C.N.R.S.
 
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     TAILLER     
FEW XIII-1 taliare
TAILLER, verbe
[T-L : taillier1 ; GD : taillier3/taillier4 ; GDC : taillier ; DÉCT : taillier ; FEW XIII-1, 39b : taliare ; TLF : XV, 1320b : tailler]

I. -

Empl. trans.

A. -

Au propre

 

1.

"Couper, trancher en plusieurs morceaux"

 

a)

Tailler qqc.

 

-

Empl. abs. : Or ne l'ay pas dou tout paré, Quant je ne l'ay pas comparé, Selonc ce que Raison me baille, Des pelles dont chascune taille Com durs rasoirs bien affilez, Et sont assises de deus lés, Einsi comme elles doivent estre, Devers destre et devers senestre. (MACH., D. Aler., a.1349, 336).

 

-

En partic. [Les aliments] : Quant aucuns pourchace et procure Viande de quoy il n'a cure, Et elle li est bien baillie Et trés honnestement taillie, Il ne la fait que devourer, Car il ne la scet savourer. Mout bien passe parmi la bouche, Mais au cuer de riens ne li touche, Afin que nul profit li face. (MACH., D. Aler., a.1349, 337). À Jehan de Kele, charpentier, pour avoir ouvré à faire (...) une gottiere de bois et une table à taillier les porees en icelle cuisine, pour avoir reparé les mengoires (Comptes Etat bourg. M.F., t.3, 1418-1420, 594).

 

-

[Contexte métaph.] : Princes, encor li dist Ansiaus : "On t'a bien tailliet tes morsiaus..." (FROISS., Past. M., c.1362-1394, 169).

 

-

P. exagér. : Comme ce lait est espés, On le tailleroit au coutel. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 74).

 

-

Empl. abs. [Le suj. désigne la personne chargée de la coupe des aliments à table] : LA FILLE. (...) Vez ci table et mès appresté, Sire, pour vous. ROY DE GRENADE. (...) Or avant, tailliez, mon ami, Et nous servez. (Mir. Oton, c.1370, 362).

 

.

"Exercer l'activité d'écorcheur" : Item, se aucun escorcheur est semons par devant ledit maistre et jurez a certaine journée et il ne vient ; pour le deffault que il deffaudra, il pourra estre contrains a paier dix-sept soulz six deniers ; et tant en pourra demander l'achateur ou le fermier de ladicte juridicion ; mais selon ce que les maistres et jurez le verront obeissant, il tansseront pour le premier deffaut douze deniers, et pour second deffault deux solz, pour tiers deffaut dix-sept solz six deniers ; et lors li puet le mestier estre deffendu du mestre ou des jurez ; et se fait, se il taille, combien qu'il ait chevi a son adversaire, senz empetrer son mestier dudit maistre ou jurez, il chiet en amende de dix-sept sols VI deniers (Mét. corp. Paris L., t.1, 1381, 267). [Même ex.ds Ordonn. rois Fr. P., t.19, 1483, 205]

 

b)

Tailler qqn. "Trancher, frapper, massacrer" : Povres gens sont puis sa mort exilliés, Roiés, tailliés, assommés, affoiblis (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 175). [Avec jeu sur le sens de "soumettre à la taille" ?]

 

-

Tailler qqn piece à piece : Einsi fu li vers retournez Et tous li maus seur lui tournez Et se Nassadin à la feste Heust esté, il fust sans teste, Car eschapez ne fust à piece Qu'il ne fust taillez piece à piece. (MACH., P. Alex., p.1369, 188).

 

-

Tailler qqn sur le tronc. "Couper la tête à qqn" : ...a males hars Soient pendus ou taillez sur le tronc (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 140).

 

-

Tailler qqn en pièces. "Dépecer" : Ce prestre fut admené a ladicte cité de Norce et la fut martirié et ars ; et l'autre fut taillié en pieces et puis bouté dedens le lac par ceulx qui les avoient pris. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 71).

 

-

Empl. abs. : Veez cy le corps de celuy qui est tout vostre : taillez, roignez, prenez, ostez, faictes tout ce qu'il vous plaist. [D'un amant désespéré de devoir quitter son amie] (C.N.N., c.1456-1467, 167).

 

.

