C.N.R.S.
 
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     CHEVIR     
FEW II-1 caput
CHEVIR, verbe
[T-L : chevir ; GD : chevir ; GDC : chevir ; AND : chevir ; DÉCT : chevir ; FEW II-1, 338 : caput ; TLF : V, 687a : chevir]

A. -

"Aboutir, venir à bout de, se tirer d'affaire"

 

1.

(Se) chevir de qqn/de qqc.

 

a)

(Se) chevir de qqn. "Venir à bout de qqn" : Comment me chevirary [l. cheviray] de ceste male gent (Galien D.B., c.1400-1500, 83). ...et combien que tu [Angleterre] me [France] aies fait maulx innumerables, toutevoie de toy me feusse bien chevie et recompansee et te faire tenir en ta terre sans entrer en la mienne (JUV. URS., Aud. celi, 1435, 153). Par Dieu, vous n'en chevirés ja, Se vous ne le tenez soubz verge. (Pouvre peuple H., c.1450-1492, 189). ...[Le roy] moult en fu joieulx et dit que de sa part il ne sçavroit mieulx ne plus haultement assener par mariage son nepveu le prince qu'en la contesse, se par amours elle y voloit condescendre. "Ouïl, certez, sire," respondy le conte d'Artois, "car j'en cuide bien chevir." (Comte Artois S., c.1453-1467, 64). Et disoient aucuns lors couvertement que, si les Croy n'eussent tant entendu en leur privée affaire et eussent voulu fléchir pour le bien du cas, on se fust enfin chevy du duc par une manière ou par autre (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 355). Mes je me doubte, helas, qu'a celle heure (...), il [le duc de Bourgogne] esperoit (...) mieulx se pooir chevir de la personne du daulphin que ne fit (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 93). MALCHUS. Grongnart, regarde Que c'est couraige de femme. GRONGNART. C'elle monte a sa haulte game, Le dyable n'en chevira pas. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 280).

 

-

[De telle ou telle manière] : Vous m'escrisiés aussi qu'il vous grieve trop de ce que Raisons vous dit que Dangier porte la clef par desseur vous du tresor dont vous l'avés, et que sans li vous n'i porriés avoir nulz des biens qui y sont. Mais n'aiés de ce doubte, car j'en cuide bien chevir a l'aide de vous (MACH., Voir, 1364, 576). Par foy, sire, font ceulx, vous avez plus affaire que vous ne pensez, car voz ennemis sont fors et de merveilleux et fier couraige, et sont tous cousins, et du plus grant sang de cest pays. Ne vous chault, dist Gieffroy, j'en cheviray bien. Sachiez que il n'y a si grant, se il ne veult obeir a mon mandement, que je ne face mourir de male mort. (ARRAS, c.1392-1393, 197). Et avant que la feste fust esparse, il demanda conment il se ceviroit de ceuls qui le voloient adoser. (FROISS., Chron. D., p.1400, 467). Vous sçavez que ung tel seducteur A beaucop de mauvaistié veu Si le nous fault prendre impourveu Se nous en voulons bien chevir. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 247). Quelque refus que de la bouche elle m'ayt fait, si en cheviray je bien si je la puis a graux tenir. (C.N.N., c.1456-1467, 117).

 

-

"Se rendre maître de qqn, d'(une ville)..." : ...mais luy diz que je doubtoye que maistre Olivier et les autres qu'il avoit nomméz ne cheviroient point si aiséement de ces grandes villes comme ilz pensoient. (COMM., II, 1489-1491, 170). LA CHAMBERIERE. Entendez que batre le fault Pour faire son mal retourner. LE GENTIL HOMME. Or me le laissez gouverner ; Je croy que bien en cheviray. (Coust. Esop. T., c.1500, 176).

 

-

"Disposer en maître de qqn" : Semblablement la chose ainsi faite tourna à grand desplaisir au duc de Bourbon et à ses frères, à cause de l'un d'iceux qui estoit évesque de Liége, et ne se pouvoit bonnement chevir des Liégeois ses subjets, ainsi qu'il l'eust bien voulu. (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 119).

