A. -

"(Se) cacher"

1.

Empl. trans.

a)

"Cacher, dissimuler" : ...pluseurs de leurs hommes entrerent en la ville secrettement (...) et furent esconssez en pluseurs lieux par le gré et consentement du maire de la ville et d'autres. (Chron. norm. 14e M., c.1369-1372, 138). Et cheste amour, de sa poissance, Leur ostoit toute congnissance Et leur esconsoit leur veüe (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 118). Franchise (...), la douce et humble responsse Que faite vous m'avez, esconsse Tous les maux c'oncques je senty (Livre amour. all. F., c.1398-1430, 58). Et pour tant de m'opinion, Subtilement comme en trahison, Ferons tant que tenus sera, Tout a coup on l'escosera [l. l'esconsera] [Jésus] (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 110).

b)

P. ext. "Supprimer, faire disparaître qqc." : "O advocas de violette, Venés avant, car on vous trette Articles d'opposition", Ce dis Ymagination, "Se vous y faut faire response, Voires, se le plait je n'esconse." (FROISS., Dits Débats F., 1363-1393, 197). J'ai ja bien .VI. mois attendu A avoir aucune response De vous, qui tous mes maulz esconse. (FROISS., Méliad. L., t.3, 1373-1388, 29).

-

"Détourner qqc." : ...toutes gens, en Gant et en pluisseurs villes de Flandres, s'enclinoient assés a l'opinion des Englois; et tant que ses rentes et revenues [du conte de Flandres] en estoient esconsees, et canceloient tous les jours. (FROISS., Chron. D., p.1400, 268).

2.

Empl. pronom.

a)

S'esconser (qq. part). "Se cacher (qq. part)" : Chascuns la va menaçant [la Vérité]. Pour ce se va esconsent : Ou puet elle demourer ? (DESCH., Oeuvres Q., t.6, c.1370-1407, 61). Luciienne qui se remue De son pas, sans point de response, En une gourdine s'esconse. (FROISS., Méliad. L., t.2, 1373-1388, 339). Lors s'estourmy l'ost et s'en vindrent qui mieulx mieulx vers le port et trouverent moult de leurs gens mors et aucuns qui s'estoient esconsez par les buissons. (ARRAS, c.1392-1393, 133). ...jà avoit mandé les homicides, et estoit la maison louée à eulx esconser et musser (Doc. 1411. In : MONSTRELET, Chron. D.-A., t.2 c.1425-1440, 127).

-

"Disparaître, mourir" : Marguerite de Prouvence (...) sieuvy (...) sainct Loÿs, le bon roy, son tres chier espeux et l'accompaigna au voiage d'outremer, ou il s'esconsa (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 108).

-

S'esconser de qqc. "Se cacher, se dissimuler par qqc." : Et le chevalier, quy les voit venir, se met a courre par le bois, mais ceulx quy le sievoient crient a l'omme saulvage. Et la dame oÿant ce descent de son charriot et vint droit ou elle oÿoit le bruit et le chevalier se cuidoit esconser d'un halot (Jehan d'Avennes F., c.1465-1468, 184).

-

S'esconser de/devant qqn. "Être caché, disparaître aux yeux de qqn" : Ainsi que mal ne vous vueil, ne aussi Amer, pour ce de vous m'esconse. (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 207). L'ystoire nous tesmoingne que Remond et Melusigne estoient a Mervent, et vint a un samedy que Melusigne se esconsoit de Remond cellui jour, comme il lui avoit promis que jamais le samedy ne mettroit peine d'elle veoir, et si n'avoit il fait jusques a ce jour, et n'y pensoit a nulle chose du monde fors ques a bien. (ARRAS, c.1392-1393, 240). Messeigneurs, regardez en hault, Nulle conduite ne nous fault, Car l'estoille avons retrouvée Qui s'estoit de nous esconsée, Sievons le tous joyeusement. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 42). Esconser ne se puet devant les yeulx du Souverain Createur (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 569).

-

[À propos du Christ] : Monlt tresgrande merveille advint A l'heure que Dieu homs devint, Quant de Paradis s'avala Et en la Vierge s'esconsa (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 77). Je prie a la Vierge en qui se volt esconsser Le Roy de tout le monde (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 766). ...sa divinité Descendre fist en corps de vierge pure : La s'esconsa la divine puissance (Mir. chan., c.1361, 183). ...mais la sus [en l'Eglise triomphante] il est veu face a face, ça jus il esconsé [l. esconse] soubz espece visible du sacrement. (Traité S. Sacr. B., c.1450-1500, 147). QUENTIN Comment peut-il estre passant Par ce tombeau clos, sans le rompre ? MARCELLIN Ainsy qu'il se fut esconssant En la vierge, sans le corrompre (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 50).

b)

"Se réfugier qq. part" : ...qu'adressier me vueilliez si Qu'aucun habitacle je truisse Ou esconser maishui me puisse (Mir. roy Thierry, c.1374, 301).

