A. -

[Idée de satiété]

1.

"Faire boire ou manger à satiété, repaître" : Encor, dist elle, te demant Se point ses sa capacité Et de combien assasié Ou saoulé estre pourroit (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. S.C., c.1330-1331, 280). Il [le Christ] ot fain pour nous saouler, Et s'ot soit pour nous abuvrer De sainte pardurable vie. (Mir. st Sev., 1362, 233). ...a tel couppe Boire te feray, ou seras Saoulé, car tu sanc buras (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 209).

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Se saouler de qqc. "Manger ou boire de qqc. à satiété" : ...et toutesfoiz ilz sont si peu ceulx qui lui ouvrent la porte que du relief du souper, helas, pou en y a qui s'en peussent saouler (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 443).

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Se saouler de sang : Cestui prenostica audit Cirye que par la collere d'une femme seroit saoulé de sang humain, ce que advint. Car la royne Tamiris le print en bataille où furent tuez IIm de ses hommes, du sang desquelx elle fist emplir ung vaissel et lui fist coupper la teste et gecter en icellui, disant : "Saoule toy du sang humain duquel tu as eu si grant soif et desir de le espandre". (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 45 r°).

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Saouler la famine : Elle adoucira ta dolour Et refroidera ta chalour ; Ta famine saoulera Et ta grant soif estanchera. (MACH., C. ami, 1357, 78).

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Se saouler de manger : ...après qu'ilz furent saoulez de menger demoura de relief XIJ corbeilles (C.N.N., c.1456-1467, 488).

2.

Au fig. "Satisfaire, combler (qqn, son coeur, ses désirs...) (de qqc.)" : Qu'Amours, qui est de si noble nature Qu'elle scet bien qui aimme sans fausser, Scet bien paier aus amans leur droiture : C'est les loiaus de joie saouler Et d'eaus faire savourer Ses douceurs en habundance (MACH., R. Fort., c.1341, 73). Dieux, te venroit il a plaisir A moy de grace pourveoir, Tant que cil oeil ci de veoir Ycellui soient saoulé, Par qui de mon cuer reveillé Seront li oeil ? (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 221). La dousisme estoit Souffissance Qui de trés humble pacience Estoit richement aournée Et abondanment saoulée Et pleinne de tous biens terriens. (MACH., J. R. Nav., 1349, 181). ...nul vivant ne puet estre si saoulé de bonnes meurs que encore n'en veulle bien plus (FOUL., Policrat. B., V, 1372, 290). ...en regardant s'i console Et son coer en pest et soole [d'une image] (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 71). Com plus le voi, et mieuls le prise ; Mes soëlés je n'en puis estre. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 96). Ces parolles et aultres que li rois leur disoit les soela un petit, mès nonpourquant toutdis recommençoit leur rihote (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 57). Car je l'aim tant et si desiramment Qu'adès vorroie aveuc li demourer Et son parler, dont tel douceur descent Qu'autre douçour ne s'i puet comparer, Toudis oïr ; ne mes yex saouler Ne porroie jamais de li veoir. (MACH., L. dames, 1377, 34). Ne riens ne puis veoir qui me puist plaire, Ne je ne sçay nulle chose penser Qui tout ne soit à mon desir contraire, Ne je ne cuit plus mes yex saouler De sa biauté veoir et remirer Qui si destruit mon las cuer et martire Que je ne sçay congnoistre joie d'ire. (MACH., L. dames, 1377, 44). Je ne fine nuit ne jour de penser À ma dame que j'aim de vraie amour, Et si ne puis nullement saouler Mon cuer d'assés penser à sa douçour ; Car la joie de la plaisant savour Que mes cuers sent en ce dous pensement M'i fait penser adès desiramment. (MACH., L. dames, 1377, 53). Mais plus cuidoit on estaindre ce feu, et plus fort s'alumoit. Et maintenant son desir est saoulé et rempli de [l]a fontaine de vie et de justice. (GERS., P. Paul, a.1394, 512). Ou, diable, prenderoit il la finance pour soeler ces Alemans ? (FROISS., Chron. D., p.1400, 337). : Mais ja avoient les Englois pris et levés tant de biens et de bons meubles, que bien lor devoient sousfire ; et tant en avoient amené des aultres villes conquises et dou plat pais que tout en estoient cargiet et soelet. (FROISS., Chron. D., p.1400, 695). Mais ton orgoeul intollerable et ton avarice insaciable ne te poeult emplir ne saouller (LA SALE, Sale D., 1451, 86). Or sa, pour m'amie souler, Maintenant va le decouler [Jean-Baptiste], Et mect la teste dens ce plat. (Pass. Auv., 1477, 98). Aultrement ne nous peult souler Messïas, si non qu'il soit Dieu. (Pass. Auv., 1477, 156). Sy fault pour saouler mon envie Qu'i passe son commandement, Tant que la ligne en soit ravye Avec nous en peine et torment. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 47). Soit la mort saoule(e) et assouvie, Faictes tout gerre humain mourir. (Cene dieux, c.1492, 112).