 

b)

(Se) chevir de qqc. (d'une difficulté, d'une tâche...). "Se tirer d'affaire de qqc., venir à bout de qqc." : D'assez grant charge se chevit Qui son honneur garde et maintient ; Mais a dangier travaille et vit Qui en autruy main l'entretient. (CHART., B. Dame, 1424, 347). Toutesfois, je vous prie que vous mettez peine de avoir promptement Lestore, car en ce faisant vous chevirés biens toust du demourant (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 234).

 

-

"Réussir (à faire qqc.)" : Touz les jours doit sa messe oïr Chevalier, s'il en puet chevir. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 119).

 

-

[De telle ou telle manière] : Ainsi Elior le comptoit A Tholomé et demandoit Comment en porroient chievir, Et le porroient assouvir. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 189). Lasse ! dolente, que feray, Ne conment du dueil cheviray Que j'ay au cuer ? (Mir. Theod., 1357, 84). Ilz penserent sus ces besoingnes et eurent conseil comment ilz s'en cheviroient pour le mieulx (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 62). Adont demanda li rois consel au conte d'Arondiel (...) conment il se poroit cevir de ceste avenue (FROISS., Chron. D., p.1400, 81). Je m'aloie ores au ceur, si [fort] esbahissant, Mais bien me vois percevant maintenant Que m'espee chevira trop bien du demourant. (Galien D.B., c.1400-1500, 84). David et Salomon, ses fieulx, Sanson, Hercules, non pas mieulx N'en chevirent (CHR. PIZ., Cent ball. amant dame C., c.1409-1410, 133). En douloureuse prison vit Et ne sçay comme il s'en chevit. (CHART., L. Dames, 1416, 241). Neantmoins je vifs, Trop piz que morte a mon avis. Onq en corps vif telz maulx ne vis. Je ne sçay comme j'en chevis (CHART., L. Dames, 1416, 244). "...Mes je ay espoir en vous et en vostre bon scens et advisement, c'est a dire, que vous vous en chevirés tellement et par si parfaicte maniere, que en la fin ne s'en suyvra que tout bien." (LA CÉPÈDE, Paris Vienne K., 1432, 154). CALMANA. Qui ceste chose pourroit faire, Ce nous seroit ung tresgrant bien. CAYN. Taysez vous ; j'en cheviray bien. (Myst. Viel test. R., t.1, c.1450, 81). LE IIIIe SERGENT. Je vous pry que plus ne parlons A luy ; c'est parole perdue. Menons l'en le long de la rue Honteusement, comme ung larron ; Mieux chevir ne s'en pourroit on. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 131). Et, pour abreger, chevissez vous en le mieulx que vous pourrez (Lettres Ch. VIII, P., t.2, 1488, 18). ...mais luy diz que je doubtoye que maistre Olivier et les autres qu'il avoit nomméz ne cheviroient point si aiséement de ces grandes villes comme ilz pensoient. (COMM., II, 1489-1491, 170).

 

-

"Se rendre maître de qqc., dominer qqc." : On ne peut chastier les yeux, N'en chevir, quoy que l'en leur dye ; (...) Rien n'y vault s'on les tanse ou prye. (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 509).

 

.

Chevir de qqc. que. "Dominer qqc. de manière que" : Et fust ce ma mort, ou ma vie, Je ne puis de mon cueur chevir Qu'i ne vueille conseil tenir Souvent, avec Merencolie. Si luy dy je que c'est folie : Mais comme sourt ne veult oïr (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 522).

 

-

"Aboutir au sujet de qqc." : JHESUS. Ilz pervendront a leur desir Et fault que de ma mort chevissent, Mais non pas si tost qu'ilz voulsissent. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 206).

 

-

En chevir. "Se tirer d'affaire" : Conment que soit, mon ami doulx, En chevirons. (Mir. st Lor., 1380, 142).

 

.

En chevir vers qqn. "Se tirer d'embarras vis-à-vis de qqn" : PREMIER CURÉ. Par Dieu, l'eure et le temps venra, S'autrement n'avez repentance, Qu'encores griéve penitence En arez a mort ou a vie. (...) GODART. De ce ja ne vous esmaiez : J'en saray bien vers Dieu chevir (Mir. parr., 1356, 6).

 

2.