[De l'épée, souvent dans des tours plus ou moins stéréotypés] : Et se fait on les chevaliers Armez aus chams, sus leurs destriers, Quant on vuet entrer en bataille, De ceste espée qui bien taille, Pour garder raison et justise, Orphenins, vefves et l'Eglise. (MACH., P. Alex., p.1369, 16). Li chastiaus fu subjes aus Turs, Grans et puissans, fors et seürs De fossez, de tours, de muraille. Mais à l'espée qui bien taille Versa tout, comble et fondement. Là se porta si fierement Que tout fu mort quan qu'il trouva. (MACH., P. Alex., p.1369, 20). Lors donna au roy tel colée, D'une fort lance bien ferrée, Qu'il le fist reculer IIJ. pas. Li roy li dist : "Tu ne scez pas Encor comment m'espée taille, Mais briefment le saras, sans faille." Il passe avant ; si li rendi Tel cop que tout le pourfendi (MACH., P. Alex., p.1369, 71). Li roy, Percevaulx et Bremons Se fierent dedens la bataille. Chascuns tint l'espée qui taille, Chascuns grans cops donne et depart ; De Sarrazins font grant essart. (MACH., P. Alex., p.1369, 72). Ils abillierent leurs chevaus, Et issirent de leurs vaissiaus Bien et bel et arreement, Sans avoir nul empechement ; Puis se meïrent en bataille ; Chascuns l'espée qui bien taille Tenoit en sa main toute nue. (MACH., P. Alex., p.1369, 77). Quant il veïrent la maniere, Il leverent une baniere Et ordenerent leur bataille. Chascuns l'espée qui bien taille Tenoit en sa main toute nue. (MACH., P. Alex., p.1369, 152). Tien, tu aras ceste colée. Et toy, di, taille bien m'espée ? (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 24). Si l'occist d'espee taillant. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 277). LE PERE. Pour sur les champs avoir pain, vin, vitaille, De vous bailler ce harnoys ne faindray. (Ilz l'arment diligemment.) Et vostre espee qui sur toute aultre taille, Pour ceste foys, de bon cueur vous saindray (LA VIGNE, S.M., 1496, 193).

 

.

[D'une chose, en partic. de la pluie, p. exagération] "Couper" : Puisqu'il me faut aler au guet de nuit (...), La lance ou poing, la visiere levée, Au froit, au vent, à la pluie qui taille, Pour Dieu me soit houppelande donnée. (DESCH., Oeuvres Q., t.4, c.1370-1407, 314). Je n'y sens chose qui me nuyse N'areste qui poigne ne taille. (CHAST., Temps rec. D., 1451, 66).

 

2.

"Couper en ôtant des parties, pour façonner"

 

a)

"Couper une partie des rameaux ou des branches d'un végétal" : ...deschausser, tailler, fouyr et biner [la vigne] (Vieux cout. Poitou F., c.1451-1454, 157). ...ledit Pierre Gaulteron, qui estoit tout yvre, venant de la taverne, entra en la vigne de sondit père, où il trouva ledit suppliant qui tailloit ladicte vigne, et se print à rompre et extirper les seps d'icelle vigne (Doc. Poitou G., t.12, 1477, 158).

 

-

Tailler (une forêt). "Abattre, couper (les arbres)" : Item, ilz ont, quant les hayes ou ventes sont taillées, le mort boys, pasturage pour leurs bestes, et le seq boys par entrée. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 180).

 

-

Tailler (une fleur). "Couper" : Veuilliez encor .ii. fleur tallier, Et sus l'asur eulx apointier. (GUILL. DIGULL., Le Roman de la fleur de lis, éd. A. Piaget, 1338. In : Romania 62, 1936, 352).

 

Rem. Cf. aussi : Ce basme ne croist autre part que en ce lieu (...). Et coppe l'en les branches d'ung chaillou taillant, ou de ung os agu, quant on le veult taillier, car qui le tailleroit de fer, il corromperoit sa vertu et sa maniere. (MANDEVILLE, Voy., éd. F. Fery-Hue, Romania 105, 1984, 523, p.1360).

 

b)

"Couper dans une matière, une étoffe (les pièces nécessaires à la confection d'un vêtement)" : Alez, si le faites mengier, Et puis si li ferez taillier Robe neuve de ma livrée (Mir. st J. Cris., c.1344, 267). ...cinq autres d'iceulx [écus] acheta quatre aulnes et demie de drap pers, dont elle a fait taillier une cotte hardie et une simple à son usaige (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 289). Dit avec ce que desdites deux aulnes de drap pers il a fait faire et tailler une robe à sadite femme (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 379). Et a mon procureur Fournier, Bonnetz cours, chausses semelees ["chaussure d'intérieur, pantoufles (?)"] Taillees sur mon cordouennier, Pour porter durant ces gelees. (VILLON, Lais R.H., c.1456-1457, 21). Il manda le parmentier, a qui il fist tailler une robe (C.N.N., c.1456-1467, 532).

