C.N.R.S.
 
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FEW I bucca
BOUCHE, subst. fém.
[T-L : boche ; GDC : bouche1 ; AND : bouche1 ; FEW I, 581b : bucca ; TLF : IV, 732a : bouche]

A. -

Au propre "Bouche (orifice facial humain)" : Certes, or vous vueil je baisier Et bouche et piez. (Mir. marq. Gaudine, 1350, 169). ...errachier tous les dens de vostre bouche (MACH., Voir, 1364, 738). ...il se mist et assist sur la forcelle dudit Andry, et lui estoupa de sa main son nez et sa bouche tant qu'il le estaigny et fist mourir (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 127). ...une dent qui lui yssoit hors de la bouche plus d'un pousse (ARRAS, c.1392-1393, 80). ...il rendoient sanch par la bouce et par les orelles (FROISS., Chron. D., p.1400, 544). Le vis a de couleur de terre, La bouche bee et les dens serre L'une sur l'autre chevauchees (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 103). ...l'homme luy demanda de sa bouche, de ses yeulx, de ses mains, de son tetin, de son ventre, de son devant et de ses cuisses, a qui tout ce bagage estoit. (C.N.N., c.1456-1467, 323). ...et leur dist a bouche vuidant souspirs douloureux ["en soupirant"] : ... (LEFÈVRE (R.), Hist. Troyes A., c.1464, 162).

 

-

P. méton. "Les lèvres" : ...elle s'abaissa Et en la bouche le baisa Plus de vint fois, voire de trente, Voire, par Dieu, plus de sexante. (MACH., F. am., c.1361, 239). Par force du mal amoureus Non pourquant a sa douce bouche Fis lors une amoureuse touche, Quar je y touchai un petiot. (MACH., Voir, 1364, 240). Li roy les en mercia mont, Et puis les fit drecier amont Et dist : "Je sui asseüréz, Puis qu'einsi vous le me jurez." Et en la bouche les baisa, Dont son ire moult rapaisa. (MACH., P. Alex., p.1369, 265). Lors la rembraçoie Et par son congé Sa bouche baisoie. (MACH., App., 1377, 647). Par le menton et par la bouche La prant [son épouse], estraint, acole et baise. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 123). Ad vous j'ay toute ma fïance ; Voz piés baisarey de ma bouche. (Pass. Auv., 1477, 152). ...l'une [des pierres précieuses] de telle efficace, après qu'elle fut mise sur le bort d'une couppe d'or à l'endroit où l'on beuvoit, que souldainement, se aucun homme qui eust faulté ou rompu son mariage, sa bouche se souldoit et prenoit, comme si les levres feussent d'une piece. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 34 r°).

 

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Au plur. : Et ce fait, que tresdurement Pour le surplus l'on leur defface Du visage toute la face Et les bouches, tant que gastées Soient du tout et effondrées, Qui ont parler sans reverance Contre noz dieux et leur puissance, De gros caillos fors et cornuz (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 83). Or me donnés ung baisement, Sans sentement, Piteusement, - doulces bouches de deul flactries ! (Pass. Auv., 1477, 255).

B. -

En partic.

 

1.

[Comme lieu de l'ingestion de nourriture] : Il prist la couppe et le mist à bouce et but (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 21).

 

-

Faire venir l'eau / la salive à la bouche. "Donner envie de manger qqc." : ...les luy mist [les perdrix] devant luy toutes venantes de la broche, [rendantes] une fumée aromatique assez pour faire venir l'eaue a la bouche d'ung friant. (C.N.N., c.1456-1467, 582). La salive me vient a la bouche. (P. Jouh. D.R., a.1488, 24).

 

2.

P. méton. [À partir de B 1]

 

a)

"Nourriture" : ...de tous coustenges et frais, tant de bouce comme as hostels (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 164). Le mignon (...) [qui] jamais sans grand cause pour sa bouche ne feroit plainte, passa encores pluseurs jours toujours usant de ces ennuyeux pastez (C.N.N., c.1456-1467, 82).

 

-

Despense de bouche. "Frais de nourriture" : Avecques lesquelz [anglais] il s'en retournoit à pié audit lieu de Salucet, lesquelz lui payoyent ses despens de bouche (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 124). ...la despense de bouche des hostelz de nostre dit seigneur (Doc. 1393. In : S. Luce, Bibl. Éc. Chartes 36, 1876, 302). ...pour despense de bouche et hostelage (Sent. Chât. Paris M., II, 1399, 619). ...tant en mires et medecins comme en despense de bouche, de serviteurs (Test. Parlem. Paris T., 1405, 416). ...la somme de deux cens quarante frans, de laquelle somme lui est à rabatre pour sa despense de bouche, lui IIIe seulement, qu'il a prins par l'espace de 30 jours entiers en la compaignie des Angloix qui estoient venuz en ambassade devers mondit seigneur, la somme de vint huit frans (Comptes Etat bourg. M.F., t.1, 1419, 111). Item pour les despant fait à Genèvre de boche (Metz Comptes merciers S., 1461, 75).

 

-

Pour sa propre bouche. "Pour sa propre consommation" : Aussi je vuil que mon [dit] pourveour achate contre le feste de Pasques floree prochain que vient, pour ma propre bouche, quatre tonelx de bon vin vermaille, et ce du millour que pourra estre trouvee en tout ce païs, car adoncques je ferai un grant mangerie. (Man. lang. G., 1396, 49).

 

-

La bouche de qqn. "Les besoins en nourriture (et en boisson) de qqn" : Or advint que l'espidemie courut au pais et si se gouverna mal de sa bouche ou autrement, et si vesquit environ XXXIIIJ jours, et en après mourut. (Chancell. Henri VI, L., t.2, 1428, 83).

 

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La bouche du Roi. "Le service de la table du Roi" : ...un baril d'argent blanc, à mectre moustarde pour la bouche du Roy (Ch. VI, D., t.2, 1420, 370).

 

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Donner bouche à / de cour à qqn. "Admettre qqn à la table de la cour" : ...le dit Bawdewyn m'ad dit q'en cas que vous lui vuilléz donner pur lui refresser a ceste proschein fest de seint Michel dys marcz, et aussi si souvent come il serra en vostre presence par vostre commandement bouche de court pur lui et son servant, et liveree de fein et provendre pur deux hakeneys, il soy agré bien d'estre attendant vostre service par deux ans sanz plus prendre de vous par celle temps (Lettres agn. L., c.1397-13, 261). Le duc (...) trés voulentiers le veoit et l'oyoit parler, bons gages luy donnoit et bouche a court quant venir y vouloit. (Nouvelles inéd. L., p.1452, 36).

