aujourd'hui même]

 

1.

"Encore aujourd'hui, aujourd'hui, ce jour même" : [Michel s'adresse à Avicène pendant que les bourreaux la torturent] Femme, Dieu nous envoye a toy, Pour ce que tu as ferme foy. Prens les tourmens a bonne chere ; Dieu si a receu ta priëre. Ennuyt seras en deïté Avecques luy en majesté. Croy le de vray, n'en doubte mye. (Myst. st Christophle R., c.1350-1380, 49). Dieu li envoit enuit mau soir ! (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 188). Dieu tout puissant, que sert, honnore, prise Pére Abraham, mon maistre et mon seigneur, Fay moy venir a fin de l'entreprinse, Que par son vueil j'ay ennuyt entreprinse, Sans que j'aye en ce cas deshonneur ! (Myst. Viel test. R., t.2, c.1450, 88). Asseon nous ; j'ay grant couraige De faire ennuyt chére gaillarde. (Myst. Viel test. R., t.2, c.1450, 206). Je veuil mourir se ne sçavez Ennuyt la verité du cas (Myst. Incarn. Nat. L., t.1, c.1454-1474, 31). RAPHAEL. Toute la sainte compaignie Des anges, resjouissez vous. MICHEL. Cause en avez, je vous affie, Car ennuit le vray Dieu de tous De nature humaine est espoux Fait dedens le ventre Marie. (Myst. Incarn. Nat. L., t.1, c.1454-1474, 310). Je ne sçay se je trouveray Ennuit quelque bonne personne Qui voelle donner une aumone Ou nom de cil qui tout crea. (DU PRIER, Roy Adv. M., 1455, 266). Je prise pou tout quanques jay fait au regard de ce que jay trouue en nuyt ; car, se je randissoye par tout le monde, je ne cuide point que je trouuaisse deux telles gens comme sont ces cy. Et croy fermement quil y a plus de biens et de vertus en eulx quil na en .X. hermites (MIÉLOT, Mir. N.D. W., 1456, 78). "Comment vous va, mon musequin ? Ou est monsieur vostre mary ?" "Par ma foy, monsieur mon amy, Il s'en va en commission." "Or, ça, ça, j'ay occasion De coucher ennuit avec vous." "Ha ! monsieur, que dictes vous ? Je seroie deshonnoree !" (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 312). Mais a tous je vous fais priere Que le cas d'un povre gallant Vous retenez en voz memoires, Ainsi que l'orrez ennuyt devisant. (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 370). RIFFLART. Se sur vos je gette mes gris, Vous dirés une pie. LA FEMME. Feray ? Par Dieu, ennuyct ne me tairay [D'ung coqu ;] oués-vous ? (Obstin. femmes T., c.1480-1500, 50). Si sçavoye faire ce qu'il faict, Toute la mer de Galilee Seroit ennuyt en vin muee Et jamais sur terre n'auroit Goute d'eau ne plouveroit Rien du ciel que tout ne fust vin. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 71). En[n]uyt, vers Naÿn la cité Alloye gybayant et volant ; Mais, tantost, je vy en allant Une veufve qui lamentoit Son seul filz que mort on portoit (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 95). BARTHIMEE. (...) J'y allay et mes yeulx lavay ; Et, quant fus lavé, me trouvay Tout cler voyant, la Dieu mercy ! JACOB. Et quant te fist Jesus cecy ? Je ne le tiens point a esbat. BARTIME[E]. Anuyt. YSACHAR. Comment ? Il est sabbat ! Cest homme n'est point a la garde De Dieu qui le sabbat ne garde (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 173). J'ay ennuyt esté en la bataille de telle heure que j'ay deux de mes nepveux perduz et les meilleurs et prouchains amys que j'eusse en ce monde (Beufves Hant. I., c.1499-1503, 92).

 

-

Pour anuit. "Pour aujourd'hui" : Mais pour ennuict, se midieulx, Il fauldra que patience ayés. (Nouv. mar. T., c.1490-1500, 87).

