C.N.R.S.
 
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     MAÎTRESSE     
FEW VI-1 magister
MAISTRESSE, subst. fém.
[T-L : maistresse ; GD : maistresse ; GDC : maistresse ; AND : mestresse ; FEW VI-1, 35b, 41a : magister ; TLF : XI, 201b : maître1 ; TLF : XI, 207b : maître2]

I. -

Subst. fém.

A. -

[Désigne une femme ou, p. métaph., une abstraction]

 

1.

[Une femme, une personnification, qui exerce une autorité]

 

a)

Maistresse (de/sur qqn/qqc.). "Celle qui a du pouvoir (sur qqn/qqc.)"

 

-

[sur une pers. ou un ensemble de personnes] : Si vint Franchise, Honneur et Courtoisie, Biauté, Desir, Leësse l'envoisie, Et Hardiesse, Prouesse, Amour, Loiauté et Largesse, Voloir, Penser, Richesse avec Juenesse, Et puis Raison qui de tous fu maistresse. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 132). Ha ! vierge (...) Qui as la dominacion Sur les vierges et sur les anges, Qui puez conmander aux archanges, Qui es des apostres maistresse... (Mir. march. larr., c.1349, 109). L'EMPERIÉRE. Nanil, frére. (...) Et nientmoins vueil que souveraine Et maistresse sur vous et dame En soit l'empereris ma femme (Mir. emper. Romme, 1369, 247). ...en corps et en ame t'a mis Lassus en son hault paradis, Ou de touz sains es honnourée, Des anges servie et loée Conme leur dame et leur maistresse (Mir. emper. Romme, 1369, 277). De retourner m'est pris talent Devers damoiselle Esglantine Savoir mon se de la royne, Sa maistresse, m'enseignera Le saing (Mir. Oton, c.1370, 349). Vesta qui estoit la prestresse Et la souverainne maistresse Des nymphes, des tragediannes, Des juenes et des anciennes, Et de leurs temples ensement, Prioit là moult devotement, A tous dieus, à toutes deesses (MACH., P. Alex., p.1369, 4). ...ses grans hosts il a menees Devant une noble cité (...) Une roÿne en fu maistrece (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 55).

 

-

[sur qqc.] : Or vueil aler à confesse De ma fole hardiesse, Repenteus et pleins d'umblesse, A Venus qui est deesse Et souvereinne maistresse D'amours et de tous ses fais, Qui moy de blamer ne cesse Dou pechié de la rudesse Que j'ay fait par ma simplesse Contre Amours (MACH., Les lays, 1377, 441).

 

-

[sur du personnel de maison] : ...comme sesdiz maistre et maistresce estoient en pelerinage à Nostre-Dame de Montfort, à un matin, et que elle faisoit les lis dudit hostel, trouva d'aventure un coffre ouvert (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 307). Requise quelz biens elle a prins en l'ostel de sadite maistresse Langelote, dit par son serment que verité est que par icelle sa maistresse Langelote avoit esté mis en sa chambre, sur un de ses coffres, une bourse à homme (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 128). LA PREMIERE DAME [à la fille du marquis et de Griseldis]. Mon tresdoulz enfant (...) Que la bien soiez vous venue (...) Quant fille estes nostre maistresse, Qu'onques enfant n'ot meilleur mere. (Gris., 1395, 96). ...quant leur maistre est au palais ou en la ville et leur maistresse au moustier a la grant messe, la desjunerie est faicte en la cuisine a bon gaudeamus, et n'est pas sans bien boire, et du meilleur. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 209). La chambriere (...) fist le commendement de sa maistresse, et mist le jambon sur la table. (C.N.N., c.1456-1467, 487). ...je vous prie qu'en servant vostre maistresse, vostre loyal serviteur ne soit point arriere du bien que faire luy povez [Supplique d'un amant à son amie, confidente de la reine] (C.N.N., c.1456-1467, 192).

