A. -

Au propre

1.

"Qui se déplace rapidement" : Tu vois la mer quoie et paisible Aucune fois, et puis horrible La vois et pleinne de tourment, Pour ce que le vent si forment Y fiert, que ce sont mons et vaus, Plus tost courans que nuls chevaus, Ne tous li mondes contrester Ne porroit pas pour l'arrester. (MACH., R. Fort., c.1341, 98).

Rem. Consol. Boèce C., c.1350, gloss.

-

[D'un cheval] "Qui court vite" : Et si avoit de bons courciers, Plus tost courans que nuls chevaus, Pour courir les mons et les vaux... (MACH., P. Alex., p.1369, 58). ...et monterent .I. jour sus lors coursiers rades, fors et bien courans (FROISS., Chron. D., p.1400, 331).

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[Synon. de destrier coureur] Destrier courant : Il [l'] a mort abatu de son destrier courant (Gir. Vienne D.B., c.1350-1400, 134).

2.

[D'un liquide, d'une rivière] "Qui coule, qui s'écoule" : ...s'aucuns bourjois ou bourjoise, ou fieus de bourjois enfraignoient par nouvel fait pais ou trieves données par eschevins, passer s'en doivent par soissante lb., se il n'i a sanc courant par plaie ouverte. (Hist. dr. munic. E., t.2, 1334, 86). ...sur le chemin, trouva deux fontaynes l'une près de l'autre (...). Et dit que elles sont petites et se vuident par ruissiaulx courans. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 460). ...il sont moult sobre, et se passent bien deus ou trois jours a mengier char a moitié quite, sans pain, et de boire aige de rieu courant, sans vin ne cervoise. (FROISS., Chron. D., p.1400, 126). De plaisant et bonne fontaine, Ou de rivière clere et saine, Courante, sur sablon ou pierre (LA HAYE, P. peste, 1426, 101).

Rem. Percef. I, R., c.1450 [c.1340], gloss.

-

Eau courante : Plus e(r)s vaine et escoriable D'iaue courant, et flechissable Que n'est verge d'osiere blanche (MACH., Voir, 1364, 632). Et aussi est ce par accident que une eaue courante est plus froide que la dormante aucune fois. (ORESME, C.M., c.1377, 436).

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"Cours d'eau" : Orpheus fu un poete ; et dit la fable que il tant bien savoit jouer de la lire que mesmes les eaues courans en retournoient leur cours (CHR. PIZ., Ep. Othea L., c.1400-1401, 243-244).

-

À sang courant : ...et tant l'attendit qu'il le rencontra et lui etledit Basin prestement l'envahirent, assalirent et navrerent a sang courant (Doc. 1439. In : Ch. Petit-Dutaillis, Doc. nouv., 1908, 147).

3.

"Coulant, qui glisse facilement"

-

Lacs courant. V. lacs "Noeud coulant"

B. -

P. anal. [De l'écriture cursive] Lettre courant. "Lettre liée et coulée" : ...les dessusdis (...) prins en l'ostel d'un prestre un breviaire escript en papier en lettre courant (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1426, 364).

Rem. Cf. LA CURNE IV, 328b.

C. -

Au fig.

1.

[Du temps, d'une période de temps] "En cours" : ...les jours courans que li rois d'Engleterre se tenoit en sa navie devant l'Escluse (...) une disension s'esmeut tres grande en la ville de Gant (FROISS., Chron. D., p.1400, 637). L'an de l'Incarnacion courant Mil .IIIIcIIIIxx. et huit, Des jours il estoit dix huit De ce beaul joly mois de may, Ung dimanche aprés dimay, Ceste notable Passïon Fust par grande devocïon Achevee du tout d'escripre (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 269).

