C.N.R.S.
 
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     HUMILIER     
FEW IV 511b humilis
HUMILIER, verbe
[T-L : umelïer ; GD : humelier/humeliant ; AND : humilier ; DÉCT : umelïant ; FEW IV, 511b : humilis]

A. -

Au propre "Mettre au niveau du sol, s'approcher du sol"

 

1.

Empl. pronom. "S'incliner, se baisser" : Or ça ! Rommain, entens a moy : Il fault que ton corps s'umilie, A celle fin que je te lye Bien estroit en ycelle estache. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 237).

 

-

[Dans un contexte métaph.] : La porte par qui on entre en vie beneureuse est petite, estroicte et penible, et se fault bessier, humilier et courber ses membres en mesaise, et en angoisse. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 26).

 

-

(Venir) s'humilier (contre/envers/vers qqn.). "S'incliner devant qqn en signe de déférence" : Et lors entra le roy ou Cruq et vint au chastel et la descendy, lui et la compaingnie. Lors monterent en la sale. Et Florie, qui moult desiroit leur venue, leur vint a l'encontre et se humilia moult contre son pere. Et le roy lui dist : Ma fille, faictes feste a ces nobles gens, et les bienviengniez, et especiaument au frere du mary de ma niepce de Chippre, vostre cousin. Et quant la pucelle l'ouy, si en fu moult liee. (ARRAS, c.1392-1393, 126). Si respondi en li humeliant : "Tres chiers sires, je ferai a mon pooir loiaument tout ce que vous me conmanderés...." (FROISS., Chron. D., p.1400, 599). ...et, environ V heures après midy, [le duc de Bourgoingne] entra dedens la barriere, où ledit Dauphin et ses gens estoient retrais, et, en entrant, se humilia moult envers ledit Dauphin et lui fist la reverence qu'il appartenoit. (FAUQ., I, 1417-1420, 317). Et le bon comte, qui se humilia jusques en terre, dist... (Percef. III, R., t.3, c.1450 [c.1340], 188). Et quant Troÿlus vey la dame de sy bel acoeil, il se humilia vers elle. (Percef. III, R., t.3, c.1450 [c.1340], 229). BAUDRICOURT [à Jeanne d'Arc]. Desplaisant suis pour le voir dire, Dont vous ay esté estrangier ; Vers vous me viens humilier. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 354).

 

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[D'un animal] : Le lyon vint s'umelyer Droit au Chevalier au Lyon (Dame Lycorne G., c.1349-1350, 301). ...du lyon qui se humilie envers vous m'esmerveille ung pou, sy vous requiers par la foy que vous devez a chevalerie que vous me dictes qui filz vous estes. (Percef. II, R., t.2, c.1450 [c.1340], 80).

 

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[Devant les faux dieux, en signe d'adoration, de soumission] : L'EMPEREUR. Adrien, chevalier chetif, Revien toy et sy t'umilie Vers nos dieux, et celle folie Que tu tien laisse aval corir (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 127). [Sy] sont faulx qui les sacrifient, [Et] qui envers eulx [les faux dieux] se humilient. (Mart. st Pierre st Paul, fragm. Anholt R., c.1480-1500, 204).

 

-

Au fig. [D'une chose abstr.] "Baisser, diminuer" : Fay nous tous deux ensemble convenir ! Tantost l'ardeur de nous se humiliera, Et nous verras en santé revenir ; Tollerable lors nostre ardeur sera. (SAINT-GELAIS, Eurial. Lucr. R., c.1490, 107).

 

-

Part. passé en empl. adj. [D'une chose abstr.] "Penché, incliné" : ...nous vous avons tant et si loyalment servy que nostre arme est humiliee jusques a la pouldre, et nostre ventre est conglutiné jusques a la terre (JUV. URS., Loquar, 1440, 320).

 

2.

Empl. trans.

 

a)

Humilier qqn. "Saluer qqn avec déférence" : Ansinc fu con li rois le dist ; La beste nul samblant ne fist : Touz les ancline et humelie, Car fors a touz bien ne vost mie. (Renart contref. R.L., t.2, 1328-1342, 238).

