C.N.R.S.
 
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     GUERMENTER     
FEW V lamentare
GUERMENTER, verbe
[T-L : gaimenter (guermenter) ; GD : gramenter ; DEAF, G283 garmenter ; FEW V, 139a : lamentare]

[Guermenter et variantes graphiques : croisement du lat. lamentare et des représentants galloromans de l'a. bas francique. gram "affligé" (cf. FEW XVI, 50b ; DEAF G 283).]

I. -

Empl. intrans. ou pronom.

A. -

"Se lamenter" : Il m'est advis que je l'oye parler et garmenter : "Diex ! Qu'est cecy ? Charles, Charles, qu'est devenu l'onneur et la majesté de ce royaulme ?..." (COURTECUISSE, Serm., 1397-1418, In : A. Coville, Bibl. Éc. Chartes 65, 1904, 507). Las, quan je voy mon filz morir, Qui estoit ma joye et mon delit, Grant mervoilles n'est il pais, Beaulx filz, se je plore et gramantois. (Pass. Autun Biard F., 1470-1471, 118). Qui vous fait ainsi garmenter ? (Narcissus, p.1426, 296). Ainsi seulete me convient guesmenter, Plourer, gemyr, souspirer, lamenter, Faisant de dueil ung trespiteux obstacle (LA VIGNE, Ress. chrest. B., 1494, 111).

 

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Guermenter de qqc. : Et quant il ot fait celle nuit sa dicte procession, il se mist a genoulz devant l'ymage du crucifix et en grant douleur de cuer se mist a guermenter et a complaindre de ce que son cuer n'estoit pas si fervent ne si ardant ne si devot a la benoite passion de Jhesucrist comme il deust. (Horloge de sapience S., c.1389, 59). Quant de ce m'oy guermenter La dame qui me convoioit Et ma devocion veoit, Si s'est de celle part tournee, Et en tous les lieux m'a menee Ou Jhesus fu et mors et vifs. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 54). Si se prist moult a guermenter d'estre tiré hors de la et de porter armes (Bouciquaut L., 1406-1409, 22). ...Leq[uel] [Luciffer], d'un grant grappin de fer, Crue[llem]ent si me tourmente Quant il se prent a m'agriffer, Dont nuyt et jour pleure et guesmente. (LA VIGNE, S.M., 1496, 429).

 

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Guermenter de + inf. "Exprimer par des plaintes le désir de" : Si se prist moult a guermenter d'estre tiré hors de la et de porter armes (Bouciquaut L., 1406-1409, 22).

 

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Inf. subst. "Lamentation" : Seur ce propos ci m'acorday Et par raison m'en recorday, Qui avec Amours me moustroit Les causes et amenistroit, Pour mes souffrances abaissier, Comment je devoie laissier Le gemir et le guermenter. (MACH., D. Aler., a.1349, 293). Pour Dieu, laissiez vostre garmenter et le complaindre, car ce ne vous puet riens valoir, et si savez bien que tout ce advendra qui avenir nous doit (Bérinus, II, c.1350-1370, 96). Mais nul ne sçaroit raconter Le dueil et piteux guermenter Que fist Achillés, quant le sçot (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 77). Quant Troyens voient Hector mort, La tres grant douleur, qui les mort, Il n'est nul qui le peust compter, Leur plains, leur piteux guermenter, Leur cris, leur tres poignant doulour, Autre n'est pareille a la lour. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 107).

 

