C.N.R.S.
 
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     ASSENER     
FEW XVII sinno-
ASSENER, verbe
[T-L : assener ; GD : assener ; GDC : assener ; AND : acener ; DÉCT : assener ; FEW XVII, 71a,73a : sinno- ; TLF : III, 677a : asséner]

I. -

[Idée d'orienter, de diriger qqn ou qqc.]

A. -

Assener qqn

 

1.

[Idée d'orienter qqn]

 

a)

"Diriger, guider qqn ; conduire qqn (qq. part, vers qqn)" : Je respondi : "Bien vous say assener La ou il est et, s'il vous plaist, mener..." (MACH., J. R. Beh., c.1340, 108). Au lez vers Allemaigne volt son chemin tourner, Et vint en Couvenance une nuyt reposer. Et le volt par miracle Jhesus Crist assener A l'ostel dont le roy s'ot voulu dessevrer. (Tristan Nant. S., c.1350, 654). ...quant vint a l'issue Du courtil, si adonc veüe De chevaliers grant compagnie. Donc tendi sez bras : "Et las" crie, "Saint Evroul, daignes me mener Et a sauveté assener !" (Vie st Evroul S., c.1350, 158). Aviron ne perches n'aront, Mais aval l'iaue s'en yront La ou Diex les vouldra mener ; Quant les ara fait assener A tel lieu come il li plaira, Le vallet le nous revenra Faire savoir. (Mir. ste Bauth., c.1376, 157). Je vous dy que c'est un message Qui nous peut avoir grant mestier. (...) Et si m'a si bien assené Qu'a un port de mer m'a mené (Mir. fille roy, c.1379, 56). Dieu les vueille si assener [les garçons d'une famille] Que haultement puissent regner (COUDRETTE, Mélus. R., c.1401-1402, 208). LE PREMIER. (...) Nous alïons les maulz sentiers, Se Dieu ne vous eust amené. LE SECOND. Dieu vous a a nous assené, Car certes perdue l'ussions, Et apres ce perdus fussions (Mir. ste Genev. S., c.1410-1420, 87).

 

b)

"Placer, installer qqn qq. part ; fixer une place à qqn" : Moÿse le peuple mena La ou le vray Dieu l'assena ; En tenant la verge pelée Trestout par my la mer salée Mena ce peuple les sentiers. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 48). "Dame," dist Bauduins, "par le vertut discrée, Kièvre couvient brouster là où est assenée." (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 277). Saint Evroul recet leur prïeres Et fist tant - ne demoura gueres - Que quinze abbaïes fonda Ou mont de bien puis abonda. Hommes et fames i asenne, Chascune gens par soi ordenne (Vie st Evroul S., c.1350, 80). ...or dist l'auctoriteit Que l'evesque Johans fut crais et encombreit, Sus I dure ronchin l'avoient asseneit En une estroite selle, puis l'ont tendant mineit Si qu'il sifaite angoisse ne puet endureir, Droit devant Helechines est à terre vierseit. (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.5, a.1400, 663).

 

-

En partic. "Établir dans un fief" : ...il avoit Ernoul sen aisnet fil assenet à le contet de Flandres, et Bauduin le maisnet à le contet de Hainnau, et avoit fait faire serment as hommes de Flandres et de Haynau qu'il tenroyent celle assenne. (Hist. chron. Flandres K., t.1, c.1342-1383, 16).

 

c)

"Faire signe à qqn (de venir)" : Le dame entre ou batel et Marie fu la Qui de cuer moult piteux le dame regarda Et le roïne ly, que moult le regarda. Ains qu'elle s'esquipast, le dame l'achena (Belle Hélène Const. R., c.1350, 256). Evous la venue Argentine, Qui l'acene et li fait .I. signe Qu'il se traie avant, de par Dieu. (FROISS., Méliad. L., t.2, 1373-1388, 84). "Vela le roi, je voel aler parler à lui. Ne vous mouvez de chi, se je ne vous acène, et se je vous fac che signe (si leur fist un signe), si venés avant, et ochiiés tout, hormis le roi" (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 118). ...Car je voy que taire ne doy Que Boscalus lieve le doy Entre sa gent devant la cene Et les lointains a soy acene (Pastor. B., c.1422-1425, 233). Ainsy que le chariot le approuchoit, il vey que une main se mettoit hors par la couverture du chariot. Et sachiez que celle main l'assena. Quant le gentil chevalier vey ce, il eut grant merveilles que c'estoit a dire et s'apensa que pour aucune chose il estoit assené et que a lache seroit tenu s'il ne aloit celle part. (Percef. III, R., t.3, c.1450 [c.1340], 154).