 

-

Encore anuit. "Encore aujourd'hui" : Vrayement, dist le Mareschal, il me semble que nous devons ancore annuyt partir à la porte fermant et que chascun repaisse bien entre cy et là, afin que on puisse chevaucher toute la nuyt jusques au lieu que j'ay dit à noz guides (BUEIL, I, 1461-1466, 103). C'est très sagement dit, m'amye. Encor anuyt vous iray veoir. (Colin loue dép. Dieu T., c.1485, 156).

 

-

[P. oppos. à demain ou lendemain ; souvent dans des tournures prov.] : Tel est ennuit qui demain si n'est pas (HAUTEV., Compl. H., c.1441-1447, 65). Car tel l'a ennuyt en la main Qui ne scet ou est l'endemain. (Abuzé D., c.1450-1470, 45). Tous ses faitz [de Fortune] sont variabilité. S'anuyt te tient en grande habilité, Demain te rend en basse humilité (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 20). Pour tout le peuple n'ayés peur, Car tel tient ennuyt son party Qui sera demain contre luy (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 224). Nous te donrron trente deniers Si [tu] peulx, ennuyt ou demain, Livrer Jesus en nostre main (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 247). Aussi, je pense ex[e]cuter Et faire le cas si souldain, Si je puis, que ennuyt ou demain, Vous orrés de mon fait nouvelle. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 248). Nostre temps est bien aussi court, Car si nous sommes anuyt sain, Serons mors avant que demain (RIVIÈRE, Nef folz D., 1497, 536).

 

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Mieux (vaut) anuit que demain (Prov. H., 103), Ainçois/plus tost anuit que demain. "Plutôt aujourd'hui que demain" : J'ay le vouloir si treshumain Et tel couraige Que plus toust annuyt que demain, En mon jeune aage, J'aymeroys mieulx mourir de rage Que de vivrë en tel ennuy. (Vir. H., c.1400-1500, 100). Unes foiz le vous fault sçavoir Si vault mieulx anuyt que demain : Jhesus, le prophete haultain, Est relevé de mort a vie. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 399). Et plustost enuyt que demain Y debvés mettre en ce remede (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 54). Et il veult acomplir vostre voulloir et ne veult pas que vous perdiez voz peines ; et vous prie que ce soit ennuyt plustôt que demain. (BUEIL, I, 1461-1466, 210). Et ainchois anuit que demain Y menrons puissance infinie. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 79). Une foys le vous fault sçavoir Et vault mieulx ennuyt que demain : Jhesus, le prophette haultain, Est relevé de mort a vye. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 878). Qui en vouldra faire l'office, Il vault mieulx ennuyt que demain S'en despecher tout d'une main, Sans plus de leur fait enquerir. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 379).

 

2.

Ne ... anuit. "Ne ... jamais" : Certes, je ne creroi ennuit Qu'en ce monde ait plus bel deduit (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 250). Aus responses que fait avés Me semble que vous maintenés Que paine et paour sont deduit. Ne m'i acorderai ennuit... (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 253). "Mais vous taisiez, ma belle dame ; car vous auez dit trop grant folie, dont je ne vous tieng pas a saige." "De ce suis je saige", dist la nonne, "se cuide je, si ne le croiray ennuit." (MIÉLOT, Mir. N.D. W., 1456, 72).

B. -

[Le préfixe marque que l'espace temporel de la nuit est atteint ; le procès est situé ou bien dans la nuit qui précède ou bien dans la nuit qui suit] "Cette nuit"

 

1.

