I. -

[Correspond à grand I] "Grandeur, grande taille, dimension"

A. -

[À propos d'une pers. ou d'un animal] : J'ai mon corps et mon vis veü En l'iaue ou je me sui mirés : Je sui biaus et bien atirés, Moult me pleut, quant je me miroie, La grandeur du corps que j'avoie. (MACH., Voir, 1364, 638). Par ce que dit est, appert que felicité de homme ne puet estre en biens de corps comme sont grandeur et force ne en delis corporelz ou charnels, car ilz sont communs as hommes et as bestes, etc. (ORESME, E.A.C., c.1370, 121). Quant les barons virent les deux freres, si furent moult esbahiz de leur fierté et de leur grandeur et de leur puissance, et bien distrent qu'il n'est homme qui puist contrester a leur puissance (ARRAS, c.1392-1393, 165). Moult furent esbahiz, ce dist l'ystoire, les chevaliers Gieffroy et ceulx du pays de la grandeur du jayant. (ARRAS, c.1392-1393, 248). Sy estoit sur ung pallefroy de moienne grandeur (ESCOUCHY, Chron. B., t.1, c.1453-14, 238). ...et ne doubtez la grandeur ne la force de ce jaiant au regart de vous (LA SALE, J.S., 1456, 150). L'equalité des personnes se puet encores aultrement demonstrer es dittes trois choses, car en la creature tresble grandeur est trouvee, c'est a scavoir de temps, de mesure et de puissance. La grandeur de temps est es choses muables. La grandeur mesurable est es choses corporeles... (Somme abr., c.1477-1481, 128).

-

Prendre la grandeur de qqn. "Mesurer qqn" : Sus, pren la grandeur de ce truant, Malbec, pour mieulx faire devoir. (Pass. Auv., 1477, 194).

B. -

[À propos d'une chose] : Item, toutes choses naturelles sont determinees en grandeur et en petitesce, quar la quantité d'un honme pourroit tant appeticier ou tant crestre que ce ne seroit pas honme, et ainsi des autres choses. (ORESME, C.M., c.1377, 166). Et les autres mettoient le contraire et avoient plus grant couleur, car la grosseur du son ensuit la quantité ou grandeur des corps qui sonent avecques leur figure, mais la force de son ensuit l'isneleté du mouvement, ceteris paribus. (ORESME, C.M., c.1377, 480). Remondin (...) voit Melusigne qui estoit en une grant cuve de marbre, ou il avoit degrez jusques au fons. Et estoit bien la grandeur de la cuve de XV. piez de roont tout autour en esquarrie, et y ot alees tout autour de bien V. piez de large. (ARRAS, c.1392-1393, 241). Intervalles, grandeurs, figures (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 120). Des mains et piés j'ay grant ydeur. Las, quel ardeur Me romp le cuer - d'y veoir si tresgros partuis ! Car leur grandeur, Ample largeur, - ressemble le tro du grant puis. (Pass. Auv., 1477, 256). Puis gentilz hommes, tant long vestu que court, De logis furent tenuz assez de court Parmy la ville ; raison fut pour ce qu'elle Est de grandeur petite, et telle quelle (LA VIGNE, V.N., p.1495, 146).

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[À propos d'un bien, d'un domaine] En sa grandeur. "Dans son intégralité" : Et aussy peut estre que, se la seignourie en sa grandeur de ceste maison de Bourgoingne vous fut demourée, eschute et advenue, Dieu preveoit que vous eussiez esté prince eslevé en orgoel ou aultre vice, à vostre dommaige et mescongnoissance, contre son plaisir, et veult vostre sauvement et que vous congnoissiez qu'il vous peut donner et tollir à son plaisir, et que riens ne poez concquerre, possesser, ne avoir, que tout ne soit en sa disposicion subject. (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 144).

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"Taille ; contenu" : De la grandeur d'ung viel tonneau Ne boit point la moitié [des sergents] tant d'eau Que feroient de vin ces yvrongnes ["chacun de ces ivrognes de sergents"]. (Rapp., c.1480, 62).

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[À propos du temps] : L'equalité des personnes se puet encores aultrement demonstrer es dittes trois choses, car en la creature tresble grandeur est trouvee, c'est a scavoir de temps, de mesure et de puissance. La grandeur de temps est es choses muables. (Somme abr., c.1477-1481, 128).