 

d)

"Donner un rendez-vous à qqn" : Le dimanche apres Pasques charnelz Pierre Limosin le jeune et Jehan Vincent requirent le dit suppliant qu'il s'en aleist avec eulz en l'ostel d'une femme nommee Katherine, laquelle les avoit asseniez la nuyt pour couchier avec elle (Arch. Nord, 1455, B 1686, f° 36, IGLF).

 

2.

[Idée d'orienter qqn vers qqn d'autre]

 

-

Assener qqn (à qqn). "Pourvoir qqn d'un conjoint, marier qqn" : ...Car j'avoie assenér ma fille a telz baron Qu'i n'i ait si herdit de si a Besanson ! (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 582). Or a quise la beste Blanchandine ung baron, Et a Tristan mouller de tres noble façon ; Ne l'a pas assené a fille de bricon, Mais a fille de roy (Tristan Nant. S., c.1350, 207). Car fait nous a grace moult grant De ce qu'a un si bon enfant Avons nostre fille donnée, Qu'estre ne pouoit assenée Miex (Mir. femme, 1368, 183). Je n'ose aller en bois, ville ne plaine, Dancer, chanter, manger, boire de vin, Que le villain [le mari], a guise d'un mastin, Ne m'abbaie, crians : "Que fais tu la ?" Perdue suis, maudis soit, sy deffin, Et pandus soit qui ainsi m'assena ! (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 28). ...se messires Aymons (...) pooit venir par voie de mariage à la fille dou conte de Flandres (...) on ne le poroit miex mettre ne assener (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 81). Nous vous prions qu'a un bon filz, Nostre ami, la [une fille ] vueilliez donner, Car nous le voulons assener (Mir. st Alexis, 1382, 295). Ains que d'ici me parte, serés bien assenee S'il a deça la mer prince qui vous agree. (Flor. Octav. L., t.2, c.1400, 400).

 

-

Estre assené. "Être marié" : S'estoie a marier, par Dieu omnipotent, Et je peüsse avoir a vo corps parlement, J'esploiteroie tant, de coer et de talent, Qu[e] j'aroie de vous l'amour, parfaitement, (...) Mais je sui assenés, s'ai mis mon serement (Bât. Bouillon C., c.1350, 82). - Florie, dit la dame, or n'i allez pansant ! Mes filz est assenér en Sezille la grant. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 632).

 

-

Assener qqn en tel lieu. "Établir qqn par mariage dans telle famille" : ...elle li donnait Cuer, et corpz, et amour, et tout li presentait ; Et ung annelz d'or fin per amour li donnait ; Et Ollivier le prist, que la li affiait Qu'il revanrait laiains au pluxtost qu'il porait. Maix Dieu ne lou volt mie, car plus halt l'assenait : A la fille d'un roy Ollivier mariait Et fuit sire de Bours, car il la conquestait. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 761). ...li chevaliers d'Escoce (...) orent consel ensamble a savoir la ou il poroient lor roi marier et asener en lieu dont il vausissent le mieux. (FROISS., Chron. D., p.1400, 170). Sy ne peut estre que ce ne soit par ton meffait, car de toy mesmes tu es tant simple et tant ignorant que tu ne scez quant tu fais bien ou mal, par quoy Amours s'est apperceu que tu ne vaulz point d'estre assené en sy hault ne sy noble lieu, et pour ce le te a il mis ainsi hors de tes voyes. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 284).

 

.