 

-

Empl. factitif Humilier qqn vers qqn. "Faire incliner qqn devant qqn en signe de déférence" : LE PERE [à son fils]. (...) Cecy te dis comme a mon famillier : Vers l'empereur te veulx humilïer Qui tost apprés te fera chevalier Comme je suis. (LA VIGNE, S.M., 1496, 164).

 

b)

Humilier qqc. "Rendre une chose plate et unie" : ...et oultre plus la mere de Dieu du dit plonc bien fondu, humilié et applati, fait couvrir les esglises de la foy catholique. (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 325).

 

-

Humilier un édifice. "Abattre, raser (un édifice)" : A .IIcXX. et .VIII. advint, De ce milliare et ces ans, La reprint Hellius Adrians Et la cité redifia L'année qu'il l'umilia. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 364).

 

-

Humilier un végétal. "Abattre, couper (un végétal)" : [C'est le chêne d'une fable qui parle] Et, pour ce, pour le plus sceur, il me vault mieux les humilier [les ptits arbres] et copper avant qu'ilz soient plus grans et plus haulz affin qu'ilz ne m'empeschent ma gloire ne honneur. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 140).

B. -

Au fig. [Idée d'abaissement de la personne]

 

1.

Empl. intrans. ou pronom.

 

a)

"Se montrer plein de respect, de déférence, d'humilité (devant qqn)" : Mais l'aide de Dieu et la vostre m'en a gectee [des mains des Sarrasins], dont je vous mercie, quant vous avez daigné prendre pour moillier si mendite pucelle que je suis. Et quant Regnault oït qu'elle se humilie ainsi, si lui respont. Par ma foy, ma doulce amour, vous avez trop plus fait pour moy que je n'ay pour vous, quant vous me avez fait le don de vostre noble corps et herite de vostre noble royaume, et avecques moy n'avez rien prins que mon corps. (ARRAS, c.1392-1393, 192). ...la li dist li rois : "Biaus fils, Dieus vous doinst bonne perseverance ! Vous estes mon hiretier, car vous vos estes wi vaillanment portés et acquités." Li princes, a ceste parole, s'enclina tout bas, et se humelia en honnourant le roi son pere, ce fu raison. (FROISS., Chron. D., p.1400, 736). Je viens devers vous, chiere dame [Marie], Humilïant de corps et d'ame, Requerre mercy de l'offense Que j'ay fait a vostre ignocence (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 61). Escript l'ay [mon testament] l'an soixante et ung, Lors que le roy [Louis XI] me delivra De la dure prison de Mehun Et que vie me recouvra, Dont suis, tant que mon cueur vivra, Tenu vers luy m'usmilier, Ce que feray jusqu'il moura : Bienfait ne se doit oublier. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 28).

 

-

Part. passé en empl. adj. [D'une chose abstr.] "Respectueux, très humble" : Si presente mon petit livre audit treshault et tresredouté duc de Bourgoingne, non presumant mon inelloquence, mais presentant mon humilié service indigne. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 125).

 

b)

"Rabaisser son orgueil" : D'un rude couart mal apris Fais un sage et venir a pris, Et si le fais cointe et appert - Chascuns le voit tout en apert. Et le sage fais foloier Et le plus riche humelier (MACH., F. am., c.1361, 208). C'est cilz qui trop doucement Scet un cuer et soutieument Penre et liier Et contraindre telement Qu'il le fait tres humblement Humilier. (MACH., Ch. bal., 1377, 628). ...et lors nous entendrons bien comment saint Pol sans faintise se humilioit d'une part et sans vanité se louoit d'autre part. (GERS., P. Paul, a.1394, 506). Venez doncques toutes a l'escole de Sapience, dames eslevees es haulx estaz, et n'aiez honte pour voz grandeurs de vous humilier et descendre a seoir bas pour ouïr noz lecçons (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 10). SAINCT MARTIN. (...) dont par raison je dis Qu'elle debvroit, plus fort entre ung millier, De plus en plus tousjours s'umillïer Si encourir ne vouloit arrogance, Tresgrant orgueil et folle oultrecuydance, Ainsi que fit jadis Lucïabel (LA VIGNE, S.M., 1496, 340).

 

-

Inf. subst.

 

.

"Fait de s'abaisser" : ...ains ton humilier t'eust esté exaltation, ton tort recongnoistre victoire mesmes en ta querelle, et ton requerir paix a qui estoit ton tout leal humble t'eust procuré tiltre certes plus glorieux que d'empire. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 305).