 

.

[En apostrophe] : ...l'un desdiz varlès, qui besongnoit avec ledit Bernard, dist à ladicte Guillemete : "maistresse, commandez ceste commande" en lui monstrant un fil de laine qui estoit rompu, et lui voulant dire qu'elle noast ledit fil. (Ch. VI, D., t.2, 1418, 170).

 

.

[Celle qui partage plus ou moins l'autorité du maître (son mari)] : ...quand il eut a son maistre et a sa maistresse dit le derrain adieu, le trespiteux fut a la fille (C.N.N., c.1456-1467, 68). ...jour de sa vie a aultre femme parolle ne portera au prejudice de sa maistresse. [Un jeune gentilhomme refuse de servir d'entremetteur à son maître] (C.N.N., c.1456-1467, 80). ...si d'adventure mon maistre ou ma maistresse venoient icy (...) je seroie perdue (C.N.N., c.1456-1467, 122). ...la maistresse, si son mary n'y estoit, vouloit bien avoir sa compaignie. [À propos d'une lavandière] (C.N.N., c.1456-1467, 303).

 

-

[sur une maison, sur des biens]

 

.

Maistresse de leans. "Maîtresse des lieux" : ...soy voyant aussi bien maistresse de leens que s'elle fust sa femme espousée, [elle] ne parla plus de ce mariage (C.N.N., c.1456-1467, 416). Ce gentil clerc, frez et viveux, fut tantost picqué de sa maistresse [La femme d'un procureur] (C.N.N., c.1456-1467, 91).

 

.

[Dans un cont. métaph.] Maistresse d'hostel/de l'hostel : Apres, chere seur, sachiez que sur elles, apres vostre mary, vous devez estre maistresse de l'ostel, commandeur, visiteur, et gouverneur et souverain administreur (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 128). Sy est au jour d'uy la premiere et principale feste de toute la Trinité quer Dieu marie son Filz, et le Saint Esprit celebre les nopces, et Nostre Dame donne et ministre la matiere et le lieu ; elle est hostesse ; c'est la maitresse d'ostel ; les dons, les metz de toutes vertus y sont pleinement et sans mesure espanduz. (GERS., Annonc., a.1400, 230).

 

.

Dame et maistresse de qqc. : J'ay, la Dieu mercy ! des biens assez, dont vous serez dame et maistresse (C.N.N., c.1456-1467, 341).

 

-

[sur des religieuses] "Abbesse" : ...les choses si bestournées Sont que nostre plus grant maistresse Est grosse d'enfant : c'est l'abbeesce (Mir. abbeesse, 1340, 78). Item, à la maistresse et seurs du grant hospital Dieu à Saint Quentin, que mondit seigneur leur a donné pour administrer aux povres dudit hospital leurs necessitez et autrement, 4 frans (Comptes Etat bourg. M.F., t.1, 1420, 479). De Jehan Pasquier, marchant potier d'estain, demourant à Paris, pour les ventes et saisines de 4 l. p. de rente qu'il a rachettées de la maitresse et bonnes femmes de la chapelle Estienne Hauldry (Comptes Paris M., t.2, 1470-1471, 245).

 

-

[sur tous les mortels] : C'est la Mort, des humains maistresse, Envoyé par les dieux celestes Vers toy, pour confire des pestes De ta tres venimeuse escume, Vomissement et orde spume Pour tous humains empoisonner. (Cene dieux, c.1492, 127).

 

.

[De la mort] Estre maistresse de qqc. "Avoir tout pouvoir (dans un certain domaine)" : Pour vous noyer de desplaisir Et vous estraindre par tristesse, La mort est de telz faiz maistresse Que riens n'en revient par gemir. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 197).