Assener bas. "Viser bas" : Cilz qui veult paix et vivre en mariage Ne doit trop hault ne trop bas regarder, Trop jone avoir ne trop vielle en mesnage ; Prengne femme qui sache gouverner, D'age moyen, qui puist enfans porter ; Ainsy pourra mener joyeuse vie Sans trop querir, sans trop bas assener : Sages est cilz qui ainsy se marie. (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 248).

 

-

Assener qqn à un lignage. "Donner qqn en mariage, en guise d'alliance, dans telle famille" : Le roy de Galles en fut moult joyeulx de la largesse de Cleriadus et, en son cueur, mercye Nostre Seigneur de ce que sa fille estoit assenee au lignaige de Cleriadus. (Cleriadus Z., c.1440-1444, 168).

 

-

Assener qqn par mariage en qqn : ...[le roi] moult en fu joieulx et dit que de sa part il ne sçavroit mieulx ne plus haultement assener par mariage son nepveu le prince qu'en la contesse, se par amours elle y voloit condescendre. "Ouïl, certez, sire," respondy le conte d'Artois, "car j'en cuide bien chevir." (Comte Artois, c.1453-1467, 64).

 

3.

Assener qqn (de qqc.). "Renseigner, instruire qqn au sujet de qqc." : - Sire, s'ai dit Lion, Dieu vous ait fait parrler, Car je croy que cis hons nous porait assener Et dire aulcune chose pour nous painne fineir. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 156). Sy vous requiers, tres noble roy, et a tous les chevaliers du Francq Palais qui sont tenus de adressier les dames et les damoyselles, qu'ilz me voeullent assener de ce que je demande, c'est du chevalier qui porta les noires armes au couronnement du gentil roy de Cornuaille. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 271).

 

4.

"Doter, pourvoir qqn de, en qqc." : ...item que ledit Rigaul ait et possede sissante muys de speaulte ["épeautre"] heritables pour ly a prendre et a lever a Fexhe sur les pieces de terre cy dessoub escrit, et trente et huict muyds pour dame Maroye sa soeur, nonain del Vaulx Benoiste, lequeis deverat rendre ledit Rigaul alle dicte dame le cours de le vie ledicte dame Maroye, s'il plaist a ladicte dame Maroye, et se chu non, que ladite dame Maroye soit asseneit de ces pieces de terre ung bonnier pour quattre muyds a son marmontant et toudis par nostre dict (HEMRICOURT, Pièces div. B.P., 1366, 77). Si fu regardé que li rois d'Ermenie [en exil] pour tenir un estat moyen, seroit assené de une rente et revenue par an (...), si fu assigné le dit roy d'Ermenie de VIM frans par an (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 224). Donnez leur argent pour achecter, pour eulx et pour leurs hoirs, cinq cens livres de rente à chascune à par soy et aussi, à toutes les troys, IIIm.livres à partir ensemble. Et de tout cela, (...) en furent bien asseurees toutes les troys et assenees tant que à tousjours mais en furent riches. (Cleriadus Z., c.1440-1444, 423).

 

Rem. Dans l'ex. de Froissart, assener et assigner sont substituables.

B. -

Assener à qqn

 

1.

"Aller vers qqn, rencontrer qqn, s'adresser à qqn" : Il a a bon mire assené, Mais je n'y puis avoir fiance, Ne ja n'i vueil mettre m'entence Jusques j'aye veü sa face. (Jour Jug. R., c.1380-1400, 229). Que me vueilliez dire conment Le [un saint homme] trouveray, car autrement Ne saroie a qui assener N'en ce moustier qui amener Avecques moy. (Mir. st Alexis, 1382, 339).

 

2.

"Épouser qqn" : Ou temps passé, quant je me marïay, Je eux paour d'entrer en jalousie, Mais, Dieu merci, bonne femme trouvay : (...) C'est la meilleur, de bonne heure l'amay : Dieu et les sains humblement remercie Que sans peril a sy bonne assenay. (Recueil galant. V.-B., c.1350-1400, 7).

