A. -

"Réel, effectif"

1.

[P. oppos. à habituel ou naturel] "En acte à un moment donné" : ...se tu as en ta memoire la semblance ou representacion d'aucune chose - parlons de toy mesmes -, tu pues lors mettre ceste semblance de toy mesmes en ton entendement par clere et actuele congnoissance de toy, et depuis que tu te congnoistras, tu formeras en ta voulenté une amour et dilection de toy mesmes. (GERS., Trin., 1402, 167). Et pour ceste habituele doulceur [des biens éternels] il fault justamment labourer et prier simplement, absolutement et sans quelque condicion, comme pour ce qui est necessaire a salut. Mais pour ceste actuele et actuelement perceptible doulceur de devotion il fault labourer et pryer, mais non pas comme pour chose necessaire a salut, mais comme pour une ayde et confort a plus facilement porter et souffrir les tribulations et adversitez de ce monde (Traité S. Sacr. B., c.1450-1500, 161). Et de ceste memoire tu viens a intelligence actuelle quant tu formes en toy vne concepcion de dieu que cest toute bonte, ou mesmes se tu penses a toy tu concois que tu participes de la bonte de dieu et formes en toy vng verbe mental, vne conception mental en ta pensee. (CIB., p.1451, 201). Or quant tu te conuertis a actuelle consideracion de dieu et des choses diuines par saincte meditacion en deuote contemplacion tu formes en toy en ton entendement vne concepcion verbal en ta pensee et demeure dedens toy, et est proprement meditacion ou contemplacion ceste actuelle conception. (CIB., p.1451, 203). ...il convient que toudis soyons conformes a lui en la forme de vouloir. Et se on demande se absolutement nous sommes a ce tenus, il est a dire que il est conformeté actuele et en fait a laquelle ne sommes tenus si non par le moyen de charité estant de fait en nous, et non aultrement si non pour le temps et le lieu. Quant aucun pense a la verité de Dieu, il le doit croire, quant il pense a la bonté de Dieu, il le doibt amer. (Somme abr., c.1477-1481, 174). ...[les] pechiez venielz, qui empeschent l'actuelle refection de ladicte doulceur esperituelle, combien que ilz ne empeschent pas l'augmentacion de grace et de charité habituelles (MONTFIQUET, S. Sacr. B., c.1481-1501, fº 6).

-

Union actuelle. "Union mystique qui résulte de la transformation des puissances de l'âme au niveau des actes (et non des habitus)" : L'union actuelle de l'ame devote a Dieu, combien que elle se face de sa seule grace, quant il veult et comment il veult (GERS., Canticordum G., c.1425-1430, 138). L'union actuelle de l'ame a Dieu par hault chant de unison en la solitude ou est ravie l'ame quant Dieu parle a son cuer seul a seulet et ung a ung (GERS., Canticordum G., c.1425-1430, 138).

2.

"Actuel, réel" : ...il y a deux actes. Le premier acte, qui est l'estre actuel d'une chascune chose, qu'elle a par sa forme. Le second acte ou actueleté est l'operation qui compete a une chascune chose selon son estre formel (Somme abr., c.1477-1481, 63). ...il n'est chose quelconque en laquelle on ne puist entendre aucune division de fait et actuel, ou par habitude de pouoir recepvoir division. (Somme abr., c.1477-1481, 104). Mais est a noter que ceste proposition "extra", quant on dist Dieu est "extra", dehors toutes choses, pas ne dist ou signifie presence actuele et de fait au regard du lieu et habilité de pouoir et vertu de Dieu, qui est sans mesure, laquelle puet et porroit remplir pluseurs mondes sans nombre se ilz estoient. (Somme abr., c.1477-1481, 137).

3.

[P. oppos. à peché originel] Peché actuel. "Péché commis consciemment à un moment donné comme acte humain singulier" : Et se vous me dittes que il la garda assez de pechié originel, car, avant qu'elle conceüst Jhesuchrist, elle en fust purgiee, je vous respons que aussi vous pourroie je dire, du pechié veniel, que il la laissa choir, mez aprés, avant qu'elle le conceüt, il la purga, laquelle chose n'est mie vraie, par l'auctorité dessus dite, car elle ne fust onques [entechie de] pechié actuel. (Songe verg. S., t.2, 1378, 253). ...nostre Dame a toudiz esté belle sans laidure de pechié quelconque originel, veniel ou actuel (GERS., Concept., 1401, 421). [Le Filz de Dieu] qui m'a delivree de pechié originel et redonné innocence, qui m'a justifiee de peché actuel et appaisé mon offence (Disc. amour divine, 1470, 296). ...pechiet actuel souvent se naist de premiers mouvemens (Somme abr., c.1477-1481, fº 99 vº).