(Se) chevir de + inf. "Réussir à, parvenir à" : Dont eurent les barons et chevaliers d'Angleterre ordonnance comment ilz s'en cheviroient de retourner en Angleterre. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 101). Or voy je le mien corps du tout si afloibir, Que d'en tuer ung seul je ne me puis chevir. (Galien D.B., c.1400-1500, 87). Veez la ton maistre messire Gaultier, qui est bien mauvaiz, comme tu scez, et neantmoins il se repent, au moins en fait semblant ; au moins ne peuz tu que avoir desplaisance et repentance, car de faire satisfaction ne pourroyes tu chevir (Nouvelles inéd. L., p.1452, 36). ...et vous savés tresbien chevir De monst[r]er a chacun douceur. (Poés. lyr. court. XVe I., c.1454-1456, 166).

 

-

Estre chevi de + inf. : Ainsi je vis Et me fut adoncques advis Que ne me sceusse estre chevis D'en jugier, et le feisse envis. (CHART., L. Dames, 1416, 299).

 

-

[Avec un adv. marquant une issue défavorable] "Manquer à, faillir à" (Éd. "Profiter de") : DYMAS. Se par mort nous fault defaillir Et estre en la croix asservy, Plaindre bn'en devons ne gemir, Car nous l'avons bien desservy. GESTAS. Trop mallement avons chevy de nous a bien faire employer. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 334).

 

3.

[Rare]

 

a)

Chevir à qqn/à qqc. "Venir à bout de qqn/qqc." : Et atant [le chevalier] est esvanoys, que Gieffroy ne scot oncques qu'il devint, ne aussi ne firent ceulx qui estoient oultre la riviere, qui moult furent esmerveilliez qu'il povoit estre devenuz, et aussi fu Gieffroy. Et atant s'en part, et passa la riviere, et vint a ses freres et aux barons qui lui demandent comment il avoit chevy a son homme ne qu'il estoit devenus. (ARRAS, c.1392-1393, 301). Desormais vous veulx suivir, Vostre doctrine poursuivir, Ensuivir Et votre predicacion Pour vostre grace desservir, Pour vostre amour aconsuivir, Et chevir A mondayne temptacion. (LA VIGNE, S.M., 1496, 392).

 

b)

Chevir qqn.

 

-

"Aider qqn à aboutir, soutenir qqn" : Et ont esté lesditz Angloiz cause de eulx abrégier ses jours [de la reine Isabeau], parce que ledit roy d'Angleterre ne la chevissoit autrement. A esté aussi fort dollente et prins en desplaisance de ce que injustement les Angloiz avoient publié de son filz : car ilz disoient que Charles, dauphin de Vienne, n'estoit pas légitime, et par ce moyen inhabille à succéder à la couronne de France. (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.1, c.1437-1464, 209).

 

-

"Conduire qqn, faire aboutir qqn" : Qui saiges est, son sens le doit chevir (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 285).

 

-

"En finir avec qqn, se débarrasser de qqn" : Cilz de Citialx sont bonnes gens Et moult ayment or et argent. Toute jour changent [var. Tousjours chassent ilz, Tousjours chaussent, tousjours chevissent] lour abbé ; S'il ne lour fait tout lour talent, Entr'eulx en font un parlement, Tantost le vuillent depouser. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 56).

 

-

Chevir qqn de qqc. "Tirer d'affaire qqn à propos de qqc." : LE ROY. De ci m'en vois et la [Osanne] vous lais : Ordenez en si que jamais N'en soit nouvelle. LA MÉRE. Puis qu'il vous plaist, je seray celle, Biau filz, qui vous en cheviray, Si que vostre honneur garderay, Et tellement qu'on ne sara Qu'elle devenue sera (Mir. roy Thierry, c.1374, 267).

 

4.

(Se) chevir contre qqn. "Se tirer d'affaire dans une opposition à qqn" : Messires Robers Canolles, qui dedens Derval se tenoit, leur avoit escript que en riens il ne se travillassent pour lui et qu'il se cheviroit bien tous seulz contre les François. (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 147). ...la royne et son mari firent leur semonce et assemblée de tant comme elle put, et apella ses barons, et demanda conseil comme elle cheviroit contre Salhadin (COCHON, Chron. norm. B., c.1430, 9).

