I. -

Empl. trans.

A. -

Au propre "Mettre (des choses) dans le désordre, les mêler confusément" : Et tel inconvenient s'ensuit a ce que est escript ou livre de Plato appellé Tymeus ou il est dit que le monde fu fait, et que au devant de ce les elemens estoient meuz desordenement et estoit tout broullié un parmi l'autre. (ORESME, C.M., c.1377, 604). ...pour lequel outreciudier [l. outrecuidier] fu la terre et ses germes toute brouyé par ce que il ne savoit tenir le droit chemin dont tout ardoit avant soy (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 81). Et, à l'heure que le traict tumbera dedans, leurs chevaulx se tourneront devant derrière et ne souffreront point le traict ; et, à l'heure qu'ilz seront brouillez, nous donnerons dedans eulx. (BUEIL, II, 1461-1466, 199).

B. -

P. anal.

1.

Brouiller qqn/qqc. en qqc. "Faire disparaître qqn/qqc. en qqc. (comme en l'y mêlant)" : Que te fault il, paillart, puant aspic ? La malle mort, soit de taille ou d'estoc, Te puisse brief serrer le palletoc, Briqueboiller et broiller en ung lac ! (LA VIGNE, S.M., 1496, 138).

2.

Brouiller qqc. "Barbouiller, salir qqc." : "...Mon corpz batirent et flagellerent ; mon chief d'un chappeau d'espines poignans couronnerent et me percerent jusques au cervel. De sang et d'ordure ma face me honnirent et broullerent." (Horloge de sapience S., c.1389, 76). ...là a une place que quant les gens vont pardessus pour eulx garantir de la pluie, ilz cheent du hault en bas en un sac là où ilz sont tous emplumez et très bien brouilliez. (Comptes Lille L., t.1, 1432-1433, 269). ...y a ung estaplel, ouquel a ung livre de balades, que quant l'en y veult lire, les gens se tiennent tous broulliez de noir (Comptes Lille L., t.1, 1432-1433, 270). ...vous avez respandu mon cornet a l'encre et avez brouillé et mon escripture et ma robe (C.N.N., c.1456-1467, 152). ...je m'en voys essayer comment je passeray par ceans ; mais premier brouillez moy le visage bien noir (C.N.N., c.1456-1467, 437).

Rem. Guill. Orange T.H.G., p.1450, gloss. (brouillié).

-

[Dans un cont. métaph.] : Quant ilz sont moult de malfaiteurs Couvertement d'une alyance Et on en prent ung ou plusieurs (...), L'ung broulle l'autre par meschance (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 39).

3.

En partic. [Le compl. désigne un support de l'écriture (papier, parchemin...)] "Gâter en couvrant d'écritures inutiles" : "...Dame royne," dist Ardant Desir, "avec telx neutres qui ne donnent foy a tant de vaillans clercs de chacune partie, je n'entens a brouillier mon papier ne sieuvir leur orgueilleux sentier..." (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 368). Lors le benoist parlement estoit en grant repoz et en grant auctorite et reputacion. Il ne convenoit pas lors au rendre un arrest brouillier une peau de parchemin, ne repeter tant de foiz les cautelles des excepcions. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 477).

-

Brouiller le parchemin. "Barbouiller le papier, ici, au fig., semer désordre et perturbation" : Quant a moy, je le veul ! Et si veul qu'on me creve l'eul Si je n'empesche par chemyn Lengrois qui, pour nous faire deul, S'en vont broullant le parchemyn ! (FLAMANG, Vie Pass. st Didier S., 1482, v.1540).

.

[Dans un cont. grivois] "Coucher avec une femme" : Noz mignons fringués et bruyans Qui broullent nostre parchemin (...) Ilz font leur compaignon Jenin, Leur gros vallet Gaultier Fouet (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 138).

C. -

Au fig.

1.

Brouiller qqc. "Rendre qqc. confus, louche (dans un dessein maléfique)" : ...et ay esté averty que aucuns veulent brouiller le fait de ladite mairie (Reg. Poitiers F., t.3, 1467, 261). ...eulx saichans nostre armée departie pourroient encore brouiller quelque chose (Lettres Ch. VIII, P., t.2, 1488, 219). Mais quoy que j'aye broillé ne barboillé, N'a consentu a nulz de mes acors. (LA VIGNE, S.M., 1496, 482).

