C.N.R.S.
 
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     PRÊTER     
FEW IX praestare
PRESTER, verbe
[T-L : prester ; GDC : prester ; DÉCT : prester ; FEW IX, 314a : praestare ; TLF : XIII, 1159a : prêter]

Empl. trans.

A. -

Prester qqc. à qqn.

 

1.

"Mettre qqc. à disposition de qqn pendant un certain temps, sous réserve de restitution" : C'est quant l'en preste l'usage d'une chose et l'en en retient la proprieté. (ORESME, E.A.C., c.1370, 283). Ceste courtoysie me faites Qu'uy mais me prestez le couvert Et que me soit vostre huis ouvert (Mir. st J. Paulu, c.1372, 107). Cogneut avec ce, que nagueires, par le seigneur et dame de la Trosse, en la rue Saint-Jaques, lui fut presté un seau de bois ferré pour porter de la lye de vin en sa maison (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 91). Suer, preste moy ton cuevrechief, Pour bander les yeulz de mon chief. Ja assez tost le te rendray. (Mart. st Pierre st Paul R., c.1430-1440, 145). Par ma foy, dist l'oste, je n'y sçay aultre remede, que je vous preste chacun une chemise des miennes, telles qu'elles sont. [Les chemises des hôtes ont été volées] (C.N.N., c.1456-1467, 399). Vous lui direz que je lui mande Qu'il me veille sans nulle actende Me prester son noble hostel (Myst. Pass. Amb. R., c.1474-1500, 43).

 

-

[Un animal ou une pers. traitée comme une chose] : Guillaumes le fait entreprist, Qu'onques un seul mot n'en reprist, Fors tant qu'il dist : "Biaus sires chiers, Quoy que li fais soit griés et chiers, Vraiement, je l'acheveray Ou de tous poins y demourray, Se vo blanc cheval me prestez. Or faites qu'il soit aprestez. Et se Dieus me donne tel grace Que vostre besongne bien face, Vostre bon cheval reprenez ; Car n'est drois que le me donnez. Et j'en cheviray a vos dis Bonnement, sans nuls contredis." (MACH., D. Aler., a.1349, 316). Mais montez : je vous presteray Mon asne, et tout a pié yray Vous convoier. (Mir. mère pape, c.1355, 393). ...les autres presentoient ou prestoient leur enfans a leur voisins pour les mangier. (ORESME, E.A., c.1370, 381).

 

-

Empl. abs. : Car cils qui fait premierement Honneur, on dit communement Qu'il a la grace dou bien fait, Nom pas cils a qui on le fait ; Et plus va a amour tirant Cils qui preste que cils qui rant. Einsi est il de tous services Et aussi de tous malefices : Car qui d'autrui grever se peinne, Certes, il doit porter la peinne. (MACH., J. R. Nav., 1349, 252).

 

-

Prester qqc. (à qqn) + inf. : Femme, que par cy voy passer, Vuilléz ung peu vers moy venir. Ce drap me preste ung peu tenir, Mon visaige en tourcheray. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 206).

 

2.

En partic.

 

a)

[Mise à disposition d'une somme d'argent] : Si comme celui qui en bataille par mauvaise paour giete son escu, ou celuy qui par yre dit mal a autre, ou celui qui par illiberalité ne veult prester pecunes a son amy. (ORESME, E.A., c.1370, 280). ...est revenuz en son hostel Celui a qui de mon chatel Prestay, il a deux ans, grant somme. (Mir. march. juif, c.1377, 212). ...a ce bourgois prestai pour voir Bien mil livres de mon avoir (Mir. march. juif, c.1377, 221). ...au commencement du voyage par lui fait ou service du conte d'Ermignac pour aler ou pays d'Arragon, il presta à messire Aubert de Montvert VIIJc frans en or, pour le aidier à acomplir ledit voyage (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 212). ...Guillaume du Porche, demourant à Luques, presta auxdiz arcevesque et evesques IIIc florins (BAYE, I, 1400-1410, 313). ...et ne povoit on paier les marchans qui avoient sur ce presté aucunes sommes d'argent (FAUQ., II, 1421-1430, 128). ...par le moien des vingt francs qu'il presta, ce mariage fut fait et passé (C.N.N., c.1456-1467, 298). ...pour paier de leurdiz gaiges et souldées lui convint [le roi] finer de grant somme de deniers, car il ne recevoit riens d'aucunes villes sur lesquelles lesdiz gaiges estoient assignez, qui estoient tenues et usurpées par aucuns princes, qui ne vouloient riens souffrir estre cueilly dudit paiement en leurs pays, fut contraint de faire emprunt d'argent sur plusieurs officiers et autres de la ville de Paris, ausquelz de par lui fut demandé argent à prester ; de quoy ilz furent refusans, au moins de si grant somme comme on leur demandoit. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 72). Et fut presté de ladicte ville LXXVm escuz d'or, qui furent baillez ausdiz Angloys, au moien de certain traictié fait avecques eulx. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 341). LE CRESTIEN. (...) Mais nous seroit grant reconfort Se nous trouvons personne aulcune Qui nous prestast quelque pecune Pour marchandise relever. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 83). MATHATIEL [au juif]. (...) il est a vous impossible D'estre payé de voz debteurs. (...) De ces trompeurs Crestiens a qui les cent escus Prestates. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 105). LE JUIF. (...) [Le chrétien] Vint vers moy et, par ces abus, Luy prestay jusqu'a cent escus (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 118). L'USURIER. A mon cas me convient entendre ; Desormais il en est saison Et de me faire le myen rendre Que j'ay presté oultre raison. (LA VIGNE, S.M., 1496, 510). Et aucuns ont voulu dire que aucuns seigneurs de France prestoient des deniers au duc de Lorraine pour mener ceste guerre et que le roy le faisoit faire (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 360).