4.

[D'une vertu morale] "Qui se manifeste par des actes" : ...de ceste charité actuelle nous est donné commandement que nous devons amer nostre prouchain comme nous mesmes (...) ceste charité est pie et doulce et droicte, car elle considere les neccessitez de son prochain (Vie contempl., c.1450-1500, fº 37-37 vº). Pourtant concludz que tous ensemble, Sans discorde ou divisïon, Vers celluy soubz qui Enfer tramble, Nous mettons en devocïon. Chascun face peticïon Par humilité actuelle, Et ce pour invocacïon De la grace spirituelle. (FLAMANG, Vie Pass. st Didier S., 1482, v.1208). Aucuns le bien spirituel Appetent en aage incapable, Mais quant fault faire l'actuel Et de Dieu digner a sa table, Cognoissance vient la notable Du monde avec sa vanité. Les retourne a mondanité. (RIVIÈRE, Nef folz D., 1497, 463).

5.

Fait actuel. "Effet, résultat" : Or vient lors de cire le miel, Quant femme, en doulz parlant, son fiel Boute en l'omme et blandissement, Qui est cause de son tourment Temporel et perpetuel Par le vice et fait actuel Du delit de la char mal saine, Qui a dampnacion le maine. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 187). Et "ce" [les habitants de Beauvais sont restés fidèles au roi] ilz monstrerent par fait actuel car aussi tost que ilz sceurent que aprouchiés (...) ilz se reduisirent en vostre obeissance planiere (JUV. URS., Loquar, 1440, 313).

B. -

"Agissant, actif, opérant"

1.

MÉD.

a)

"Qui produit un effet immédiat"

-

Chaleur actuelle/feu actuel : Nous devons savoir que telle callefacion n'est autre chose que apliquer medecines en actuelle challeur, lesquelles pevent estre doublement appliquees ou aprochees : c'est assavoir ou par dedens, ou par dehors, environ le col de la marris ou dedens ; et ce peut estre fait doublement, car telles medecines pevent estre apliquees, ou quant a leur substance, et quant a leur vertu et partie de leur substance, et peut estre fait ou par dessus (...) ; ou de telles medecines pevent estre apliquees par dessoubz, ou en maniere de pessaire, ou en maniere de supositoire (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 107).

b)

"Qui produit un effet ou un phénomène physiologique" : Et se les aultres choses sont froides et seches : ainsi deffault chaleur actuelle : et par consequent vertu disseminative qui requiert avoir porres larges et vertu digestive deffault car elle a sa vigeur par chaleur et par moisteur (GORDON, Prat., c.1450-1500, I, 25). ...la chaleur naturelle qui les vivifye, les arose de humidité nutrimentale actuelle et merveilleuse en ung corps vif (PREVOST, Cir. Guill. Salicet, 1492, III, 9).

c)

[D'un organe du corps] "Capable de remplir sa fonction" : EUSEBE [une aveugle]. (...) Dieu tout puissant, o clarté supernelle, Pure, eternelle, immobile, impartie, Donne a mes yeulx force spirituelle, Ma corporelle organe sensuelle Soit actuele et puissante en partie, Pour voir l'ostie et digne eucaristie, Plus que saintie ou temple catholicque, Et je loray ta bonté magnificque. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 310).

d)

[D'une maladie] "Déclaré, virulent" : Et, s'aucuns Maistres de Phisique Défense font, en leur pratique, De travail en ce temps emprendre, Il est à savoir et entendre Qu'ilz l'entendent de superflue, Qui corps humain moult fort transmue, Ou pendant la douleur cruele De la maladie actuele (LA HAYE, P. peste, 1426, 85).

2.

"Qui exerce une influence" : Y n'y a constellatïon Actuel(le) ne tant hault planet[e] Dont je ne say l'axïon, Exceptée sest estoilette Qui chi bas en l'aier vollette. (Jeu Etoile T., c.1400-1500, 103).

3.

Vertu actuelle. "Force agissante" : FORCE. (...) Et supposé que ma puissance dure En sa vigueur, sans jamais s'amendrir, Sy n'ont de moy les mondains soing ne cure Pour devers moy en leurs fais recourir. Ilz veullent bien de Force moult joyr, Et voire, en tant que je suis corporelle ; Mais autrement, ilz ne veulent fuir En detestant ma vertu actuelle. (MICHAULT, Doctr. temps prés. W., 1466, 169).

V. aussi actual