 

-

Part. passé en empl. adj. : Vestie ot une sourquanie Toute pareille et bien taillie, Fourree d'une blanche hermine, Bonne assés pour une roÿne. (MACH., Voir, 1364, 214).

 

-

Tailler le cuir : Les gens d'un ost sont instrumens et subgiéz du gouvernëeur, et le cuir est matiere de celui qui le taille (ORESME, E.A.C., c.1370, 135).

 

-

Loc. [Contexte grivois] Tailler verte cotte à l'envers : ...tresbelle umbre faisoient les raminseaulx Pour y tailler verte cotte à l'envers (Chasse am. W., a.1509, 7).

 

Rem. Chasse am. W., a.1509, gloss. cotte ; G. Roques, R. Ling. rom. 48, 1984, 515. Cf. bailler la cotte vert, HAUTEV., Conf. Test. am. tresp. B., c.1441-1447, 62 ; n. p.108 ("métaphore pour indiquer l'amour en plein air").

 

-

[D'une pers., p. plaisanterie] Estre taillé et cousu : MUNYER. Ho ! Jhesu ! Que gaignez-vous à me ferir ? FEMME. Il en est taillé et cousu. (LA VIGNE, Munyer T., 1496, 201).

 

c)

"Percuter (une matière dure) avec un instrument tranchant pour donner la forme convenable, pour sculpter"

 

-

[La pierre] : Il le mena en son chastel, Sus roche taillie à sissel. (MACH., P. Alex., p.1369, 35). ...si comme nous dison que en art de pierre taillier ou de masonner, Phydas estoit sapient ou sage mason. (ORESME, E.A., c.1370, 341). Et dit que ycellui maçon est un joines homs de prime barbe (...) vestu d'une cotte courte de drap gris sur le blanc, et taille pierre par chascun jour en l'ostel dudit mons. de Bourbon (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 479). Pource qu'il convenoit le plus souvent rompre et tailler le bout d'une roche pour contourner les pieces d'artillerie, aucunes fois eslargir et bien souvent remplir les concavitez du chemin ou roches, selon le besoing qu'il en estoit en montant et en descendant. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 278).

 

-

[Une pierre précieuse] : ...2 anniaux d'or achetez de li pour le Roy, ès quiex a 2 pierres taillées en chascune desquelles a une estoile (Comptes argent. rois Fr. D.-A., I, 1359-1360, 209). ...car j'avoit veu en Levant ce que l'on peut veoir de toutes especes de perrerie et aprins à icelles polir et tailler, sculper et graver (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 156 v°).

 

-

[Une pièce de vaisselle] : Et la fonteinne Est en la court, qui n'est mie villeinne, Eins est vive, de roche clere et seinne, Froide com glace et plus douce que Seinne. Mais le vaissel Ou elle chiet est tailliez a cisel D'un marbre fin, blanc et bis et si bel Que tels ne fu depuis le temps Abel. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 110). ...un grant godet nommé aumosnière, à deux hances, taillié de vieille façon (Invent. mobilier Ch. V, L., 1379-1391, 68).

 

-

[Les alluchons, les échelons, le marbre, la meule...] : ...et est beau et riche palaix de ce qu'il contient, tout de marbre bien taillé (COMM., III, 1495-1498, 111).

 

Rem. Nombreux ex. ds Y. Coutant, Terminol. du moulin médiév. dans le comté de Flandre, 1994, 904.

 

3.

"Couper, faire une entaille dans qqc."

 

a)

"Graver" : ...sachiez q'un anel d'or Ou est escript le nom Clovis, Et son corps pourtrait et son vis Y est moult bien taillié aussi, Y avons trouvé (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 219).

 

-

Tailler les coins. "Graver les coins destinés à frapper les monnaies" : Et dit que ledit Jehan Jouye tailla les coings pour faire ladite monnoye, est assavoir : le coin de dessoubz sur une petite englume là où ilz forgoient hannaps d'argent, et celui de dessus en la teste d'un martel à orfevre (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 481).

 

b)

"Mesurer (la quantité de pain) en faisant une encoche sur un bâton" : Alez ent : quant rapporterez Du pain, et mon clerc y sera, L'un et l'autre vous taillera : Il a la taille. (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 238).

