C.N.R.S.
 
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     DÉTENIR     
FEW XIII-1 220b, 221a tenere
DETENIR, verbe
[T-L : detenir ; GD : detenir ; GDC : detenir ; AND : detenir ; DÉCT : detenir ; FEW XIII-1, 220b, 221a : tenere ; TLF : VII, 52a : détenir]

I. -

Empl. trans.

A. -

[D'une chose]

 

1.

"Retenir qqn ou qqc." : Et le ciel est meu sanz labour ou travail pour ce que il n'est mestier de metre quelcunque neccessité violente qui le detienne en son mouvement et qui empeesche que il ne soit meu d'autre mouvement auquel il soit naturelment enclin. (ORESME, C.M., c.1377, 296). Et se empeeschement est par quoy la matiere soit detenue et ne puisse estre meue en haut, nientmoins peust estre que le aer sera fait et apres, quant l'empeeschement sera hors, il sera meu en haut par sa forme et par legiereté. (ORESME, C.M., c.1377, 682). Par ma foy ! Il a la pepie Qui luy detient ainsi la langue. (Roy sotz, c.1450-1500, 224). Puis je entrer en vous gardrinage Sans danger, belle pusselete ? [Il s'approche de Plaisant Follie. Derrière son dos Cuider lui colle des gluaux]. Qu'esse qui tient a ma cotete ? Je suys mallement detenu ! (Pipée R., c.1470-1480, 194).

 

2.

[D'une maladie] "Saisir, tenir qqn" : Lequel Festineau estoit maladif et detenu d'une griefve maladie et avoit esté en langueur six ans avoit et plus. (Doc. Poitou G., t.9, 1447, 28). ...a cause dudit coup, s'estoit acousché malade, ou il avoit esté detenu par l'espace de trois sepmainnes ou environ, et estoit dudit coup, comme l'en disoit, alé de vie a trespas. (Lettres rémission René II P.D.H., 1490, 201).

 

3.

Au fig. "Retenir, saisir" : ...les juges (...) detenuz et liez d'amour de prendre dons et loiers (FOUL., Policrat. B., V, 1372, 376). Mais il convient par neccessité que cez ici encheient et soient detenuz en celles meismes difficultés comme ceulz qui dient que le feu est legier pour cause que il a en soy de moult de vieu (ORESME, C.M., c.1377, 666). S'ilz varïent, s'ilz sont desordonnez Et leurs subgiez ne sont d'eulx soustenuz, Ou se leur roy est d'eulx abandonnez Par lascheté qui les a detenuz, Je di qu'ilz sont plus villains devenuz Que un bon bouvier qui sa rente vient rendre Et qui paie pour ceulx qui sont venuz Servir leur roy et leurs subgez deffendre. (CHART., B. Nobles, c.1424, 397).

B. -

[D'une pers.]

 

1.

Detenir qqc.

 

a)