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Empl. pronom. : Monlt se dolouse et se gramente, Et souvent s'apelle dolente (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 182). Se pensay pluseurs autres voies Non samblables, et toutes voies Seur une voie m'arrestay, Car je vi, si m'en guermentay, Que lors ne le porroie prendre Et qu'il me couvenoit atendre Une autre fois, mieus pourveüs, Mieus avisés et mieus meüs Et dou prendre un po plus soutils Et garnis de soutis outis Pour haut lever ou pour estendre, Pour a ce gent esprivier tendre. (MACH., D. Aler., a.1349, 260). Et cil qui ou nombre se mettent Des amans, tant qu'il s'entremettent De prier, et moult se guermentent, Et se voit bien Amours qu'il mentent, Car Amours les voit par dedens Et les desment par mi les dens (MACH., D. Aler., a.1349, 337). Tu te souloies germenter, Et tu fais joye souveraine ! (Myst. Pass. N.S. R., c.1350-1370, 264). La fut ce grant pitié de veoir le semblant De Maugiz et des deux qui se vont garmentant ! (Renaut Mont. B.L. V., c.1350-1400, 69). Ne vous estuet guermenter, Tresdoulz amis, ne doubter N'estre en esmai, Quar vos dolours muerai Par bien amer Et par doucement parler Quant vous verrai. (MACH., Voir, 1364, 142). Si comme je me complaignoie [et] en griefve douleur de cuer me garmentoie, lors mon chier filz oublia sa propre douleur et come s'il eust eu plus au cuer mon tourment que le sien, il me commença a consoler et conforter comme sa mere en disant : "Mere, je meurs et m'en vois. Je pren congié de toy et te recommande a Jehan mon frere, mon cousin et mon amy..." (Horloge de sapience S., c.1389, 113). Tous les moines furent ars, et bien la moitié de l'abbaye, avant que Gieffroy se partist de la. Lors vient a son cheval et monte, et, quant il vint aux champs, si se retourne vers l'abbaie, et voit le meschief et le dommage qu'il avoit fait. Lors se plaint et se guermente et se nomme faulx et mauvais, et se dit tant de laidure qu'il n'est homs qui le peust penser s'il ne le veoit ou ouoit. (ARRAS, c.1392-1393, 252). ...si me guermentoye Pour quoy d'elle si estrangié estoie Et pour quel cas Elle m'avoit ainsi flati a cas (CHR. PIZ., Dit Poissy R., 1400, 214). Et ainsi Hester se guermente Devant le roy (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 270). Pleurent crient et se guermentent Et de la guerre se repentent. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 321). Le roy Minos aussi se garmentoit pour ce que sa femme Pasiphe et Adriana et Fedra ses deux filles s'enfuirent hors de son royaume (PREMIERFAIT, Cas nobles hommes G., 1409, 128). Las ! Lëonet, tes pasturages Pleurent ta mort et tes dommages. Ta houle se plaint et lamente, Et ton jupel fort se gramente (Pastor. B., c.1422-1425, 257). Ta parolle est a present confermee par l'oeuvre, car la moleste et oppression du clergé de France, dont tu, Entendement, te guermentes, et la persecution des prestres de Behaigne occis ou dechassés nous en font certains. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 58). Certes, je vois la, ce me semble, Ung messaigier qui se lamante Et tresmalement se garmante. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 21). Son abbe le ala visiter et le trouua qu'il se gourmentoit tresfort et qu'il s'espantoit forment pour les grans pechiez qu'il auoit commis (MIÉLOT, Mir. N.D. W., 1456, 36). Et quant Olivier fut la assis, par grant angoisse de cuer se va guermenter et dire : «O pouvre maleureux, soubmis a fauce fortune !» (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 73). Et quant elle cesse ung bien petit de plourer, elle demanda Brutamont et luy dist : «Queulx sont ceulx que j'ay ouÿ parler en la prison qui si fort se guermentent ?» (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 74). Ainsi se guermenta la royne a par elle de ses amours (Saladin C., c.1465-1468, 149).

 

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Se guermenter de qqn/qqc. : Ainsi mon cuer se guermentoit De la grant douleur qu'il sentoit En ce plaisant lieu solitaire, Ou un doulz ventelet ventoit, Si sery que on ne le sentoit Fors que l'erbete mieulz en flaire. (CHART., L. Dames, 1416, 202). Non seulement aucuns si se garmentent De la mort d'elle, ains trestous s'en tourmentent (HAUTEV., Compl. B., c.1441-1447, 24). De povreté me grementant, Souventeffoiz me dit le cueur : «Homme, ne te doulouse tant Et ne demaine tel douleur !» (VILLON, Test. M., 1461-1462, 41).

 

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[Du cerf] "Bramer (pour appeler la biche)" (d'apr. DEAF) : La cause si est pour ce que les cerfs se dementent [var. ms S se germentoient] des biches et commencent a eschaufer, par quoi les fumees se restraingnent, et les lessent en autre fourme (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 20).

 

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Se guermenter de + inf. "Exprimer par des plaintes le désir de" : ...l'Empereur se guermenta d'aler veoir la royne, si lui mena le roy, et moult grant presse y avoit de barons et chevaliers (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., II, 1404, 122). Et quant Roboan et Thierry (...) oyrent Beufves qui ainsi se garmentoit d'aller sur leurs ennemys leurs vies advanturer, ilz furent moult joyeux (Beufves Hant. I., c.1499-1503, 95).

 

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Se guermenter à qqn. : Tuit en furent espouentez Et piteusement guermentez Se sont a Dieu, par grant priere, Qu'il leur doint trouver la maniere Que de lui puissent eschapper, Si qu'il ne les puisse attrapper, Et sa sainte loy garder vueille, Si qu'Olophernés ne la cueille Et destruise par ses frivolles Et veines et faulses ydoles. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 217).

B. -

"Se soucier, s'inquiéter" (Éd.)

 

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Se guermenter comment : LE TIERS BARON [au quint chevalier]. Bien viegniez, par sainte Marie ! Nous parlïons ores de vous, Car nous nous garmentïons tous Comment au marquis, nostre sire, Pourrïons deprïer et dire Qu'a soy marïer s'assentist (Gris., 1395, 10).

II. -

Empl. trans. Guermenter qqn.

A. -

"Regretter qqn, soupirer après qqn" : Et luy voyant lever contre les portes de grosses barres de fer, il se penssa tantost qu'il ne passeroit plus oultre, et de cuer moult doulant commence a guermenter Roland son nepveu, Olivier et les aultres comment se jamais il ne les penssast veoir. (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 148).

B. -

"Irriter, agacer qqn" : "Je suis plus belle que tu n'ez !" "Mais moy, par la vierge Marie !" Brief, a ouyr leur resverie, Comment l'une l'autre guermente, C'estoit une droicte faerie (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 80).
 

DMF 2020 - Synthèse Hiltrud Gerner

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