 

c)

P. ext. "Mesurer" : Et s'aucune chose vous fault Pour l'estat de vous amonter, Dame, sanz taillier ne compter, Je vueil qu'il [mon frère] l'ait. (Mir. emper. Romme, 1369, 247). Vivres estoyent a tous venans baillez Sans point estre ne comptez ne taillez, Et sans viser a proffit ne usure, On en bailloit sans compte et sans mesure. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 191).

 

4.

"Couper (une partie du corps)"

 

a)

[La tête, un membre...] : S'en y avoit d'autre façon Telle que paintre ne maçon, Ouvrier de pincel, entailleur (...) Ne sceüssent il les figures, Ne les estranges pourtraitures, Les trés estranges contenences, Ne les desguisées sanlances Paindre, pourtraire, n'entaillier, Qui leur deüst les poins taillier ["même en les menaçant de leur couper les poings"]. (MACH., D. Lyon, 1342, 213). Et audit messire Charles, duc de Duras, fist incontinent taillier la teste en ladicte cité d'Aversse, au propre lieu et place ou avoit esté mort le roy Andrieu, son frere. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 182). ...pour tuer tous ceulz qu'ilz abatroient et taillier jambes et piez des crestiens et de leurs chevaulz (LA SALE, J.S., 1456, 216).

 

b)

"Castrer (un enfant)" : Guillaume Tuquaut et Gieffroy Jousserea, copeurs de couillez (...) ont dit qu'ilz ont taillé III enffans (Doc. 1412. In : P. Rézeau, R. Ling. rom. 78, 2014, 435). [Archives hist. de la Saintonge et de l'Aunis]

 

c)

MÉD. [et langue courante]

 

-

"Opérer qqn" : ...veez cy leens venir ung homme qui s'appelle Trenchecoille, lequel se mesle de tailler gens, d'arracher dens, et d'un grand tas d'aultres brouilleries (C.N.N., c.1456-1467, 402).

 

-

"Pratiquer la taille, extraire les calculs" : Item, ou dit temps, vint ung médicin en Metz (...) ...il tailloit de la pierre et de la roture ceux qui en estoient entachiez, sans lour faire mal et sans les lyer en fasson du monde ; et tantost qu'il estoient taillez, il les faisoit aller par la ville, comme ce qu'ilz ne fuissent point estez taillez, et, comme ce qu'ilz ne heussent jamaix point heu de pierre ne estez routz. (AUBRION, Journal L., 1491, 291). ...c'est signe qu'il y a pierre confermee a laquelle il n'y a remede fors que de tailler (PREVOST, Cir. Guill. Salicet, 1492, I, 47).

 

5.

P. anal. "Couper (une voie d'accès)" : Lequel fist taillier la chaussie de ladicte illette qui est dedens le lac, pour ingromans qui tant y alloient, et fist rompre le pas de la couronne du mont de la Sibille, adfin que nul n'y peust monter (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 102).

B. -

Au fig.

 

1.

Empl. abs. "Procéder à une suppression (dans un texte)" : La chose est si fresche et si nouvellement advenue dont je veil fournir ma nouvelle, que je n'y puis ne tailler, ne roigner, ne mettre, ne oster. (C.N.N., c.1456-1467, 159).

 

2.

Tailler qqc. "Couper dans qqc. de manière à le façonner ; façonner, préparer qqc." : Une question fu jadis Mise en termes par moult biaus dis, Belle et courtoisement baillie, Mais après fu trop mal taillie (MACH., J. R. Nav., 1349, 169). Après ces mos s'est Pais levée Et dist, comme bien avisée : "Guillaume, assez souffissanment, Selonc le vostre entendement, Avez vostre propos baillié ; Mais vous l'avez trop court taillié Pour avoir droit pour vous si tost ; Car uns autres poins le vous tost..." (MACH., J. R. Nav., 1349, 208). ...vous mettent et remettent en mille ploys ; et ramenans à compte tout ce qui se peut dire de vous, taillent et prophétisent vos fins (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 161). ...le paintre immortel et souverain imagineur a volu tailler et former [Marie] a son digne imaige et samblance (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 125).

 

-

"Fixer qqc." : Quant il orent dit leur plaisir, Li roys n'i quist autre loisir, Einsois en l'eure leur bailla Et sa sentence leur tailla Et leur dist... (MACH., P. Alex., p.1369, 252).