Rem. WAUQUELIN, Manequine C.T., a.1448, 54/34.

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Saouler ses yeux de dormir. "Dormir tout son saoul" : ...en ly [le paresseux] non a aultre desduit Si non a bien souler ses yeulx De dormir et n'est curïeulx En rien de sa salvacion (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 8).

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(Se) saouler de pleurs. "Pleurer tout son saoul" : S'en est mes vis descoulourez Et mes cuers de plours saoulez, De griés souspirs entremeslez, Et tout par toy. (MACH., R. Fort., c.1341, 45). Doulx yeulx, je vous veulx regarder. Premier de pleurs me soularé. (Pass. Auv., 1477, 105).

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Saouler qqc. (un besoin, une tendance...) : Et com plus la boy plus me seche Ceste yvresce, et touzjours m'esleche, Et me fait joir et doloir, Et en saoulant mon vouloir Se reemplist de convoitise. (Mir. emp. Julien, 1351, 222). ...combien que avarice ne se puisse saouler (FOUL., Policrat. B., V, 1372, 365).

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Se saouler : [Dieu] Fist la mort issir de sa cage, Pleinne de forsen et de rage, Sans frein, sans bride, sans loien, Sans foy, sans amour, sans moien, Si trés fiere et si orguilleuse, Si gloute et si familleuse, Que ne se pooit saouler Pour riens que peüst engouler. (MACH., J. R. Nav., 1349, 149).

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Se saouler de : [Dieu] Fist la mort issir de sa cage, Pleinne de forsen et de rage, Sans frein, sans bride, sans loien, Sans foy, sans amour, sans moien, Si trés fiere et si orguilleuse, Si gloute et si familleuse, Que ne se pooit saouler Pour riens que peüst engouler. (MACH., J. R. Nav., 1349, 149). De plaisance me veulx souler, Pour consouler Mon corps a tout son beau plaisir. (Pass. Auv., 1477, 135).

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Se saouler de + inf. "Se satisfaire de, se contenter de" : ...les tresnobles et sains roys, empereurs, (...) par tresgrant devo[cion] ne se pouoient saouler de donner a l'eglise, non tant seulement rentes communes et bien revenans sans grant travail (...) mais par grande devocion (...) donnerent les citez et chasteaux et haultes et royales seigneuries sans nombre (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 299).

B. -

[Avec une idée plus ou moins marquée d'excès, de lassitude] "Lasser" : Quant Rosemonde fu saoulee de son second mari, elle vault avoir le tiers et vit le seigneur de Ravanne qui estoit biau chevalier. (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 239). Apres aucun temps Rosemonde fu saoulee du second mary qui tant avoit fait pour elle, et veit le seigneur de Ravenne, plusbeau chevalier que lui. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 349). ...et ne soit à nostre calumpniateur thedieux de oyr ce reciter que tant de gens ont escript en la science des estoilles, encores sont plusieurs choses demourées intactées que je espere, aidant Dieu, aucunes d'icelles à joindre à ces parties et, pour le saouller, sache que c'est science ronde, qui n'a point de fin. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 112 v°).

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[Sexuellement] : ...ce lourdault (...) s'i ingera faire son devoir envers sa femme et si sottement s'i porta qu'elle en fut saoullee des la premiere fois (TARDIF, Facéties Pogge D.H.-P., c.1490, 96).

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Se saouler (de) + inf. "Se lasser de" : ...li princes de Galles... ne fu onques soelés ne lassés... de guerrier et de tendre à tous haus et nobles fais d'armes (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 216). Je ne me puis saouler De penser, d'ymaginer Que je feray Ne quel maniere j'aray, Quant le vis cler De ma dame qui n'a per Premiers verray. (MACH., Motés, 1377, 625). Sinope fu celle appellee, Qui oncques ne fu saoulee De combatre et de guerroyer. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 11). Ne serez vous aussi jamais saoulez de traveillier cuers et les murtrir ? (LA SALE, J.S., 1456, 300). ...retourne arriere et gette l'oeil de rechef sur ce dit mal, et ne se peut saouler de assez regarder. (C.N.N., c.1456-1467, 35). L'on fit apporter le bras Sainct Leu et jura le Roy de France la paix entre luy et le duc de Bourgoingne, et ne se povoit saouler de se fort obliger en ceste partie ; et le duc de Bourgoingne jura ladicte paix et promist de la tenir et entretenir envers et contre tous. (LA MARCHE, Mém., III, c.1470, 84). Pour toy servir et honnorer, Abandonner Tout ce que j'ay, Jhesus, vouldroye. Je ne me sçaroye souler, Toy adourer, Ne gracïer si que devoye. (Pass. Auv., 1477, 131).