 

-

[Point de vue religieux] "Prendre conscience de la faiblesse et de l'insuffisance de la créature humaine et se soumettre à Dieu" : On pourroit aussi dire que quant ly hons entend et considere bien sa nature et son estre, il se treuve estre fraille, miserable et mortel, come il a esté dit, et ceste congnoissance le fait humilier et entendre a vertu et a bonne oeuvre, qui est le droit chemin pour avenir au ciel et a Dieu. (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 298). Doncques a bonne cause nous nous devons humilier, et de nous non sentir oncques aucune chose de grant, puisque nous sommes tant frailes et instables. (Internele consol. P., 1447, 337). Certes lame [l. l'ame] raisonnable ne peult auoir plus conuenable moyen a soy humilier que par se congnoistre en verite [l. verité] et sans fiction, dissimulacion ou excusacion. (CIB., p.1451, 197). Or ie te pry considere se tu ne te dois pas humilier en ceste vraie congnoissance de toy quant tu vois clerement ton ame chargee de pechiez, aggrauee de la pesanteur de ce corps mortel, intriquee et enlassee de cures et sollicitudes terriennes, infecte et corrompue de desirs charnelz (CIB., p.1451, 198). Et n'y a personne, quelque qu'elle soit, que tant ait fait grant peschié et delit que se elle se humilie et congnoisse son peschié en cryant mercy et requerant pardon, que il ne luy ottroye (JUV. URS., Exort., 1458, 416).

 

-

[Prov.] Humilié est qui s'exhausse et exhaussé qui s'humilie : Humiliez est qui s'essausse, Et qui s'umilie essaussiez. (MACH., R. Fort., c.1341, 9). C'est dit pardurable que qui se humilie, il sera essaucié et au contraire cil qui s'essaucera sera humilié et forment abaissié. (FOUL., Policrat., IV, 1372, 69). Venez donques toutes a l'escole de Sapience, dames eslevees es haulx estaz, et n'aiez honte pour voz grandeurs de vous humilier et descendre a seoir bas pour ouïr noz lecçons, car selon la parolle de Dieu, qui se humiliera sera exauciéz. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 10). ...Il [le moine] doit estre souffrant, humble, scient, Discipliné du maistre et corrigiet ; Qui se humilie enfin est exauchiet. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 603).

 

-

[Sentence proche] Si tu veux estre exhaussé au ciel humilie toi au monde : Se tu veulz estre exaulciés ou ciel, humilie toy au monde. (Internele consol. P., 1447, 249).

 

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[Parole évangélique] : Du second dist Nostre Seigneur ou .XVIIIe. chapitre des Euvangiles saint Mahieu : «Quiconques se humiliera comme che petit enfant, che sera ou roiaume de Paradis le plus grant». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 173).

 

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Qui s'humilie Dieu l'honore : Qui s'umilie Dieu l'onnoure (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 97).

 

-

[De Dieu] "S'abaisser (jusqu'à devenir homme)" : Respon maintenant, païen, ceste demande : qui est plus possible, ou que Dieu tant puissant se humilie a estre homme, ou que homme impotent se exalte a estre Dieu ? (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 116). ...pour quoy premierement monstrer tu dois la solidité raisonnable, c'est assavoir que tu pourvoyes que par neccessité pour pecié se voult Dieu humilier a prendre corps humain. (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 169). Et pourtant, quant nous disons Dieu soy humilier en nature humainne ou pouoir souffrir et cetera, nous ne entendons pas de sa sublimité de divine nature impassible, mais selon le enfermeté de nature humainne qu'il portoit (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 173). Considere comme il se humilia Quant il voulut se faire a toy semblable, Puis avec toy me mist et m'y lia Et ton ame des enfers deslya Qui luy cousta ung prix inestimable. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 25).

 

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S'humilier sous soi : Qui te meult a fayre a Dieu tant de injure comme de voulloir destruire par desesperance son oeuvre qu'il a fait pour esperer en lui ? Il s'est humilié soubz soy pour t'eslever sur toy. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 97).