 

-

Assener à une partie. "Faire un mariage, épouser" : Vrays Dieux, que c'est noble chose et joieuse, Paix et repos a homme qui femme a Obeissant, douce, humble et gracieuse, Et qui oncques son mari ne coursa, Mais en tous cas l'oneure et honourra, Et qui veult tout ce que son mari veult ! Qui tele l'a, il est foulz s'il se duelt, Quant assené a a tele partie. (DESCH., Oeuvres Q., t.6, c.1370-1407, 138).

 

3.

[D'une chose] "Convenir à qqn" : ...les prevosts des marchans, eschevins, bourgois et gens de mestier, manans et habitans de la ville de Paris, chascun estat aiant baniere à lui assenant et appartenant (MAUPOINT, Journ. paris. F., p.1467, 103-104).

 

4.

Assener à qqn de + inf. "Fixer à qqn comme but de" : Car de son mal bien garira, Les bons cirurgïens querra ; De sa viellesse pascïence Ne poeult avoir plus grant sïence. Mais de jalouzie saner Ne scet a nul mire assener. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 34). Car oncques puis qu'a vous mon corps s'acompaigna, Ne pos durer sans vous. Nature m'assena D'amer le vostre corps ou tant de bonté a. (Tristan Nant. S., c.1350, 418).

C. -

Assener qqc.

 

1.

"Fixer qqc."

 

a)

[Une chose concr.] : "...Regardés ceste langue : li mien cors la copa De la teste au joiant qu'aportee on vous a. Vecy vraie ansaingne ; nulz ne m'an desdirait. (...) Ataichiez cest langue au chief qu'il apourtait, La porés vous savoir se joindre s'i porait." Quant l'amiraz l'oyt, assés la regardait ; Or ne sceit que pancer, forment s'amervillait ; Dont dit au chevalier car il responderait Aprés ceu qu'an la goulle celle langue assenait. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 63).

 

b)

Au fig. [Un temps, un lieu] : Dont fist le roy lettres escripre et mist clers en oeuvre à grant plenté, et manda à tous que ilz feussent au Port de Portingal ou là près, dedens le jour que il y assena (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 281). L'obseque sera fait moult noble, et le terme assennez que les barons feront hommage au jeusne conte. (ARRAS, c.1392-1393, 27). Et l'endemain at ons celebreiz messe devant les champions et puys sont armeiz et monteiz a chevaulx. Et sont brocheit en preiz qui estoit assenneit. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 79). Charlez at assenneit jour de combattre a ung mois : ce fut le IIIIe jour devant la Saint Martin. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 181). Certes raison n'aura ja lieu Ou fureur celebre son senne. Fureur n'aime pas le milieu Que vertu demande et assenne. Et pource l'ireux tart s'enhenne A regarder la vérité (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 170).

 

Rem. Dans ce sens, le verbe assigner est beaucoup plus empl. que assener.

 

2.

"Régler, diriger qqc." : Or avint Que sa voie bien assena, Car la belle Polixena (...) Encontra (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 69).

 

-

"Mener à bien, à terme qqc." : Or va, Judas, en la bonne heure ! Et garde bien qu'il ne s'en fuie, Car sa vie forment m'ennuie. Avez vous bien Judas oÿ ? Vous devrez bien estre esjoÿ, Se assener pouez ceste prise. Que le char du glouton soit prise ! (Myst. Pass. N.S. R., c.1350-1370, 121). Missire Lamer mercya le chevalier et luy dist que, pour ceste heure, il luy pardonnast s'il n'y alloit, et qu'il avoit entreprins ung affaire qu'il falloit qu'il assenast. (Charles de Hongrie C., c.1495-1498, 24).

D. -

Assener à qqc.

 

1.

[Une chose abstr.]

 

a)

"Jeter son dévolu sur qqc., désirer" : Souffisse vous ce que Dieu nous envoie : Cieulx est rices a qui demeure joie, Non mie cieulx qui au tresor assanne ; Et dout la departie. (Percef. lyr. L., c.1450 [c.1340], 70). La contesse, veant le fin dyamant, qui estoit mis en son traittié, le congnut legierement et moult d'aultrez fois l'avoit veu, sy le prist et dist qu'a cestuy avoit elle bien assené, si ne vouloit plus avant eslire. (Comte Artois, c.1453-1467, 136).