 

-

Empl. abs. "Souveraine" : Et briefment tuit, grant et meneur, Li faisoient feste et honneur. Mais bien sambloit estre maistresse, Car elle fu par grant noblesse Entre coussins de soie assise. (MACH., J. R. Nav., 1349, 176). Et moy ausi, mon tresdoulx frere, Au doulx Jhesus je m'abandonne ; Et ma pouvre ame je luy donne, Mon corps et toute ma pensee, Y a la doulce vierge honnoree La quelle prans pour ma metresse. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 34). Les biens de vous, ma dame, ma maistresse, Sont trop plus grans que ne suis pecheresse, Sans lesquelz biens ame ne peult merir N'avoir les cieulx (VILLON, Test. M., 1461-1462, 79). Saige Cassandre, bele Echo, Digne Judich, caste Lucresse, Je vous congnois [Marie d'Orléans], noble Dido, A ma seule dame et maistresse. (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 44).

 

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[D'une institution] : Se il y a biens immeubles a la jurisdiction laye on s'en rapporte a eulx, et semble par telles manieres que la jurisdiction seculiere veuille estre maistresse et par dessus l'ecclesiastique. (JUV. URS., Nescio, 1445, 500).

 

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"Dame" : Si [Orphée] s'en ala a grant eslais Droit devant le triste palais D'enfer ou mainte ame dolente Pleure, souspire et se demente. A l'entree de ce passage Trois dames ot, pleinnes de rage, Et s'estoient si grans maistresses Qu'elles s'appelloient deesses, L'une d'orgueil, l'autre d'envie, L'autre de toute tricherie. (MACH., C. ami, 1357, 82). Haa, que la mere a grant douleur, Marie, la bonne maistresse ! (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 128).

 

b)

En partic. "Dame qui règne sur le coeur d'un homme, femme aimée (même si elle n'aime pas en retour)" : Dydo, roïne de Cartage, Ot si grant dueil et si grant rage Pour l'amour qu'elle ot a Enée Qui li avoit sa foy donnée Qu'a mouillier l'aroit et a femme ; Et li faus l'appelloit sa dame, Son cuer, s'amour, et sa deesse, Et sa souvereinne maistresse. Puis s'en ala par mer nagent En larrecin, lui et sa gent, Qu'onques puis Dydo ne le vit. (MACH., J. R. Nav., 1349, 209). Car se j'estoie duc ou conte, Si me doit il souffire voir Telle dame a amie avoir. Pour ce sera touzjours amée De moy et ma dame clamée Et ma maistresse. (Mir. Theod., 1357, 78). Amis, ne vous veuillez plus plaindre Et me dites vo maladie, Et, se je puis, elle iert garie. Vous m'appellés vostre maistresse Et vo souverainne deesse, Et rien ne me volés rouver ! Veuilliez savoir par esprouver L'amour qui en mon cuer demeure, Et vous verrés et sans demeure Que dessus toute creature Vous aim d'amour leal et pure. (MACH., Voir, 1364, 248). Et quant dame de sa noblesse Puet faire de don tel hautesse Et garir de toute tristesse, Sans ce qu'en riens en soit grevée, Cils est eüreus qui s'adresse A servir si bonne maistresse : Si doit estre comme deesse De li servie et aourée. (MACH., Les lays, 1377, 340). ...si n'est grief qui tant blesse Que d'eslongner sa dame et sa maistresse. (CHR. PIZ., Cent ball. amant dame C., c.1409-1410, 81). Tu m'as tolu ma dame et ma maistresse, Et as murtry mon cuer et ma lëesse Par un seul cop, dont ilz sont tous deux mors. (CHART., Compl., 1424, 321). Doulce maistresse, Se par vous je n'ay lyesse Aucunement, Mourir me fauldra briefvement En grant tristesse. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 141). A tant s'en va et laisse sa maistresse [Une nonne a refusé de recevoir le moine qui est épris d'elle] (C.N.N., c.1456-1467, 106). Ma leale et bonne maistresse, veez cy vostre humble et obeissant serviteur (C.N.N., c.1456-1467, 166). ...ce bon chevalier s'en apperceut, dont il ne se meut que bien a point, tant fort s'estoit donné a sa rebelle et rigoreuse maistresse. [Une femme est éprise d'un chevalier qui en aime une autre, sans être payé de retour] (C.N.N., c.1456-1467, 474). L'AMOUREUX. ...Y fault aler voir ma metresse, Car c'est mon plaisir et soulas. (Retraict T., c.1490, 207).