"Garder qqc. en sa possession (gén. de force ou injustement, en partic. un lieu, une ville, un domaine...)" : Et encores detint li dis brigans le dit chastiel et le garni bien, et en guerria le pays. (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 68). Et si rançonna le dit conte, madame sa femme et madamoiselle leur fille, à le somme de douze mil florins d'or au mouton ; et se detint le ville et le chastiel tout l'ivier et l'estet apriès, qui fu l'an cinquante neuf. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 137). ...durant icelles treves, et oultre et par-dessus les deffences et commandemens à lui fais, tant par le roy nostre sire ou ses gens, commiz et deputez, comme par le roy d'Engleterre et ses commis, il a edifié, emparé et fait fort le Roc de Vendas, et lequel, contre leur voulenté, il a detenu et fait guerre contre iceulx et le pays d'environ (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 206). ...et si detenoit encores le conte plusieurs villes, chasteaulz et terres du marquisé et fié du Dauphin (BAYE, I, 1400-1410, 5). Et depuis ait, icellui de Crannes, esté dedens nostre ville de Soissons avec ledit de Bournonville et autres, qui contre noz plaisir et voulenté l'ont détenue et occupée. (Ch. VI, D., t.2, 1414, 116). ...pour lui aydier à soustenir une partie des pertes et dommaiges qu'il a euz et souffers en pluseurs ses biens, hiretaiges et meubles que les ennemis du roy et de mondit seigneur lui detiennent et occuppent, et aussi pour lui aydier à supporter les charges, missions et despens qui lui convenoit faire et avoir pour rendre une de ses filles en religion (Comptes Etat bourg. M.F., t.1, 1420, 403). ...se aulcuns des subgetz d'une partie ou d'aultre venoyent contre la dicte paix (...) en prenant et detenant forteresses, personnes ou biens ou royaulme de l'aultre (JUV. URS., T. crest., c.1446, 123). Et ainsi appert evidemment que Henry qui detient Engleterre ne ses predecesseurs ne y a ne n'eurent oncques aulcun droit. (JUV. URS., T. crest., c.1446, 159). Et est dit cellui corrompu en soi-meismes, qui sueffre ou fait aucune chose injustement ou contre raison, ou pour avoir argent, ou pour dons et presens, ou pour amys, en baillant faulx à entendre au prince, en detenant de son avoir ou de cellui de ses subgectz (BUEIL, I, 1461-1466, 49). Vous veult on voz biens detenir Ou s'on veulx [vous] prandre d'emblee ? (LA VIGNE, S.M., 1496, 401).

 

-

"Accaparer qqc." : Si vous pri que chascun s'en paine ; N'en detenray pas vostre paine, Ja n'en doubtez. (Mir. st Alexis, 1382, 326).

 

b)

"Conserver, garder qqc." : ...laqueile fut mariée al dit monssaingnor Johan de Noefcasteal, sy que, de part sa femme, ilh fut sires de Duras, et detinve les armes qu'il avoit pris : de sable à fleur de lys d'or, et assy le cry de Domartien, qui leur est demoreis juxes à present [Forme problématique. S'agit-il d'un imparfait (très tardif) en -ive ? Cf. Fouché, Verbe fr., 239 et 241]. (HEMRICOURT, Miroir Hesb. B.B., 1353-1398, 146-147). Et cil qui bien avoient acompli leur emprise et leur desirier se penoient tant qu'il pooient del detenir ; et tant fisent par leur proèce qu'il detinrent l'entrée, tant que cil de l'embuschement furent parvenu à yaus. (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 53). ...li rois d'Engleterre (...) ne cessa mies de envoiier devers les communautés de Flandres grans messages, et de faire grans prommesses pour detenir leur amisté et abatre l'opinion dou roy Phelippe, qui trop fort les pressoit d'yaus retraire à son amour. (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 31). Et se il avenoit que aucun des compagnons de l'Estoille en viellèce euissent mestier de estre aidiet, et que il fuissent affoibli de corps et amenri de chavance, on li devoit faire ses frès en le maison bien et honnourablement, pour lui et pour deus varlès, se en la maison voloit demorer, à fin que le compagnie fust mieulz detenue. (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 128).

 

2.

Detenir qqn

 

a)