 

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Bien traiter de la bouche de qqn. "Pourvoir comme il convient à la nourriture (et à la boisson) de qqn" : Ceulx de Bruges preparerent l'hostel de maistre Jehan Gros pour logier le Roy. Ilz y firent faire une caige de gros bois et toute ferrée de fer, et en celle caige firent tenir le Roy pour leur seureté, et luy baillerent maistre d'hostel, pannetier, eschanson et escuyer tranchant pour le servir. Ilz le traicterent bien de sa bouche, mais ilz le tenoient en grant regrect et subjection, et en ceste subjection fut longuement (LA MARCHE, Mém., III, c.1470, 291-292).

 

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Estre (fort) sur sa bouche. "Être gourmand" : S'ilz ne fussent tant sur leur bouche, Sur blanc lit et sur mole couche... (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 31). ...ladicte Blanche, durant le temps qu'elle a esté mariée avec Flavy, excepté de sa personne, s'est gouvernée bien petitement, car estoit fort sur sa bouche, et mesmement au regart de boire ; et souvent, elle estant à table, quant avoit bien beu, elle retenoit du vin en sa bouche et le gectoit ès visaiges de ceulx qui estoient presens, et après aloit pisser comme ung homme contre ung mur, toute debout, sans aucune vergoigne. (ESCOUCHY, Chron. B., t.3, Pièces justif., 1449, 348).

 

-

De bouche. "Réservé à la fine bouche, délicat" : Grosse cuysine de commun et de bouche (LA VIGNE, V.N., p.1495, 147).

 

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Vin de bouche. "Réservé à la fine bouche du roi ou de l'empereur" : L'EMPERIÉRE. (...) Or tost : a mengier m'apportez Delivrement. L'ESCUIER. Voulentiers, chier sire, et briefment : Vezci pain, ci est vin de bouche. (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 49). L'EMPERIÉRE. Voulentiers. ça, je pren cecy. Avant : du vin. L'ESCUIER. Vez le ci cler et net et fin Conme de bouche. (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 61).

 

-

Pour la bouche. "Pour la fine bouche" : ...avecques les lomblos de beuf pour la bouche (CHIQUART, Cuis. S., 1420, 140).

 

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Au fig. Pour faire bonne bouche. "Pour la fine bouche" : Des or, pour faire bonne bouche, C'est drois c'un petit je vous touche De Fleto, le pastour piteux... (Pastor. B., c.1422-1425, 255).

 

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Prendre la bonne bouche. "Prendre la meilleure part" : ...eust esté la doesriere que vous eust prins par ces Englois pour ravoir les prisonniers de leur pais, (...) aut moints, eussiés vous estez mennez à Guignes, et la doesriere eust dit que la place estoit à elle ; et je croy qui n'y a cellui de mes prisonniers qu'elle n'aye desja promis à leurs amys, et qu'elle n'aye prins la bonne boche. (Lettres Louis XI, V., t.8, 1480, 309).

 

b)

"Siège du goût, sens du goût" : Le mur de ceste eglise et la cloyson est le corps qui contient l'ame. Les portes et les fenestres et verrieres sont les V sens corporelz, les yeulx, les oreilles, la bouche et autres. (GERS., Purif., 1396-1397, 63). Tous mes cinq sens, yeulx, oreilles et bouche, Le nez et vous, le sensitif, aussi, Tous mes membres, ou il y a reprouche, En son endroit ung chascun die ainsi : ... (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 76).

 

c)

"Haleine" : Il lui fut dit et recité D'un autre par villain reprouche Que il avoit punaise bouche Et qu' aussis yert ses nés puens (DESCH., M.M., c.1385-1403, 335).

 

3.

[Comme organe de la parole, du chant] : Et que si en soie enfourmez Que vostre bouche le me die. (MACH., J. R. Nav., 1349, 168). Charitez vout après parler, Et pour apointier son parler, Elle avoit ja la bouche ouverte. (MACH., J. R. Nav., 1349, 225). O benoit Dieu glorieux, n'est entendement qui peust cest honneur concevoir ne bouche reciter ! (GERS., P. Paul, a.1394, 483). Ne ja mon cuer ne desdira Chose que sa bouche dira. (Gris., 1395, 75). Certes, ma fille, en tant qu'il touche Le beau parler de vostre bouche, Il ne me doit en riens desplaire, Mais de tout en tout me doet plaire Fors tant qu'il fault qu'on me demengne [l. qu'omme deviengne] Se je veul que l'homme remengne [l. reviengne] Hors de la chartre ou il est mis. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 7). Pour parler est faicte la bouche. (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 274). ...ma bouche est celle qui luy a juré et promis de luy estre bonne (C.N.N., c.1456-1467, 317). Toutesfois, par ma foy, ma bouche Meshuy ung seul mot n'en dira. (Path. D., c.1456-1469, 166). Devant toutes choses, verité soit en ta bouche (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 166). Des pechiéz de la bouche. (Somme abr., c.1477-1481, 91).

 

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À bouche close : Oiseuse est la fole qui enseigne toutes follez abhominations et telles que on ne les ose dire, de quoy avient que confession s'en empesche, et trebuche la personne, a bouche close, a dampnation. (GERS., Annonc., a.1400, 236).

 

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À bouche ouverte. "À pleine voix" : Je chanteray a bouche ouverte Pour l'amour de luy. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 217).

 

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À pleine bouche. "À pleine voix" : La furent ils assalli des Hainnuiers moult aigrement qui crioient "Hainnau !" a plainne bouce (FROISS., Chron. D., p.1400, 427). ...le duc rioit à pleine bouche (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 26).

 

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Menestrier de bouche. "Chanteur" : Entre J. tymbres et taburs, Menestriers de bouche, cymbales Faisoient restentir les sales, Et si grant noise demenoient Que toutes les gens essourdoient. (MACH., P. Alex., p.1369, 196).

 

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Musicien de bouche : Si avoit-il à musiciens de bouche ou de voix, et pour ce avoit chappelle de grant nombre de jeune gent (BAYE, II, 1411-1417, 231).

