A. -

[Correspond à gage A ("garantie")]

1.

DR.

a)

Gager qqn.

-

"Contraindre qqn à donner qqc. en gage pour sûreté d'une dette" : Aucun Fermier ne pourra faire gaiger aucunes personnes pour ledit fait, avant qu'ils aïent admonesté de païer, se n'estoit Marchans Forains ; et se ilz les faisoient gaiger, ilz l'amenderont au Roy (Ordonn. rois Fr. S., t.6, 1374, 4). Se aucun ne veult paier commune mise ou taille qui soit mise sur lui, li maieur le gagera ou il retenra son corps jusques à tant que la mise ou la taille soit paiée, de quelque seignourie qu'il soit. (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 25). ...le sire censsiers puet de son auttorité, sanz justice, gaigier au lieu qui lui doit la censse des biens et fruitages qui y seront ou vendront ou des biens à cellui à qui est l'eritage et ne pourra gagier les ouvriers qui y ouvreront. (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 247). ...quicomques est reffusant de payer icellui portage a moy, a mon commis ou fermier, que moy ou l'un d'eulz lez povons gagier par la prinse d'aulcuns de leurs biens tant dedans le portage comme dehors a chaude poursuite (Trés. Reth. L., t.3, 1415-1490, 218). GUILLEMETTE. C'est bien alé ! Le beau nisi Ou ung brevet y ont oeuvré ; Ainsi l'avez vous recouvré ; Et, quant le terme passera, On viendra, on nous gaigera, Quancque avons nous sera osté. PATHELIN. Par le sang bieu, il n'a cousté Que ung denier, quancqu'il en y a. (Path. D., c.1456-1469, 84). Sur Phelippe Bruyant, estuier, demourant à la Ville d'Avray, qui fut hancé de la marchandise le 9e jour de juillet 1467, lequel a esté envoyé gaiger et adjourner par Jehan le Maire, sergent de ceans, pour estre payé de ladicte hance, lequel vint devers Mes Seigneurs qui leur dist que oncques ne fut hancé (Comptes Paris M., t.2, 1470-1471, 276).

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Tenir qqn gagé de qqc. "Maintenir qqc. (une possession) de qqn comme gage" : ...afin de demander ouverture aux villes engagées sur Somme et de les retourner en sa main, par envie et deuil que avoient que ce duc tenoit gagié le roy d'un des beaux membres de sa couronne, et lequel ne veoient à pouvoir recouvrer sainement, pour cause du traité de la paix (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 17).

-

Au passif : ...a leur seigneur ne ont de quoy paier ; sy sont gaigiez, arrestez et mis en prison, ou ilz demourront jusques ad ce qu'ilz auront paiet. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 18). ...desquels prix il n'a voulu payer audit receveur aucune chose, combien qu'il ait esté gagié, auquel gaigement il s'est opposé, disant qu'il a achepté pour Me Jehan Baillet, nagueres Prevost des marchans, certaines Heures, et qu'il le doit acquiter envers ladicte ville (Comptes Paris V.L.D., t.1, 1450-1451, 744).

b)

Gager qqc.

-

Gager (un bien). "Donner qqc. en gage pour sûreté (d'une dette)" : Se vous vous fussiez bien portez sans ainsi avoir ainsi gaigié vostre terre et hiretaige (...) vous estiez bien tailliez de venir à tel mariaige, comme à l'une des filles du conte de Haynnau (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 145).

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Gager (une somme d'argent). "S'engager à payer (une somme d'argent)" : Guillaume Roussel, marchant et bourgois d'Aucerre, confesse devoir et gaige à Jehan de Grant Rue, marchant et bourgois de Paris, ou au porteur, etc.. la somme de quatre cens et quarante huit livres tournois franc d'or du coing du Roy nostre sire pour XX sols tournois, pour vente, bail et delivrance de fer d'Espaigne bon leal et marchant, qu'il en confesse avoir eu et receu par juste pris sanz fraude, etc. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 487).