-

Empl. prép. "Durant" : En non dou Pere et dou Fil et dou Saint Esperit. Amen. En l'an de l'incarnation Nostre Seignour Jesu Crit corrant mil CCC et quarante, lou trezeime jour de fevrier, ou chatel de Monsajon, en la chapelle doudit lue, en la presence de mon seignour Jehan de Mugnet, curez a ce temps de Louilley, et de Renaut de la Barre, jurez et notaires de la cort de Besençon, et des tesmoignaiges ci dessoz nommez et a ce apelez pour oïr les choses que s'ensueuguent, je Richars de Mugnet, sires de Monsajon, chevaliers (Test. Besanç. R., t.1, 1341, 371). Pour la première expédier, N'est pas certes à oublier Que cil qui veult [garder] sa vie, Courant le temps d'épidémie, Ne doit traveillier tèlement Qu'il lui faudroit aucunement Abondance ou foison attraire De l'air venimeux et contraire (LA HAYE, P. peste, 1426, 84). De dormir et reposer, lascher le ventre et faire abstinence de femme courant pestillence. (LA HAYE, P. peste, 1426, 103).

2.

[D'une maladie] "Qui circule, qui se communique (d'un individu à l'autre)" : Et zucre cafatin o tout, Et partant doit et peut suffire Des antidotes, sans plus dire, Touchant la matière courant, Donc fault lessier le demourant Concernant les circonstances, Et conditions et muances De l'actuèle maladie, à la savance et industrie Des Maistres et Phisiciens (LA HAYE, P. peste, 1426, 158).

3.

"Qui est en usage, qui a cours" : Et lors Costentin, meu au bien et relevement de l'Eglise, lui donna les possessions terriennez qu'elle tient, qui depuis s'est augmentee dez dismez et oblations courans, avecquez les sensives et offertes ecclesiaulx, qui est le droit patrimoine du crucefix qu'il acquist de son precieux sang, par sa tres douloureuse passion. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 57). Et a ceste occasion (...) les affranchit le Roy de nom payer tous subsides courans en son royaulme (LE BOUVIER, Chron. Ch. VII, C.C.J., c.1451-1455, 287).

-

En partic. [D'une monnaie] : Et bailla denier à Dieu des dites choses, à quarante livres de rente à paier perpetuelment au receveur du roy, qui sera pour le temps avenir, à deus termes de Touz Sains et de l'Ascension, à chascun terme vint livres de bonne monnoie courant. (Doc. Poitou G., t.2, 1334, 107). ...diz huit deniers de la monnoie corant ou pais (Titres Bourbon H.-B., t.1, 1343, 403). ...pour ce qu'il semble à plusieurs que aucun Roy ou Prince puisse, de sa propre auctorité, de droit ou de previlège, franchement muer les monnoyes en son Royaume courans et en ordonner à sa volunté et plaisir (ORESME, Monnoies W., c.1365, II). ...nous ordonnons que ces sergens praignent salaire atrempé : c'est assavoir ceulx à cheval III solz, ceulx à pié XVIII deniers de la monnoie courant ; et plus n'en pourront prendre par jour pour leur salaire, combien qu'ilz facent pluseurs execucions ou autres procés de leurs offices par pluseurs personnes (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 81). Lors Verite la royne commanda a Bonne Adventure que la monnoie courant en Avignon tantost lui fust presentee pour la mectre en l'examen (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 307). ...la somme de trois mil livres tournois, monnoye courant (Chron. Mt-St-Mich. L., t.1, Pièces div., 1421, 109). ...la somme de cinq cens livres tournois, monnoie courant à present (Paris domin. angl. L., 1425, 165). Item je donne et legue a ladite eglise parochial de Salins pour une fois vingt francs monnoye corrant pour aidier a avoir et faire un missal pour ladite eglise. (Test. Besanç. R., t.2, 1427, 60).

4.

Empl. adv. Tout courant

a)

"Immédiatement" : Je lo que tout courant il soient desvesti (Hugues Capet Lab., c.1358, 173).

b)

"Spontanément, sans hésiter" : ...cent mille choses que ces abateurs de femmes scevent tout courant et par cueur. (C.N.N., c.1456-1467, 146).