 

-

Se chevir devers qqn. "Se tirer d'affaire en ce qui concerne qqn" : Et tellement se chevi devers la dame que finablement il parvint au bien de ses amours par bons moyens (Saladin C., c.1465-1468, 160).

 

5.

(Se) chevir/en chevir. "Se tirer d'affaire, se débrouiller" : Vous m'escrisiés aussi qu'il vous grieve trop de ce que Raisons vous dit que Dangier porte la clef par desseur vous du tresor dont vous l'avés, et que sans li vous n'i porriés avoir nulz des biens qui y sont. Mais n'aiés de ce doubte, car j'en cuide bien chevir a l'aide de vous (MACH., Voir, 1364, 576). ...Uns paisans dist : "Je ne sçay Comment on se pourra chevir. Je voy chevaulx prandre et ravir, Moutons et aumaille tuer, Par gens qui nous en font fuir..." (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 45). ...a riens leurs peinnes ne mectent Fors qu'aux folies qui leur haitent, Et haient ceulz qui les reprennent Et qui sens et bien leur apperennent. Pour ce ne se saroient chevir Quant vendroit aux seigneurs servir (LE PETIT, Champ d'or L., c.1388-1392, 111). Ne savoient comment soy chevir, Car fouir ne povoint-il mie. (SAINT-ANDRÉ, Livre Jean de Bret. C., c.1400, 451). Sy bien chevit Que ung grand cherf vid Ence hault bois. (Vie st Eust. 2 P., c.1400-1450, 194). Nul ne le peut aprivoiser [Dangier], Tous temps est si soupeçonneux Qu'en penser languist doloreux Quant il voit Plaisance venir ; Mais elle se scet bien chevir, Maugré Dangier et ses conseulx. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 94). ...laissiez moy la bataille sy vous reposez. Je me cheviray bien. (Percef. I, T., c.1450 [c.1340], 309). Allés vous en, j'en pren la charge, De luy ja ne vous soulciez ; En moy du tout vous en fiez, Car j'en sçauray tresbien chevir. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 23).

 

-

[Avec un adv. marquant une issue défavorable] : Car si de faim ycy mouron, Meschantement nous cheviron (SAINT-ANDRÉ, Livre Jean de Bret. C., c.1400, 500).

 

6.

[D'une chose]

 

a)

Se chevir de qqc. "Découler de qqc., s'ensuivre" : Toute la cause de sa voie Leur dist [le roi aux Vénitiens], et les requist de gent, Ou de navie ou d'argent, Pour le saint voiaige assevir ; Car enuis s'en porroit chevir, Se il li refusient aye, Especiaument de navie... (MACH., P. Alex., p.1369, 48).

 

b)

Se chevir. "Se terminer" : JUDAS. Voyla mon maistre qu'on emmaine Assez piteusement traictié Et m'est advis que son traictié Piteusement se chevira Et que la mort s'en enssuivra. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 283).

B. -

"Tirer parti de ; se pourvoir de"

 

1.

(Se) chevir de qqc.

 

a)

"Tirer parti de qqc., en partic. tirer sa subsistance de qqc., fournir à sa subsistance, se nourrir au moyen de qqc." : Bien emprunta premierement Pour hanter joustes et tournois, Dont unquez rien ne fut rendu. Quant tant ot prins et despendu Que nul ne l'osoit mes plevir Et il ne sceut de quoi chevir Ne ceulx qui estoient o li Adonc... (Tomb. Chartr. Dix-huit contes K., c.1337-1339, 233). De pute heure sur terre vit Qui d'aultrui chaté se chevit. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 56). Dittes, beaul pere, que feray ? Dittes qe quoy me cheviray ? (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 94). ...si envoyerrent hors de la ville, (...) toutes manieres de gens (...) qui n'avoient de leurs propres biens tant qu'ilz s'en peussent chevir (LE BEL, Chron. V.D., t.1, 1352-1356, 192). Franchois d'Aubengny est jugiet de gésir 40 jours en ostage et qu'il ne doit de Noël prochain venant en un an faire draperie, ne luy chavir du dit mestier, et tout ce qu'il a à ouvrer du dit mestier soit parfait dedens le dit jour de Noël, et, s'il ralast au dit mestier dedens le dit terme, ce seroit sour doubler se termine (Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3, 1375, 653). Et disoient communement ensi qu'il ne voloient mies chevalier ne escuier rançonner si estroitement qu'il ne se peuist bien chevir et gouvrener dou sien, et servir ses signeurs, selon son estat. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 64). ...icellui Jaquet et Jehannette (...) en furent comme destruiz, et ne savoient de quoy eulx chevir et gouverner. (Paris domin. angl. L., 1424, 118).