-

Gager l'amende. "Mettre en gage un bien destiné à payer l'amende" : Et quant à cellui qui fist le meffaict e quaiga l'amende au dict bailly, il sera pugny comme apparterra. (Hist. dr. munic. E., t.2, 1368, 128). "...Je voy bien a vostre croix blanche Que nous sommes tout d'ung party." Dont tous les diables est il sorty, Tout seulet ainsi effroyé ? "Comment estes vous desvoyé ? Mettez jus, je gage l'amende !..." (Fr. arch. B., c.1468-1480, 38).

-

Gager qqn/qqc. sur qqn. "Saisir, prendre en gage de qqn des biens, des personnes (qui lui sont attachées)" : ...nostredit chastellain requiert ledit prisonnier à lui estre rendu et recreu par ledit prevost qui le detient, et avoir journée de marche pour tenir à droit ledit prisonnier envers ceulx qui aucune chose lui vouldroient demander, se ledit prevost en est refusant ou defaillant, nostredit chastellain puet prendre ou faire prendre de fait, ou gagier à force d'armes, se mestier est, gens et autres biens sur ceulx de ladicte prevosté, sans estre tenu de riens rendre ou recroire, jusques à ce que rendue ou recreance lui soit faite dudit prisonnier (Trés. Reth. S.L., t.2, 1401, 484).

c)

Empl. abs. "Opérer une saisie" : ...et disoit encore le dit procureur, ou nom que dit est, que il estoit en sezine de gagier en ladite meson et es appartenances d'ycelle toutes fois que aucuns arrirages en estoient deu a la dite eglise et que la dite meson estoit garnie de biens. (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1331, 50). ...et que pour ce, il, en usant de leur droit et de leur dite saisine [des religieux], avoit gagié ou fait gagier par leurs gens et prins gaiges en ladite maison afin d'estre paiez des dis arreraiges (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1335, 69). ...le sire censsiers puet de son auttorité, sanz justice, gaigier au lieu qui lui doit la censse des biens et fruitages qui y seront ou vendront ou des biens à cellui à qui est l'eritage et ne pourra gagier les ouvriers qui y ouvreront. (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 247). ...es terres, chastelleriez et prevostéz de nozdis pais qui sont marchissans les uns aus autres, esquelles (...) nos gens, officiers, manans et habitans en ycelles pourront saisir et arrester les uns sur les autres, selon ce qu'il est acoustuméde faire, et pour les cas pour lesquelz on a acoustumé d'ancienneté de gaigier esdis pais (Trés. Reth. S.L., t.2, 1391, 369). ...nous avoir esté humblement exposé (...) comme le vendredi (...) Dessoubz-le-Bois, sergent à verge de notre Chastellet de Paris, eust gaigié en l'ostel dudit Guillaume (...) pour ce (...) que le varlet dudit Guillaume avoit getté des nettoieures de l'ostel en la rue. (Paris domin. angl. L., 1421, 24).

2.

P. ext. . "Exiger pour qqn le gage d'une rançon, rançonner qqn" : Maiz quand ilz orent bien po alé, il se raviserent et distrent entre eulz que c'estoit grand honte que eulx deux s'estoient lessiez gaiger par un seul homme (Doc. Poitou G., t.6, 1390-1403, 39). ...fut (...) ordonné que tous les aultres, c'est assavoir ceulx qui n'estoient point gaigiez, se retirassent hastivement et sans delay ès pays dont ils estoient, sans pillier, ne desrober le povre poeuple (ESCOUCHY, Chron. B., t.1, c.1453-14, 57).

3.

"Exiger des garanties sous peine de refus, refuser" : Et sachiés que por riens gagier ne le devés, Car entre les sachans est uns des plus senés, Entre les honorables est li plus honnerés, Et entre les plus biaus est li graindre biautés. (BRIS., Restor paon D., a.1338, 86). Tes berbis par male aventure Gagent l'erbe vert et les plantes Et sont aprés ton corps balantes Et tant reveoir te desirent Que chascun jour fort en empirent (Pastor. B., c.1422-1425, 121).