 

c)

"Se soumettre"

 

-

[Devant Dieu] : Car sachiez Dieu ne despit mie Cuer contrit quant il s'umelie, Ains l'a moult chier. (Mir. mère pape, c.1355, 356). Car, en ce cas et en semblables, le premier reffuge est retourner à Dieu et penser si en riens on l'a offensé et se humilier devant luy et congnoistre ses mesfaictz, car c'est luy qui determine de telz procès sans ce qu'on luy puisse proposer nulle erreur. (COMM., II, 1489-1491, 129).

 

-

"Se soumettre, se rendre à un vainqueur" : Par ceste façon fu le roy Pricus mort, et sa cité prinse d'Herculès. Aprés la tuison, quant les Calidoniens se furent humiliés, Herculès et Theseus s'n alèrent au palais (LEFÈVRE (R.), Hist. Troyes A., c.1464, 423).

 

.

[Avec une nuance de déshonneur] : ...si comme par aventure, se un grant seigneur estoit pris et il se humilioit devant son adversaire pour paour de mort. (ORESME, E.A.C., c.1370, 177).

 

-

Part. passé en empl. adj. Coeur humilié. "Coeur qui se soumet à Dieu" : En la chappelle sanz attente De la vierge (...) M'en vois de cuer humelié Agenoiller, car folié Ay assez (Mir. parr., 1356, 30). ...dit le prophete que Dieu ne mesprisera point cuer contrit et humilié. (GERS., Déf., 1400, 225). Et veult dire oultre, comme Nostre-Seigneur soit tout bon et tout poissant et ne desprise le cuer humilié du vray repentant et depriant, soit toute nostre fiance en lui, car sa misericorde, qui ne puet faillir, durera par tous siecles. (CHR. PIZ., P.V.H., 1416-1418, 28). Et qui est chose qui tant empesche a avoir cuer humilié et devot, contrit et humble en oroison, comme est Plaisir mondain ? (GERS., Déf., 1400, 225). SATHAN. Pour en avoir deux ou troys millions, Ains que soit nuyt nous nous humylions Au grant conseil que present nous envoye ; Et pour monstrer noz grans rebellions, Comme affamez et enraigez lyons, Sans plus de plait nous nous mectons en voye. (LA VIGNE, S.M., 1496, 139).

 

d)

[D'une personne importante qui malgré ses prérogatives sait faire taire son orgueil (pour parvenir à un arrangement, pour éviter un conflit...)] : ...Soiez d'umilité en vostre cuer manbrans, Car plus est dame haute et com plus est poissans Plus doit ses cuers a tous humelïans (Brun de la Mont. M., c.1350-1400, 37). Trop à envis et à dur y descendi le roy de France tant avoit il pris la cose en grant despit. Toutes fois, à le priière dou conte de Haynau, son serourge, li rois s'umelia et donna et acorda triewes au duch de Braibant, parmi tant que li dus se mist dou tout en l'ordenance dou propre roy de France. (FROISS., Chron. L., I, c.1375-1400, 102). Li dus s'umelioit et escusoit ce qu'il pooit, car bien veoit et sentoit que il avoit en aucunes manières tort. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 42). [Le roi de France s'arrête chez le duc de Bourgogne] Sy luy a fait [le duc], et comme raison veut, toute honneur et service, toute humble et joyeuse administration, comme qui plus grand ne pouvoit recevoir, ce savoit bien, ne personne à qui il fust plus tenu. Et partant, d'autant que ledit roy alors s'est plus humilié endevers son serviteur humble par luy monstrer cet honneur, d'autant a esté tenu mon très-redoubté seigneur de luy monstrer amiable, tout joyeux et humble service (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 49). "...Dont vous prie et supplie que pitié puist entrer en vostre cuer et que de moy ayez mercy." - "Jason," dist la dame, "il n'est cuer de dame si dur qui par vos requestes ne fust humilié. Vous m'avez lealment et bien servy, je le confesse. Vous me requerez que je soye vostre dame: plus grant chose ne me pouez demander..." (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 163).

 

-

Prov. Qui plus vaut plus s'humilie : Jo sai qu'elle s'enclinera Tant que par amor t'amera, Ensi com jo t'ai devisé ; Car ele a sovent reguardé Ço qu'ele m'a dit mainte fie, Que qui plus vaut plus s'umelie. (Songe vert C., c.1348, 527).