 

3.

[Domaine des redevances, de l'imposition]

 

a)

Tailler qqc. / de qqc. "Prélever (une somme) sur (un avoir)" : Chaiens trouvai d'avoir (...) ; mais je l'ai apointiet, Rendut as bonnes gens, où on l'avoit taillet. (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 258). Et vous m'avez fait jusqu'a cy tailler Le moys de Mars, a trop male lodiere [à une tavernière qui retient mes chevaux], Six sols pour jour [de redevance], sans maille et sans denier. (DESCH., Oeuvres Q., t.4, c.1370-1407, 299). Plus tost y mecteront du leur Que ceste ordonnance ne baillent ["ils y mettront de leur argent plutôt que de na pas assurer l'exécution de ce testament"] ; Point n'auront de contreroleur, Mais a leur seul plaisir en taillent. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 146).

 

b)

Tailler qqn. "Soumettre qqn à la redevance de la taille" : Les aultres veulent distinguer ainssi : ou lez seigneurs ont subjés sers, ou ilz lez ont frans. Se ilz sont sers, lez seigneurs lez puent tallier, a cause ou sanz cause, car le sers et tout ce que il a est et appartienent au seigneur (Songe verg. S., t.1, 1378, 231). Mez au jour d'uy, par phas et par nephas, lez faux flateurs et mauvez conseilliers si enduissent lez princes seculiers a taillier et rongnier lez povres subjés, sanz pitié et sanz misericorde (Songe verg. S., t.1, 1378, 233). ...ne puellent iceulz eschevins taillier ceulz de Tendrecourt (Trés. Reth. S.L., t.2, 1408, 568). La coustume entre les nobles bien gardée si est que le seigneur de fié peut tailler ses hommes en quatre cas : c'est assavoir pour sa chevallerie ; le segond, pour la rancon de son corps quant il est prins en la bataille de son prince ; le tiers, pour le mariaige de sa fille aisnée en paraige noblement ; et le quart, pour son fié rachater, c'est assavoir que s'il acquiert en son fié aucune chose il en pourroit tailler ses hommes. Et ne peut lever lesdictes tailles que une foiz en sa vie. Et est assavoir que ses subgictz soient nobles ou autres sont tenuz poier à leurs seigneurs en cas dessusdiz le double du devoir, cens ou rentes annuelles qu'il luy fait à la prouchaine feste de la Nostre Dame en septembre. Mais celui qui ne fait rente ou devoir annuel assis sur sa terre ne peut estre taillé pour les cas dessusdiz (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.2, 1437, 537). ...oncques vostre poeuple n'avés tailliet ne roingniet, voz hommes sont riches (Hist. seign. Gavre S., c.1456, 103). ...les nobles hommes de la dite conté sont si francs que leur prince ne peut tailler leurs subgès sinon de leur consentement (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 13). ...la cité et tout le peuple du pays taillés à somme et à restitution de deniers intolérables (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 220). ...se vous souffrez taillier le petit peuple, il est perdu a tousjours mais (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 154). [Autre ex. p.174]

 

-

Tailler un pays, une région... : Nous en irons en Frise taillier ta région ; N'i ara abbéie, qui ne nous fache don (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 187).

 

-

Tailler qqn à + inf. : ...il fut taillié de ceulx de Romme a payer certaine somme d'argent, laquelle il emprunta aux usures, pour le bien commun (LA SALE, Sale D., 1451, 179).

 

-

P. méton. Tailler (la langue d'un avocat). "Soumettre son activité à l'impôt de la taille" : "...je voy bien que se le dit decret ara son cours et sera en auctorite, mes pensions fauldront, ma langue sera taillee et seray mis a pauvrete. De male passion soit il feruz", dist l'advocat, "cellui qui la treuve." (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 500).

 

4.

Tailler qqn. "Critiquer qqn" : ...de tout ancien temps, par tout le monde et en toutes nations, peuple naturellement murmure et aiguise ses dents pour mordre et accuser ses gouverneurs, et qui montent en estat, et les taillent et détaillent par divers langages, souvent à plus cause et à moins cause, et dont Dieu seul demeure juge. (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 251).

 

-

Tailler contre qqn. "Critiquer qqn, médire de qqn" : Mais contre elles [les femmes] ung cuer venimeulx taille Sans adviser a l'envers n'a l'endroit, Et mesdisans cueillent tout a leur droit (MICHAULT, Procès honn. F., p.1461, 57).