 

c)

P. métaph. [D'une chose abstr.]

 

-

Estre maistresse de/sur qqc. : Jamais n'avras vraie leësse, Fors peinne, misere et tristesse, Et en doubtance Seras dou perdre, qui trop blesse, Ou l'ardeur aras et l'aspresse D'avarice qui est maistresse De pestilence. (MACH., R. Fort., c.1341, 38). Et par semblable, la vertu qui prent garde et est maistresse sus toutes oeuvres humaines, elle est architectonique ; et c'est politique. (ORESME, E.A.C., c.1370, 345). Car fortune n'est sanz paresce Nulle fois, mais celle est maistresse De fortune: c'est diligence, Qui fait rebouter indigence Et maint autre cas fortunel. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 359). Par ce au jour d'uy Nostre Dame fust confermee royne et dame en soy mesmez et sur soy mesmez, c'est a dire que raison fut maitresse de son corps, et le corps telement y obeit que nulle rebellion y fut trouvee, né que au premier estat de innocence. (GERS., Annonc., a.1400, 231). Item, de fait et sans doubtance, Apparest par expérience Cotidienne et trez expresse, Qui des choses est la maistresse, La mer monter, courre et baler, En pluseurs lieux et s'en aler Encontre les cours des rivières Selon divers temps et manières (LA HAYE, P. peste, 1426, 8). O inhumains et dommaigeux, Qui nom portez de seigneurie, Vous prenez les pleurs d'homme a jeux, Mais pas n'est temps que seigneur rye, Quant on voit charité perie, Qui est des vertus la maistresse. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 54). Le premier que celluy qui joue à quelque jeu que ce soit doit bien avoir regart que la voulenté ou affection ne soit pas maistresse de la raison, car souvent il advient que grans maulx en sont advenus et peuvent advenir. (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 62).

 

-

Empl. abs. : Ore te prouveray comment ymagination est seigneur et maistre de toutes euvres bonnes ou mauvaises que l'en fet et de tout le corps et membres de l'omme. Tu sces bien que onques euvre bonne ou mauvaise, soit petite ou grande, ne se fist que premier ne fust ymaginee et pensee. Donc est elle maistresse, quar, selon ce que l'imagination commande, l'en fet l'euvre bonne ou mauvaise (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 53).

 

-

Regner comme maistresse : Si que la merencolioie Tous seuls en ma chambre et pensoie Comment par conseil de taverne Li mondes par tout se gouverne ; Comment justice et verité Sont mortes par l'iniquité D'avarice qui en maint regne Com dame souvereinne regne, Com maistresse, comme royne, - Qu'avarice engendre haïne, Et largesse donne et rent gloire, Vraiement, c'est parole voire, Qu'on le scet et voit clerement Par vray et juste experiment, - Comment nuls ne fait son devoir, Comment chascuns quiert decevoir Son proisme. (MACH., J. R. Nav., 1349, 139).

 

2.

[Une femme qui a des compétences, qui est experte dans certains domaines]

 

a)

[En médecine] : Je vous amain une maistresse Qui de ce mal vous gairira (Mir. emper. Romme, 1369, 293). Quant elle sot que ce fu le Chevalier del Papegau, sy se pena et travailla de luy aisier et de guerir ses playes, come celle qui estoit la meilleur maistresse que on sceust nulle part (Chev. papegau H., c.1400-1500, 51). Adont elle pensa moult qu'il estoit de faire du tronchon de la lance et nous pareillement qui estions presentes, jassoit ce qu'il y eut de bonnes maistresses. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 826).

