C.N.R.S.
 
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     MÉPRENDRE     
FEW IX prehendere
MESPRENDRE, verbe
[T-L : mesprendre ; GD : mesprendre ; AND : mesprendre ; DÉCT : mesprendre ; FEW IX, 348a : prehendere ; TLF : XI, 663a : méprendre(se)]

A. -

[Idée de faute]

 

1.

Empl. intrans.

 

a)

"Commettre une faute, mal agir" : Cil ne mesprent pas qui s'encline Au labour a quoi Dieu l'envoie, Mais mestier li est qu'il pourvoie Comment il vit puis et enseigne Et qu'a ses deffaulx garde preigne (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 115). Se je mesprens, Amours, pardon, pardon (FROISS., Rond. B., c.1365-1394, 97). "Monseigneur", dist Trimilien, "se j'ay mespris, si me le pardonnez, car tout ce que je ay fait on le me a fait faire." (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 56). Je tien ne mesprendrons de rien, Car Eufemian vault bien Que façons pour li tant et plus. (Mir. st Alexis, 1382, 288). Dit aussy, sur ce requis, que lesdites lettres closes du roy adreçans ausdiz mons. le duc de Berry et mons. l'evesque de Poitiers, il, par sa simplesse, non sens, et non cuidant offenser ou mesprendre, lessa à bailler et porter à iceulx mons. de Berry et mons. l'evesque pour les causes dessus dittes (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 523). Lors [Remondin] sault jus du cheval appertement, et l'encline perfaictement en disant : Tres chiere dame [Mélusine], pardonnez moy l'injure et la vilenie que j'ay fait envers vous, car certes j'ay trop mesprins, et je vous jure ma foy que je ne vous avoye veue ne ouye quant vous me traïstes par la main. Et sachiez que je pensoye moult fort a un mien affaire qui moult me touche au cuer, et je prye a Dieu qu'il m'en aide a yssir. (ARRAS, c.1392-1393, 25). Par foy, dist ung ancien chevalier, donques aurons nous bon traictié a lui [Geoffroy], car il n'est homme qui puist dire que nous ayons de riens mespris. Se Glaude, qui estoit nostre cousin, nous avoit requis d'avoir aide de nous, s'il en avoit besoing, et nous lui eussions en convenant de lui aidier, nous n'avons de riens meffait, ne Gieffroy ne autre ne puet pas dire que nous en meissions oncques bacinet sur teste (ARRAS, c.1392-1393, 209). Si mesprent qui enfens desvoye, Car, a grant peine, on les ravoye (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 52). Et ce fait, se le maistre des testamens respond qu'il se gardera de mesprendre, on lui fera, sur la peine dessusdicte, inhibicion qu'il ne procede oultre en ladicte cause. (FAUQ., II, 1421-1430, 265). Le filz naturel est batu de son pere au dedens de l'ostel quant il mesprent, mais l'omme de louage, pour son forfait, est sans ferir mis hors de tous poins (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 43). Dieux me gart de mesprendre (Cligès C.T., 1455, 78). ...il avoit fait prandre et lever les fruictz et revenues desdictes terres, et avoit esté tout ce qui en avoit esté prins, receu et levé par ses gens, converty et emploié en sa despense et autres affaires, pensant ne mesprendre en riens pour ce que icelles terres sont tenues de luy en foy et hommage (Aff. Jacques Coeur M., 1453-1457, 427). Et a ces parolles la royne toute pensive se departi, non cuidant que Madame ainsin mespreist ou voulsist mesprendre ne faire faulte (LA SALE, J.S., 1456, 262). Le regart de celle [la femme que j'aimais] m'a prins Qui m'a esté felonne et dure ; Sans ce qu'en riens j'aye mesprins, Veult et ordonne que j'endure La mort et que plus je ne dure. (VILLON, Lais R.H., c.1456-1457, 13). Et n'est doubte qu'il a grandement mesprins, delinqué et failli (JUV. URS., Exort., 1458, 413). Or vous gardés bien de mesprendre, Ou des princes serés punis ! (Pass. Auv., 1477, 177). Seigneurs, par tout Jherusalem On dit qu'estes fort desplaisans Et tristes, contre moy disans Que j'ay mespris et fait abus Au seveliment de Jhesus. (Pass. Auv., 1477, 267). Las, complere Je luy devoye [à Jésus] En son affaire, Quant je veoye - qu'il non avoit en riens mespris. (Pass. Auv., 1477, 276). SECOND BRIGANT. (...) Ne me pouoit on pas reprendre Et batre d'amont et d'aval Tantost qu'on me voyoit mesprendre Ou adonner a quelque mal ? (LA VIGNE, S.M., 1496, 321).

 

-

Mesprendre en qqc. : En ce ne cuit mesprenre point. (Mir. st Alexis, 1382, 305).

 

-

Mesprendre contre qqc. "Commettre une faute contre qqc." : LE PAPE. (...) Ce peut il faire sanz mesprendre Contre la foy ? (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 9). ...et pourroit on dire que ceulx qui l'ont seellee ont mesprins contre vostre magesté royale et l'auctorité de vos chanceillier, Grant conseil et de l'auctorité de vostre court de Parlement. (JUV. URS., Verba, 1452, 356).