 

b)

"Parvenir à qqc., atteindre (un but)" : Et vraiement, Tant fu belle, que je croy fermement, Se Nature qui tout fait soutilment En voloit faire une aussi proprement, Qu'elle y faurroit Et que jamais assener n'i saroit, Se l'exemple de ceste ci n'avoit Qui de biauté toutes autres passoit. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 72). Mais repeter Vueil vos raisons, se j'y puis assener. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 92). Dieu doint que je puisse assener à la verité (LE BEL, Chron. V.D., t.2, 1358, 23). ...car en toutes choses c'est fort de prendre le moien et de assener au moien (ORESME, E.A., c.1370, 172). Et chils si bien y assena Qu'en l'ymage a dire riens n'a De proprieté ne d'assise (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 64). Enquiere bien celle que l'on appelle La nompareille que l'on puisse trouver ; Cerche partout s'il y scet assener. (GARENC., Poésies N., 1389, 23). ...tout aussi sont aucuns de leur nature sy eureux et sy bien fortuné, quant a penser ou a pronostiquer des choses dessusdites secretes et occultes, qu'ilz asennent tousdiz communement a la vraye partie. (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 85).

 

-

Empl. abs. "Réussir, parvenir à un but" : "Peres," dist la pucelle, ".I. don vous voel rouver Que les clés du trezor me cargiés a garder. A le fois i venrai por mon cors deporter". "Fille", dist li Califes, "ne fait [pas] a greer, Mais rouvés autre chose si porrés assener." (BRIS., Restor paon D., a.1338, 81). Et, ce fait, s'en alerent en l'ostel d'un marchant de tissuz de soye à Paris, dont ils ne scevent le nom, (...) mais bien ilz asseneroient, et y demanderent des tissuz à veoir (Paris domin. angl. L., 1430, 312).

 

c)

Assener à/de + inf.

 

-

"Se fixer pour but de" : Si est la voie bonne et seine, Par quelle qui d'aler s'asseine Ne puet errer du necligence, Ainz jusq'au joye sovereine Par vertu du bon overeigne Irra devant la dieu presence. (GOWER, Miroir homme M., c.1376-1379, 154). Donc, ne de corps ne d'esperit, N'ont elles [les femmes] sur nous avantage. Leur fresle corps tantost perit, Vermolu et mort avant aage. L'ame sans bon arrest volage Ne scet qu'en vices forsener. Femme de tresmauvais courage Ne veult a bien faire assener. (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 167).

 

-

"Parvenir à..." : Cil qui vinrent à Bervich ne fallirent mies ; ançois assenèrent de prendre et eschieller le chastiel et tuèrent toutes les gardes qui dedens estoient (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 142). Si ne quier son tresor celer, Car tel avoir digne est de loz ; Tel vertu il ot, dire l'oz, Que tuit li larron, qui sont né, N'aroient jamais assené A lui en une goute embler. (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 13). Et qui pener Se scet a amours demener, Trop mieulx en sara assener A ses besoignes bien mener. Qui bien pourcache D'amer, celer lui faut sa cache, Parler et maintien faut qu'il sache (CHART., L. Dames, 1416, 287).

 

2.

[Un lieu] "Parvenir à (un lieu)" : ...j'eu le cuer si esperdu Que je ne sceu quel part aler Ne a mon chemin assener (Mir. femme roy Port., c.1342, 157). Et se vous ne savez le chemin, je vous vous y aideray a assenner, car il n'a voie ne sentier en ceste forest que je ne saiche bien ou ilz vont (ARRAS, c.1392-1393, 25). ...a mains de pas Que je n'iroye ou quart d'une heure, J'aseneroie ou (...) demeurent De tieulx, qui grandement honneurent Science (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 64). Loué soit le doulx Jesucrist Qui de sa grace m'a mené Si tres bien que j'ay assené Droit au lieu ou mes freres sont ! (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 380). Lors a parmi le bois le conte tant alé Qu'il assena au lieu où son filz a trouvé, Et l'enfant se dormoit bellement et soué. (Enfances Doon de Mayence P., c.1450-1500, 404).