 

b)

[En éducation, pour transmettre des savoirs scolaires et non scolaires] "Éducatrice, gouvernante, duègne" : Mais toudis, quant elle donnoit, Ses dons sagement ordonnoit Et savoit certeinnement quoy, Quant, comment, a qui et pour quoy. Tost le faisoit, et volentiers, S'en estoit ses dons plus entiers ; Car qui tost donne, deus fois donne. De ce m'estoit maistresse bonne Qui m'aprenoit a bonne escole Que n'eüsse largesse fole, Avarice, n'escharseté Que largesse het sans pité, Et seur tout qu'en moy fer ne fust Dou dart d'avarice ne fust, Qui tout autre bien fait perir Par tout ou il se puet ferir. (MACH., R. Fort., c.1341, 10). Car de tous biens estoies nus, Et elle te prist erraument Et t'alaita diligenment De son lait, c'est de ses richesses, De ses honneurs, de ses noblesses, Et te fu norrisse et maistresse, Favorable admenisteresse De la gloire, t'environna De tous les biens ou raison a, C'est des biens qui sont de son droit. (MACH., R. Fort., c.1341, 96). Se [l'homme] trop jone a [l'épouse], il ne fait que penser, Maistresse fault pour la duire et garder (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 248). L'EMPERIÉRE. Escuyer, et toy, vaz me dire La maistresse ma fille aussi Que sanz delay l'amaine cy. (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 70). LA FILLE. (...) Pour ce, sanz plus terme ne jour, Conseillier m'en vueil hui ce jour A ma maistresse. ANNE. Bien veignez vous, ma dame, qu'est-ce ? (Mir. fille roy, c.1379, 45). Si n'aura mie ceste dame cy, se bien veult faire son devoir, petite charge ne de pou de soing ne regart, car il convient qu'elle entende a deux choses principaulx : l'une qu'elle duise et maintiengne sa maistresse en sage gouvernement et bonnes meurs, et tellement que nulle voix ne parolles puissent sourdre contre son honneur (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 92). Et, avec le bon enseignement que sa maistresse lui bailloit, la fille estoit tant bien condicionnee et bien adrecee de toutes belles taches d'amer Dieu et l'Eglise, estre aulmoniere aux pouvres que c'estoit ung grant bien que de ouyr parler d'elle. (Cleriadus Z., c.1440-1444, 2). ...le prince veult, et son conseil, que le devantdit escolastre seroit institué, instituast ou instituassent quatre soubmaistres (...) pour enseigner enfans masles, et quattre soubmaistres ou maistresses pour les pucelettes apprendre depuis leur ABC jusqu'au commenchement du Donat (WAUQUELIN, Chron. ducs Brabant R., t.2, c.1447, 771). Sitost que la maistresse de l'escole fut widée, nostre mary, qui a l'huys n'actendoit aultre chose, entra ens. [Une mère et sa fille, le soir des noces] (C.N.N., c.1456-1467, 497).

 

-

En apostrophe : L'EMPERIÉRE. (...) Ralez vous ent, ralez, maistresse, Et ma fille aussi renmenez Et autrement l'endottrinez. (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 60). LA FILLE. Certes, bien doy estre a mesaise, Ma chiére maistresse et ma mére, Et en pleurs et tristeur amére Le cuer avoir. ANNE. Pour quoy, dame ? (Mir. fille roy, c.1379, 45).

 

.

[D'un être céleste] : Il est donques expedient et neccessaire que noz chevaliers et combatans, fondes en ceste sainte Passion, doient diligaument finir l'escole de la tresdoulce Vierge Marie, voire pour aprendre son mestier, car c'est elle qui est seule et souveraine maistresse, qui doulcement ensaigne ses devos en l'art et science sustouchies, et lez fait maistres en brief tamps de toute bonne science (MÉZIÈRES, Sustance H., 1396, 73).