[Avec un temps du passé] "La nuit dernière, la nuit écoulée" : Ce qu'il a dit n'est pas mençonge, Quar je vi ennuit en mon songe Que je fu trait en jugement... (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 116). Dame, dis-je, ne savez mie Comme j'ay eu forte nuitie Quant vous de lez moy dormiez Et vostre repos preniez. Vous n'avez pas véu à-nuit [l. anuit] La male gent qui tant m'a nuit (JACQUES BRUYANT, Voie pauvreté richesse P., 1342, 41). Je ne say qui elle est, mez de mon cuer entier L'aime, qu'elle nous a a nuit [l. anuit] bien fait couchier (Vie st Eust. 1 P., c.1350-1400, 153). Madame et belle cousine, monsigneur a brisiet nostre pourpos d'aler à Arras, car la cose li touque de trop priès de ce mariage. Il m'a congneut que il ne pot anuit dormir de penser à sa femme qui sera. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 232). Avez vous bien dormi anuit, Pere ? Comment vous a esté ? (Gris., 1395, 28). O Venus en qui je me fye, Palas, Jupiter et Mercure, Com vision orbe et obscure Ay veu ennuyt en mon dormant ! (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 313). Loué Dieu, en te benissant A ceste heure suis congnoissant Et mieulx entens que ennuit ne filz ["que je ne fis cette nuit"] Que tu es Esaü mon filz. (Myst. Viel test. R., t.2, c.1450, 158). Couchiés vous ung petit en mon gyron, si vous reposez, car pou avés anuit dormi. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 780). Or vueil je que vous sachiez que depuis un an me sont venues pluiseurs visions qui en mon dormant me admonstroient la restauration de ceste terre. Mais il m'en vint anuit une telle car il me sambloit que... (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 917). ZENET. Venus qui Cupido assist En son geron comme son gendre, Pour mercy aux amoureux rendre Vous delivre de ce grant soing. CATHON. Zenet, il m'en est bien besoing, Car je ne reposay anuit : Le pere Quentin tant me nuit Que je pers mon repos et veille. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 59). Quelle orbe vision obscure Ay veu ennuyt en mon dormant ! (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 375). Elle a veu ennuyt en dormant Grandes merveilles et grand compte De Jesus (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 376).

 

-

Devant anuit. "La nuit dernière" : Avis me fut devant ennuit C'on me disoit : "Quoyqu'il t'enuit, Aler t'en convient ou voiage Dont nul ne revient, fol ne sage." (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 5).

 

2.

[Avec le futur, avec un présent à valeur de futur (suivi d'inf.), avec l'impératif, avec le subjonctif présent...] "La nuit qui vient"

 

a)

"Cette nuit" : Sire, c'est bien mes grés Qu'ennuyt en ceste chambre, s'il vous plest, dormirés. (Tristan Nant. S., c.1350, 365). Cil Englès nous sont venu veoir et aviser de priès, et puis se sont parti sans riens faire. Ce seroit bon que à nuit [l. anuit] nous les alissions resvillier, car il ne sont pas logiet trop loing de ci. (FROISS., Chron. L., III, c.1375-1400, 59). Par Mahom ! Bien le comparrez, Car demain le matin mourrez. Vous n'y arez plus de duree. Enuyt serez très bien ferrez Et après regarder pourrez S'aide vous sera envoyee. (LE PETIT, Champ d'or L., c.1388-1392, 168). Beau hoste, il est prés de la nuyt : nous hebegereiz anuyt en l'honneur de Dieu et de sa mere ? (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 128). "Droit empereur, se vostre corps plaisoit en mon chasteau venir, je seroye mult joyeulx." Ogier luy respondit : "Basin, je m'y accorde, car cy fait trop froit ; et sy est la nuyt saint Martin anuyt, sy yrons martiner en vostre chasteau." (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 204). Puis se mist en son chemin le chevalier, entre ly et sa pucelle et son nain et son papegau, qui chantoit moult doulcement, priant dieu par sa grace qu'il doint anuit bon ostel au chevalier. (Chev. papegau H., c.1400-1500, 50). ...je t'en cherge que tu te herberge anuit desoubz cest arbre ou tu es et prens une des fleurs et la mect en ton sain, si te diray pour quoy. Quant il sera anuité tu verras venir en ceste prarie si devant toy ung moult grant assemblement de chevaliers et de barons armés sur leurs destriers... (Chev. papegau H., c.1400-1500, 66). YSEMBERT. Il est temps de faire depart Et de nous aler habiller, Car anuyt nous convient veiller Sur le trouppeau, chascun pour soy. ALORIS. Je suis tout prest. RIFFLARD. Si suis je, moy, Pour veillier jusqu'aprés matines. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 68). JACOB. Je vous pleige et vous remercie, Vous aurez ennuyt au costé La dame, dont reconforté A vostre plaisance serez. LABAM. Je voy bien que vous desirez Le lit ; aussi esse rayson Que meshuy vous y retirez, Car pour vray il en est sayson. LYA. Faison bonne myne. ZELPHA. Faison. Allez vous coucher la premiére. LYA. Aussi voys je, ma chamberiére. Tenez bon termez mais qu'il vienne. (Myst. Viel test. R., t.2, c.1450, 210). Vous arés de sy faiz esbas, Ennuyt, toute vostre soulee ; Vostre croppe sera foullee A poste en mocquant et jouant. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 738). Je croy que les povres meschans Coucheront ennuyt a l'estoille. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 380). Si ferons anuyt desloger ceulx qui y sont logez, et demain au matin, le trouverez prest. (Jehan de Paris W., 1494-1495, 50).