B. -

[Correspond à gage B ("pari")]

-

Gager qqc. "Engager qqc. dans un pari" : Pour ta conscience apaier, Vien la quarte de vin paier Que gagié m'as. (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 238). .. "Ma cousine, (...) il convient que me faciez savoir au vray ou est vostre signe, en la senestre ou dextre jambe ; j'en ay gaigé ung chappon, que mengerons au disner, contre ma damoiselle Agathe Chanteprime..." (Nouvelles inéd. L., p.1452, 3).

-

Gager que. "Prendre l'engagement réciproque que" : "Par foy", se dist l'oste, "encores jouerons nous un jeu par telle condicion que nous gaigerons et ferons fermaille que cilz qui sera matez fera toute la voulenté et le creant de l'autre, ou il buvra la sausse mer". (Bérinus, I, c.1350-1370, 43).

-

Gager (à qqn) que. "Soutenir qqc. (à qqn) dans un pari, faire (avec qqn) le pari que" : Car j'ay mis et gagié de fait Qu'aussi com j'ay dit sera fait (Mir. marq. Gaudine, 1350, 134). Quant je gagay par mon oultrage Qu'il n'estoit femme, tant fust sage, De qui ma voulenté n'eusse... (Mir. Oton, c.1370, 382). Tuit hommes, femmes honourons, Ou nous tous nous deshonourons, Car j'oseray gaigier et mettre Que pour une qu'om treuve en lettre Qui a mal fait, j'en trouveray Mille bonnes et prouveray En saincte Escripture esprouvée, Non pas en histoire trouvée... (DESCH., M.M., c.1385-1403, 294). ...regardant ylec jouer aux boules, soubz les galeries d'un hostel, un nommé Pierre Lourdel, dit Fagot, et autres avec lui, le dit suppliant eust gagié ou parié par plusieurs foiz à autres compaignons regardans aussi le dit jeu, que icelui Pierre Blondel [sic] gangneroit ou yroit plus près de la bonne que les autres joueurs de sa compaignie. (Doc. Poitou G., t.7, 1427, 434). Je gaige que Joseph viendra Sçavoir que nous faison icy ; Mais, s'il vient, il luy mesprendra. (Myst. Viel test. R., t.2, c.1450, 356). "...voulez faire un gage a moy ? - Oy vraiement, dit il, quel sera il ? - Je gageray a vous, s'il vous plaist, pour une demye douzaine de bien fines chemises encontre le satin d'une cotte simple, que nous vous bouterons bien dedans..." [Dans un coffre] (C.N.N., c.1456-1467, 184).

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"Estimer par gageure" (Éd.) : Et incontinent assaillirent la bastille assise devant le bout du pont, laquelle estoit si fort emparée et fournie de gens et d'artillerie qu'elle estoit gagié[e] imprenable d'assault. (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.3, Fragm. hist., c.1460-1470, 202-203).

-

Empl. abs. : Or avant, ou mettre y ou taire : Gagiez a moy. (Mir. Oton, c.1370, 342). "...Par ma foy, dit il, je gage que non. - Et je gage que si..." (C.N.N., c.1456-1467, 185). Je croy (que) ce cheval (est) assez saige Pour s'en aller tout seul ; g'i gaige. Va devant, je te suyviray. (Gent. Naudet T., c.1500, 284). [Vers trop long, corr. par éd.]

-

Empl. pronom. "S'engager, parier" : Je me vorroie bien gagier, Nus ne la [la chaîne forgée de fine amour] poroit damagier. (Dame Lycorne G., c.1349-1350, 171).