"Retenir qqn" : LA MÉRE ANTHURE. Sire, ne le vueil [cet enfant] detenir ; Prenez le donc, il me plaist bien. (Mir. st J. Cris., c.1344, 265). SECOND SERGENT. (...) Ly [un homme qui nouvelles apporte] lairay je passer la porte Et cy venir ? LE PAPE. Oil, sanz li plus detenir Fay l'entrer ens. (Mir. mère pape, c.1355, 384). Il priièrent de coste à monsigneur Jehan de Haynau qu'il vosist encores demorer jusques apriès le Noel, et qu'il detenist de ses compagnons avoech lui ceulz qu'il en poroit detenir. (FROISS., Chron. L., I, c.1375-1400, 36). Helas ! dolens, or vueil je bien morir, Car, par m'ame, de plus vivre n'ay cure, Quant ma dame me fait de li partir. Helas ! dolens, or vueil je bien morir. Et si ne vuet mon las cuer detenir Et me dit bien qu'elle n'a de moy cure. (MACH., L. dames, 1377, 113). Amours, tu sces moult bien que siens Sui et tous tiens. Or me detiens En ses lijens Et ne vues qu'elle en sache riens, Ne ne vues aussi que nuls biens Puist estre miens. (MACH., Les lays, 1377, 297). Plaisance du tout maintient Et detient Cil qui se contient Et tient gracïeusement : Car tous biens elle entretient Et contient (CHART., L. Plais., c.1412, 149). Or pert il bien que malvez esperit Vous a fait une illusïon. Ainssy meine a confusïon, Ainssy detient, ainssy enlace Ceulz a qui Dieu soutrait sa grace Par leur pechié et desmerites. (Mart. st Pierre st Paul R., c.1430-1440, 128). ...et soubz umbre de son [sic] donné à entendre avons esté detenus [sic] et par vosdits gens mesme et subjets a esté faite ladite destrousse (Ecorch. Ch. VII, T., 1445, 121). Cy veullons encommancier De la passion le traictier. Qui se taisera, je ly don Sep, VIII ans de vray pardon. Je ne vous veulx plus detenir, Je veulx icy mes dit finir. (Pass. Autun Biard F., 1470-1471, 68).

 

-

"Retenir qqn (comme invité)" : Trois jours les detint le roy et les festoia (Ponthus Sidoine C., c.1400, 43).

 

b)

"Retenir qqn, l'empêcher de faire qqc." : Li dus de Braibant leur avoit dit en secret qu'il detenoit à grant mesaise ses Braibençons, et comment que fust, il ne les pooit tenir qu'il ne se deuissent partir le jour ou l'endemain, se acors ne se faisoit. (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 83).

 

-

Detenir qqn de + inf. "Retenir, empêcher qqn de" : BELIAR. Je feray tresbien detenir De rire ce maistre Adrien, Puisqu'il veult estre crestien Et qu'il laisse la loy payenne. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 140).

 

c)

En partic. "Retenir qqn en captivité" : ...il se doubtoit (...) que (...) elle ne le fesist detenir et metre en prison. (FROISS., Chron. D., p.1400, 525). Et que au regard du duc de Bretaigne, qui detenoit mondit seigneur Charles et qui avoit prinses les villes du roy en Normandie, lequel on disoit avoir intelligence avecques les Anglois, anciens ennemis de la couronne de France, fut dit et deliberé par lesdiz trois estaz qu'il seroit sommé de rendre au roy lesdictes villes (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 200). ...[ung gentilhomme du pays] fist et commist ledit homicide à la personne dudit duc de Milan dedens ladicte eglise, en laquelle aussi, incontinent ce fait, fut tué et murdry, et ung autre de ladicte ville qui acompagnoit ledit gentilhomme, qui aussi avoit deliberé de tuer ledit duc de Milan, pour ce qu'il lui detenoit et maintenoit sa femme contre son gré et voulenté estant avecques lui. (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 32). ...[ses] chapitres et sa venue, il avoit partout fait noncier par un officier d'armes ; et avec ce les faisoit avertir qu'en nul lieu on ne le pouvoit, ni devoit détenir plus avant que le contenu de ses chapitres porte. (Faits Lalaing K., c.1470, 99-100). ...ilz trouvent les façons de dissimuler à ouyr les partyes et les tesmoings pour tenir le personnage et le destruyre en despense, escoutans tousjours si nul se veult plaindre de celuy qui est detenu et à qui ilz en veulent. (COMM., II, 1489-1491, 214).

 

-

Detenir qqn en prison : ...et arresterent et firent arrester et detenir en la Conciergerie de par eulz ledit Witart en prison (BAYE, I, 1400-1410, 16).