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ASTR. "Taille apparente (d'un corps céleste), éclat" : Les estoilles qui sont outre le zodiac par dedens septentrion sont en nombre 340 ; de le grandeur premiere il y en a 3, de le seconde il y en a 18, de le tierche grandeur il en a 131, de le quarte 177, de le quinte 58, de le sixte 13. (Compil. sc. étoiles C., a.1324, 66). Comme vous savez au firmament y a grand multitude d'estoilles ; maiz toutesfoiz on n'en mect point communement en l'astralabe que les plus grandes et les plus notables comme de la premiere grandeur ou de la 2e, lesquelles vous povez congnoistre par ceste maniere. (FUSORIS, Astrolabe P., c.1407-1412, 116). Exemple, par demonstracion geometrique ilz ont trouvé que chacune des 15 estoilles fixes de la premiere grandeur, Alhayot, Rigilon, Alhabor, sont aussi grandes comme toute la terre environ [107] fois ; chacune des 45 de la 2e grandeur, [90] fois aussi grande comme toute la terre ; chacune de la 3e grandeur 72 fois ; chacune de la quarte environ 54 fois ; chacune de la 5e environ 36 fois ; et de la 6e grandeur environ 18 fois. Cy apres ensuit la grandeur des planetes qui sont 7 (FUSORIS, Astrolabe P., c.1407-1412, 122). Or faut il faire mencion de la grandeur des estoilles fixes du firmament. Pour quoy il est assavoir que les astrologiens en ont fait mention de mil et .XXII. estoilles et ont consideré que entre elles il en y avoit de .VI. grandeurs. Car il en y avoit .XV. qui estoient les plus grandes de toutes les aultres et sont appellees de la premier gra[n]deur, comme est l'estoille du cueur du Lyon, comme Alhaber (...). En aprés il considerarent qu'il en y avoit .XLV., lesquelles estoient aucunement plus petites que les premiers et aucunement plus grandes que les autres, lesquelles sont appellees de la seconde grandeur, comme sont les deux plus grandes du Petit Chariot (...). Et puis aprés en la tierce grandeur en y a .IIc. et .VIII., comme est l'estoille de la Tramontainne des maronniers. Et puis aprés en la .IIIIe. grandeur en y a .IIIIc. .LXXIIII. Et en la .Ve. grandeur en y a .IIc. et .XVII. (...) Et en la .VIe. grandeur en y a .XLIX. et .V. nebuleuse, lesquelles sont les plus petites que on peut bonnement apparcevoir. (FUSORIS, Traité cosmogr. G., 1432, 34).

-

GÉOM. "Dimension" : Partiz 80 par 5, et en vient 16, qui multipliez par 1 3/11 montent 20 4/11 dont la racine seconde est la grandeur que doit avoir le fons. (NIC. CHUQUET, Géométrie H., 1484, 208).

II. -

[Correpond à grand II ; marque l'idée de quantité ou d'intensité]

A. -

"Grande quantité" : Et ainsi le denonce le nom de magnificence, qui signifie grandeur de despense avenant, convenable et honneste. (ORESME, E.A., c.1370, 241).

B. -

"Intensité"

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[d'un son] : Et se les estoilles estoient meues par elles en la multitude ou parmi la multitude de l'aer qui est espandu partout lasus ou du feu, si comme touz dient qui ne mettent le ciel d'autre nature que les elemens, il convendroit par neccessité que elles feissent son qui passast la force et la grandeur naturelle de tout autre son. (ORESME, C.M., c.1377, 474).

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[d'une qualité] : Car le nom de magnamité [l. magnanimité] est dit ou signifie grandeur de courage. (ORESME, E.A.C., c.1370, 247).

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[d'un état, d'une disposition psychologique] : Je ne vous sçauroie descripre la grandeur du plaisir que les yeux de Jason et de Medee prindrent en veant l'un l'autre. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 209). ".. [Medee à Jason:] Vous sçavez que vous m'emmenez de l'ostel de mon pere malgré lui. J'ay consideré mon departement ; oultre ce, j'ay regardé la grandeur du courage de mon pere ; et quant j'ay veu que partir ne me pouoie sans son sceu (...) j'ay ymaginé que sans nulle faulte il vendroit aprés moy a main armee, sicomme il est..." (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 213).

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[d'une action] : ...en ceste voie Me vueilles (...) garder Et non pas, sire, regarder A la grandeur de mon meffait. (Mir. st Guill., c.1347, 34).

C. -

P. méton. "Orgueil, présomption" : Sitretos que Rasses sceut la venue dou conte, par orguel et par grandeur il se mist sus les camps, et dist en soi meïsmes que il combateroit ses ennemis et en aroit l'onneur sans attendre Piètre dou Bois ne les autres. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 66). Onques ne sceut la ville assir et quidoit bien, par grandeur et presomption qui estoit en lui, que chil d'Audenarde se deuissent de fait venir rendre à lui ; mais il n'en avoient nulle volenté. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 259). Phelippes d'Artevelle avoit son page monté sus un biau coursier dalés lui (...) et ne le faissoit pas venir avoecques lui pour cose que il se vosist embler ne defuir des autres, fors que pour estat et par grandeur et pour monter sus, se cache sus les François se faissoit. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 43).

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Faire sa grandeur. "Se donner le beau rôle" : ...chils Phelippes, par orguoel et beubant dont il est plains, fait sa grandeur (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 273).

III. -

[Correspond à grand III]

A. -

[Domaine social]

1.