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Inf. subst. : Molt i ot grant deduit jusques a l'anuitier, Et la nuit toute nuit jusques a l'esclarier Que la belle Edea en qui n'ot que gagier S'en ala en la cambre ou erent li ouvrier. (BRIS., Restor paon D., a.1338, 133). ...conment Ostes, roy d'Espaingne, perdi sa terre par gagier contre Berengier qui le tray et li fist faux entendre de sa femme (Mir. Oton, c.1370, 319). Si est roys d'Espaigne tenuz Un c'on appelle Berengier, Qui l'a gaingnie par gagier, Si conme on dit. (Mir. Oton, c.1370, 364).

C. -

[Correspond à gage C ("engagement")]

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Gager la bataille. "Convenir, fixer (le jour de) la bataille ; offrir le combat" : Et la damoiselle Cleopatras, quant elle vit que la bataille fu gagee et que l'en ne pouoit aler encontre, fu moult en grant doubte et en grant paour de Berinus, car elle l'avoit ja si enamé qu'il lui estoit advis que, s'il avoit mal, qu'elle mourroit de dueil: "Lasse", fait-elle, "que j'ay mal esploitié quant celui a qui j'ay tout mon cuer donné ay mis en peril de mort recevoir"! (Bérinus, I, c.1350-1370, 169).

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P. ext. "Promettre" : ...pour estre receuz a sy simple voye, et éviter la requeue de la voye d'exécucion, a quoy ledit procureur eust peu tendre veu ledit vouchement de garant et procès, iceulx Perrin et Jaquet diz Le Trestre gaigèrent et promistrent paier (Cartul. Hôtel-Dieu Cout. L., 1331-1500, 305). ...parmi lequel pris iceulz vendeurs gaigierent et promirent, chascun pour le tout, rendre et paier la dicte rente a touzjours, chascun an par les diz IIII termes egaument, a la dicte Martine ou a ses hoirs (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1377, 482).

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Gager es mains de qqn / gager en la main de qqn. "Promettre, s'engager solennellement" : ...gaja en nostre main et promist rendre et paier, chascun an a tous jours aux huittives Saint Denis, aus diz religieus de Saint Magloire (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1355, 200). ...le dit preneur gaja es mains d'iceus jurez et promist loyalment en bonne foy mettre et faire mettre, convertir et emploier bien et loyalment en l'amendement et melioracion de la dicte maison adcensee dedens deux ans prochains a venir, planchiers, couvertures, reparacions et toutes autres choses comptees pour et en nom d'amendement (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1367, 360). ...c'est assavoir les diz Robert et sa femme, seront tenus et promistrent et gagierent es mains des diz notaires jurez rendre et paier aus diz religieus (...) la sonme de soissante soulz par. de rente ou penssion annuelle (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1368, 365).

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Gager sur qqc. "S'engager en qqc." : Certainement, se j'eusse cogneü Au premerain la nature d'amer, Je n'eusse mie tant com j'ai atendu D'entreprendre sus ces choses gaigier. Or est trop tart, n'i voy nul recovrier ; Honni soit il et trestout son lignage Qui femme croit se ce n'est sur bon gage. (MACH., App., 1377, 641).

D. -

[Correspond à gage D (gages "somme payée pour un service à la suite d'un engagement")]

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"Engager, prendre qqn à gages" : ...il estoient en Nantes comme saudoiier et gagiet et ordonné pour garder la ville. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 33). ...la nef englesce où li finance estoit, dont messires Guiçars devoit gagier et paiier les saudoiiers de Giane (...) fu perie (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 43). Il emportoit en nobles et en florins tel somme de monnoie que pour gagier trois mil combatans un an. (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 36). Mais trop grandement me desplaist Que l'empereur doye mal avoir Qui nous gage de son avoir Et nous maintient en son empire (Myst. st Laur. S.W., 1499, 174).

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Gager qqn à qqc. "Destiner qqn à qqc." : Chescun [des Chrétiens] porte en sa main le riche branc d'aicier Dont il font lez paien a martire gaigier. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 783).