 

-

"Profiter de qqc." : Il [Garencieres] dit qu'il est tant douloureux, Et qu'il est mort sans recouvrance ; (...) On peut veoir que celle penance Qu'il lui a couvenu souffrir N'a fait son visage pallir Ne amaigrir de maladie : Ainsi se moque, pour chevir(,) Des grans biens de ma seigneurie (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 127).

 

-

Empl. abs. : Pourquoy se font il tant haïr [les faux menteurs] ? Vueulent il que l'en les guerroye ? Cuident il du monde tenir Tous les deux boux de la courroye ? C'est folie, que vous diray ! Leur prouffit puissent parfournir, Et laissent les autres chevir (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 187). Et pourtant fault il que celuy Lequel moyennement chevit Soit a son aise car ce luy Est un grant bien quant de ce vit. (CHAST., Temps rec. D., 1451, 44).

 

b)

"Se pourvoir de qqc., se procurer qqc., obtenir qqc." : Mais la langue avoit si plesant Que les bonnes gens li donnoient Tant que touz .III. s'en chevissoient De tout ce qui lour couvenoit, Com a telz gens appartenoit ; Et de son vivre necessaire Recoupoit il moult, pour le faire Es autres povres gens donner. (Tomb. Chartr. W., c.1337-1339, 109). ...Plus furent hardy de sengler. Louveau seul de poy se chavist (Pastor. B., c.1422-1425, 123).

 

-

Estre bien chevi de qqc. "Être bien loti au sujet de qqc." : S'il ont merci, il sont moult aise ; S'il ne l'ont, il prennent substance De par moy et bonne Esperence, De quoy il sont si bien chevi Qu'il sont tout adès assevi. (MACH., D. Aler., a.1349, 339).

 

2.

Se chevir de qqn. "Tirer parti de qqn, profiter de qqn" : Sy ay regardé qu'il est bon que s'il ya aucun chevalier qui soit tant preux qu'il puist ung autre a force de bras mettre a terre et mener le cheval a certains lieux qui a ce sont ordonnez, que cellui en puist joyr comme sien, par quoy les povres chevaliers se puissent par leur proesse chevir des riches hommes (Percef. I, T., c.1450 [c.1340], 171). ...Et dist ainsi [l'âne à son maître] : "Pour quoy me bas ?" - "Pour ce", dit il, "que gaigné l'as. Certainement se je tenoye Ung glayve, je t'en destruirye. Pour quoy ne vas tu par la rue ["pourquoi n'avances tu pas ?"] ?" Lors respondit la beste mue : "Et ne t'es tu pas bien chevy De mon corps jusques au jourd'huy ? Te feiz je onc ainsi en nulz lieux ?" (ALECIS, Passe temps P.P., 1480, 177).

 

3.

Se chevir à qqc. "Avoir des vues sur qqc., aspirer à la possession de qqc." : Voicy vostre pére et voz frérez Que par famines et misérez Sont venus a vous a secours. Or sçavez vous bien que tousjours Ceste terre totallement Est a vostre commandement ; Pour tant vous leur en baillerez De la meilleure que pourrez En toute la terre choisir. Se Jessen est a leur desir Et que a leur ayse se y chevissent, Baillez leur et qu'il en jouyssent (Myst. Viel test. R., t.3, c.1450, 168).

 

4.