 

.

[D'une chose abst.] : Et comme dist Quintilien ou premier livre : «Acoustumance est la tres certaine maistresse de parler». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 18). Et Chaton dist : «La vie d'autruy est la maistresse qui enseigne che que tu dois fuir». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 258). ...et si el avoit tenu son mary par avant meschant et de petit pouoir, elle le croit encore mieulx de present, car les plaisances presentes sont tourjours mieulx en souvenance que celles qui sont passees ; si le croit plus fermement que davant, car experience est la maistresse. (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 59).

 

c)

[Dans un art, dans une technique, un savoir-faire] (Estre) maistresse (et ouvriere) de + inf. "Être habile à, exceller à" : ...archeres, Qui de traire furent maistreces. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 141). Tant bien lui siet a la noble Princesse Chanter, dancer et tout esbatement, Qu'on la nomme de ce faire maistresse. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 25). ...elle estoit maistresse et ouvriere de faire bon brouet. (C.N.N., c.1456-1467, 368).

 

-

Maistresse-ouvriere. "Ouvrière qualifiée" : GRIMANCE. Et qui fargera ? MALEMBOUCHEE. Moy ! Ne suis je pas maistresse ouvriere ? (Pass. Auv., 1477, 178).

B. -

P. anal. Estre maistresse de qqc.

 

1.

"Maîtriser, dominer des mouvements physiologiques ou psychologiques" : Pour ce que la personne qui est subiecte a gloutonnie n'est pas maistresse de son cuer, ains le pert, et n'a force ne puissance (GERS., Gourm. II, G., 1402, 802). Si sembla bien femme honnorable, Quoie, atrempee et de grant sens Et maistresse de tous ses sens Celle dame (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 20-21). ...mais convendra que ce soit fait par si bonne maniere qu'ilz ne s'en donnent de garde, et que elle soit maistresse de sa bouche, car se aucun mot disoit d'eulx en derriere contraire a ses semblans qui fust raporté ce seroit peril [ce seroit peril]. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 64).

 

2.

"Préserver, protéger qqc. (son honneur)" : Et s'uns amans dit qu'il vit en tristece Et qu'il languist en paour de sa vie, Quant sa dame est de s'onneur si maistresse Que deshonneur et fole amour renie, Elle ne doit de son plour Avoir pité n'entroïr sa clamour, Pour ce que bien puet veoir et sentir, S'il cuide amer, ne fait il que haïr. (MACH., L. dames, 1377, 198).

II. -

Adj. fém. [D'une chose comparée à une autre] Maistresse/plus maistresse

A. -

"Principal" : ...la maistresse vayne du col (Doc. Poitou G., t.10, 1459, 156). Et pevent prendre de leur coustume tout le boiz que une couldre ara getiée, excepté la metresse couldre. ["Tige princpale, tronc du coudrier"] (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 335). Regardez par la maistresse veine Me frappa si tresgrand collee Que vne vache en fust affollee (Myst. st Martin K., a.1500, 327).

B. -

En partic.

 

1.