B. -

En partic. [Du soleil, d'un astre...]

1.

(S')esconser. "Se coucher, disparaître à l'horizon" : Car en toutes les parties dou monde ens es quelles li pol septentrionel dou monde n'esconse, les estoilles septentrioneles avant naissent et lievent et aprés elles esconsent (Compil. sc. étoiles C., a.1324, 71). ...le soleil commença à esconser (LE BEL, Chron. V.D., t.1, 1352-1356, 57). Et le chevalier avise la bourse, et la prent par le pendant, et l'oste a Gieffroy du col. Et Gieffroy ahert la bourse et l'empoingne, argent et tout. L'autre tire de tout son povoir, et le pendant rompt, et demeure a Gieffroy, bourse et argent en la main. Et estoit ja le soleil esconsez, si longuement s'estoient ilz combatuz. (ARRAS, c.1392-1393, 298). Et de nuit aussy appert il par les estoilles qui se meuvent tousjours pareillement selon ceste maniere, tant par les estoilles qui lievent et esconsent comme par celles qui sont tousjours sur Terre devers septentrion. (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 9). Item, comment les .XIJ. signes se lievent et esconsent diversement, tant en l'espere droite comme en l'espere oblique, dont moult de grans soubtillitez s'ensuivent. (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 18). Et avant que tout euissent pris place et terre pour euls logier, solaus esconsa, et si i avoit moult petit de ceuls qui euissent hapes, quignies ne fieremens pour coper bois a euls logier. (FROISS., Chron. D., p.1400, 132). Et a ce propos s'acorde l'Apostre, qui dit : Sol non occidat super yracondiam vestram. C'est a dire, mon ami, que le soloy ne se doit pas esconsser sur vostre couroux ne yre. (LA SALE, J.S., 1456, 19).

-

"S'éclipser" : ...et ores en ton ame par amoureuse memoire tu l'as oy a haulte vois crier, "Hely, hely," et puis a Dieu son esperit rendre. Et as veu la terre croler, le solail escousser et la pierre fendre et aprés en esperit et non pas sans larmes et compassion cordiale tu pues avoir veu la grant playe de son costé ouverte du fer agu, de laquelle le precieux sang et l'yaue salirent a tres grant habondance (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 283).

-

[Du soleil] Esconser ses rais : Quant vint le vespre et le solleil commença à esconsser ses rays, pour donner lieu à la clarté de la lune... (BUEIL, I, 1461-1466, 35).

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P. métaph. : Et i fas raison esconser Et entendement eclypser. (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. S., c.1330-1331, 275). Femme est comme estoille journale Qui chasse la nuit et anonce Joye et clarté matutinale. Femme est ung bien qui point n'esconce. (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 175). Tu viens, tu parcroistras, s'il plaist aux dieux, et renderas le fruit que je desire voir, mais en fin, quant ta cruçon auras prinse, tu declineras petit a petit et t'esconseras en la mort ainsy comme le jour en la nuyt obscure. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 126).

-

Soleil esconsant. "Coucher du soleil" : Et ainsi sur le mesme jour vint ung messaige de par le duc de Brabant qui leur commanda qu'ils ississent de la ville et de la terre de Brabant dedens soleil esconssant. (Hist. chron. Flandres K., t.2, c.1342-1383, 38). Qui par yre a sa compaigne troublee ou courroucee, elle en doit crier merci dedens le soleil esconsant, selon l'Escripture (FRÈRE ROBERT, Chastel perill. B., c.1368, 249). Toutesvoies n'arresta elle tant qu'elle vint au porge, car il estoit comme soleil esconsant. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 551).

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Inf. subst. "Le couchant" : Solaus y est sus l'esconser ; Froidure a le bois assailli (ACART, Prise am. H., 1332, 9). Souleil y est sur l'esconser (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 127).

2.

Empl. trans. "Faire se coucher [le soleil ; ici du Christ, p. allus. à l'apparition de l'astre au-dessus de Bethléem, (Matth. II, 2-18)]" : Quant, dist il [l'ange], cuida esconser [var. estaindre] Le saint souleil a son lever Herodes, et a mort livra Pour li les enfans et tua, (...) Bien puet on dire par raison Quë en ses membres le tua Et en cueur a mort le livra... (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 333).