 

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[Dans des tours à valeur superl.] : S'entray ens pour moy deporter, Pleins d'amoureuse maladie, Et pour oïr la melodie Des oisillons qui ens estoient Qui si trés doucement chantoient Que bouche ne le porroit dire (MACH., D. verg., a.1340, 14). Avis m'estoit que je vëoie En mon dormant ou je songoie Deus dames de tele fasson Qu'il n'est ne peintre ne masson Qui leur biauté peüst escrire, Ne bouche qui le sceüst dire (MACH., F. am., c.1361, 199). Car parfaite devotion Avoit à l'exaltation Dou voiage, et tant le desire Que bouche ne le porroit dire. (MACH., P. Alex., p.1369, 41).

 

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Avoir (un mot) en la bouche / à pleine bouche : Gardez, pour chose qui vous touche, Qu'aiez Dieu touz jours en la bouche : C'est vostre miex. (Mir. emper. Romme, 1369, 281). Pour garder quelque vieille porte, Ilz ont raillons a plaine bouche. (Copp. lard., a.1488, 168).

 

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Choir en la bouche à qqn. "Venir à la bouche de qqn" : [Clayquin n'est pas le vrai nom de Duguesclin] ...messire Bertran, luy vivant, y eust voulentiers adreschiez et remediet s il eust peut ; mais oncques il ne povoit, car le mot est tel qu'il chiet en la bouche et en la parolle de ceulx qui le nomment, mieulx que l'autre. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 8).

 

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Estre couché en la bouche de qqn : Damoiselle, se tort avoie, Bien say que condempnez seroie Nom pas par vous ; car l'ordenance Ne doit pas de ceste sentence Estre couchie en vostre bouche, Pour ce que la chose vous touche ; Eins la doit pronuncier le juge Qui a point et loyaument juge. (MACH., J. R. Nav., 1349, 251).

 

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Eschapper hors de bouche. "Dépasser ce qui peut être exprimé ; être indicible" : En despendant d'or et d'argent grant somme De nombre quel ne sçay combien ne comme, Si non ainsi que hors de bouche eschappe (LA VIGNE, V.N., p.1495, 150).

 

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Laver sa bouche (conseil adressé à qqn qui vient de dire une sottise) : DEUXIESME POVRE. (...) Mais va tost ta bouche laver, Car du plus merde et plus aver Homme que l'en puisse savoir Parles (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 234).

 

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Mentir parmi la bouche : LE MARQUIS. Biaux oncles, il vous fault debatre Ce qu'il dit. L'avez entendu ? Respondez (...) L'ONCLE. Biaux niez, il ment parmy la bouche. (Mir. marq. Gaudine, 1350, 164).

 

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Mettre / remettre qqc. en bouche. à qqn. "Mettre, remettre qqc. comme sujet de conversation avec qqn" : Quand elle vit qu'il ne dira rien si on ne luy mect en bouche, elle luy demanda... (C.N.N., c.1456-1467, 174). Cest article-ici taisamment le duc le nota et le tint en gorge (...), mais (...) le luy remit en bouche après bien aigrement (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 66).

 

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"Rappeler qqc. à qqn" : Le dieu d'amours (...) luy mist en bouche et en termes les haulx biens, les nobles vertuz et la tresgrand loyaulté d'un marchant son voisin (C.N.N., c.1456-1467, 146).

 

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Ouvrir sa bouche (a parler) : ...en ces quatre eglises est dit que la glorieuse vierge ouvri sa bouche a parler, set foiz et non plus. Mais regarde conment elle l'ouvri fructueusement, car elle parla meurement, prouffitablement et sobrement. (Mir. Theod., 1357, 80). Et par ensi dedens mon coer se fourme Esperance qui de tous biens m'enfourme Et qui me fait souvent ouvrir la bouche (FROISS., Orl., 1368, 108).

 

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Ouvrir la bouche de + inf. "Proposer de + inf." : ...voz predecesseurs (...) qui oncques ne souffrirent de ouvrir la bouche de la mectre en traictié (JUV. URS., Loquar, 1440, 394).

 

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Ne pas oser ouvrir sa bouche (à propos de qqc.) : Or puet estre dame si roide Vers les piez de s'affection De declairier s'entention, Quant a li son cuer descouvrir, Que sa bouche n'en ose ouvrir, Ja soit ce qu'il en soit amez Et li gentils cuers entamez De la dame par tel maniere Qu'elle li est bonne et entiere, Fors tant que plus faire n'en ose. (MACH., D. Aler., a.1349, 287).

 

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Parler à demie bouche. "Parler les lèvres serrées, en articulant à peine" : Les autrez, ne scay par quel maniere, en voiant cloent ung oeil et euvrent l'autre. Les aultres en plus grant tromperie parlent a demie bouche ; font avec che mille grimaces, mille moqueries, mille fronces de narines, mille moes et contorsions de levres, qui deffont le beaulté de la fache et de discipline. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 249).

 

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Tirer qqc. de bouche à qqn. "Faire dire qqc. à qqn" : ...de bouche luy tiray ce qu'il avoit ; mais premierement luy baillay ma foy en gaige que jamais a homme ne le diroye. (BEAUVAU, Troyle B., c.1455, 574).

 

4.

P. méton. [À partir de B 3]

 

a)

"Parole, voix" : ...Deuteronome .XVIIe. chapitre, ou il est escript que celui qui sera occis, perira par la bouche de deux tesmoings ou de trois. (ORESME, E.A.C., c.1370, 316).

 

-

À bouche de prestre. "À voix basse (comme en confession)" : ...je me descouvriray a vous d'une chose qui tant me touche de prez que toute ma vie y gist, laquelle je diroie bien envis a bouche de prestre quant est en cestuy paiis car j'ay esperance que vostre prudent conseil me sera tout joieulx confort (Comte Artois S., c.1453-1467, 123).

 

-

De la bouche. "Par la parole" : [Scène d'adoubement] ...fu fais chevaliers nouviaux Guillaumes de Hainnau de laain et de la bouce dou roi de France (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 239).

 

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De la bouche et de la dent. "En engageant sa foi (par la parole, celle-ci étant certifiée vraie par un claquement du doigt sur une dent)" : ...ains que m'escapés en vie nullement, Dire vous convenra, de la bouce et du dent, De Flourie et de vous trestout le convenent (God. Bouillon R.B., t.3, c.1356, 30).