 

-

Mesprendre de + inf. : Sertes, sire, moult mesprenons De vous souffrir faire tel choze Mais contre vous riens dire n'oze, Car mon seingneur ne doy desdire (Myst. Pass. N.S., fragm. Troyes R., c.1350-1370, 275).

 

-

Mesprendre par. "Commettre une faute en" : Pour c'y vueil aler sanz demour. J'ay plus chier la entour attendre Que par trop demourer mesprendre (Mir. Theod., 1357, 76).

 

-

Mesprendre à/contre/vers/envers qqn (ou une collectivité). "Commettre une faute envers qqn, agir mal envers qqn" : E ! belle, plaine de savoir, Vers vous ne vueil de riens mesprendre. (Mir. nonne, 1345, 318). ...je t'amain Ceulx contre qui plus mespreis, Quant le leur a force preis : C'est saint Lorens et sainte Agnès. (Mir. prev., 1352, 262). Godart, biaux amis, entendant Te fas qu'a t'ame trop mesprens De ce qu'amendement ne prens (Mir. parr., 1356, 11). Et se aucunes de leurs femmes mesprent enuers son mari, il les peuent mectre hors de leur hostel et desseurer de luy et prendre vne autre femme (MANDEVILLE, Voy. L., p.1360, 304). LE SERGENT DU MARQUIS. (...) Dame (...), Plaine de vertueux affaire, Pour Dieu, ne vous vueille desplaire De ce que faire il me convient, Car grant doleur au cuer me vient Quant il fault qu'envers vous mespregne : Il m'est commandé que je pregne Cest enfant pour en ordenner Comme l'a voulu commander Mon seigneur (Gris., 1395, 65). ...vers lui ne meprist Tant qu'il l'occisist (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 197). N'avoient vouloir de mesprendre Vers le pays, ni faire grief (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 31). Bellë, en gré tout prenez, Car envers Dieu mesprenez Se vous faictes le contraire (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 46). ...que mon seigneur Cligès ait mesprins envers toi (Cligès C.T., 1455, 161). Certes, mon amy Pierre, ce que vous dittes est bien raysonnable ; car c'est humaine chose que le filx se rende subject au pere et a la mere et qui se garde de leur mesprendre en toutes manieres (Belle Maguel. C., 1453, 27). Et vous, la gente Saulcissiere [dit la belle Heaumière], Qui de dancer estes adestre, Guillemete la Tappiciere, Ne mesprenez vers vostre maistre : Tost vous fauldra clore fenestre ; Quant deviendrez vielle, fleterye, Plus ne servirez q'un viel prestre Ne que monnoye c'on descrye. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 58).

 

-

Part. prés. en empl. subst. : ...deux personnes ydoines et convenables, lesquelx feront serment de ce fere bien et loyaument, et après ledit serment creuz des rappors qu'ilz feront au receveur de Paris ou au procureur du Roy en Chastellet contre les mesprennans oudit mestier, senz ce que pleintes se puist fere contre les rappors, se n'estoit que l'on voulsist contre eulx proposer hayne cappital, faulseté ou corrupcion desordenée. (Mét. corp. Paris L., t.1, 1397, 373).

 

-

Prov. : Se Dieu m'eust donné rencontrer Ung autre piteux Alixandre Qui m'eust fait en bon eur entrer, Et lors qui m'eust veu condescendre A mal, estre ars et mis en cendre Jugié me feusse de ma voys. Neccessité fait gens mesprendre Et fain saillir le loup du boys. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 33).

 

b)

Mesprendre à qqc. "Faillir à qqc." : LE PRESTRE. Bel amy, j'ay de toy pitié, Or vien ung peu plus près de moy Et tout premier confesse toy, Je te prie, des sept pechez Mortelz dont tu es empesché, Et puis après je te recorde Des oeuvres de misericorde, S'acomply les a nullement, Et quant aux dix commandement, Tu as mesprins, comme je croy, Et aux articles de la foy, Et se tu as communiqué Avec nul excommunié, Ainsi confesser tu te doys. (C. Riffl., c.1480-1520, 60).

 

-

Mesprendre à/de faire qqc. : Ou nom du vray Dieu precieux, Me conseilliez de cest affaire, Si que je ne mesprengne a faire Le Dieu plaisir. (Mir. parr., 1356, 8). Or y venés tous sans mesprendre, Sur poine d'une esmende grande Arbitraire sur tous Juïfz Qui foulement aront mespris A veoir mectre Jhesus en croix. (Pass. Auv., 1477, 180). Quoy que soit, on ne peut mesprendre D'aler garder le corps Jhesus, Fin qu'on n'y face nulz abus (Pass. Auv., 1477, 274).

 

c)

[Par affaiblissement] Sans mesprendre. "Sans faute" : Or y venés tous sans mesprendre (Pass. Auv., 1477, 180).

 

2.