 

-

Inf. subst. "Fait pour une personne importante de se montrer bienveillante, attentive avec qqn d'inférieur" : "Ma dame," respondy Jason, "je suis un povre chevalier aux monstres envoyé, vous me faittes plus d'honneur que jamais ne vous pourray desservir. Neantmoins, quant vostre piteable humilier se voeut encliner vers ma povreté, je vous jure par tous les noms des dieux que, se aulcune chose me descellés, tant comme je vive il ne partira de ma bouche." (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 197).

 

-

[De la femme aimée] S'humilier (à/devers qqn). "Se montrer bienveillant, doux, docile avec qqn, abandonner de son indépendance pour qqn" : Et celle parçoit sa bonté, Se s'atrait a humilité Et dou tout a lui s'umelie. Einsi Amours leurs cuers alie, Tant qu'il ont par ceste aliance Li uns a l'autre grant fiance. (MACH., D. Aler., a.1349, 327). Or supposons qu'Amours me vueille aidier Et que pité se vueille amollier Et le franc cuer de ma dame changier : Comment sera ce ? Il n'affiert pas qu'a moy doie envoier Ne qu'envers moy se doie humilier, Einsois li doy humblement supplier D'avoir sa grace. (MACH., F. am., c.1361, 161). Et quant vous plaist de tant humilier Que la douçour de vo parler reçoy, Vous me tenez en si amoureus ploy Qu'autre après vous jamais avoir ne quier. (DESCH., Art dictier R., 1392, 283).

 

-

S'humilier de + inf. "Consentir avec humilité de" : Le chevalier luy respondit : "M'amye treschere, puisque vostre bonté se veult tant humilier que de moy offrir ce que je n'oseroie requerir sans tresgrand vergoigne, je vous remercie." (C.N.N., c.1456-1467, 546).

 

2.

Empl. trans. Humilier qqn./une institution.

 

a)

"Abaisser qqn, faire perdre son statut social à qqn" : Tant avoit richesse et puissance, Terres, fiez, honneur et avoir Que trop estoit de tant avoir. Pour ce li pueple l'aouroient Et toutes langues le doubtoient ; Tous ceus qu'il voloit eslever, Nuls homs ne leur pooit grever ; Ceaus qu'il voloit humelier, Il les metoit au pain prier, Et ceaus qu'il haoit jusqu'a mort, Il estoient en l'eure mort. (MACH., C. ami, 1357, 29). Car le venin et l'infection de civille discorde fut ordonné de Dieu pour reprimer l'orgueil dez haultesses mondaines, et affin que ceulx qui surmontoient lez autres si esleveement que nul autre mondain ne les peult humilier, fussent par eulx mesme reprimés en humilité soubz Dieu, et ramenés a congnoissance de leur fraelle puissance. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 80).

 

-

Part. passé en empl. subst. : ...ne te souvient il a ce propos que il est escript ou livre de Ecclesiaste, au .X. chapitre, si que tu as ouÿ dire a ton beau pere, que Dieux a destruit les sieges des ducs orgueilleux, et a fait seoir les debonnaires pour eulx, et sechié les racines des arogans et a planté les humiliéz en leur lieu : qui n'est autre chose a entendre ne mais qu'il confont les orgueilleux et exauce les humiliéz. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 19). Encore te puis je dyre pour une persuasion recevable que lez humiliez par perverse fortune ont souveraine occasion d'esperance, pour ce que entre les extremez perilz se nourrist et efforce la haultaine vertu, et souvent desespoir de salut a forcé nature et fortune a sauver les perissans. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 139). Pensons que le povoir de Dieu infini peult donner fin es fraelles puissances dez terriens orgueilleux, et ressoudre la foeblesse dez humiliez. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 146).

 

b)

Impugner/vaincre et humilier un adversaire "Attaquer/vaincre et soumettre un adversaire" : ...et par l'aide d'iceulx, de tout en tout, avoit entencion de impugner et humilier ledit duc de Bourgongne, ses favorables et compaignons. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.2, c.1425-1440, 460). Et ne furent point François tant seullement affectéz a la royne [d'Angleterre] ne a son parti pour la remettre en sa couronne perdue, mes partie aussi, et principalement, sur espoir de vaincre et humilier l'autre partie adverse, a qui on donnoit grace d'estre bourguignonne (CHASTELL., Chron. IV D., c.1461-1472, 277). Quelle chose povoye tu plus a mon tres grant deshonneur et vitupere perpetrer, que par l'ung de mes desloyaulx subjectz me faire agresser et assaillir en champ de bataillez, estre finablement humilié et vaincu soubz sa main forte ? (ANTITUS, Poés. P., c.1500, 66).

