Empl. trans.

A. -

"Creuser par dessous qqc. (un mur, un ouvrage défensif...) pour provoquer son effondrement" : (Quar) vers le moustier s'en alaient, (Et) jus abatre le vouloient. Li rois premier devant aloit Et les fondemens en minoit. De une crocë a (un) evesque Faisoit son houel et (sa) besche. (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. S., c.1330-1331, 286). L'eglise est entour minee, Pou faut (que), ne soit aterree. (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. S., c.1330-1331, 288). Grans montaingnes a tout entour, Et maint chastel et mainte tour, Qu'on ne porroit miner ne prendre, Tant bien y sceüst on entendre, les IJ. perilleuses montaingnes Qui sont arides et brehaignes. (MACH., P. Alex., p.1369, 47). ...car nul ne fait adultere aveques sa propre femme, ne nul ne mine ou abat son mur pour se nuire, ne nul ne emble a soy meïsme ce qui est sien. (ORESME, E.A., c.1370, 327). Bien se perchut messires Agos des Baus que on les minoit. Si en fu en doubte, car au voir dire c'est grans effrois pour gens qui sont en une forterèce, quant il sentent que on les mine. (FROISS., Chron. L., III, c.1375-1400, 88). Il fist apparillier une quantité de mineurs que il avoit avoecques lui et à ses gages, et leur commanda qu'il vosissent faire leur pooir de le forterèce miner. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 221). Mais que la chose soit celee Et menee bien secretement, Leur bastille soit mynee Toute jusques au fondement. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 162).

-

Empl. abs. : Cil mineur n'eurent gaires minet quant, par dessous les murs, ils trouvèrent uns biaus degrés de pière qui avaloient aval et puis remontoient contremont par desous les murs de le ville et aloient droitement ou chastiel. (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 152). Au pié d'une tour sont ycy deux homes, l'ung aiant le visaige enflé et l'autre une gibesiere, qui minent au pié d'une tour et hotent la pierre quarree accouplant deux murs, qui signifie paix, pour faire cheoir l'edifice. (Déclar. Hyst. S., a.1449, 158).

-

P. métaph. : C'est de Desir qui mon cuer flame Et point de si diverse flame, Qu'en monde n'a homme ne fame Qui medecine Y sceüst, se ce n'est ma dame, Qui l'art, qui l'esprent, qui l'enflame Et bruïst d'amoureuse flame, N'elle ne fine. Fortune est sa dure voisine, Et Amours l'assaut et le mine, Dont morir cuit en brief termine Sans autre blasme. (MACH., R. Fort., c.1341, 53).

B. -

P. ext. "Creuser" : Or faut paier pour .VIIJ. ans les trentismes Et sans delay pour le roy .IIJ. disismes. Et li dyable porront de ce finer ; On porroit bien une mine miner. Mieus me vauroit ailleurs estre .J. porchier Que moy veoir einsi vif escorchier. (MACH., Compl., 1340-1377, 251). [Ma dame] Tant scet, tant vaut, tant puet que c'est la mine Que nuls ne puet espuisier de bonté : Chascuns qui tent à bien y puise et mine ; Mais plus en a, quant plus en a donné. (MACH., L. dames, 1377, 177). ...Fonteinne divine Pour pechiés laver, Rose sans espine, Douce à oudourer, Vous estes la mine Qu'on ne puet miner, Quar qui plus y mine, Plus a à miner. (MACH., Les lays, 1377, 403). ...le grant flo de la marine, Qui bat contre et moult fort le mine [le château de Fortune]. (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 136). Et vint en le kariere ou on avoit miné. (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 483).

C. -

Au fig.

1.

"Creuser, fouiller, examiner" : Je t'en pri que tu le recoelles Et ton coer bien en examines Et jusques au droit fons le mines. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 79). Certes la ou il quiert et mine Se la crue de charité A point de fin... (MARTIN LE FRANC, Champion dames D., t.5, 1440-1442, 120). Engin humain verité mine. (MARTIN LE FRANC, Champion dames D., t.5, 1440-1442, 123).

Rem. MARTIN LE FRANC, Estrif D., 1447-1448, gloss.

2.

"Ronger, consumer peu à peu" : Et se j'envoy devers ma chiere dame Dire qu'elle mon cuer mine et entame, Et que s'amours l'art sans feu et sans flamme Et le martyre, (...) Elle dira que je ten a son blasme Et que ne doy dire a home n'a fame Mon grief martyre. (MACH., F. am., c.1361, 161). Tout desvuet quanque je vueil Sa durté Qui m'a miné (MACH., F. am., c.1361, 416). Tristans ossi (...) Dou feu d'amour qui maint coer mine Telement fu examinés Que jusques en le fin menés. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 164). Tains ardans, plus vermaus que mine, Minera mon coer (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 188).

3.

"Ruiner, détruire" : Or pert il bien qu'Amour est moult poissans Qui ce rubis pour son filz voult creer (...) Et le cruel meffait d'Adan miner Par endurer mort grevaine (Mir. prev., 1352, 279). Einsi fu Susenne sauvee Et sans courpe a ce jour trouvee, Et tout par la vertu divine Qui tout malice veint et mine. (MACH., F. am., c.1361, 16). C'est cilz qui les ames deffourme, Qui sont faictez a la Dieu fourme, Et les chetis destruit et mine (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 96). ...et quant Mort et miné M'ara vostre cruauté Qui m'est trop grant, Lors sera bien apparant Ma loyauté. (MACH., Ch. bal., 1377, 621). Helas, ce tant puissons miner Que dedans la court entrissions Celle fin que nous veïssions Au moins l'estat de la conduitte, Et comment sera mal conduitte La sentence sur l'innocent ! [Éd. : "ruser"] (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 715).

-

Part. prés. en empl. adj. "Destructeur" : ...grave, pesant, rengorgé de mynens plaisirs (LA VIGNE, Ress. chrest. B., App., c.1502-1503, 167).

Rem. Ou faut-il comprendre, par latinisme, "menaçant" ? Cf. T-L et GD s.v. miner¹.

-

Part. passé en empl. adj. [D'une pers., de son âme] "Détruit, brisé, anéanti" : Et pour ce que plus entechiés Sui de vices et de pechiés Qu'il n'a dedens la mer d'areinne, Ma grant iniquité me mainne, Qui monteplie sans sejour, Ad ce que de nuit et de jour Sui loiez et enchaainnez, Pris, conclus, destruis et minez, Si que je n'enten respirer, N'a peinne puis je souspirer. (MACH., F. am., c.1361, 54). Car mon ame a ja embeli De gloire et si enluminée Qu'elle est aussi conme minée Toute en s'amour. (Mir. st Ign., 1366, 100).

-

Miner qqn d'argent/de chevance... "Ruiner qqn" : ...li princes n'eut mies ses paiemens si appareilliés que il volsist, car li voiages d'Espagne l'avoit si miné et effondré d'argent, que merveilles seroit à penser. (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 65). Il n'est nuls sires crestiiens, excepté le roi de France et le roi d'Engletière, qui hors de leur païs peuissent, ne trois ans ne quatre, tenir tel peuple sus les camps de gens d'armes que li dus d'Ango avoit et tenoit (...) que il ne fust tous usés et minés de chavanche et de finance. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 174).