C.N.R.S.
 
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     ENSOIGNER     
FEW XVII *sunni
ENSOIGNER, verbe
[T-L : ensoignier/ensoniier ; GD : ensonnier ; FEW XVII, 275b : *sunni]

A. -

[Idée de soin mis à qqc., idée d'occupation]

 

1.

Ensoigner qqn/qqc. "Prendre soin de qqn ou de qqc., se préoccuper de qqn ou qqc., s'occuper de qqn ou qqc." : Sire, dist Godefroys, très-bien ensonnyer Les sèvent nostre gent, pour iaus appareillier, De leurs robes laver, de viestir et cauchier, (...) Et garir les navrés de leur dékouchier, D'esbatre par amours qui en a désirier (God. Bouillon R., t.2, c.1356, 468). C'est a dire qu'il te esjoïra en toy donnant repos du soing que tu avoies, ou il te gardera du feu pardurable que tu deserviroies se pas ne l'ensoignoies (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 160).

 

2.

Ensoigner qqn. "Donner à qqn le soin de qqc., employer qqn (à qqc.)" : "Alons-en à l'aventure en Portingal. Nous trouverons là qui nous recevra et ensonniera." (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 138). O gens de Portingal (...) nous vous tenrons en subjection et en servaige, et vous ensongnierons si comme esclaves (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 235). Li honme de mestier et li laboureur parmi Engleterre vivent de ce que il sevent faire, et li gentilhonme de lors rentes et revenues ; et se li rois les ensonnie, il sont paiiet (FROISS., Chron. D., p.1400, 43).

 

-

Ensoigner qqn de qqc. "Confier à qqn le soin de qqc." : "De tout ce que je auray veu et trouvé sur mon voyage, qui appartiengne que je en face memoire en la noble et haulte hystoire, de laquelle le gentil conte Guy de Blois m'a ensonnié et ensomnie, je le croniqueray et escripray." (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 115). ...encores en convenroit ensonnier le roi de France : autrement ses sires li contes ne revenroit jamais à l'iretage de Flandres. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 250).

 

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Ensoigner qqn de + inf. : Cils Jehans Lions fu si très bien dou conte qu'il aparut, car li contes l'ensonnia de faire ochire un homme en Gand, qui li estoit contraires et desplaissans. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 160).

 

-

Ensoigner qqn contre qqn : A de donc avoit un roy en Hongherie qui (...) les euist trop bien ensonniiés contre les Turs à qui il guerioit (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 184). Messires Jehans Haccoude et sa route demorèrent en Italie, et l'ensonnia tousjours pappes Urbains, tant que il vesqui, contre les signeurs de Mellans. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 156).

 

3.

Empl. intrans. ou pronom. "S'activer, prendre de la peine, se donner du mal" : Il y avoit dedens des bons chevaliers et escuiers de Bretagne (...) Chil ensongnièrent si vaillamment, avoecques l'evesque de le ditte cité, qu'il n'i prisent point de damage. (FROISS., Chron. L., III, c.1375-1400, 31). Entre ces deux signeurs (...) s'ensonniièrent bonnes gens et bons moiiens. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 108). Si ensongnièrent si bellement, le siège pendant, que onques nulz damages ne se prist à le ville ; car la cités est forte et bien fremée et de bonne garde. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 212). ...ilz s'ensonnierent trop grandement autour de leurs chevaulx, et faisoient entendant à l'oste et à l'ostesse et aux varlez de l'ostel que leurs chevaux estoient durement travailliez et qu'il les convenoit aisier (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 207). "Sire, montés amont en mon solier, et vous boutés dessoubs un lit où les enfans dorment." Il le fist, et entretemps la femme se essonia en son hostel entour le feu et à ung autre petit enfant qui gisoit en ung repos. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 231). Adont s'ensongnièrent li careton autour de leur car, et ostent les deus martiaux où li trait sont, et les jettent ens es fossés. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 180). Assés tos apriés se ensonniierent bonnes gens entre messire Carle de Blois et la contesse de Montfort, pour donner une trieuves en Bretagne tant seullement. (FROISS., Chron. D., p.1400, 561). ...pour la drechier [la bricolle], s'ensonnient forment Et carpentent si fort que le tourbissement Ooient dedens Hem et le carpentement. (Geste ducs Bourg. K., c.1410-1419, 460).