Empl. trans. "Commettre qqc. (une faute)" : Vierge, or te requier, Et martire Dieu, sainte Angnès, Puis qu'il te tolt com felon nès Ton jardin, qu'a Dieu en demandes Avoir droit, si que tu li rendes Ce qu'il mesprent (Mir. prev., 1352, 241). ...[il] afferma par serement les fais contenus en icelles, et tout ce qui cy-dessus est escript, par lui avoir esté fait, commis et perpetré, non cuidant aucune chose mesprendre ou offencer contre la magesté royal (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 201). Ainsi par force potestal Pouoit Jhesus sans riens mesprendre Aux tenebres d'infer descendre Et hors oster tous ses amis (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 266). Traistresse de dueil assouvie, Qui les vifz en vivant desvie, Qu'ai ge meffaict ? Qu'ai ge mespris ? (LA VIGNE, S.M., 1496, 488).

 

-

Mesprendre qqc. envers/sur qqn. "Commettre qqc. (une faute) envers qqn" : ...car je lui pardonne tout ce qu'il a mesprins envers moy (Bérinus, I, c.1350-1370, 349). ...et nous ayent apporté les clefs de la dite ville et ycelles avec le mairie, leurs personnes singuleres et toute la Loy et eschevinaige de la dite ville, en recongnoissant nous contesse à leur droite dame, et, en signe de vraie obeissance, reparation et amende de tout ce qu'il pooient avoir mespris envers nous (Hist. dr. munic. E., t.1, 1379,,, 405). ...en cellui pays avoit foison de robeurs, mais le duc leur manda de fort en fort, que se ilz estoient si hardy de prendre rien sur lui ne sur ses gens, qu'il en feroit tele justice que les autres s'en chastieroient. En ce party passa toute la Leffe que mal soit cellui qui y feust si hardiz de mesprendre sur l'ost qui vaulzist une maille. (ARRAS, c.1392-1393, 174).

B. -

[Idée d'erreur, de méprise]

 

1.

Empl. intrans. "Commettre une erreur" : Un garçon vi qui sanz mesprendre En une sente m'adresça (Mir. femme roy Port., c.1342, 167). Et suppli humblement a tous ceulx qui l'orront lire [cette histoire] ou le liront, se je y mespren a leur gré en nulle maniere, qu'ilz le me veuillent pardonner, car certainement je l'ay fait au plus justement que j'ay peu, selon les croniques que je cuide estre vrayes. (ARRAS, c.1392-1393, 2). Sire chevalier, dist le roy, menassier povez vous assez, car autre chose n'emporterez vous de moy, car voz maistres ne voz menaces ne prise je pas un festu. Damp roy, dist le chevalier, je vous deffie de par les deux damoisiaux de Lusignen et tous leurs aidans. Bien, dist le roy, je me garderay de mesprendre et de perte. Par mon chief, dist le chevalier, il vous en est bien besoing. (ARRAS, c.1392-1393, 158). Hé dea ! se vous avez mesprins Une fois, ne suffist il mye ? (Path. D., c.1456-1469, 124).

 

-

Sans mesprendre. "Sans qu'il y ait d'erreur (à l'affirmer)" : Or me punist Fortune, sans mesprendre, Pour celle amer, ou n'avoit que reprendre (CHART., Compl., 1424, 324).

 

-

Empl. impers. Il mesprend à qqn en qqc. "Qqn en arrive à commettre des erreurs en qqc." : Et en verité celui qui est paoureus est plein de desesperance ; car il craint que il ne li mespreigne en toutes choses. (ORESME, E.A., c.1370, 209).

 

-

Mesprendre de tant : LE MARCHANT. (...) je n'y voy pas a gaaingnier Sur si grant pris. LE MARINIER. Et de combien ay je mespris A parler, qu'il vous soit advis ? (...) LE MARCHANT. Amis, en voulez vous en tache Douze livres ? C'est assez, voir. (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 259).

 

-

Mesprendre à + inf. "Commettre une erreur en" : Dolent et desplaisant seroye, S'a les compter je mesprenoye. (C. Riffl., c.1480-1520, 60).

 

-

Mesprendre de qqc. "Commettre une méprise au sujet de qqc." : Si vous prions, s'il se puet faire, que vous nous en dictes la verité, car a ce que nous povons percevoir de son estat et maintieng d'elle, il convient qu'elle soit yssue de moult noble lieu. Et la cause qui nous muet de le voulentiers savoir, c'est pour ce que nous ne mespresissiemes pas de lui faire l'onneur qui lui appertient a faire, et c'est la cause qui nous muet de le voulentiers savoir. (ARRAS, c.1392-1393, 43). ...de la proismeté dont vous me parlés, m'est avis, Monsigneur, salve soit vostre grace, que vous mesprendés, car je ne sçai nul si prochain dou duch de Bretagne, mon frere darrainnement mort, que moi (FROISS., Chron. D., p.1400, 485).

 

2.

Inf. subst. "Erreur, méprise" : GUILLEMETTE. Hé dea ! se vous avez mesprins Une fois, ne suffist il mye ? LE DRAPPIER. Savez vous qu'il est, belle amye ? M'aist Dieu, je ne sçay quel mesprendre ! (Path. D., c.1456-1469, 124).
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin

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