II. -

DR. [Idée d'attribution] Assener qqc. (un bien, une rente...) (à qqn). "Attribuer, accorder qqc. (à qqn)" : Nous qui ne voulons pas que lesdiz chapellains soient fraudés de leurdite rente, en recompensacion d'ycelle, leur asseons et assenons (...) autres vint et six livres de rente à parisis à prendre, avoir et recevoir doresenavant, perpetuelment, à touz jours maiz, sur toutes les revenues et emolumenz de la souz baillie et prevosté de Poissi (PHIL. VI VALOIS, Doc. paris. V., t.1, 1335, 234). Car labour sans loiier est merchis sans pardon. Li glore du mont est en .II. poins, ce voit on, En preus et en hounors. Mais assener doit on Le proufit as petis, l'ounour au haut baron.xx (BRIS., Restor paon D., a.1338, 102). ...Et de ce qu'il ont bien servi, Dont il ont grace desservi, J'en vorray l'escot assener, Et a chascun son droit donner.xx (MACH., J. R. Nav., 1349, 260). ...et le retint de son conseil et luy assena la conté de Richemont pour son estat maintenir (LE BEL, Chron. V.D., t.1, 1352-1356, 108). Adont prisent conselhe ensemble ly syres de Warfezéez et messires Rasses, sires de Domartien, ses genres, qu'il feroiient les dois freires deseurnomeis prendre l'ordenne de chevalerie et qu'il leur assenneroient terre pour mineir leur estat (HEMRICOURT, Miroir Hesb. B.B., 1353-1398, 9). Et les tres haultes montaingnes sunt aux cerf deputees et assenees. Et li pierre dure est li refuge aux herissons (Psaut. lorr. A., 1365, 105). Puis peus voir la .IIe. sourse, Quy est merveilleuse resourse A ceulx quy en veulent user Sans, par faintisë, abuser Encontre cil quy l'ordonna, Quant pour en boire l'assena Aux vrais piteux, misericors (COURCY, Chem. vaill. D., 1406, 79).

 

-

Assener qqc. sur qqc. "Garantir le paiement de qqc. en y affectant un certain fonds" : ...lequelle capellenie lidis mesires Loys, nos chiers freres dessus dis, assena et dowa especialment et generalment sour tous ses aqués et appartenanches (Trés. Reth. S.L., t.2, 1346, 70).

 

-

Assener la vie à qqn. "Assurer à qqn des moyens d'existence" : ...au Bois de Vincenes fonda chanoines, leur assena leur vie par belles rentes amorties (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., II, 1404, 38).

III. -

[Idée de prendre qqn ou qqc. pour cible]

A. -

Assener qqn/sur qqn

 

1.

"Diriger un coup contre qqn, atteindre, frapper qqn" : [Le chevalier] Parmi la teste l'asena, Tant que par force jus ala Li jaians com tous estourdis. (Dame Lycorne G., c.1349-1350, 177). Et fiert ung Erminois sur sa targe votie. Tellement l'assena, pour voir le vous affie, Le ceur lui pourfendi et d'encoste le fye (Tristan Nant. S., c.1350, 160). ...au cuer me fist grant hide Quant de ce fer li vi donner Et parmi le corps assener (Mir. emp. Julien, 1351, 211). De ma lance le vueil hurter Ou miex assener le pourray. (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 63). ...et entant luy getat ung batton qu'il estoit tenant tout parmy le viaire et l'aisenat sy qu'il en fist yssir le sanc de la bouche et du neiz. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 180). Procris fut longuement avec Dyane es bois pour chacer, et quand retourna a son mari Cephalus, Dyane lui donna un dart de telle vertu que la ou elle le gectoit tousjours assenoit et tuoit ce que elle assenoit, et puis retournoit a sa main (LEGRAND, Archil. Sophie B., c.1400, 183). Si ne fut Beufves de Hantonne gueres esbahy, ainçois tendit la lance et poingnit Arondel le noble destrier des esperons si qu'il le fist saulter plus de dix piedz et assena le payen sans menasser, tellement que mort le porta emmy le pré. (Beufves Hant. I., c.1499-1503, 32).