 

-

[P. allus. au Ps. LXXIII, 9] Mettre sa bouche au ciel / es cieux. "Parler à tort et à travers" (Éd.) : Avant, donques, que vous mettés la bouche es cieux, regardés les Registres et lez Hystoires tres approvés de saint Charlemaigne, et lez feulletés bien, si trouverrés que le royaume de France puet estre appellé Empyre, et le Roy Impereur (Songe verg. S., t.1, 1378, 56). ...laquelle puissance luy fust donee de Jhesuchrist, quant il luy dist que il pait sez ouailles, et que celluy que il liret en terre, seret lié es cieulx. De laquelle plaine puissance nul ne doit doubter, car ce seroit mectre sa bouche ou ciel. (Songe verg. S., t.1, 1378, 96).

 

Rem. Cf. DI STEF., 89a, s.v. bouche

 

b)

De / par (la) bouche (de)

 

-

De bouche. "Oralement, de vive voix" : DIEU. Le pére fu il au donner De l'enfant ? dites verité : Tantost vous aray delivré. Le vous ottria il de bouche ? SECOND DYABLE. Sire, li faiz et li dons touche A lui, quant il fu au promettre ; Mais a ce ne voult conseil mettre Que de lui nous fust ottroiez. (Mir. enf. diable, c.1339, 48). Recevez en gré les recors Que mon cuer de voiz et de bouche Vous represente (Mir. parr., 1356, 51). Mon doulz cuer, vous m'avés mandé de bouche et par escript que je n'envoiasse point vers vous jusques vous envoieriés vers mi (MACH., Voir, 1364, 514). Ha ! dame, qui d'estre loée De bouche, de voiz et de diz Sur touz les sains de paradis Avez grace et prerogative... (Mir. femme, 1368, 216). Avecques ceste lettre close Me mande il riens qui soit de bouche Que faire doie qui lui touche ? (Mir. march. juif, c.1377, 200). ..le saint ange Gabriel (...) dit le salut proposé : Ave, Maria. Et combien que le mistere du jour d'uy soit tel et si parfont que nul ne le pourroit comprendre ne de bouche exposer, touteffois j'en diray en brief IIII verités ou considerations (GERS., Annonc., a.1400, 229). ...Et a cel homme Dis la fondacion de Romme, Dont il meismes seroit la souche. Ce lui prophetisay de bouche. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 26). ...du commandement et ordonnance de bouche à nous fais par messire desdis comptes, fu fait inventoire de certains joyaulx estans ou Chastel du Louvre (Ch. VI, D., t.2, 1421, 385). Seurs amies, prenez léesse, Ostez voz cuers hors de tristesse, Car Jhesus est resuscité Et a luy de bouche ay parlé, Il m'envoie vers ses amis Affin que soient resjoys (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 255). [Dans un testament, "de sa volonté, manifestée oralement"] ...je faiz, institue, nomme et ordonne de ma bouche mes heritiers universalx seulx et pour le tout lesdiz Lienard, Pierre, Thomas et Jacque (Test. Besanç. R., t.2, 1441, 92). ...laquelle monstre fut faicte à Vaucluse et Lille sur le Douch par messire Guillaume de Bournonville, seigneur d'Origny, chevalier baneret, commis à ce de bouche par mondit seigneur le mareschal (Ecorch. Ch. VII, T., 1444, 22-23). Avant, sergens, sans nul deffault, Venez aveu moy erremment. Aler m'en vueil incontinant A monseigneur parler de bouche D'une chose, que bien le touche. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 111). Mais ne tarda gueres que le roy d'armes d'Anjou, qui a la bataille avoit esté, vint au roy et de bouche lui compta la chose ainsin qu'elle avoit esté faite (LA SALE, J.S., 1456, 222). ...jasoit qu'il eust de coustume a pluseurs de leur bailler par escript, il se fya bien de tant a la religieuse que de bouche luy diroit... (C.N.N., c.1456-1467, 139). ...et ordonna et commanda le roy de sa bouche audit duc d'Alençon que, sur sa vie, il ne lui meffist ne feist meffaire, en lui disant qu'il le mettoit en sa main, protection et sauvegarde, ensemble sa famille et biens (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 189). ...et que, pour raison du temps passé, personne vivant ne feust si ozé ou hardi d'en riens dire à l'opprobre dudit seigneur, feust de bouche, par escript, signes, paintures, rondeaux, balades, virelais, libelles diffamatoires, chançons de geste ne autrement, en quelque maniere que ce peust estre (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 219). ...nostre Saint Pere prist la parolle (...). Et alors commença a recorder lui mesmes de bouce et refrecir tous les grans devoirs et diligences en quoy il s'estoit mis a Rainsebourg et ailleurs (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 251). Mais, en tant que le surplus touche, Jhesus ont confessé de bouche Estre vray filz de Dieu le vif. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 994). Nous avons veu les memoires et instructions que ledict Ymbault nous a apportés, sur quoy luy avons fayte response de bouche (Lettres Ch. VIII, P., t.3, 1490, 47). ...et aucy que le don que ledit Lowiat en ait heu faict audit Maire Peltre et a sondit frere ait esteis fait de bouche (Jug. maître-échev. Metz S., t.3, a.1494, [1474], 219).

 

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Verbe d'énonciation (dire / avertir / mander / commander / parler / reciter...) + de (la) bouche : Dites moy donc de vostre bouche, Mére, quant ce devera estre. (Mir. enf. diable, c.1339, 28). Car nous avons commandé et commis de bouche à nostredit cousin à ce faire (Titres Bourbon H.-B., t.1, 1339, 384). Or vueilllez dès or mais entendre Ad ce que je diray de bouche ; Car moult forment au cuer me touche. (MACH., J. R. Nav., 1349, 168). Et se riens li volés escrire Ou mander ou de bouche dire, Commandés et je le ferai Et bons messages en serai (MACH., Voir, 1364, 62). Je ne vous envoie pas vostre livre, (...) je y veuil aucunes choses amender, les queles je vous diroie volentiers de bouche (MACH., Voir, 1364, 782). Mais ja ne diray de ma bouche Chose dont autres ait reprouche, Ne dont, sans cause, vaille pis. (MACH., P. Alex., p.1369, 261). Car la belle, a cui sui toudis Abandonnés, M'a dit de bouche, vis a vis : "Amis amés". (MACH., L. dames, 1377, 45). ...elle [la pauvre âme] veult user des yeux pour regarder aucune vanité, mais elle lez treuve clos et obscurs ; elle quiert prandre aucun confort par se complaindre et parler de la bouche, ou par gouster aucune doulce viande elle treuve les dens serrez et la langue amortie. (GERS., Pent., p.1389, 85). Sire, puisqu'il vous plaist de bouche Le commander il sera fait. (Gris., 1395, 76). ...desquelles ledit president recita de bouche le contenu et en fist faire lecture en ladicte Chambre de Parlement (FAUQ., I, 1417-1420, 118). Et si leur mandoit de bouche par ledit de Harlay certain accord qu'il avoit fait avecques lesdiz ducs de Bourbon et Nemours et les sires d'Armaignac et d'Albret (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 54). ...auxquels il respondi de bouche et par escript (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 55). ...et, entre autres choses, luy dist de bouche que... (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 151). N'a gueres aussi que vous envoyé ung homme, pour de bouche vous advertir de mes nouvelles, et luy ay baillé enseignez telles que y pouvez adjouster foy, car de lettres ne se osa charger. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 309).