 

c)

[Point de vue chrétien] "Faire prendre conscience à qqn/à une institution de sa place, de sa faiblesse face à Dieu" : Dame, ce pecheur que remors De conscience tient et lie Et devant t'ymage humelie, Si te plaist, en pitié regarde (Mir. pape, 1346, 376). "...Lors venront en place," dist la royne, "par la grace singuliere de mon Pere [c'est-à-dire Dieu], les beaux temps qui sont appellez dorez, quant les roys et princes seront reformez et l'eglise par soy mesmes sera humiliee, devote a mon Pere, et a Dieu dediee..." (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 296). Secondement c'est pour nous humilier, pour humilier la fole presumpcion, le fol orgueil que prent personne humaine en ce monde, non contrestant qu'elle saiche bien, et doye scavoir, que tantost elle sera boutee en terre, et sa charoingne rongee de vers, et que en ceste langoreuse vie elle recoit peine, doleur, honte, afflictions, maladies et maleuretés sans nombre. (GERS., Noël, p.1404, 294). Se toutes tes miseres ne souffisent a toy humilier, regarde, je te prie, l'umilité de ton roy, de ton Dieu et ton Seigneur (GERS., Noël, p.1404, 295). Grant vtilite aussy est a soy congnoistre car telle science ne enfle point ains humilie la personne, et est aussy comme une preparacion a edificacion spirituelle (CIB., p.1451, 197).

 

-

"Abaisser (les orgueilleux)" : ...mais confie toy plus en la grace de Dieu qui aide les humbles et humilie ceulx qui se presument. (Internele consol. P., 1447, 286).

 

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Empl. abs. "Abaisser l'orgueil (de quelqu'un)" : La tierche est humiliation a reprimer ou debouter l'enffleure du cuer, car plus humilie discipline recheue par aultrui que par soy meismes. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 203).

 

-

Humilier son cuer vers Dieu : Balthasar, tu qui es ses fils, N'as pas ton cuer, j'en sui tous fis, Encliné et humilié Humblement ne amolié Vers le souverein roy celestre Qui est dou ciel seigneur et mestre De l'air, de la mer, de la terre, Et de quanque la nue enserre (MACH., C. ami, 1357, 30). Qu'adès croistera l'ardour Qui sejour Fait en moy sans departie, Se ma dame de valour Que j'aour Vers moy son cuer n'humelie, Tant que s'amour qui me lie Soit onnie à tous fors à moy qui plour Pour doubte que ne m'oublie. (MACH., Ch. bal., 1377, 608).

 

-

Humilier son intelligence. "Faire taire son orgueil pour entendre la vérité de Dieu" : Ilz [les Juifs] ont descongnu le Sauveur, et si dient qu'ilz attendent Messias. Ilz esperent ce qui ja est advenu, et mescroient ce qui leur advendra. Pour quoy le desirent ilz quant ilz l'ont refusé, ne comment attendent ilz la venue de celui qu'ilz ont mesprisé venu ? Leur esperance est evacuee, et leur creance vaine, pour ce qu'ilz n'ont voulu humilier leur sens en vray entendement dez Escriptures. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 106).

 

-

[Sentence] Humilié est qui s'exhausse et exhaussé qui s'humilie : Humiliez est qui s'essausse, Et qui s'umilie essaussiez. (MACH., R. Fort., c.1341, 9). C'est dit pardurable que qui se humilie, il sera essaucié et au contraire cil qui s'essaucera sera humilié et forment abaissié. (FOUL., Policrat., IV, 1372, 69).

 

-

[En amour] Humilier son coeur vers qqn. "Rendre son coeur plus accessible, plus attentif, plus bienveillant" : Qu'adès croistera l'ardour Qui sejour Fait en moy sans departie, Se ma dame de valour Que j'aour Vers moy son cuer n'humelie, Tant que s'amour qui me lie Soit onnie à tous fors à moy qui plour Pour doubte que ne m'oublie. (MACH., Ch. bal., 1377, 608).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Pierre Cromer

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