II. -

Empl. pronom.

A. -

"Se couper"

 

-

Se tailler les membres piece à piece. "Se couper les membres un par un" : ...baillons trois remedes encontre ce mauvaix traitre, Estat pompeux, en l'estat de seignourie, qui est auxi comme celui qui se tailleroit les menbres piece a piece, et par ainsi se destruiroit (GERS., Annonc., a.1400, 238).

B. -

Au fig.

 

1.

"S'imposer de contribuer à qqc." : ...ce que le duc accorda liberalement par tel sy que ses engiens à pouldre, lesquelz les rustres de guerre lui avoyent robé et pilliét, lui seroyent restituéz, et, pour les racheter, les princes d'Alemaigne se taillèrent. (MOLINET, Chron. D.J., t.1, 1474-1506, 105).

 

2.

Se tailler de + inf. "Se mettre en état de" : Coment le Prince descendi de la montaigne, et monsire Johan Chaundos adonqes fuist mis a banier, dont ses compaignons fesoient grant joie, et eux taillerent de combatre. (HÉRAUT CHANDOS, Vie Prince Noir T., c.1385, 133).

 

-

Se tailler à + inf. : ...veulléz savoir que le Roy nostre souverain seignur ad esté a Westm' toute ceste semaigne et demain se taille a departir vers le chastel de H. (Lettres agn. L., 1400, 404).

 

3.

[D'une chose] Se tailler à + inf. "Être propre à" : Nostre voie moult bien se taille, Ce me samble, al aler vers li [un jeune homme] ; De quoi moult il m'en abelli (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 96).

III. -

Part. passé en empl. adj.

A. -

[D'une pers., d'une partie du corps] "Fait, bâti"

 

-

Bien taillié. "Bien fait, bien formé" : Sans nul mestret Avoit le corps par mesure pourtret, Gent, joint, joli, juene, gentil, grasset, Lonc, droit, faitis, cointe, apert et graillet. Trés bien tailliez Hanches, cuisses, jambes ot, et les piez Votis, grossez, bien et bel enjointiez, Par maistrise mignotement chauciez. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 71). ...un chevalier groz et fourny et bien taillé de tous membres (Bérinus, II, c.1350-1370, 45). ...son tres beal et tres bin tailhiet chevalier (HEMRICOURT, Miroir Hesb. B.B., 1353-1398, 121).

 

-

Estre taillé en forme de. "Avoir l'allure de" : Je te ferray ains que m'en aille. En fourme de vilain, sanz faille, Es bien taillié. (Vie st Fiacre B.C.P., c.1380-1400, 30).

B. -

Au fig.

 

1.

[D'une pers.]

 

a)

"Fait pour qqc." : PREMIER CHEVALIER. Sire, ce seroit bon a faire Qu'envoissiez devant savoir Quelx gens l'empereur peut avoir Avecques lui. ROY DE GRENADE. Lotart, je ne voy ci celui Qui y soit mieix taillié de toy (Mir. Oton, c.1370, 369). Certes tu es [trop] bien taillé, Va ailieurs humer du caillé, Car moy et mes biens te deffens. (Sav. serg. D.L., c.1480-1490, 33).

 

b)

(Estre) taillé de + inf. "(Être) fait pour, (être) capable de, (être) en état de" : Et semblablement, celui qui est fort de corps ou celui qui est bien taillié a courir (ORESME, E.A., c.1370, 139). Dame, je vous vien veoir cy Pour savoir (...) quel enfant avez eu, Et s'il est taillié ne meu De vivre (Mir. Clov., c.1381, 252). ...le dit Aymery nobles homs, taillé de nous loyalment servir en noz guerres (Doc. Poitou G., t.6, 1396, 221). Par le grant Dieu, con tu es lours ! Tu es bien taillé d'estre l'ours. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 253). Or ça, mes freres, mettons nous Tout prestement a deux genoux, Et faisons a Dieu oroison Chascun en grant devotion Qu'il nous veulle tous inspirer De sa grace et enluminer, Affin que nous puissons venir D'avoir ung homme a son plaisir Lequel soit taillié d'estre apostle. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 278). Il est bon clert, [et] du surplus [Est] bien talié de feyre bien. (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 80). Grant joye et leesse en avoit l'oste de ce que sy nobles gens avoit a hoste : bien luy sambla que jamais les paraulx n'avoit eus, ne dont il fust mieulx taillié d'amender. (Hist. seign. Gavre S., c.1456, 89). ...[un procureur] entre aultres ses clercs avoit ung tresbeau filz et gentil compaignon, du quel sa femme a chef de piece s'enamoura tres fort ; et tres bien luy sembloit qu'il estoit mieulx taillié de faire la besoigne que son mary. (C.N.N., c.1456-1467, 150). ...il estoit taillé de bien servir le duc son père (CHASTELL., Chron. K., t.2, c.1456-1471, 307). ...grant dammage estoit de perdre un tel jeusne prince taillié de pouvoir faire un grant bien à la crestienté (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 383). ...le pays de Honguerie et les terres crestiennes là entour, lesquelles cestui jouvencel (...) estoit taillié de deffendre et de garantir valeureusement (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 385). Par le sang que je respandi, Je suis bien taillé de plus dire. (Sav. serg. D.L., c.1480-1490, 31).