Se chevir. "Pourvoir à sa subsistance, à ses besoins" : Mais cilz qui vit du sien a chiere lie, Et qui se puet par son labour chevir, Vit longuement et sanz merancolie Et si se puet loyaument enrichir (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 256). Il doit doubter qu'il ne chiée en folie, Garder le sien et qu'il ne croie aussi Les faulx amis, qu'apres leur departie, Se puist chevir afin qu'il ne mendie (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 290). S'il a estat qui lui souffise, Maison, vivre, lit ou il gise, Vestir, et ait pour lui chevir, Santé, pour son fait soustenir, Sanz desirer autre chevance : Telz homs vit bien au Dieu plaisir. (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 165).

 

-

Prov. Mettez un fol à part soi, il pensera de se chevir : On dit suvent en reprochier Un proverbe que j'ay moult chier,Car veritable est, bien le say, Que "mettez un fol a part soy, Il pensera de soy chevir". (JACQUES BRUYANT, Voie pauvreté richesse P., 1342, 4).

 

-

Se chevir tout. "Suffire à ses besoins" : Par ma foy, dist Le Tors, je me caviray tout ; je suy charbonnier. Mon asne est tout chargé de charbon. (Percef. I, T., c.1450 [c.1340], 233).

 

5.

[Rare] Chevir qqc.

 

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"Fournir, pourvoir qqc. (de ce qui est nécessaire)" : Maintes gens sont, qu'ont grant domene, Et nuit et jour sont en grant penne Et touz jours sont en povretez [var. Et ne peuent chevir leurs hostelx]. Vous verrez d'autres gens sens penne, A poul de terre, a poul demainne ; Qui sont riches et honorez. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 215).

 

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"Obtenir, se procurer qqc." : ...grande joie voz feust quant de voz doucez mayns vostre tresbenoit filz envolupastes si doucement en les plus beaux draples qe voz avoir peustes ou chevir (HENRI LANC., Seyntz medicines A., 1354, 219).

 

-

Faire chevir (une somme d'argent) "Faire prêter sur gages" : ...pour la grande necessité que le Roy (...) ad de monoie a present, j'ay fait chevir pluseurs grandes sommes de deniers (Lettres agn. L., 1412, 428).

C. -

"Donner satisfaction à qqn ; satisfaire à qqc."

 

-

(Se) chevir à qqn. "Satisfaire qqn, s'arranger avec qqn" : "Je te pry, laisse-le et si me sers et je t'en sçaray gré." Harton fu tantost conseillé de respondre, car il s'enamoura du chevalier et dist : "Le volez-vos ?" - "Oïl, dist le sire de Corasse, mais que tu ne faces mal à personne de ceens. Je me cheviray bien à toy, nous serons bien d'acord." (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 175). Item, se aucun [escorcheur] est semons par devant ledit maistre et jurez a certaine journée et il ne vient ; pour le deffault que il deffaudra, il pourra estre contrains a paier dix-sept soulz six deniers ; et tant en pourra demander l'achateur ou le fermier de ladicte juridicion ; mais selon ce que les maistres et jurez le verront obeissant, il tansseront pour le premier deffaut douze deniers, et pour second deffault deux solz, pour tiers deffaut dix-sept solz six deniers ; et lors li puet le mestier estre deffendu du mestre ou des jurez ; et se fait, se il taille, combien qu'il ait chevi a son adversaire, senz empetrer son mestier dudit maistre ou jurez, il chiet en amende de dix-sept sols VI deniers (Mét. corp. Paris L., t.1, 1381, 267). ...et s'il avient qu'il soit trouvé taillant sur deffens, senz chevir a son adversaire, et senz empetrer son mestier ou congié, il chiet en ladite amende de dix-sept sols six deniers (Mét. corp. Paris L., t.1, 1381, 267). ...et pour ce qu'il ne pooit paiier et qu'il ne se sçavoit comment chevir auxdis lombars qu'il ne demourast prisonnier (Trés. Reth. S.L., t.2, 1395, 412).

 

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Chevir avec qqn. "Traiter, transiger avec qqn, passer un accord avec qqn" : Item, je advertiz mes heritiers que pluseurs seigneurs, dont je tiens mes heritages de Brye, y demandent pluseurs servitutes et redevances, oultre les cens acoustumez, qui semblent bien estranges, mais il s'en fault rapporter à l'usage du païs, et leur en doit on pluseurs arrerages à aucuns ; si en fauldra chevir avecques eulx au mieulx que l'en pourra, ou cas que l'en trouvera qu'ilz aient droit. (Test. Parlem. Paris T., 1411, 543).