 

-

Prester une somme à fiance : LE JUIF [à Mathatiel]. N'as tu pas bonne souvenance Que je luy prestay a fïance Cent escus ? (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 124).

 

-

Empl. abs. : Car puet estre que il presta a un bon homme seulement pour l'esperance que il avoit de gaaignier en faire tel prest. (ORESME, E.A., c.1370, 457). Je ne treuve homme qui me preste, Ains me dit chascun : "Paie moy." Las ! dolent, et je n'ay de quoy (Mir. march. juif, c.1377, 189). Ce jour, avant les plaidoieries, ont esté mandez en la Chambre les advocas et procureurs seulement et exhortez par la Court de par le Roy de prester au Roy pour sa necessité urgent qui est de present (FAUQ., I, 1417-1420, 22). (...) Jamais ne preste riens sans gaige. Selon le gaige que j'auray, Tres voulentiers vous presteray (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 88). LE PRESTRE. Luy prestez vous [au chrétien] en conscience ? Vous vous fiez donc bien a luy. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 92). LE JUIF. (...) Par sainct Nicolas, je feuz prest De luy prester sus son serment ! (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 119). LE JUIF. Tenez, mais ce m'est desplaisir D'avoir presté et [puis] despendre Pour le pourchasser [le chrétien]. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 122).

 

.

Estre riche à prester. "Être très riche, au point de pouvoir prêter de l'argent" : Nous sommes riches a prester. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 178).

 

-

Prester à usure. V. usure : [Cont. métaph.] Si me soit Dieux misericors, Ce n'est pas presté a usure, Mais est amour passant mesure Et oultrebonne. (Mir. Berthe, c.1373, 172).

 

-

Part. prés. en empl. subst. masc. "Celui qui prête" : Car les prestans veulent bien que la vie de ceulz a qui ilz prestent soit sauvé, mais c'est pour grace de gaaing et pour estre paiéz. (ORESME, E.A., c.1370, 474). ...l'empruncteur ne le voulloit rendre au prestant (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.2, 1437, 212).

 

b)

[Mise à disposition d'une marchandise] "Livrer ou vendre à crédit" : PATHELIN. (...) Pour vous, deux aulnes et demye, Et pour moy trois, voire bien quatre ; Ce sont... GUILLEMETTE. Vous comptez sans rabatre. Qui, dyable, les vous prestera ? PATHELIN. Que vous en chault qui se fera ? On les me prestera vrayement [ici sans doute sens ordinaire] A rendre au jour du jugement, Car plus tost ne sera ce point. (Path. D., c.1456-1469, 54).

 

c)

[Mise à disposition d'une partie du corps]

 

-

Prester la main/les mains à qqn. "Aider qqn, lui donner un coup de main (dans une activité exigeant de la force physique)" : Biaux seigneurs, prestez nous voz mains A lever dessus nous ce corps. (Mir. st Ign., 1366, 113). Advancés vous ; prestés nous la main ! (Pass. Auv., 1477, 126).

 

-

Prester l'oreille (à qqn). V. oreille

 

.

"Écouter avec attention" : ...[ils] en parlerent chacun comme il l'entendoit. Mais qui, que y prinst garde, [ce fut] la dame de leens, femme du racompteur de l'ystoire, [laquelle] y presta tresbien l'oreille (C.N.N., c.1456-1467, 407).

 

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"Apporter une oreille complaisante" : ...voulant aussi garder la loyaulté que a sa maistresse elle devoit, ne prestoit pas l'oreille a son seigneur toutesfoiz qu'il eust bien voulu. (C.N.N., c.1456-1467, 73).

 

-

Prester ses yeux à qqn. "Regarder qqn avec insistance" : ...quand il veoit son point, il prestoit ses yeulx a l'ostesse (C.N.N., c.1456-1467, 219).

 

-

P. plaisant. Prester sa paume à qqn. "Frapper qqn" : JARÉS. Se j'ay pour ce neix renversé, Tost lui auray presté ma paume ! BALAAC. Et la mienne, que je lui aume ! (Myst. Pass. Amb. R., c.1474-1500, 51).