 

-

Anuit mais. "Pour cette nuit" : Et quant ilz se furent salué, le sire du chastel les pria moult doulcement qu'ilz habergassent anuit mais avec luy, car il estoit bien temps et heure d'erbergier. (Chev. papegau H., c.1400-1500, 13).

 

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Dès anuit. "Dès cette nuit" : Et me semble que devés venir anuyt à Darnetal et faire vostre logis en ceste ville dès annuyt pour y entrer demain, si le cas le requiert. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 305).

 

-

Anuit ou demain. "Cette nuit ou demain" : ...et attens anuit ou demain (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 321).

 

b)

"Pour la nuit" : Et quant ce vint a l'anuitier Humblement et de cueur entier Ma dame doucement enquist De nostre afaire et nous requist Et dist : "Mais qu'il ne vous anuit Aveuc moy, demourez anuit Et nous deviserons ensamble ; Dites ent ce que bon vous samble." (Livre amour. all. F., c.1398-1430, 34).

 

c)

"Ce soir" : Ennuyt seras a mon soupper Et soupperas avecques moy. (Myst. Viel test. R., t.4, c.1450, 195). Mes sochons et bons amis, disnons ainsi icy comme se voulions anuyt soupper es enfers. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 176). Or chevauchons plus fort, car il nous fault aller anuyt coucher près d'Orleans. (Jehan de Paris W., 1494-1495, 32). J'ay à ceste heure eu nouvelles des gens d'armes que j'avoye mandé à Amyens, et m'en vient une bande de IIc lances qui seront ennuyt au giste environ Noyon. Je leur rescriptz que, en toute diligence, ilz se rendent demain icy, dont je vous advertiz, Mons. le grant maistre. ["ce soir" ou "cette nuit" ?] (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 323).

 

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Avant anuit que demain. "Avant ce soir plutôt que demain" : ...Et se Dieu n'y met la main, La mort vient a moy grant erre, Avant ennuyt que demain. (Prières saints R., t.1, 1432,,, 103).

 

d)

Empl. subst. L'anuit. "À la tombée de la nuit, la nuit venue" : ...sur l'ennuyt devint malade tellement qu[e]... (Lettres rémission René II P.D.H., 1485, 147). ...et, pour ce faire, se partirent l'ennuyt, la lune rayant, du lieu de Pagny (Lettres rémission René II P.D.H., 1487, 163).

REM. 1. Le sens B est encore attesté dans de nombreux dial. (cf. FEW). 2. Peut-être même mot, au sens de "aujourd'hui" (Éd.), dans l'ex. suiv. (cf. la forme eneut ds GD I, 303b) : La dame, qui savoit maint tour Pour ung jone honme enamourer, Les fist entour lui assambler Pour juer a Roi qui ne ment, Ung jeu qu'on appelle autrement Par ung second langage enneux. (Dit prunier B., c.1330-1350, 62).3. Dans l'ex. suiv., le sens pourrait être "la nuit", sans valeur déictique ("cette nuit") : : ...et confessa que, pour ce que sondit feu mary estoit très-povres homs, qui gaignoit pou et ouvroit enuiz, et ne lui faisoit aucun bien (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 61).Mais ne faut-il pas lire enviz "à regret" ?
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin

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