 

-

[P. iron.] : S'il se trouvoyt au boys toust seuz Avec quéque belle filiete, Il luy euseroit ["hausserait"] sa tablete. Il est bien taillié d'estre evesque ! (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 74). Il est bien taillé D'avoir drap ! Helas ! (Path. D., c.1456-1469, 104).

 

-

[Avec un inf. subst.] : Dist li uns : " J'en sçai I. nouviel, Que je voel monstrer et aprendre Et qui bien est tailliés dou prendre. - Quels est li jeus ? ", on li demande. (...) " C'est chils de le pince meurine. (...) ". (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 149).

 

c)

(Estre) taillé à + inf. "(Être) fait pour, (être) capable de, (être) en état de" : Le desactrempé n'est pas repentant ou taillié a soy repentir de son mal, si comme il est dit devant. (ORESME, E.A., c.1370, 391). ...deux de ses enfenz, qui estoient tailliez à venir à granz biens et honneurs (Entrées roy. G.L., 1372,,, 482). Empeschier veulz ad ce que voy Le bien des prestres de no loy, Du temple et de tout le commun. Se pooir de ce faire aulcun As, fay nous ent ostention Par signe et demonstration Que ce faire tu peux et dois, Nesunement je ne congnois Qu'a ce faire soies tailliés. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 125). ...l'un des princes du monde mieux taillié à devenir homme de grant los (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 386).

 

-

"(Être) disposé, enclin à" : Car mieulx estoient à tencier Taillés, qu'à feste commencier. (JACQUES BRUYANT, Voie pauvreté richesse P., 1342, 5). N'il n'est mie tailliez a faire faussetez (Brun de la Mont. M., c.1350-1400, 130).

 

d)

(Estre) taillé pour + inf. "(Être) fait pour" : En ce paÿs ha pluseurs dames Bonnes, belles et preudefames, Juenes, gentes et renvoisies, Longues, droites et alignies, Douces, plaisans et gracieuses, Taillies pour estre amoureuses. (MACH., Voir, 1364, 132). Je lo que vous les recevez [les gens d'armes], Car chascun d'eulx est bien tailliez Pour valoir homme. (Mir. Amis, c.1365, 9).

 

e)

(Estre) taillé de + inf. "(Être) digne de" : Ung vilain né d'estraction Vile et serve est mieulx par raison Tailliés d'estre ens es grans honneurs Quant en lui a proesse et meurs Et de hardiesse est remplis, Courtois en ses fais et ses dis, Que n'est un chevallier couart. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 231).

 

2.

[D'une chose]

 

a)

"Adapté, approprié à qqc." : Et ceste figure est tres inhabile et tres inepte ou mal taillie pour mouvement qui est devant soy, car elle n'est en rien samblable aus figures des corps qui sont meues par soy pour ce que une partie de elle n'a quelcunque eslevement sus l'autre, si comme ont les figures longues ou autres que speriques ou rondes, mais est tres differente de figures des corps qui procedent et vont de lieu en autre. (ORESME, C.M., c.1377, 452).

 

b)

(Estre) taillé à / de + inf. "(Être) fait pour, (être) destiné à" : Nous devons donques speculer, resgarder et savoir que les accions et operacions par lesquelles vertu est engendree et causee, il sont nees et tailliees a estre corrumpues et a estre faites non bonnes par indigence ou deffaute et par superhabundance ou excés. (ORESME, E.A., c.1370, 150). ...les bons mariz demourerent en prison, attendans la sentence diffinitive qui devoit estre rendue par l'advis des subjectz du roy, qui, pour le nombre infiny d'eulx, est taillée de demourer pendue au clou. (C.N.N., c.1456-1467, 525).