 

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Commandement de bouche. "Ordre donné de vive voix" : Le samedi ensuivant, XVIJe jour dudit mois de juing, l'an dessus dit, après ce que, du commandement de bouche fait par mondit seigneur le prevost ausdites matrosnes jurées, elles orent veue et visitée de rechief icelle Jehanne La Cordiere, prisonniere, et que (...) elles n'ont trouvé en elle signe ou apparence de grossesse quelconques (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 298).

 

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Mandement de bouche : ...et y eust eu divers mandemens tant de bouche que par lettres patentes (BAYE, II, 1411-1417, 96).

 

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Bouche à bouche. "De vive voix" : ...et lui respondroit bouche à bouche sur tous les articles à lui envoiez. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.3, c.1425-1440, 192). ...et plusieurs autres sains et sainctes se apparoient à lui souvent et parloient [à lui], comme amy fait à l'autre, et non pas comme Dieu a fait aucunes fois à ses amis par revelacions, mais corporelment et bouche à bouche ou amy à autre. (Journal bourgeois Paris T., 1431, 267). Alors le roy, comme saige prince, voult de bouche a bouche savoir a Saintré se il le confessoit, et la publiquement fist lire la lectre et savoir s'il l'advouoit (LA SALE, J.S., 1456, 108).

 

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[Dans des formules du type de la bouche de qqn à la bouche de qqn pour indiquer des échanges confidentiels, en tête-à-tête, qu'ils se fassent directement ou par des intermédiaires] : Or soit doncques dit sans alongne, De bouche en bouche (Myst. Résurr. Angers S., 1456, 424). ...c'estoit le gros et la substance de leur responce donnee en publique. Mes pooient bien avoir secretes parolles a part de leur bouce a la sienne, aveuques son grant chambellan (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 91). ...lesquelz [des ambassadeurs du duc de Bourgogne] parleroient de sa bouce et de son estomacq a la propre bouce du roy s'ilz pouoient (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 156). ...et ainsy, de bouce en bouce et d'oreille en oreille, parvindrent à la notice des .XVII. naringhes qui... (MOLINET, Chron. D.J., t.1, 1474-1506, 590).

 

Rem. Cf. G. Roques, R. Ling. rom. 55, 1991, 283 : «De leur bouce a la sienne 91 "en confidence", qui précède notre moderne de bouche à oreille».

 

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Bouche de. "Propos répété de, réputation de"

 

Rem. Scheler, Gloss. Geste Liège, 53 (II, 6161 : de sanc et de bouce de bonne ancesserie).

 

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[La parole p. oppos. à l'action] : Juene et chaste de bouche et mains... (DESCH., M.M., c.1385-1403, 27). Il monstra de fait ce dont il s'estoit vanté de bouche. (C.N.N., c.1456-1467, 358).

 

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Par la bouche de qqn. "Par la parole de qqn, par la voix de qqn (par l'intermédiaire de qqn ou par sa propre parole)" : Par la bouche dou druguement Dist au soudan ce qu'il queroient, Et pour quoy là venu estoient. (MACH., P. Alex., p.1369, 197). Veues lesqueles accusacions et denegacions de verité faictes par icellui prisonnier, attendu son estat et maniere de responce, les dessus diz presens conseilliers furent d'oppinion que, pour en savoir plus à plain la verité par sa bouche, tant du cas dessus dit comme d'aucuns autres, se l'en povoit, qu'il feust mis à question (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 121). ...fu publié par la bouche de maistre Jehan Jouvenel, advocat du Roy (Ch. VI, D., t.1, 1408, 312). ...après ce que luy eust esté dit par la bouche du premier president ce qui avoit esté deliberé d'estre dit (FAUQ., III, 1431-1435, 26). ...et puis affin que tu ne desesperes il reuient a toy et te donne reconfort. Vraiement il dit bien par la bouche de salomon : Delicie mee esse (...). Dit nostreseigneur : mes plaisances sont estre auecques les hommes et me ioue et mesbas auecques vous sur la terre. (CIB., p.1451, 189). ...fortune bailla la cognoissance de l'abus de son estat dessus dit par la bouche d'une jeune fille, qui dist a son pere qu'elle avoit couché avec elle (C.N.N., c.1456-1467, 303). Ausquelz fut dit pour ledit seigneur par la bouche du seigneur de Fleurac, son chambellan, qu'ilz s'abusoient, et que ledit seigneur aymeroit mieulx mourir que d'estre contre le roy ; et n'en orent plus pour ceste foiz (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 363).

 

c)

[En cooccurrence avec coeur, bouche désignant la parole, sincère ou non, et coeur le sentiment profond] : En oroisons voy la Sevestre Ou requiert de cuer et de bouche Chose qui a mon honneur touche. (Mir. st Sev., 1362, 219). Riche Precieuse, Verite la royne, de bouche et non de cuer nous recognoissons nostre deffaulte, et veoyons nostre ruine, nostre pauvrete et nostre laide figure, nostre infortunite et nostre maleurte. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 271). ...ains loe et vueil De franche voulenté son vueil De cuer et bouche sanz desdire (Gris., 1395, 87). Concluons que ce traitre flateur ne nous gette en excommeniement, affin que nous, en saluant Nostre Dame, soions d'elle resaluez, quant nous disons de cuer ou de bouche : Ave, Maria, gracia... (GERS., Annonc., a.1400, 236). Qui est la bouche qui pourroit dire, ou cuer comprendre la divine leesse que vous receutes au jour d'uy, Mere de Dieu glorieuse ? (GERS., Noël, p.1404, 291). ...par ce nous est monstré que en donnant gloire a Dieu nous devons eslever noz cuers et noz penseez a Dieu la sus, non pas luy donner gloire de bouche seulement, comme font ceulz qui en disant leur patenostre ou autre oroison, ou en oyant la messe ou sermon, ont le cuer tousjours a terre, c'est a dire a pensee terrienne, orde ou charnelle, ont le cuer en la cuisine, comme on seult dire. (GERS., Noël, p.1404, 299). ...chacun s'efforça de faire aultre chere de semblant et de bouche que le desolé cueur ne faisoit. (C.N.N., c.1456-1467, 168). PIERRE. (...) Mon bon maistre, que tan j'amoye, Las, se ma bouche la [l. l'a] regnoye, Mon cueur n'y a pas acorder. (Pass. Autun Biard F., 1470-1471, 87).