"Haut degré d'élévation, de noblesse" : Qui sert, se faire vuet à point, Avoir doit toudis en memoire Qu'on doit bien servir et mal croire. Se vo grandeur vers moy ne s'umilie, Tres dous amis, que j'aim sans decevoir, Povre esperance avoir doy en ma vie, Car j'ay doleur qui trop me fait doloir Pour vous, où j'ay mon cuer mis, Si que ja mais n'en puet estre partis. (MACH., L. dames, 1377, 229). Venez doncques toutes a l'escole de Sapience, dames eslevees es haulx estaz, et n'aiez honte pour voz grandeurs de vous humilier et descendre a seoir bas pour ouïr noz lecçons (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 10). Seneque aussi, en son premier livre des Benefices, racompte comme Alexandre donna une cité à ung povre homme qui lui demandoit l'aumosne, et disoit que ung grant seigneur, en donnant, devoit plus regarder sa grandeur que la petitesse du demandant. (BUEIL, II, 1461-1466, 75).

2.

"Importance, grandeur" : ...Je l'enamay, qu'en ce monde vivant N'avoit dame qui fust si excellent, Ce disoit on. Si devins siens en bonne entention, Ne jamais n'i cuidasse, se bien non, Pour la grandeur de son trés bon renon Qui m'a destruit. Mais ce n'est pas tout d'or quanque reluit, N'on ne doit pas tant amer son deduit Qu'on ne s'en puist retraire, quant il cuit. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 88). La grandeur et la hautesce de son magistrat fu si espoentable a Calabius Ebinus et Novius, qui estoient chep et aucteur de la conjuration, que ou par paour de lui ou pour conscience qui les reprenoit il meismes procurerent leur mort, si que, tout avant que il fussent nommé devers le dictateur, la mort les soustraït a tourment et a jugement. (BERS., I, 9, c.1354-1359, 26.7, 47). Si que tu as ton creatour Mis en oubli pour ton atour, Pour ta grandeur, pour ta richesse, Pour ton pooir, pour ta noblesse, Et ne l'as mie tant servi Qu'aies sa grace desservi. (MACH., C. ami, 1357, 66). Mais regarde de rechief ou te boute et empaint ce maudit orgueil, pour ce que il te fait accroire que tu passes les aultres en grandeur et auctorité. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 17).

3.

[À propos d'une lignée] : Et pour ce doncques que je desire que ces deux points d'amour et de crainte de Dieu vous demeurent en l'entendement et ferme propoz, je vous donray aucuns exemples de princes plus grans, pareil de vous et mendre de vous, à qui la fortune n'a pas laissié, pour noblesse de sang, pour grandeur de linage, ne pour puissance terrienne, que, soubz la permission divine, ilz n'ayent esté flagellez et battus de diverses maladies (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 178).

B. -

[Domaine moral] "Importance, degré élevé de qqc." : Après je di que Marie par dignité precéde touz les siécles en haultesce de puissance, en planté et en grandeur de gloire et de grace. (Mir. femme, 1368, 181). Car le nom de magnamité est dit ou signifie grandeur de courage. (ORESME, E.A.C., c.1370, 247). Cedit jour, monseigneur Loiz de France, ainsné filz du Roy nostre Sire, Dauphin de Viennoiz et duc de Guienne, moru de l'aage de vint ans ou environ, bel de visaige, suffisamment grant et gros de corps, pesans et tardif, et po agile, voluntaire et moult curieux à magnificence d'abiz et joiaux [circa cultum sui corporis], desirans grandeur d'onneur de par dehors (BAYE, II, 1411-1417, 231). Et par la grandeur de ioye en quoy elle est elle est transportee en une affection supermondaine et aussi comme sus humaine nature, et est rauie en une grant participacion de felicite et vouldroit tousiours demeurer la. (CIB., p.1451, 191). ...la grandeur vertueuse par puissance est ez choses espiritueles creees. (Somme abr., c.1477-1481, 128).

-

[À propos du péché] "Gravité" : Les legistes qui proprement Mors honteuses paines meschiez Selon la grandeur des pechiez Signer souloient et scituer Vous font tous ochir et tuer (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., App., p.1358, 365). Mais penser te fault que tous pechiés sont de estre haïs chascun selon sa grandeur et gravité (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 232).

C. -

[À propos de Dieu] "Puissance, gloire" : ...Dieu par sa grandeur infinie sanz quantité et simplement indivisible appellee immensité est de neccessité tout en toute extension ou espace ou lieu qui est ou qui peut estre ymaginé. (ORESME, C.M., c.1377, 278). Comme dist le Psalmiste : "Le nostre Seigneur est grand et trop loable et sa grandeur n'a pas de fin." (Somme abr., c.1477-1481, 130). ...et tant plus humble se tenist en humilité considerant sa fragilité. Pour quoy disoit : "Afin que la grandeur des revelations divines ne me eslievent par orgueil, Dieu m'a donné l'angele de Sathanas mon adversaire, qui me collafise" (Somme abr., c.1477-1481, 178).