I. -

[Corne (d'un animal) ; utilisée pour faire un cor]

A. -

"Excroissance qui se développe au front de divers animaux"

1.

"Excroissance pointue et dure qui se développe au front de divers animaux, corne" : ...Castors, aspis et unicornes, Et une autre beste a deus cornes, Trop diverse et trop perilleuse, Trop estrange et trop venimeuse (MACH., D. Lyon, 1342, 172). ...une corne de beuf en laquelle elle disoit estre tout ce qu'ilz avoient vaillant (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 270). Quant le vent vient d'escorceveau, les femmes doibvent taillier de l'oreille a leur jenne veillon et le jetter au lez de ou le vent vient, affin que leur veau croisse et amende, ou prommettre sa corne droite a saint Berthelemi. (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 128). Telle est des bestes la lignhee De se pays dont sommes nous. Presque toutes portent veloux Et sur leurs cornes grans orelhes. (Pass. Auv., 1477, 142).

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Beste à corne : Item, pourra mettre ses bestes à corne de sondit hostel pasturer en ladicte forest (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 85). Tant de gras beufz, de bouffles que de vaches, Dix huyt cens grosses bestes a corne. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 186).

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Corne de belin. "Corne de bélier" : ...nous l'enseveliron De la Farce de Pathelin Cousue de corne de belin. (Vig. Trib., c.1480, 233).

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[Attribut de la licorne] : La licorne est vne fiere beste laquelle est semblable à cheual de son corps (...) et a en my sa teste sus le plus fort vne corne de merueilleuse resplendisseur toute droicte qui se teurt vers le bout (Best. hérald. H.E., c.1435-1450, 476). Et au dessus dudit buffet [avoit] une riche couppe garnye de pierrerie, et par les quarrez dudit buffet avoit grans cornes de licornes toutes entieres, moult grandes et moult belles (LA MARCHE, Mém., III, c.1470, 120).

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[Attribut du diable, de créatures monstrueuses...] : ...s'apperu à elle un annemi en façon et estat des ennemiz que l'en fait aus jeux de la Pacion, sauf tant qu'il n'avoit nulles cornes. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 356). ...ung grand monstre, horrible et terrible, ayant grandes et longues cornes (C.N.N., c.1456-1467, 428).

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HÉRALD. "Meuble représentant une corne" : Et premiers Le conte de Bearn, qui portoit d'or a deux vaichez de gueulles, cornes d'azur et collees et campanees d'argent (LA SALE, J.S., 1456, 193).

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[Tournures plais. marquant l'étonnement] : ...aussi esbahie en fut comme si cornes luy venissent (C.N.N., c.1456-1467, 104). ...ilz furent autant souprins que si cornes leur venissent. (C.N.N., c.1456-1467, 340).

Rem. Guill. Orange T.H.G., p.1450, gloss. (esbahy comme cornes luy feussent venues)

-

Prov. Dieu donne le boeuf mais non pas par la corne. V. boeuf

Rem. Cf. aussi DI STEF., 260b, s.v. Dieu.

2.

[Valeurs symboliques]

a)

[Symbole de fierté ou d'orgueil] : C'est Orgueil qui est enflee, plaine de vent de propre reputation ; elle porte une corne ou front qui signifie Fierté. (Déclar. Hyst. S., a.1449, 160).

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Abaisser les cornes à qqn. "Rabattre l'orgueil, l'assurance de qqn" : ..."se les horribles cas de la guerre et les grans perilz sans nombre, qui en sourdent au commaincement de la guerre en ma balance par les parties fussent bien passees, il n'a si bon chevalier en France ne en Angleterre au quel les cornes ne lui abbaissassent et qu'il ne presist bien en denrees mains que son droit..." (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 374-375).

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Rabaisser ses cornes. "En rabattre" : Si rabaissez, Anglois, voz cornes Car jamais n'aurez beau gibier ! En France ne menez voz sornes ! (CHR. PIZ., J. d'Arc, 1429, 35).

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À cornes rabaissees. "Dans l'humiliation" : Et tantost après fut la terre et frontière desdiz Anglois esmeue et pleine de rumeur, et tant qu'ilz se retrahirent à tous leurs cornes rabaissées. Mais dedens brief temps recommençèrent. Et quant le connestable vid qu'ilz ne se absentoient de faire guerre, il eut conseil avec aucuns chevaliers de ses gens et autres (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.2, c.1425-1440, 267).