 

Rem. Cf. G. Hasenohr in : Grundriss der romanischen Literaturen des Mittelalters, VIII-1, 1988, 304 : «la distorsion entre prière de bouche (seule requise des simples gens) et prière de coeur (apanage des contemplatifs), aggravée par la généralisation de la récitation des Heures en latin».

 

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Accorder la bouche au coeur : Dame (...) Voz heures cy recorderay Et en disant accorderay La bouche au cuer. (Mir. nonne, 1345, 317).

 

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Avoir qqc. en coeur et en bouche : Je te pri que tu te meinteingnes En tel maniere, ou que tu veingnes, Qu'onneur et honnesté toudis En tous tes fais, en tous tes dis Aies et en cuer et en bouche, Car c'est villenie et reproche Et deshonneur certeinnement De parler deshonnestement. (MACH., C. ami, 1357, 102).

 

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Estre net de coeur et de bouche : Mais nette estoit, sans nul reprouche, De cuer, de corps, de main, de bouche. (MACH., J. R. Nav., 1349, 179).

 

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Mettre en coeur et en bouche : Lors recouri je sans paresse A Esperence, ma deësse, Qui me mist en cuer et en bouche De dire ce qui plus me touche. (MACH., R. Fort., c.1341, 130). Plus ne vueil de ces yeus parler, Mais j'adresserai mon parler A un fait qui forment me touche, Se l'ay mis en cuer et en bouche : C'est comment l'aigle proie prent, Qui enseingne, moustre et aprent L'estat de trés grant poësté, De noblesse et de roiauté. (MACH., D. Aler., a.1349, 354).

 

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[P. oppos. à coeur non exprimé] Ami de bouche. "Celui qui se dit ami de qqn sans l'être véritablement" : C'est le bon amy qui oncques ne faillit au besoing, qui oncques ne reproucha son amour, qui requiert de son amie fors estre amé seulement, et non pourquant tres habondamment guerdonnee. Ce n'est pas icy l'amy de bouche seulement, l'amy de bras, l'amy de bourse, l'amy de court (GERS., Concept., 1401, 409).

 

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Aimer qqn de bouche et d'yeux. "Aimer qqn sincèrement (?)" : Descendez jus, tres puissans Dieux, Amer vous doy de bouche et d'yeulx, Loenge soit à vous, chier sire ! (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 83).

 

d)

[Dans des loc. qui indiquent le fait ou la capacité de maîtriser sa parole, de se taire]

 

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Bouche cousue

 

Rem. Ex. c.1450 ds Z. rom. Philol. 18, 1894, 384.

 

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Bonne bouche. "Discrétion" : ...à propos de cinq principalles condicions qui doit avoir le bon serviteur ou officier de court, soit grant ou petit, de quelque estat qu'il soit : c'est assavoir amour, loyaulté, bonne bouche, diligence, debonnaireté (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 84).

 

Rem. Peut-être même sens dans l'ex. suiv. (le meunier, battu par sa femme, se retient de parler) : MUNYER. (...) Estre gisant sur une couche, Et batre ung homme ! Je mauldis L'eure que jamais, bonne bouche... FEMME. Fault-il qu'encore je vous touche ? Qu'esse cy ? Faictes-vous la beste ? MUNYER. Laissez m'en paix ! (LA VIGNE, Munyer T., 1496, 204).

 

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Avoir bonne bouche. "Savoir tenir sa langue, maîtriser sa parole" : Aies bonne bouche : se tu eschiés es mains de mes ennemis et on te demande de moi, garde bien que tu n'en dies riens. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 230). LE .II. SERGENT. (...) Puisque la justice requiert, C'est raison que n'en la sequeure. Venez y tost. LE CRESTIEN. Tout a ceste heure ; Par moy n'y aura point deffault. LA FEMME. Avoir bonne bouche vous fault Et estre seur. LE CRESTIEN. Comme ung pilier. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 116).

 

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Barrer sa bouche. "Tenir sa langue" : Mais einsois que li rois de pris Partist de court, com bien apris, à nostre Saint Pere parla D'une autre besongne, car là Estoit le signeur de Lesparre, Qui sa bouche pas bien ne barre, Car s'il l'eust très bien barrée Et de sylence seellée, Il n'eüst pas dit les paroles Qu'on tint pour nices et pour foles, Qu'il avoit parlé rudement (MACH., P. Alex., p.1369, 224).

 

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Garder sa bouche. "Tenir sa langue" : Sage est qui bien garde sa bouche En ce qui son deshonneur touche. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 97).

 

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Laisser qqc. de bouche. "Se taire à propos de qqc., ne pas en parler" : LE VARLET. (...) Mais il m'estuet, se m'est vis, taire Par devant vous. LE ROY. Tu as dit voir, mon ami doulx ; De bouches, errant, si le laisse (Mir. femme roy Port., c.1342, 153).

 

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Mettre son doigt à la bouche. "Se taire" : ...par le commandement de la verge de ma maistresse de cy en avant je mectray mon doy a ma bouche, et si tiendray silence et laisseray la parolle a ma suer ainsnee (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 508).

 

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Porter bonne bouche. "Garder un secret, se taire" : ...n'estoit ame qui rien sceust de leur tresplaisant passe temps, si non une damoiselle qui servoit ceste dame, qui bonne bouche treslonguement porta. (C.N.N., c.1456-1467, 268).

 

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Tenir la bouche / bonne bouche. "Garder un secret, se taire" : ...elle luy promist que, s'il tenoit bonne bouche elle luy donneroit de la char (...) ce qu'elle fist. Et l'autre tint si secret son cas que chacun en fut adverty. (C.N.N., c.1456-1467, 277). Tenez vous la bouche, nyvelle : Dictes vous mot, villain poacre ? (P. Jouh. D.R., a.1488, 35).