 

-

Detenir qqn prisonnier : ...fu amené Arnault Fouquaut, (...) qui estoit detenu prisonnier de par le roy (...), es prisons de Sainte Geneveve, à Paris. (Conf. Jug. Parlem. Paris L.L., 1345, 164). ...fu fait venir Symon de Verrue, escuïer, de la parroisse de Marigny, à quatre lieues prez de Poitiers, prisonnier admené oudit Chastellet, et envoïé par ledit maistre Denis de Bausmes, maire de la juridicion de Saint-Magloire, esquelles prisons de Saint-Magloire il estoit detenu prisonnier pour cause d'unes heures de Nostre Dame par lui p[rinses] et emblées, si comme ledit maire disoit (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 2). ...ledit mons. le prevost detenoit prisonnier ledit Ernoulet de Lates (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 296). ...afin qu'il voulsist delivrer ou faire delivrer maistre Pierre LE FÈVRE, president en Parlement, que ledit de Bourgoingne ou ses gens detenoient prisonnier. (FAUQ., I, 1417-1420, 69). ...le prince de Galles appelloit et honoroit comme vray roy de France le roy Jehan, et si faisoient les Angloys non obstant qu'ilz le detenissent prisonnier (JUV. URS., T. crest., c.1446, 51). Oudit temps, le lundi XVIIIe jour dudit moys de juillet IIIIcLXXIIII, l'arrest fut prononcié en la court de Parlement par monseigneur le chancellier, nommé maistre Pierre Doriole, du procès fait à l'encontre du duc d'Alençon, qui par avant avoit esté detenu prisonnier au Louvre et audit lieu du Palais. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 316). Predist aussi la liberté du duc René de Berry, qui longtemps avoit esté detenu prisonnier à Dijon. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 154 v°).

 

.

Prisonnier detenu qq. part/dans telle prison : Perrin Michel, dit Pontigniau, demourant à Guerart, oultre la ville de Meaux, prisonnier detenu oudit Chastellet, pour souspeçon de la mort feu Jehan Le Telier, cordouennier. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 269). Nous avoir receue humble supplicacion de Berthome Bruneau, Pierre Bruneau, son fils, (...) prisonniers detenuz es prisons de Baugency contenant qu'ilz sont povres gens de labour (Berger Fr. K.-G., 1483, 180).

 

-

Detenir qqn en captivité : ...tous les princes, seigneurs, nobles, prelas, bourgois et commune dudit pays d'Angleterre, et singulierement tout le populaire de Londres, vindrent au devant dudit Warwyk, et tournerent le dos audit Edouart et vindrent mettre à pleine delivrance ledit roy Henry, qui par long temps avoit esté detenu en captivité de prison par ledit Edouart, et lui rebaillerent derechef la possession et joyssance dudit royaume ; et fut fait ledit de Waruik gouvernant dudit royaume. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 247).

 

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Detenir qqn en gage : Item, a maistre Ytier Merchant, Auquel je me sens tres tenu, Laisse mon branc d'acier tranchant, Et a maistre Jehan le Cornu, Qui est en gaige detenu Pour ung escot sept solz montant ; Je veul, selon le contenu, Qu'on leur livre... en le rachetant ! (VILLON, Lais R.H., c.1456-1457, 16).

 

-

[Cont. métaph.] : ...et que on fust encore detenu en la loy des Juifs (JEAN GOLEIN, Rational B.D., c.1370-1372, 503).

II. -

Empl. intrans. ou pronom. Se detenir de qqc.

A. -

"Renoncer à qqc." : Et non pourtant le tres crestien roy, pour garder ses previleiges roiaulz, ne s'en voult point detenir [d'un gage de bataille] et voult user des loys des princes temporelz qui dient ainsin (LA SALE, J.S., 1456, 31).

B. -

"S'abstenir de qqc., se retenir de le faire" : Si avoient apris cil compagnon (...) à pillier et à vivre davantage sus le plat pays. Si ne s'en pooient ne ossi ne voloient detenir ne astenir (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 183). Alors tout a cop Saintré haulsa son piet pour le ferir au costé et le faire reverser a terre, mais pour son honneur garder s'en detint. (LA SALE, J.S., 1456, 185).

 

-

Se detenir de + inf. "S'abstenir, se retenir de" : ...le seigneur de Saintré se detint de a la mort proceder. (LA SALE, J.S. E., 1456, 435).

V. aussi destenir
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Robert Martin

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