 

-

[Du dieu Amour] "Atteindre, frapper le coeur de qqn" : Après [le dieu d'Amour] me dist : "Scez tu pour quoy Sans yeus sui et goute ne voy ? C'est pour ce que, quant il avient Qu'un cuer assener me couvient, Nulle goute ne doy vëoir Au donner ne a l'assëoir..." (MACH., D. verg., a.1340, 27). S'en loe Amours qui ha par sa doctrine Moi et mon cuer si tres bien assené Que j'aim la fleur et la droite racine De tous les biens (MACH., L. dames, 1377, 24).

 

2.

Assener sur qqn. "Frapper, battre qqn" : (Il prent sa plommee.) Regardez, j'ay la mienne. Soit bastu comme plastre ; Or voyez sans debatre Le tres ort vil follastre, Comme sur luy assenne. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 231).

 

-

[D'une chose] : ...un perilleux baston quant il assene sur les espaules ung homme desarmé (LA BROQUIÈRE, Voy. Outr. S., c.1455-1457, 221).

 

3.

Empl. abs. : ...et communement vous ferez meilleur coup d'une lance moyenne que vous pourrez bien manier que vous ne ferez d'une grosse lance pesante qui vous dessiège de vostre selle. (...) vous n'en courrez pas si beau, si puissamment ne si afusellé comme de la moyenne, ne n'en assegnez pas si bien. (BUEIL, II, 1461-1466, 101).

 

4.

Empl. pronom. réciproque : Sy sont assenneiz sur les ecus sy qu'ilz les ont traueiz, maiz ilz ne sont mie abatus. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 80).

B. -

"Asséner qqc."

 

1.

"Frapper, atteindre qqc. (avec une arme, un outil...)" : ...et jeo siu tout certeyn qe au ferir einz de clou, meynt foize failli le felon ribaud d'asener le dure clou et feri la douce tendre mayn moelt durement, qe grande peyne vous feust, tresdouce Sires (HENRI LANC., Seyntz medicines A., 1354, 182). Atant brochent l'ung vers l'aultre et asennent les escus, sy ont briseez leurs lancez. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 153). ...et ne scavoient les canonniers assener le chastel, ains alloient tousjours les pierres pardessus. (WAVRIN, Chron. H., t.5, p.1471, 95).

 

-

Assener qqc. en qqc. "Diriger qqc. vers, frapper qqc. avec" : Et la verge qui Justice comprent Voult Moisès en la pierre assener Dont l'yaue yssi (Mir. st J. Paulu, c.1372, 150).

 

2.

Assener un coup. "Donner, frapper un coup" : Au senestre costé assena tel merel, Se le haubert ne fust d'ouvrage si royel, Encontre cestui coup ne durast ung navel (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 123).

 

-

Assener qqn un coup : Gerars tira l'espee hors du foere, sy assena celluy sur la coiffe d'achier ung cop sy grant que ung oreille et la moittyé du menton luy abaty sur la poittrine. (Gérard de Nevers L., c.1451-1464, 79). ...et l'assena premier ung cop moult bien assis, mais aultre rien ne luy meffist (Comte Artois, c.1453-1467, 12). ...mais quant ce vint au joindre, le sire de Moncade assena le conte d'Artois en l'escu ung cop sy grant que sa lance vola contremont en esclaz, mais de la selle oncquez ne le remua (Comte Artois, c.1453-1467, 55).

IV. -

Part. passé en empl. adj.

A. -

(Estre) bien/mal assené

 

1.

"(Être) bien ou mal loti ; avoir de la chance ou de la malchance" : "Bele," dist li boins rois, "bien estes assenee, Benëois soit de qui vous fustes engenree..." (BRIS., Restor paon D., a.1338, 129). Et au filz le sodant d'Aicre qui fuit tués Es plain de Rommenie si comme oys avés, Tramist trante quetis ensement atornés. Herpin n'i allait mie, bien en fuit assenés, Car de cez trante la n'en fuit nulz eschappés (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 110). - Sire, ly chevaliers dont je suis embrasee, C'est Guyon de Nanteul a la brasse quarree ; Ençainte suis de lui, c'est bien chose prouvee. - Dame, ce dist le duc, mal estes assenee Car Guyon de Nantuel a mouller espousee Aiglantine qui est de mon lignaige nee (Tristan Nant. S., c.1350, 107).