 

-

[D'une femme qui abandonne son corps] : ...la gouge en eut depuis pitié, et, pour sa conscience acquicter, luy presta son bedon (C.N.N., c.1456-1467, 457).

 

d)

Se prester à qqn. "Se mettre à la disposition de qqn"

 

Rem. CHASTELL., ROBERTET, MONTFERRANT, Douze dames rhétor. C., 1462-1463, gloss.

 

e)

[De Dieu] "Mettre qqc. ou qqn à la disposition de qqn, le lui accorder, le lui octroyer" : L'EVESQUE JEFFROY. Alons, que Diex en ceste voie Nous vueille grace et sens prester Du descort de l'eglise oster Et y paiz mettre. (Mir. st Guill., c.1347, 14). Et puis qu'il m'ont tant honnouré Qu'il m'ont si fort enamouré Que cuer et corps leur ay donné, Bien apartient Que du sens que Dieu m'a presté Les mercie, qu'en verité Honnour, joie, pais et senté D'ellez me vient. (MACH., Les lays, 1377, 391). Galot amis, endementiers Que Dieu me preste espace et temps, Je vueil que tu voises (...) Aux petiz mesnagers (...) Et cest argent ci leur donrras (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 260). ...ceste merveilleuse aventure que je voy ou cours des estoilles que tu [Dieu] as lassus assises dès le commencement du ciel, par haulte science d'astronomie dont tu m'as presté une des branches, de quoy je te doy louer de cuer parfait, et ta Haulte Majesté, ou nulle ne se puet comparer. (ARRAS, c.1392-1393, 19). Se il n'y avoit doubte que de ces deux, selon ce que je vous ay ouy dire, il n'y fauldroit pas embesoingnier tant de gens que Dieu nous a prestez, car il n'y fauldroit que Guyon, mon frere. Il s'en seroit tost delivrez. (ARRAS, c.1392-1393, 136). ...ce pou de bien que Dieu, par le don de grace, m'a presté (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 3). ...le chevalier, qui tresdevot et craignant Dieu estoit, delibera a Dieu faire sacrifice du corps qu'il luy avoit presté (C.N.N., c.1456-1467, 109). Adont respondit LE SIMPLE AGNIAUL Contre les faulx et desleault : De puissance n'a point sur moy, Se de Dieu prestee ne t'estoit. Mon royalme n'est pas de ce monde, Mais est ou ciel la sur le monde. (Pass. Autun Biard F., 1470-1471, 98).

 

-

[De Fortune, d'une réalité personnifiée...] : Car Fortune tous leurs desrois Freint et abat. Bien est voirs qu'elle se debat Pour eaus avancier, et combat, Et leur preste honneur et estat Ne sai quens mois. Mais partout ou elle s'embat, De ses gieus telement s'esbat Qu'en veinquant dit : "Eschac et mat !" De fiere vois. (MACH., R. Fort., c.1341, 43). Las ! et je n'en puis recouvrer, Qu'amours Secours Ne me vuet nul prester, Qui en ses las si durement Me tient que n'en puis eschaper ; Ne je ne vueil, qu'en atendant Sa grace je vueil humblement Toutes ces dolours endurer. (MACH., Motés, 1377, 483).

B. -

Au fig.

 

1.

"Accorder qqc. (à qqn)" : ...laquelle, après plusieurs interrogatoires à elle faits sur la maniere desdiz ensorcelemens, et que aucune chose ne voult d'iceulx cognoistre avoir fais, ne donné ou presté ayde, conseil ou confort, dist, sur ce requise, que de tout ce que la dessus dite prisonniere Marion L'Estallée vouldroit dire, feust pour ou contre elle proposées, [elle s'en veult raporter au dit d'icelle Marion]. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 343). ...jamais ung seul jour de bien n'aroit si temps et loisir prestez ne luy sont (C.N.N., c.1456-1467, 257). JHESUS. (...) Peuple de pensee enterine, Gouste de mes ditz la saveur, Sans donner ne prester faveur A ypocrisie la fainte (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 388). L'honneur que m'as voulu prester Est remercïable sans doubte. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 476).

 

-

Prester audience. "Écouter avec attention" : Tantdiz que l'on me preste audience (...), je vous compteray ung cas qui puis n'a gueres est advenu ou Daulphiné (C.N.N., c.1456-1467, 357).

 

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Prester auditoire à qqn. V. auditoire

 

-

Prester son oreille à qqc. : ...celui qui suit une voie, et qui preste son oreille a toute parole... (FOUL., Policrat. B., VII, 1372, 293).

 

-

Prester paix. V. paix

 

2.

[D'une chose] Prester qqc. "Donner lieu à qqc." : ...car ce qui nullement est et qui n'est rien si ne puet prester ne donner estre a autre chose et ne puet faire que elle soit [prester estre, conférer une existence]. (FOUL., Policrat. B., V, 1372, 291).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin

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