 

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[D'une chose] Demeurer en la bouche. "Rester secret, tu" : Le surplus du gouvernement du mesnaige bien troublé demoure en la bouche de ceulx qui le scevent. (C.N.N., c.1456-1467, 272).

 

e)

"Personne qui parle, qui s'exprime, ou qui chante" : Ha ! vierge, ta valeur, ton pris, Le grant de ta misericorde, Ou est bouche qui la recorde ? (Mir. st Guill., c.1347, 47).

 

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En partic. "Prédicateur" : LE QUEREUR DES SERMON. (...) Onques n'oistes telle bouche. C'est merveille conment il touche Biau son parler. (Mir. Theod., 1357, 78).

 

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[Par personnification] Male Bouche (personnification de la calomnie, depuis le Roman de la Rose) : Et sachiés que quant il vous plaira a venir, vous y trouverés tele joie et tele douceur que vous porriés penser et souhaidier ; car j'ai emprisonné Dangier et Male Bouche (MACH., Voir, 1364, 604).

 

Rem. Narcissus, p.1426, 47 ; HAUTEV., Conf. Test. am. tresp. B., c.1441-1447, 855 ; ALECIS, ABC P.P., 1451, 49 ; 283 ; 364 ; Amant cord. M., 1490, 18 ; 19 ; 29 ; 38...

 

5.

[Comme organe du baiser]

 

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[P. allusion au baiser sur la bouche que le vassal offre au seigneur en lui présentant les deux mains, jointes dans les siennes, en signe d'allégeance] : Et pour ce que je suis es mains De loyal Amour que j'aim si, Li fais hommage et di einsi : "Bonne Amour, je te fais hommage De mains, de bouche, de corage, Com tes liges sers redevables, Fins, loiaus, secrez et estables..." (MACH., R. Fort., c.1341, 156). ...li fis loial hommage De mains, de bouche et de courage, A genous et a jointes mains. (MACH., Voir, 1364, 174). ...aussi firent les prelats et ceulx qui tenu estoient de relever, et baisoient par foy et hommaige, leurs mains jointes, ainsi comme il appartient, le roy en la bouche (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 81). ...et lors le roy de France recepvera ledit roy d'Angleterre et duc audit hommaige lige, a la foy et a la bouche (JUV. URS., Aud. celi, 1435, 172).

 

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Offrir la bouche et les mains au seigneur. "Donner un baiser et mettre les mains dans les mains du seigneur en signe d'allégeance" : Le roy demande : le chevalier se muert et a pluseurs enfans soubz aagiéz, la dame demeure en vie. Qui a le gouvernement, ou aura, de ses enfans soubz aagiéz ? Response : la mere en aura la garde devant tous ; et ne rachetera point ; mais il convendra que, dedens XL jours aprés la mort du chevalier, elle aille par devers les seigneurs et qu'elle leur offre la bouche et les mains, tant pour son heritage comme pour son douaire (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 215).

 

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Hommage de bouche et de mains : Li dus est mes drois sires ; le plus de mon vaillant Tieng de lui vraiement en hommaige faisant, Et de bouce et de mains m'y alai obligant (Geste ducs Bourg. K., c.1410-1419, 309).

 

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[Par nominalisation] La bouche et les mains. "L'acte rituel d'allégeance" : ...il n'est deu au seigneur féodal dudit fief pour les descendans en ligne directe que la bouche et les mains avec le serment de féaulté (Cout. Chât. O.-M., c.1480-1500, 417).

 

Rem. Cf. Fr. Ragueau, E. de Laurière, Gloss. du dr. fr., 1969 [1704], 87b-91 ; LA CURNE III, 68b.

 

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Reprendre (un fief) de bouche et de main. "Relever (un fief) par la foi et l'hommage" : ...ay repris de main et de bouche, de mon tres chier et redoubté signeur devant dit, seur lesdis terrages d'Escourdal, en commun, I muy froment (Trés. Reth. S.L., t.2, 1348, 98).

 

Rem. Cf. Fr. Ragueau, E. de Laurière, Gloss. du dr. fr., 1969 [1704], 428, s.v. reprise : «La reprise de fief se fait lorsque l'héritier du vassal reçoit la possession du fief dont il hérite, des mains du seigneur, en lui faisant foi et hommage».

 

6.

[Ds des loc. fig., marquant tel ou tel sentiment, telle ou telle attitude]

 

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Estre de bouche familiere avec qqn. "Avoir des rapports familiers avec qqn" : ...le comte (...) estoit sobre, de bouche familière avecques les siens, joyeux en repaire, et le plus libéral en donner qui se trouvast (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 345).

 

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(Estre) mol en bouche. "Être agréable, accommodant" : Et eust bien voulu trouver le duc plus souple et plus mol en bouche ; mais voyoit bien qu'il y perdoit temps. (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 409).

 

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Faire (la) petite bouche. "Se montrer indifférent ou réticent, se montrer dédaigneux" : Helas ! quel serviteur d'ostel ! Fait il bien la petite boiche ? Il semble, a le veoir, qu'il n'y toiche, Et c'est celluy qui fait le trouble. (Pouvre peuple H., c.1450-1492, 185). ...quand il besoigne une foiz en ung moys, c'est au mieulx venir. Il ne fault ja que j'en face la petite bouche creez que je prendroye bien mieulx. (C.N.N., c.1456-1467, 248). Cappitaine, dictes ce que vous semble que avons affaire, franchement, devant tous ces seigneurs yci. Et le Cappitaine respondist : Monseigneur, il n'en fault point faire la petite bouche en leur fortiffication. Vous ne leur mesferez ja ; et seroit très grant folie à vous de les y assaillir (BUEIL, I, 1461-1466, 193). Pour ce, ne soyez surpris d'ire Si le cas ung petit vous touche ; De ce que cueur ne peult desdire, Faire n'en fault petit[e] bouche. (LA VIGNE, S.M., 1496, 557).

 

Rem. Cf. aussi doc. 1458, ds P. Champion, Vie de Charles d'Orléans, 1911, 542 (et sans en faire la petite bouche ["sans aucune réticence de ma part"], je vueil que on congnoisse à ceste présente notable assemblée que...).