 

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(S') ensoigner à/de qqc. : Là sont engimgnéour qui sèvent le mestrie Des engiens ordonner, cescuns s'y ensonnie. (God. Bouillon R., t.2, c.1356, 104). ...ly contez Sauvaigez, qui moult ot signourie, Aperchéu Huon qu'au ferir s'ensounie. Bien l'a reconnéu, pour certain vous affie (Hugues Capet L., c.1358, 74). ...s'il estoit nuls marcans qui se vosist ensonniier de le waranche en croche, de quel crut que che fust, pour faire miurre, qu'il ne le puist faire miurre, s'ille n'est eswardée par les eswardeurs de le ville de Valenchiennes ; et n'en doivent riens avoir ne prendre li eswardeur. (Drap. Valenc. E., 1367, 280). ...dont dur li est a revenir, car secré revelé entre dame et amant portent trop grant contraire et font painnes a estaindre, se Pité et Francise comme bon moiien ne s'en ensonnient (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 174). Li rois de France et si oncle, ou cas que li dus de Bretaigne et li connestables de France s'en essonnioient, respondirent que ce fust ou non de Dieu, et que volentiers on entenderoit aus traictiés. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 148). Il furent tout doi mis en la garde de messire Thomas Wage qui bien ensongna dou garder, puisque reconmandé il li estoient (FROISS., Chron. D., p.1400, 85). Dont broche le cheval parmy la prayërie. Adoncq a ung des lés du camp s'i [l. si] s'ensonnie (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 18). De folie t'ensonnies De tel seigneur t'acointier (CHR. PIZ., Dit Pastoure R., 1403, 254).

 

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[D'une chose abstr.] : Et ces guerres qui li sourdirent sus le main commenchièrent par si petite incidence que, au justement considerer, se sens et avis s'en fuissent ensongniiet, il n'i deuist avoir eu point de guerre. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 159).

 

-

(S') ensoigner de + inf. : Souvenirs, qui s'ensonnie De gouvrener rieuleement ma vie... (FROISS., Orl., 1368, 108). Ensi com Jupiter, li diex des planettes, et Nothus, li diex de plueve, s'ensonniierent dou feu Pheton estaindre... (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 174). ...je me voel ensonniier de l'ordonner et mettre en prose selon le vraie information que j'ay eu. (FROISS., Chron. L., I, c.1375-1400, 1). Là ot ce jour jusques à haute nonne fort assaut et dur, et n'i avoit homme ne femme en le ville de Camperlé, qui ne fust ensonniiés d'aucune cose faire, ou de porter pières (...) ou d'emplir pos plains de cauch. (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 207). O les servans se mist [Robert d'Aumarle] par sa losengerie Pour aidier a servir forment si ensonnie D'assir les mez a table et le bon vin sur lie. (Cip. Vignevaux W., p.1400, 82). ...Jehans Froissars, tresoriers et chanonnes de Chimay, me voel ensonniier de metre en prose et ordonner selonch la vraie information que je ay eu des vaillans honmes, chevaliers et esquiers qui les dittes armes ont aidiet a acroistre (FROISS., Chron. D., p.1400, 35). Et estoient ouvrier trop grandement ensonniiet parmi Paris de faire banieres, pennons, cambres, courdines et toutes coses qui apertiennent d'armoierie (FROISS., Chron. D., p.1400, 475). ...bonnes gens moienant ceste gerre se voloient ensonniier de tretier unes trieuves jusques a la Saint Jehan Baptiste (FROISS., Chron. D., p.1400, 555).

 

-

S'ensoigner de qqn. "Se préoccuper de qqn" : Mesdisant sont moult hardi Qui s'ensounient de mi (...) Et mettent empechement Entre moi et mon ami. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 141).

 

4.