 

-

P. iron. Estre bien assené. "Être bien loti ; être bien avancé" : LE JUGE. Veez vous ? Suis je bien assené ! Il ne cessera huy de braire. (Path. D., c.1456-1469, 176).

 

Rem. Sur les différentes trad. proposées pour cet ex. : "assommé", "pourvu de bon sens", "dirigé", "bien servi", "bien placé", "bien renseigné", cf. F. Rauhut, Z. rom. Philol. 97, 1981, 276.

 

2.

Estre mal assené à + inf. "Être mal renseigné pour... ; avoir tort de" : [Le chevalier vient de reprocher au conte de le haïr à mort] "Chevaliers," dist li contes, "ne sai homme vivant Que je hache ["haïsse"] de mort, chertes, né tant né quant. Mal estes assenés à dire tel rommant." (Baud. Sebourc B., t.2, c.1350, 303).

B. -

[D'une pers. mariée ou engagée dans une affaire sentimentale]

 

1.

(Estre) assené de qqn. "Avoir l'affection de qqn" : Et si me tien a mieulz paree et a plus honnouree de vostre amour que de roi ne de prince qui soit en monde, car a mon gré il n'a fame en monde mieus assenee d'ami que je suis (MACH., Voir, 1364, XXVI).

 

2.

Empl. abs. (Estre) bien/mal assené. "(Être) bien ou mal loti dans le domaine sentimental" : N'en ce monde ne fust mie trouvée Dame qui fust si tres bien assenée.x (MACH., L. dames, 1377, 176). Qu'onques dame ne fu née Si bien assenée, Puis qu'il est miens et il m'a. (MACH., Les lays, 1377, 364). Et puis que ad ce s'est accordee Vo gracieuse volenté, Je suis contente en ma pensee. Mon cueur tiens pour bien assené. (LANNOY, WERCHIN, Ball. P., 1404, 362). N'il ne semble ne sage ne sené, Tant se demaine et tant est malmené. Et se clame d'Amours mal assené Et baraté, Et se complaint de sa grant loyauté (CHART., D. Fort., 1412-1413, 184). Dieu mercy, quant me tenés Avoec vous, bien sui assenés. Je ne fuisse pas sy tres liés, Se tous me fust quittiés bailliés Ly mondes, com sui quant vous voy. (Pastor. B., c.1422-1425, 232). Tu m'ayderoy bien a chanter. L'espouse se peult bien vanter Qu'elle sera mal assenée. (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 33). Et je voy que la chevalerie de ce royaume ne tient compte de vous, mais ce proucede pour ce que vous ne vous faittes de rien cremir, servir ne aucunement honnourer, dont m'en tiens a meschante et mal asnee [sic]. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 484).

 

-

Estre assené d'une certaine manière. "Avoir telle disposition de caractère" : Dist le duc de Berri : "Ce seroit un beau jeu, Car je sui assenné, si con saint Thomas fu : Ce le chose ne voy, je ne l'ay pas creü." (CUVELIER, Chans. Guescl. F., c.1380-1385, 422).

C. -

Empl. subst. La mal assenee. "Femme mal mariée, femme qui a peu de satisfaction sexuelle avec son mari" : Je dors tousjours sur mon coissin, Et ne foys chose qui agree Gueres a ma malassenee [l. mal assenee], Dont me fait les groings au matin (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 436). MUNYER. Femme ne sçay de mere née, Qui soit plus aise que vous estes ! FEMME. Je suis bien la malle assenée, Car nuyt ne jour rien ne me faictes. (LA VIGNE, Munyer T., 1496, 197).

REM. Les représentants de sinno- et de assignare (v. assigner) se partagent les mêmes sens par contamination réciproque.
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Pierre Cromer

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