 

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Chevir ensemble de qqc. "S'accorder à propos de qqc." : ...ne scet comment ilz en ont depuis chevy ensamble, mais il est record que ladite Marion lui a dit que icelle chainete d'argent elle a vendue, ne scet à qui ne quel somme d'argent. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 424).

 

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Empl. abs. "Composer, transiger" : Et fut là baillé icellui conte d'Angoulesme pour la somme de trois cens et dix mille frans, monnoie de France. Et quant ledit duc d'Orléans eut ainsi chevy, il retourna à Blois. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.2, c.1425-1440, 304).

 

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Chevir à qqc. "Satisfaire à qqc., se soumettre à qqc." : Et se Dieus me donne tel grace Que vostre besongne bien face, Vostre bon cheval reprenez ; Car n'est drois que le me donnez. Et j'en cheviray [var. enclineray] a vos dis Bonnement, sans nuls contredis. (MACH., D. Aler., a.1349, 317).

D. -

"Se comporter, se conduire, agir (de telle ou telle manière)"

 

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(Se) chevir : Ainsi chevissent li geignour En cest monde communement : Quant ilz ont ouvré cruelment, Soit par mehaing ou par rapines, Il se font par droites gehines - Uncor s'a merci venir daignent ! - A ceulx qu'ilz robent et mehaignent Pardonner lors iniquitez (Tomb. Chartr. Dix-huit contes K., c.1337-1339, 97). Mais il ne fist point de vigile Pour venir a la haulte feste Que Dieu a ses amis appreste, Pour quoi jamès rien n'y prendra. Et tant a ceulx en avendra Qui comme li ci se chevissent, Dont l'en voit souvent qu'il perissent Honteusement emmy lors joies (Tomb. Chartr. W., c.1337-1339, 71). Après des dames vous diray, Puis que commencié a dire ay, Comment elles se chevissoient... (MACH., D. Lyon, 1342, 215). Lez moines donquez, quant ce virent Que illec leur mestres perdirent, Courouciez, dolenz ne savoient Comment eulz chevir, quer bien voient Perduz sont, ne sevent que fere Ne conseil mettre en leur afere. (Vie st Evroul S., c.1350, 120). Achimenides, qui le vit, Disoit comme il [Polyphème] se chevit Quant de son oeil fu defferés... (MACH., Voir, 1364, 626). Si ont en Delphos lors tramis, Au dieu Appollo, leur amis, Savoir comment chevir se doivent, Car leur meilleur point n'apperçoivent. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 137). Ruben, mon enfant premier né, Une foiz feiz ung vitupére De monter au lit de ton pére ; Par quoy tu perdras la droicture Qui vient de primogeniture ; Trop mallement t'y es chevy. (Myst. Viel test. R., t.3, c.1450, 188). ...or avons perdu en vous ce que jamais ne recouvrerons, ne que le monde jamais ne pourra produire, que de nous rendre un tel, là où il y ait les bontés et les courtoisies et les humanités, les vertus et singulières grâces qui estoient en vous, et dessoubs qui, en si longue espace et en tant de diverses importances de temps et de fortune et de diverses affaires, hommes jamais se pourront chevir et comporter si sainement et si salutairement (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 233).

 

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(Se) chevir de/envers qqn (de telle ou telle manière) "Se comporter avec qqn (de telle ou telle manière)" : Oyez comment de moy chevit Ma dame Fortune (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 33). ...Par vous doit estre poursuivy, Car il ne se est pas bien chevy Envers vous, ainsi qu'il devoit. (Myst. Viel test. R., t.2, c.1450, 240).

 

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Se chevir que. "Faire en sorte que" : La dame moult fort remira Comment elle se chevira Qu'elle ne soit apperceüe (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 356).

 

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Se chevir sur l'estat que. "Se mettre en état de" : ...Quant j'en suis requis, C'est raisons c'a vous j'obeïsse Et que sus l'estat me cevisse Que nous chevaucons les contrées. (FROISS., Méliad. L., t.1, 1373-1388, 105).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Pierre Cromer

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