-

Eslever les cornes jusques au ciel. "Se dresser par orgueil (contre qqn)" : Et aussi, entens bien et considere conment lez cornes et l'orgueil de tez anemis et de leurs aliés, quant tu vins au gouvernement du royaume, estoient juques au ciel elevés (Songe verg. S., t.1, 1378, 7).

Rem. Cornes comme symbole de l'orgueil, cf. G. Hasenohr, M. fr. 14-15, 1984, 268 ; DI STEF., 198a-b, s.v. corne.

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Lever les cornes. "S'affirmer"

Rem. MARTIN LE FRANC, Estrif D., 1447-1448, gloss.

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Lever les cornes (contre qqn). "S'élever par orgueil (contre qqn)"

Rem. Inv. secte vaud. V.B. D., p.1460, gloss.

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Hausser la corne. "Lever la tête" : Car du chasteau qui veult haulser la corne, On peult bien voir le grant pont de Ligorne (LA VIGNE, V.N., p.1495, 204).

Rem. Cf. DI STEF., 198b : «Hausser, lever les cornes, la tête».

b)

[Évoque ce qui fait obstacle] : Mais veez ici que ja les cornes croissent d'une autre difficulté et, quelconques part je me tourne, je me treuve envelopé d'erreur. (FOUL., Policrat. B., II, 1372, 167).

3.

"Ramification du bois d'un cervidé ; andouiller" : ...il n'est pas vraysemblable que ung Ce(r)f Volant de XX cornes, c'est de XX ans, en la parfonde forest ait este si en muhe que aucunesfoiz en paissant il ne soit trouvez es avaines et es blez qui se trouvent empres la forest. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 124). ...une corne de rangier. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 134). Et [le cerf] mue ses cornes d'an en an au temps de ver et de sa prudence n'a point volenté de combatre iusques a tant que ses cornes soient reuenues. (Best. hérald. H.E., c.1435-1450, 468).

Rem. HENRI FERR., Modus et Ratio T., c.1354-1377, gloss. (du cerf, du chevreuil).

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[Représentation] : ...ung cerf de perles qui a les cornes d'esmail ynde et une sonnette au col. (Invent. mobilier Ch. V, L., 1380, 310).

-

[Allusion à l'acte sexuel] : ...avant que le jour venist, il fist tant que le cerf eut VIIJ cornes accomplies, laquelle chose sa dame print bien en gré. (C.N.N., c.1456-1467, 358).

-

[Plante] Corne de cerf. "Plantain" : Item por le mal dez dens, R. poivre, encens, poudre de corne de cerf et petre, et tot che boleis sor le feu en vin blanc, et puis meteis de tot chaut en vostre boche, et le demeneis avaul vostre bouche tant qui soit frois sens avaleir (Méd. nam. H., c.1400-1500, 202).

Rem. FEW II-2, 1196a : «1265, wieder seit Est 1538» et 1204a, note 19.

4.

"Pédicule de l'escargot" : Tes cornes sont de limeçon Qui se mucent pour .i. festu Tout aussitost com l'ont sentu. (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. D.-M.-S.-T., c.1330-1331, 18).

B. -

MUS. "Instrument à vent, trompette recourbée faite avec une corne de bélier, cor" : ...Viële, guiterne, citole, Harpe, trompe, corne, flajole... (MACH., R. Fort., c.1341, 146). Il disoit des dis et des chans De lais, de dances et de notes, Faites a cornes et a rotes, Tant que tous nous esbaudissoit (MACH., F. am., c.1361, 242).

C. -

P. anal.

1.

"Extrémité d'une chose en forme de corne"

a)

[D'une coiffe] : ...et grant corne ou chaperon. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 55). ...les VJ foiz ne luy coustoient non plus que s'on les prinst en la corne de son chaperon. (C.N.N., c.1456-1467, 407).

-

Chapeau à deux cornes. V. chapeau

-

"Arrangement conique des cheveux (dans la coiffure féminine)"

Rem. GILLES LE MUISIT, Poésies K., t.2, c.1347-1353, 34 et 209, et LA TOUR LANDRY ds T-L II, 871.

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[Par transposition, dans la coiffure féminine mongole] : Les dames mariees y portent une corne sur leurs chiefz, et par celle corne recongnoit on les dames mariees vers les autres. (JEAN LE LONG, Voy. Odoric A.M., 1351, 39).