 

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Faire bonne bouche à qqn. "Être agréable à qqn, s'insinuer dans sa faveur" : ...pour mieux venir en grâce, et pour en faire bonne bouche au duc, leur naturel seigneur (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 138).

 

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Faire bonne bouche. "Faire bonne mesure" : Pour faire bonne bouche, la damoiselle d'un maistre prestre s'accointa [La "damoiselle" a déjà eu, pour amants, un écuyer et un chevalier] (C.N.N., c.1456-1467, 462).

 

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Mettre un frein en la bouche. "Se retenir" : Hauteinne, mais bien affrenée, Cueillie a point et de saison, Fondée seur toute raison, Tant plaisant et douce a oïr, Que chascun faisoit resjoïr, Me metoit un frein en la bouche Pour moy taire de ce qui touche A tout ce qu'on claimme mesdire. (MACH., R. Fort., c.1341, 9). C'est a dire, mon ami, met le frain a ta bouche afin que par elle tu ne preines le venin (LA SALE, J.S., 1456, 25).

 

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Prov. : Toutes bouches qui rient baiser ne les doit on. (Flor. Octav. L., t.2, c.1400, 418). On doit maudire la bouche Qui fait a son corps encombrier. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 448). ...entre bouche et cueillier, Pour un petit de fait, Vient souvent encombrier. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 76). [Morawski, 689]

C. -

P. ext. "Gueule" : Daniel li respont briefment : "Bons rois, vif pardurablement ! Mais Dieus son angle m'envoia Qui les bouches tint et loia Des lions si fort que contraire Ne mal ne me peüssent faire." (MACH., C. ami, 1357, 45).

D. -

P. anal.

 

1.

"Orifice d'une cavité, ouverture de qqc. (en partic. quand l'ouverture sert à l'entrée ou la sortie de qqc.)"

 

a)

[D'un organe] : ...car la gresse estoupe la bouche de la marriz (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 85). ...la bouche de l'estomac ["le creux de l'estomac"] (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 237). ...et la matrone doit avoir les dois gresles et longs et la main aussi et doit eslargir doulcement la bouche de la matrice (GORDON, Prat., c.1450-1500, VII, 16).

 

-

"Ouverture vaginale" : ...duquel [enfant] elle ne se poit delivrer et morut ; et tantoist ly ont la bouche ouverte et tenquellie ["tendue avec force"], et ens en costeit ly ont tailhiet la chair et l'enfant four trais. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors B.B., t.3, a.1400, 4).

 

b)

[D'un objet fabriqué ou construit] : ...et muscent en la bouche de leur sac le henap où Joseph souloit diviner (FOUL., Policrat. B., VIII, 1372, 91). ...IIII bandes de fer neufves et II bouches de fer (...) pour mettre ès barilz d'eschançonnerie (Comptes hôtel rois Fr. D.-A., 1380-1381, 71). Jehan le Tourneur, pour rappareiller les barilz de la Sausserie et y mettre III bandes de fer, IIII courroies de cuir, IIII gousses, et y mettre une bouche de fust et de fer pour un baril, et renfonssier et poissier lesdiz barilz (Comptes hôtel rois Fr. D.-A., 1380-1381, 77). ...XII barilz nuefs, garnis de bandes, courroiez, bouches et goussez (Comptes hôtel rois Fr. D.-A., 1383, 227). Item, ung hanap de madre, parfont vermeil a boche dargent (Invent. test. beauv. L., 1401, 59). Exemple. Soit le puis .a.b.c.d., .a.b. le dyametre de la bouche et .c.d. la profundeur que vous voles mesurer (FUSORIS, Gnomo, éd. G. Arrighi, c.1407-1412. In : Physis 21, 1979, 346). ...pour avoir recouppé et remassonné la bouche du four (Trés. Reth. S.L., t.2, 1409-1410, 600). ...ont esté si grans chaleurs et secheresses que (...) en issant des eglises ou maisons et à venir en rue, sembloit que l'en venist à la bouche d'un four chaut, tant estoit l'air eschaufé. (BAYE, II, 1411-1417, 81). Car Philippus, selon la vraye interpretation, vault autant à dire comme bouche de lampe ou amateur de choses haultes [allusion à une prétendue étymologie hébraïque de Philippe : "bouche" et lappid "flambeau, torche"]. (MOLINET, Chron. D.J., t.2, 1474-1506, 586).

 

-

[D'une pièce d'artillerie] : ...le duc peut avoir trois cens bouches d'artillerie, dont il se peut ayder en bataille, sans les hacquebuttes et couleuvrines dont il a sans nombre. (LA MARCHE, Mém., IV, Pièces annexées, 1474,,, 90).

 

2.

"Entrée d'un lieu" : ...Guilleaume Denise, fermier de la pescherie des bouches des fossés de la tour de Billy, Saint Bernard et Neelle (Comptes Paris V.L.D., t.1, 1440-1441, 238). ...les dessusdiz fondeurs et affineurs sont descenduz au bas de la dicte montaigne, c'est assavoir à l'entrée du voiage de Cosne et illec ont veu, visité et regardé deux petis monceaux de mine crue ainsi qu'elle a esté tirée de la montaigne ; lesquelx deux monceaux de mine crue, c'est assavoir le premier estant devant la bouche dudit voiage ont estimé valoir deux basnes d'ouvrage nect (Aff. Jacques Coeur M., 1453-1457, 262).

 

-

[D'un terrier] : ...sur les bouches Du terrier (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 393). Et, s'il le veult prendre mort [le renard], si estoupe touz les pertuis et boute le feu, comme j'ay dit, dedanz, si le trouvera l'endemain mort a la bouche de l'un des pertuis. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 244). Et, quant le veneur voudra chascier le tesson, il doit querir les terriers et tesnieres ou il demuere. Et doit, quant la lune sera clere, aprés la mie nuit tendre aux bouches des tesnieres ses pouches. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 245).

 

3.

"Embouchure d'un fleuve" : ...bien avant en la marine, mené [ses navires] en la bouche de Seine au premier vent qui viendra a ce convenable (Clos galées Rouen M.-C., t.1, 1369, 196).

 

4.

"Détroit"

 

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La bouche de Remotine. "Le détroit de Rémotine (au Sud-Est de la Grèce, séparant le cap Malée de l'île de Cythère)" : Et près d'illec, a deux mille en tournant vers la Turquie, est la bouche de Remotine, ou est ung estroit passage en mer (Voy. Jérus., c.1395, 95).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin

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