-

Brouillé. "Dans la confusion" : ...pour quoi il estoit de justice de Dieu qu'il fût puny, car tout le royaume estoit brouillé et fut destruit par la traïson. (RAOULET, Chron. Ch. VII, V., c.1461-1467, 166).

2.

[À propos d'une façon de s'exprimer]

-

Brouiller qqc. "Marmotter qqc." : Pour les boiaus Sainte Geline, Vela dame Geneveline Qui ne fait que pseaumes broullier (Mir. ste Genev. S., c.1410-1420, 157).

-

Brouiller de qqc. (à qqn). "Parler confusément (à qqn) de qqc." : Il m'a broullé de pelle mesle De brebis (Path. D., c.1456-1469, 140). Par le sang bieu, je n'y vois goute : Il brouille de drap et babille Puis de brebis, au coup la quille ! (Path. D., c.1456-1469, 168).

-

Empl. abs. : L'une crye et l'autre fatroulle, L'une avoit ung escouvillon De four, l'une crye et l'autre broulle, Et l'autre portoit ung pillon. (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 94). Par telz pointz et par telles choses On brouille, on clicquette, on noise. (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 289). Quant nous eusmes bien cacqueté, Et bien broullé et tempesté Onze heures si s'en vont sonner. (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 312).

3.

Brouiller qqn.

a)

"Mettre qqn dans la confusion" : Croiez qu'el n'est pas a son aise ! Amours l'ont tellement broullee Qu'elle en est toute enfatroullee Et ne scet duquel pié dancer. (Narcissus, p.1426, 297). C'est a dire, mon ami : fuy luxure, a ce que tu ne soies broillié en deshonneste renommee (LA SALE, J.S., 1456, 27).

-

Empl. pronom. "S'embrouiller" : Et a ce doiuent bien prendre garde et bien faire le guet ceulx qui sont donnez et enclins a estude et a contemplacion quilz ne chargent pas trop leur ymaginatiue mais que par bonne circonspection et deliberacion ilz mectent ordre en leur fait et quilz ne se broullent point par confusion de choses impertinentes. (CIB., p.1451, 213).

-

Empl. abs. "Faire des choses inintelligibles au commun, faire des enchantements" : Il [Jésus] volleroit plus tost aux cieulx Qu'il se sceust de la despescher Ou s'en voit maintenant preschier, Broiller et ramener les mors. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 262). Or voise maintenant prescher, Brouiller et ramener les mors ! (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 735).

b)

Brouiller qqn avec qqn. "Susciter la discorde entre des personnes (notamment dans les affaires publiques)" : Et [ quant ] au fait de la guerre, il est notoire que luy, conte de Charolois, sachant que le Roy Loys de France l'avoit volu brouillier et mesler avec son pere, il se mist en l'aliance de monseigneur de Berry, frere du Roy de France. (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 124). Aussi par ceste fiction du roy Amydas est à entendre que, quant le Roy commist le Jouvencel, mon maistre, son lieutenant devant Bourdeaux, on fit des rapportz en le cuydant brouller avec le Roy, disant que mondit maistre et aucuns avec luy faisoient des chouses qui ne luy plaisoient pas, et qu'il estoit besoin y donner provision. (TRING., c.1477-1483, 297).

-

[D'une chose] Brouiller (des personnes). "Désunir, opposer (des personnes)" : Sces tu qu'il est ? Riens ne nous broille ! Comment qu'il voit de ses larrons, Des habiz de Jhesus arons Nostre part et sera sorty. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 341).

II. -

Empl. intrans. [D'une partie du corps] Brouiller à qqn

-

[Du ventre] "Gargouiller" : Il n'eut gueres esté avant que le ventre luy brouilla et grouilla tellement qu'il fut contraint de soy bouter en une vieille masure [L'homme vient de prendre un clistère] (C.N.N., c.1456-1467, 469).

-

"Causer des embarras à qqn, créer des confusions chez qqn" : Puis que nulz homs ne m'acueille Ne recueille En terre, li frons me moille ; De larmes le font moillier My oeil, qui ne font qu'eillier La veue me trouble et breille. (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 181).