Part. passé [D'une pers.] "Occupé, préoccupé" : Pour les fres que on fist par 2 journées que on fu ensonniiet dou foer des foullons (Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3, 1349-1350, 32). Et (...) furent delivret de tous coustenges et frais (...) tous chevaliers et escuiers qui la nuit et le jour de l'obsecque i furent ensonniiet. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 164). Ce jour furent li François bien ensonniiet, car li auqun entendoient au cachier, et li aultre a estaindre le feu qui se mouteplioit ens es logeis (FROISS., Chron. D., p.1400, 516). Li contes de Hainnau et son oncle, li sires de Biaumont, furent mandé et priiet pour estre a celle feste et de l'ordenance dou Bleu Gertier, mais point n'i furent, car il estoient ensonniiet aillours (FROISS., Chron. D., p.1400, 597). ...cely de Coursillon estoit de sa famille du daulphin et de ses anchiens chambellans, ung bon preudomme chevalier, et lequel aultreffois avoit esté ensonié beaucop de ceste matere, comme il est apparu assez. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 86). Ledit Jaquemin, veant l'escarmouche dressée du costé de la porte, et que tous gens d'armes du siege estoient tirez à leurs enseignes et ensongnez pour la bataille, il mena et conduisit tous ses gens de guerre au long de la muraille d'icelluy costé et leur ordonna leurs places et leurs gardes (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 31). En ce temps le Roy Charles, qui desjà avoit fait sa conqueste en Normandie, et desiroit de retourner en Guienne et en Bourdelois contre les Angloix, pour ce qu'il desiroit de soy servir du conte de Sainct Pol, et aultres gens d'armes qui estoient ensoingnez en la guerre de Gand, et aussi que les Gantois, qui se veoient mal en leur folle emprinse, en avoient le Roy requis et supplié, si envoya le Roy son ambassade devers le duc (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 274).

 

-

Part. passé en empl. subst. "Celui qui est préoccupé" : Et lors qu'il le senti cheü, Si com il l'en fust mescheü, Il fist forment l'ensouniiet Et la a requis et priiet Que on li voelle aidier a querre. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 148).

 

5.

Inf. subst. "Occupation" : D'ivre et de fol se fait mauvais ensonniier. (Chev. cygne P., c.1356, 61).

B. -

[Idée d'embarras]

 

1.

Ensoigner qqn. "Donner de l'embarras à qqn" : Moult y ot de harnas qui fort les ensonnie, Et de rices destriers qui sont au roy d'Orbrie. (God. Bouillon R., t.2, c.1356, 390). ...li archier ensonnioient trop grandement les asallans et desfendans flamens (FROISS., Chron. D., p.1400, 278). [Au passage d'une rivière] La convint que Englois fuissent bonnes gens d'armes et de grande ordenance ; car les François, qui estoient d'aultre part, les empeçoient et ensonnioient ce qu'il pooient. Et avant que les Englois fuissent tout passet, il i ot grande escarmuce et maint honme reversé. (FROISS., Chron. D., p.1400, 711). Si prist les camps et fist retourner sa baniere avoecques lui. Et me fu dit que chils qui le portoit, le bouta en un buisson, car elle l'ensonnioit au brocier son ceval (FROISS., Chron. D., p.1400, 712). Et li rois de France et son frere, le conte d'Alençon, qant il veirent le mauvais convenant de euls, dissent : "Tués la pietaille ! Tués la pietaille ! il nous ensonnient et tiennent le cemin sans raison." (FROISS., Chron. D., p.1400, 729).

 

-

Estre ensoigné de qqc. "Être embarrassé par qqc." : [La rivière] est moult parfonde et environnée de si grans crolières et marès, que nulz ne le pooit passer fors parmi un petit pont si estroit que uns seulz homs à cheval seroit assés ensonniiès dou passer oultre. (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 56).

 

-

(S') ensoigner de + inf. "S'embarrasser pour, être embarrassé pour" : "Ja (...) estes tous ensonniés de vous sauver, ne par nulles des portes de Bruges ne vous pouvés issir ne partir que vous ne soiés ou mors ou pris." (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 229).

 

2.

Ensoigner qqc. (une voie de passage, un lieu...). "Embarrasser, encombrer, obstruer" : Espaignolet (...) donna conseil de jetter bois, pierres et autres choses ou pertuis de la croute pour ensonnier tellement l'entrée que on ne le peust destourber. (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 197). ...et ensonnioient ces gens là durement la place de leurs chevaulx, tant que on ne se povoit aydier de nul costé. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 164). Li connestables avoit abandonné à passer qui passer pooit. Si i avoit grant presse, je vous di, pour passer devant, car nuls n'ensongniioit ne empecoit le passage. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 24).

C. -

Empl. pronom. S'ensoigner de + inf. "Chercher une excuse, une échappatoire, pour ne pas faire quelque chose" : Mon seigneur ont appelé beste, Trop li ont dit lait et vergoingne, Ne cuidez ja que je m'ensoigne D'eux faire lait et honte assez [La déf. proposée par l'éd. ("s'occuper de") ne convient pas]. (Jour Jug. R., c.1380-1400, 234).
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin

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