[D'une ville, d'une forteresse, d'un lieu] "Qui est la plus plus importante" : Crestienner fist en une ville Des mescrëans plus de sis mille. Li lieus avoit nom Medouagle. Et ne tien pas que ce soit fable, Qu'encor prist il quatre fortresses Qui dou païs furent maistresses : Xedeyctain et Gedemine, Gegusë, Aukahan ; et si ne Demoura la homme ne fame Qui ne perdist le corps et l'ame, Ne riens qui demourast en vie (MACH., C. ami, 1357, 107). Et les clefs des milleurs fortresses, Qui dou païs sont plus maistresses, Ont baillié au prince son frere, Par quoy la chose soit plus clere. Et s'en a la possession Paisible, sans rebellion, Et tient toute la signourie (MACH., P. Alex., p.1369, 223). Solinus dit que ce [Calcedone] est la maistresce cité de Bytinie (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 280). Mais ceulx de Crespy en Valois, qui estoit la maistresse ville de tout le pays, quant ilz sceurent la venue dudit conte de Saint-Pol, se submirent en l'obéissance du Roy (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.2, c.1425-1440, 213). C'est le voiage chacun an a La Mecha, qui estoit une mayson appliquee aux vituparables sacrifices de l'idole Venus, et a present est le grant pelernaingne [l. pelerinage] et la maistresse mahommerie des Sarrasins. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 122). Et pour ce dist Vallerius que Agatheoclès, roy de Sarragousse, il entend Sarragousse pour la maistresse cité du royaume, ainssy que on porroit dire roy de Paris pour le roy de France, Agatheoclès fust hardy en sa cautelle. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 47). Et telle dilligence fit le conte qu'il surprint le duc Baudouin dedans la ville où il estoit, qui estoit la maistresse ville du payz et se appelloit Cap. (BUEIL, II, 1461-1466, 145). Quartement que j'appelle plus grant chose que grant bien, il fist tuer le duc Louis d'Orleans, frere du Roy, en la maistresse cité du royaulme, c'est Paris, l'advoua en plain conseil, comme il est dit dessus, et se partit de Paris sans aultre destourbier. (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 200).

 

-

"Qui domine par sa valeur militaire et stratégique" : Parquoy, pour une forte et maistresse clef, qui beaucoup leur pouvoit porter grand profit ou grand mal, ilz mirent le siège devant Melun, ville dont assez est congnue la force et la situation (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 152). ...il [le duc de Blamont] estoit craint et douté durement des aucuns, et des autres amé et bienvoulu pour cause que puissant y estoit de places maistresses, tant dedens le pays comme sur les marches frontières. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 187).

 

2.

[D'une construction, d'un élément d'architecture]

 

a)

[D'un édifice religieux ou autre construction] : Touteffois il firent tel portement qu'ilz furent seigneurs de la maistresse tour du chastel et pallais, et puis fermerent les portes et furent tout seurement, mais n'y eut dangier fors qu'il ne pouvoyent avoir a mengier. (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 100). Le secont entremectz de celle table estoit ung chasteau à la façon de Lusignian, et sur ce chasteau, au plus hault de la maistresse tour, estoit Melusine en forme de serpente, et par deux des moindres tours de ce chasteau sailloit quant on vouloit eaue d'orange, qui tomboit ès fossez. (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 351). ...il fut mené en la grande et maistresse eglise de Napples au maistre autel. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 267).

 

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Empl. subst. : ...ils se transportèrent ès églises, et spécialement en la maistresse et cathédrale, appelée Saincte-Sophie (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.3, c.1437-1464, 19).

 

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[D'un élément d'architecture] "Qui tient une fonction principale"

 

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Empl. subst. : ...la maitresse arche du pont Nostre Dame (Comptes Paris M., t.2, 1458-1460, 203). ...à Saint-Augustin, qui estoit noble eglise et grande, laquelle, en ce mouvement [de terre], fu toutte tresbuchée et versée ; et furent les deux maistresses des voultes ouvertes, et tellement cheurent en bas que tout fut effondré, cassé et brisé, par telle foudre, que nulz ne oseroit ne saveroit penser. (ESCOUCHY, Chron. B., t.2, a.1465, 345). Ilz vont entrer en la chambre de Florippes, dont l'entraige estoit fait merveilleusement, scelon l'euvre sarrazine : dessus la maistresse porte, par beaux arcs, les cieulx, les estoilles, le souleil, la lune, le temps d'esté et d'iver, boys, montaignes, oyseaulx, bestes saulvages, poyssons y estoient peints de toutes especes par merveilleuse faczon (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 77).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

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