 

3.

[D'une pers. ou d'une chose] (Estre) taillé de + inf. "(Être) près de, (être) sur le point de, (être) susceptible de"

 

a)

[D'une pers] : Tailliez sommes d'avoir assez d'annoy Par le trespas du roy Charles le Saige. (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 296). ...mon enfant (...) qui est taillié de regner Par default de bien gouverner. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 305). ...à cause de la noise et division desquelx ce royaume estoit taillié d'estre destruit. (Ch. VI, D., t.1, 1412, 358). ...nos subjets, pour le fait de la guerre (...) seroient tailliez de plus avant souffrir, se pourveu n'y estoit (Ordonn. rois Fr. V., t.10, 1413, 96). ...par defaulte d'apareil il estoit taillé de mourir pour le sang qui lui estoit coullé entre le teist et le servel (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1425, 195). ...afin de pourveoir aux grans et eminens perilz en quoy ceste ville de Paris et les habitans d'icelle sont taillez de cheoir de jour en jour (FAUQ., III, Pièces diverses, 1436, 180). ...et avec ce seroit taillié de jamais publiquement oser converser en nosdits païs, terres et seigneuries, mais lui en conviendroit tenir absent, se n'avions pitié de lui, et que nostre grace et misericorde ne lui feust sur ce impartie (Doc. 1438. In : Ch. Petit-Dutaillis, Doc. nouv., 1908, 14). ...s'est absenté en delaissant et habandonnant sa femme et son mesnage et est taillié d'en estre desert a toujours, car il ne oseroit jamais retourner ne demourer en nos païs et seigneuries (...) se nostre grace et misericorde ne lui estoit sur ce impartie (Doc. 1459. In : Ch. Petit-Dutaillis, Doc. nouv., 1908, 184). Je laisse aucuns saudars sans dens, Bien tailliés d'estre mal souppés (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 723). Par Dieu, tu es trop bien taillés De te faire tres bien froter. (Sav. serg. D.L., c.1480-1490, 32). Lucifer, a ce que je sens, Nostre brigade est bien taillie D'avoir tres orde compaignie, Ains qu'i passe longue saison. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 337). Et les premieres nouvelles que vous estes bien taillez d'en avoir... (Lettres Ch. VIII, P., t.1, 1488, 314).

 

b)

[D'une chose] : O quant doloureux meschief, qui encore dure et a duré ja l'espace de .XXVI. ans, ne taillée n'est ceste pestillence de cesser (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., II, 1404, 155). ...et [ces ponts] sont tailléz de fondre dedens brief temps se pourveu n'y est (Ordonn. Ph. le Hardi, Marg. de Male B.-B., t.2, 1404, 675). ...J. d'Aunay, bailli de Chaumont (...) ne faisoit ne n'avoit fait residence en son bailliage, passé a IJ ans (...) pour les grans dammages et perilx qui estoient avenu et venoient, et estoient tailliez d'y venir (BAYE, II, 1411-1417, 248). Comme pluisieurs grans debatz soient meus entre noz gens et officiers de notre très chiere et amée cousine, la contesse de Namur, en la ville de Bethune, de laquelle elle est dame viaigiere et usufrutuaire, et les gens et officiers de la Loy de la dicte ville de Bethune, pour occasion desquels debat l'on n'a poinct faict loy en la dicte ville dés long temps a, et ont esté et sont encores les choses petitement gouvernées et seront taillées de pis estre (Hist. dr. munic. E., t.2, 1421, 144). ...vostre bon pays de Flandres (...) est (...) taillié d'estre totalement désolé et destruit, si vostre miséricorde ne luy est impartie. (CHASTELL., Chron. K., t.2, c.1456-1471, 293).

 

c)

Estre taillé que + subj. "Risquer de, s'exposer à" : Nicodemus, sans point tarder, Et Joseph atout unguemens, Suaires et abillemens, Sont alés au mont de Calvaire Une tres maise enfance faire, Car Jhesus ilz ont despendu, Et puis l'ont mis et estendu En ung monument entailliet, Pour quoy nous sommes bien tailliet, Que mal et perte en ayons S'alencontre ne pourveyons (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 221).

 

-

[Avec ne explétif] : Bien taillé suis que remis je ne soye En la prison (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 122). Vous estes taillé qu'i ne juge Vostre dure mort et villaine. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 722).

V. aussi taillant
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin

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