-

P. métaph. Bouter qqc. en la corne. "Mettre qqc. dans la tête" : Dieu, dist la Pucelle au Cercle d'Or, me cuide Salfione ma compaigne bouter en la corne pour son beau parler que je doive sentencier a son vouloir ? (Percef. VI, R., c.1450 [c.1340], 522).

b)

Cornes (de la lune) : ...et quant elle [la lune] va par les haulz cercles qui sont vers Bise, elle a les cornes contrement et gist envers aussi comme une nef ; et quant elle est soubz le soleil, elle a les cornes contre terre ; et quant elle descroist, elle est droite, si comme dit Bede. (CORBECHON, Soleil Lune S., 1372, 351).

Rem. Hist. prem. destruct. Troie R., c.1470-1480, gloss. FEW II-2, 1197a : «cornes "les 2 extrémités du croissant de la lune" (seit Belleau)» (ca 1560-1577).

c)

Cornes de la matrice. "Les deux extrémités en forme de cornes de la matrice" : Et pour ce Dieu hault et souverain crea le masle et la femelle et les instruments c'est assavoir au masle les coillons et le vit et en la femme sont la matrice et le con et deux coillons qui sont es cornes de la matrice (GORDON, Prat., c.1450-1500, VII, 1).

2.

Corne du cul. "Sexe masculin" : Puis dit Par la mort bieu, j'ay si bien beu Que j'ay la corne du cul route. (S. fol, c.1480-1490, 6).

II. -

"Corne (substance), matière dure (qui forme les cornes et les sabots des animaux) utilisée dans la fabrication d'objets divers, corne" : A ce mot la gaite corna Et li vachiers, qui de corne ha Son cor qui sonne haut et bruit, Si m'esvillerent de leur bruit (MACH., Voir, 1364, 708). ...ung béricle ront, plat, environné de corne noire. (Invent. mobilier Ch. V, L., 1379-1391, 241). ...et sera appelee la cote principale de la Chevalerie, sur laquelle il seront cains d'une chainture de soie ou de cuir vermel, large de II doys ou ducas. Et sera la blouque ronde et de corne noir et le mordant aussi de corne noire, et la garnison des traus ou partuis sera de lecton. (MÉZIÈRES, Sustance H., 1396, 85). Une ymage de nostre dame, d'ivoire, séant en une chayère noire, qui est de corne ou de os noir. (Comptes Lille L., t.2, 1420, 238). Item, est ordonné que une bonne neuve celle, sans ouvrage de corne, garnie d'estriez et d'estrevieres, ne sera vendue oultre XXXV. s. Item, une bonne bride neuve, garnie de deux longes, oultre XV. s. Item, uns mors de bride tous plains, oultre V. s. (Doc. Poitou G., t.7, 1422, 390). ...six tablettes de bois couvertes de corne noire pour servir à iceulx messeigneurs et receveur pour mettre par memoire plusieurs choses qui surviennent touchant les affaires de ladite ville, c'est assavoir pour lesdites six tablettes garnies chacune de huit fueillets de bois accouplés, couverts de corne noire, au pris de 10 s. p. la piece, valent 60 s. p. ; item, pour 2 onces et 6 estellins d'argent que poisent les six couplets et six greffes dont sont fermées lesdites six tablettes, au pris de 8 francs 10 s. p. le marc, valent 40 s. 11 d. ob. p., et pour la façon de l'orfeuvre qui a fait lesdits couplets et greffes pour escripre (Comptes Paris V.L.D., t.1, 1445-1446, 468). ...ne savoient juger (...) de quoy elle [une corne du diable] estoit, si c'estoit os ou corne, comme aultres cornes sont, ou que c'estoit. (C.N.N., c.1456-1467, 430). ...Pierre de Blumay, faiseur de cornets de corne à escriptoire (Comptes Paris M., t.2, 1470-1471, 231).

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En partic. "Garniture en corne placée aux extrémités de l'arbalète" : A Guillaume Le Quavelier pour quatre livres de colle a asseer les ners dessus dis et a joindre les ars de deus fus ensemble, a coler les resons et les cornes sus les bous des ars d'icelle, chinc s. la livre, valent vint s. t. (Clos galées Rouen M.-C., t.1, 1367, 97).

Rem. FEW II-2, 1198b, s.v. cornu : «corner "garnir les 2 extrémités (d'un arc) de corne"» ; cf. GAY I, 631a, s.v. encornure.

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[Produit pharmaceutique] Corne de regnart : Recepte pour (faire) fard : de granade Et de la corne d'ung regnart Avecques force de moustarde (Dorib., p.1480, 250).

V. aussi cor1